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Date : 20090216

Dossier : T‑199‑08

Référence : 2009 CF 164

Ottawa (Ontario), le 16 février 2009

En présence de monsieur le juge Phelan

 

 

ENTRE :

LE CONSEIL NATIONAL DE RECHERCHES DU CANADA

demandeur

et

 

MING ZHOU

défendeur

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

I.          INTRODUCTION

[1]               Un employeur conteste par la présente demande de contrôle judiciaire la décision de la Commission canadienne des droits de la personne (la CCDP) de déférer au Tribunal canadien des droits de la personne (le Tribunal) une plainte de discrimination portée contre lui par un employé. Les questions en litige en l’espèce concernent 1) l’absence de motifs énoncés par la CCDP, et 2) la preuve insuffisante présentée contre l’employeur demandeur pour justifier que la plainte soit déférée au Tribunal.

 

II.         CONTEXTE

[2]               Il faut remonter quelque peu dans le temps pour éclairer la présente affaire. En 1992, le Tribunal a conclu que le Conseil national de recherches du Canada (le CNRC) avait fait preuve de discrimination à l’égard d’un certain Dr Grover. Par suite, le Dr Grover a été promu au poste de directeur, Normes de radioprotection et Optique, au sein du CNRC. Or, c’est la conduite de ce même Dr Grover dans ses nouvelles fonctions qui est au cœur de la plainte de discrimination du défendeur.

 

[3]               Quatre groupes ont été placés sous la responsabilité du Dr Grover, dont deux pour lesquels il était aussi directement responsable de l’embauche. Le Dr Zhou était membre d’un de ces deux groupes, celui des systèmes photoniques; un certain Dr Boiko était membre de l’autre groupe, celui de l’optique.

 

[4]               À la fin de 2004 et pendant la période qui a immédiatement suivi, le Dr Zhou a déposé deux plaintes distinctes mais connexes, l’une contre le CNRC et l’autre contre le Dr Grover, en faisant valoir dans les deux cas le harcèlement fondé sur la race et l’origine nationale ou ethnique (chinoise). Un peu plus tôt en 2004, soit en août, c’est le Dr Boiko du groupe de l’optique qui avait déposé auprès de la CCDP, contre le CNRC, une plainte de harcèlement professionnel et de discrimination fondés sur la race (blanche) et l’origine nationale ou ethnique (russe/slave).

 

[5]               Les plaintes du Dr Zhou visaient personnellement le Dr Grover ainsi que le CNRC, dans les deux cas au motif que le Dr Grover l’avait harcelé personnellement, et n’avait embauché au sein de son groupe que des personnes d’origine chinoise parce que, estimait‑il, elles toléreraient ses abus. Ces plaintes ont été étudiées simultanément.

 

[6]               La CCDP a rendu deux décisions le 21 décembre 2007. Premièrement, elle a rejeté la plainte du Dr Boiko puisque la preuve n’étayait pas les allégations portées. Deuxièmement, elle a décidé de déférer au Tribunal la plainte du Dr Zhou à l’encontre du CNRC et du Dr Grover (si les parties ne pouvaient en arriver à un règlement dans les 90 jours suivant la réception de la lettre de décision).

 

[7]               La décision de déférer les plaintes au Tribunal se fonde sur l’article 44 de la Loi canadienne sur les droits de la personne, L.R.C. 1985, ch. H‑6 (la Loi).

44. (1) L’enquêteur présente son rapport à la Commission le plus tôt possible après la fin de l’enquête.

 

44. (1) An investigator shall, as soon as possible after the conclusion of an investigation, submit to the Commission a report of the findings of the investigation.

 

(2) La Commission renvoie le plaignant à l’autorité compétente dans les cas où, sur réception du rapport, elle est convaincue, selon le cas :

 

(2) If, on receipt of a report referred to in subsection (1), the Commission is satisfied

 

a) que le plaignant devrait épuiser les recours internes ou les procédures d’appel ou de règlement des griefs qui lui sont normalement ouverts;

 

(a) that the complainant ought to exhaust grievance or review procedures otherwise reasonably available, or

 

b) que la plainte pourrait avantageusement être instruite, dans un premier temps ou à toutes les étapes, selon des procédures prévues par une autre loi fédérale.

 

(b) that the complaint could more appropriately be dealt with, initially or completely, by means of a procedure provided for under an Act of Parliament other than this Act,

 

it shall refer the complainant to the appropriate authority.

 

(3) Sur réception du rapport d’enquête prévu au paragraphe (1), la Commission :

 

(3) On receipt of a report referred to in subsection (1), the Commission

 

a) peut demander au président du Tribunal de désigner, en application de l’article 49, un membre pour instruire la plainte visée par le rapport, si elle est convaincue :

 

(a) may request the Chairperson of the Tribunal to institute an inquiry under section 49 into the complaint to which the report relates if the Commission is satisfied

 

(i) d’une part, que, compte tenu des circonstances relatives à la plainte, l’examen de celle‑ci est justifié,

 

(i) that, having regard to all the circumstances of the complaint, an inquiry into the complaint is warranted, and

 

(ii) d’autre part, qu’il n’y a pas lieu de renvoyer la plainte en application du paragraphe (2) ni de la rejeter aux termes des alinéas 41c) à e);

 

(ii) that the complaint to which the report relates should not be referred pursuant to subsection (2) or dismissed on any ground mentioned in paragraphs 41(c) to (e); or

 

b) rejette la plainte, si elle est convaincue :

 

(b) shall dismiss the complaint to which the report relates if it is satisfied

 

(i) soit que, compte tenu des circonstances relatives à la plainte, l’examen de celle‑ci n’est pas justifié,

 

(i) that, having regard to all the circumstances of the complaint, an inquiry into the complaint is not warranted, or

 

(ii) soit que la plainte doit être rejetée pour l’un des motifs énoncés aux alinéas 41c) à e).

 

 

(ii) that the complaint should be dismissed on any ground mentioned in paragraphs 41(c) to (e).

 

[Non souligné dans l’original.]

 

[8]               La lettre de décision du 21 décembre 2007 est brève et on n’y trouve pas de motifs détaillés. Le rapport de l’enquêteur, servant de fondement à la décision, est pour sa part long et détaillé.

 

[9]               Les éléments qui vont suivre ressortent du rapport de l’enquêteur.

a.         La preuve a été difficile à obtenir en raison de la peur de représailles des témoins, ainsi que de l’absence du Dr Grover et de son refus de communiquer certains renseignements à l’enquêteur.

b.         La plainte du Dr Zhou concernait le fait que le Dr Grover l’avait humilié publiquement, avait critiqué son travail, avait tenté d’empêcher ses communications à l’extérieur du groupe et avait refusé de lui accorder le statut supérieur et promis d’employé « pour une période indéterminée » (essentiellement un poste permanent).

c.         Mis à part les mauvaises manières et l’éventuel comportement abusif du Dr Grover, l’enquêteur a conclu qu’il y avait des raisons de se plaindre du fait que le Dr Grover avait expressément visé à embaucher des personnes d’origine chinoise parce qu’en raison d’un trait culturel présumé, elles seraient plus faciles à dominer. Le personnel du CNRC avait relevé l’anomalie statistique que constituait la composition toute chinoise du groupe des systèmes photoniques.

d.         L’enquêteur a signalé comme question à trancher celle de savoir si le CNRC avait pris les mesures nécessaires pour contrer le harcèlement et sa récidive.

e.         L’enquêteur a conclu que le CNRC disposait d’une politique relative au harcèlement en milieu de travail mais que comme aucune mesure corrective n’avait été prise en l’occurrence, cette politique n’était pas pleinement mise en application.

f.          Cela étant, l’enquêteur a recommandé que l’affaire soit déférée au Tribunal.

 

[10]           On l’a dit, le demandeur soutient que la CCDP 1) a commis une erreur en n’étayant pas sa décision de motifs appropriés, et 2) a commis une erreur en déférant au Tribunal la plainte portée contre le CNRC, malgré l’absence de preuve de discrimination de la part de celui‑ci.

 

III.       ANALYSE

A.        Norme de contrôle

[11]           Le demandeur semble soutenir dans son mémoire que la norme de contrôle applicable devrait être « la décision correcte » parce que l’absence de motifs constitue une question d’équité procédurale et que la CCDP est privée du bénéfice de toute retenue judiciaire du fait que la décision de déférer n’est « pas étayée par les éléments de preuve ».

 

[12]           Le demandeur a clarifié sa position lors de la plaidoirie et soutenu qu’en ce qui concernait l’équité procédurale, la norme de contrôle était la décision correcte, mais que pour ce qui était de la preuve justifiant ou non de déférer l’affaire, il s’agissait là d’une question mixte de fait et de droit assujettie à la norme de la raisonnabilité. Le défendeur est d’accord avec cette analyse.

 

[13]           Je partage le point de vue des parties quant à la norme de contrôle applicable. À cet égard, c’est de manière inexacte et hors contexte qu’on a pu citer la décision Bourgeois c. Banque Canadienne Impériale de Commerce, [2000] A.C.F. no 388 (C.F. 1re inst.) (QL), pour soutenir que la norme de contrôle appropriée était la décision correcte lorsque « la décision [n’est] pas étayée par les éléments de preuve dont dispose la Commission ».

 

[14]           Ces commentaires, le juge MacKay les a en effet formulés dans la décision Bourgeois, précitée, en ayant comme toile de fond les trois normes de contrôle judiciaire. Les commentaires étaient également liés à la question de savoir si la Cour devait faire preuve d’une grande retenue lorsqu’elle avait affaire à des questions de justice naturelle ou à une décision non étayée par la preuve. Le juge MacKay n’a pas statué qu’en cas de décision non étayée par la preuve, la norme de contrôle devait être la décision correcte, ni qu’une telle question était assujettie à la même norme de contrôle que celle s’appliquant aux questions d’équité procédurale et de justice naturelle.

 

[15]           En jurisprudence, la tendance (se reporter à Niaki c. Canada (P.G.), 2006 CF 1104, et à Sketchley c. Canada (P.G.), 2005 CAF 404) est de faire preuve d’une grande retenue relativement à l’appréciation par la CCDP de la preuve et à sa décision de déférer une plainte au Tribunal. Il doit en être ainsi vu le seuil peu élevé à atteindre pour prendre pareille décision, soit « une justification raisonnable pour passer à l’étape suivante », ou des éléments de preuve suffisants pour laisser croire qu’il a pu y avoir discrimination. Si la Commission devait dépasser ce seuil et connaître du fond de la plainte, elle usurperait le rôle du Tribunal.

 

[16]           La nature de l’enquête et celle de la décision de la CCDP de déférer une plainte, et ainsi le degré de retenue judiciaire indiqué, sont clairement énoncés aux paragraphes 35 et 38 de l’arrêt Bell Canada c. Syndicat canadien des communications, de l’énergie et du papier, [1999] 1 C.F. 113 (C.A.F.) :

35    Il est établi en droit que, lorsqu’elle décide de déférer ou non une plainte à un tribunal à des fins d’enquête en vertu des articles 44 et 49 de la Loi canadienne sur les droits de la personne, la Commission exerce des « fonctions d’administration et d’examen préalable » (Cooper c. Canada (Commission des droits de la personne), [1996] 3 R.C.S. 854, à la page 893, le juge La Forest) et ne se prononce pas sur son bien‑fondé (voir Territoires du Nord‑Ouest c. Alliance de la fonction publique du Canada (1997), 208 N.R. 385 (C.A.F.)). Il suffit la Commission soit « convaincue [que] compte tenu des circonstances relatives à la plainte, l’examen de celle‑ci est justifié » (paragraphes 44(3) et 49(1)). Il s’agit d’un seuil peu élevé et les faits de l’espèce font en sorte que la Commission pouvait, à tort ou à raison, en venir à la conclusion qu’il y avait « une justification raisonnable pour passer à l’étape suivante » (Syndicat des employés de production du Québec et de l’Acadie c. Canada (Commission canadienne des droits de la personne), précité, paragraphe 30, à la page 899, juge Sopinka, approuvé par le juge La Forest dans Cooper, précité, à la page 891).

 

[…]

38    La Loi confère à la Commission un degré remarquable de latitude dans l’exécution de sa fonction d’examen préalable au moment de la réception d’un rapport d’enquête. Les paragraphes 40(2) et 40(4), et les articles 41 et 44 regorgent d’expressions comme « à son avis », « devrait », « normalement ouverts », « pourrait avantageusement être instruite », « des circonstances », « estime indiqué dans les circonstances », qui ne laissent aucun doute quant à l’intention du législateur. Les motifs de renvoi à une autre autorité (paragraphe 44(2)), de renvoi au président du Comité du tribunal des droits de la personne (alinéa 44(3)a)) ou, carrément, de rejet (alinéa 44(3)b)) comportent, à divers degrés, des questions de fait, de droit et d’opinion (voir Latif c. La Commission canadienne des droits de la personne, [1980] 1 C.F. 687 (C.A.), à la page 698, le juge Le Dain), mais on peut dire sans risque de se tromper qu’en règle générale, le législateur ne voulait pas que les cours interviennent à la légère dans les décisions prises par la Commission à cette étape.

 

B.         Équité procédurale

[17]           Le demandeur conteste la lettre de décision pro forma au motif qu’on n’y a pas traité des questions soulevées dans sa réfutation du rapport de l’enquêteur. La CCDP, selon le demandeur, n’a pas motivé le rejet de ses prétentions.

 

[18]           Le demandeur a eu deux occasions en bonne et due forme de présenter des observations relativement au rapport de l’enquêteur. Le 22 octobre 2007, le CNRC a déposé une réponse à ce rapport. Le 14 novembre 2007, on lui a accordé une nouvelle occasion d’y répondre. La réponse additionnelle présentée portait principalement sur l’effet du rejet de la plainte du Dr Boiko. Outre ces observations, le demandeur en a présenté d’autres donnant suite à la réponse du Dr Zhou au rapport.

 

[19]           Bien qu’on ait statué dans l’arrêt Baker c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1999] 2 R.C.S. 817, que toute partie a droit à ce que le décideur motive sa décision, on y a également statué que la question de savoir si des motifs étaient appropriés reposait sur l’appréciation du contexte. Dans l’arrêt Baker, précité, on avait affaire à une décision finale ayant une incidence sur le bien‑être et l’avenir d’une personne. Tout ce qu’on peut dire, en l’espèce, c’est que le CNRC est simplement tenu de passer à une étape nouvelle d’audition sur le fond. Il n’y a donc guère d’analogie entre les conséquences et le caractère définitif de la décision en cause dans la présente affaire et dans l’arrêt Baker.

 

[20]           Dans la décision Moore c. Canada (Procureur général), 2005 CF 13, j’ai jugé qu’il y avait eu manquement à la justice naturelle parce qu’on n’avait pas donné à M. Moore l’occasion de réagir à des faits nouveaux et des questions nouvelles soulevés par l’autre partie. Cette décision ne peut toutefois être d’aucune aide au demandeur, ce dernier ayant eu l’occasion de réagir à un fait nouveau survenu, soit le rejet de la plainte du Dr Boiko. Le demandeur a exercé son droit dans ses observations supplémentaires.

 

[21]           La décision Egan c. Canada (Procureur général), 2008 CF 649, ne peut non plus être d’aucune aide au demandeur. Dans la décision Egan, en effet, le problème venait de l’omission de la Commission, non pas de formuler des motifs, mais bien plutôt de mener une enquête appropriée.

 

[22]           Prétendre, comme le demandeur, avoir droit à des motifs détaillés traitant de sa réfutation revient à exiger que la Commission se prononce sur le bien‑fondé de ses prétentions – un rôle qu’il est plus approprié pour le Tribunal d’exercer.

 

[23]           Compte tenu du critère applicable à la décision de la CCDP de déférer la plainte – que ce critère exige une justification raisonnable pour y procéder ou des éléments de preuve suffisants pour laisser croire qu’il a pu y avoir discrimination –, le demandeur disposait dans le rapport de bien suffisamment d’explications quant au fondement de la décision de la CCDP de déférer la plainte. Cette décision, lorsqu’on l’interprète en tenant compte du rapport, satisfaisait en l’espèce à l’obligation de donner des motifs.

 

C.        Absence de preuve

[24]           L’argument du demandeur, pour l’essentiel, c’est qu’il n’y avait aucune preuve quant à un comportement du CNRC, ou quant à une politique ou une autre question quelconque, justifiant de déférer la plainte au Tribunal. Le demandeur soutient qu’il a pris toutes les mesures correctives à sa disposition, qu’il ne pouvait donner au Dr Zhou ce qu’il souhaitait – un poste permanent – et que, la plainte du Dr Boiko ayant été rejetée, il était déraisonnable de faire passer à l’étape suivante la plainte du défendeur.

 

[25]           L’argument fondamental du CNRC c’est qu’il peut opposer une solide défense aux allégations portées, concernant notamment la responsabilité de l’employeur aux termes de l’article 65 de la Loi, mais qu’il n’a pas eu la possibilité de la faire valoir. Admettre l’argument du demandeur revient encore une fois à accepter de se prononcer sur le bien‑fondé des moyens de défense – une fonction que ne doit exercer ni la CCDP, ni la Cour au stade actuel. Il se peut que le demandeur dispose d’excellents moyens de défense, mais c’est au Tribunal qu’il reviendra d’en décider.

 

[26]           La CCDP a conclu que le CNRC était au fait de l’embauche par le Dr Grover de personnes d’origine ethnique chinoise pour combler les postes au sein du groupe des systèmes photoniques, ainsi que de l’anomalie statistique qui en résultait. Le Dr D’Irio, témoin du demandeur devenu directeur général de l’unité, [traduction] « s’interrogeait sur le caractère approprié » de cette pratique d’embauche. Tous ces faits permettent valablement de mettre en question la connaissance, le comportement et les politiques pertinentes du CNRC.

 

[27]           Le demandeur soutient qu’il ne savait pas pour quels motifs le Dr Grover embauchait des scientifiques d’origine chinoise. Compte tenu toutefois de l’anomalie statistique relevée par les employés mêmes du CNRC, la question de la connaissance (réelle ou par interprétation) peut manifestement fonder la décision de déférer.

 

[28]           Le demandeur nie n’avoir pris aucune mesure corrective et il souligne avoir indiqué qu’il prendrait les mesures requises lors du retour du Dr Grover. Il demande pour la forme quelle autre mesure il pourrait bien prendre. Les mesures correctives auxquelles le demandeur fait allusion sont toutefois des mesures à l’encontre du Dr Grover; il n’est aucunement question de mesures prises en faveur de son employé. Étant donné l’objet des dispositions réparatrices de la Loi et l’obligation incombant à l’employeur de prendre en compte la situation de la « victime » (se reporter à Robichaud c. Canada (Conseil du Trésor), [1987] 2 R.C.S. 84), il y a là également matière à fonder la décision de déférer.

 

[29]           Le fait que le plaignant sollicite une mesure corrective au delà de celles prévues par la Loi n’a pas d’effet déterminant sur l’obligation de l’employeur de prendre les mesures de réparation pouvant s’avérer requises. Même si le CNRC ne pouvait ou ne voulait pas accorder au Dr Zhou un poste pour une durée indéterminée, il serait loisible au Tribunal de mettre au point à cet égard une réparation quelconque. Pareille tâche, toutefois, ne relève pas de la CCDP. Cela, une fois encore, peut fonder la décision de déférer.

 

[30]           Le rejet de la plainte du Dr Boiko ne constitue pas nécessairement un motif de ne pas déférer au Tribunal l’affaire du Dr Zhou. Bien qu’un tel rejet puisse soulever certaines questions, sans évaluer cette décision (la Cour n’étant pas saisie de cette question), tout ce qu’on peut en conclure c’est que dans une affaire le harcèlement et la discrimination allégués pourraient être liés à des droits de la personne, tandis que dans l’autre affaire un tel lien n’existait pas.

 

[31]           Il est aussi concevable que le rejet de la plainte du Dr Boiko n’ait pas été justifié. La plainte du Dr Zhou doit avoir un fondement propre et être examinée en elle‑même; elle ne doit pas être jumelée à la plainte de qui que ce soit d’autre.

 

[32]           Il y avait des raisons plus que suffisantes permettant à la CCDP de conclure de manière raisonnable qu’il était fondé de déférer la plainte. Parmi ces raisons, il y avait le motif de l’embauche exclusive de personnes d’origine chinoise, la connaissance et les actions du demandeur ou l’absence d’une telle connaissance ou de telles actions ainsi que la responsabilité attribuée par l’article 65 de la Loi à l’employeur.

 

IV.       CONCLUSION

[33]           La présente demande de contrôle judiciaire sera par conséquent rejetée, avec dépens.

 


 

JUGEMENT

LA COUR ORDONNE que la présente demande de contrôle judiciaire soit rejetée, avec dépens.

 

 

 

« Michael L. Phelan »

Juge

 

Traduction certifiée conforme

Julie Boulanger, LL.M.

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        T‑199‑08

 

INTITULÉ :                                       LE CONSEIL NATIONAL DE RECHERCHES

                                                            DU CANADA

 

                                                            et

 

                                                            MING ZHOU

 

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Ottawa (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 2 février 2009

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                              Le juge Phelan

 

DATE DES MOTIFS

ET DU JUGEMENT :                       Le 16 février 2009

 

 

COMPARUTIONS :

 

Laura Stewart

 

POUR LE DEMANDEUR

Isabelle Roy

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Gowling Lafleur Henderson, S.E.N.C.R.L.

Avocats

Ottawa (Ontario)

 

POUR LE DEMANDEUR

Institut professionnel de la fonction publique du Canada

Ottawa (Ontario)

POUR LE DÉFENDEUR

 

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