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Date :  20090223

Dossier :  IMM-2750-08

Référence :  2009 CF 186

Ottawa (Ontario), le 23 février 2009

En présence de Monsieur le juge Shore 

 

ENTRE :

SERGE CEDRICK BENGABO

demandeur

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION

défenderesse

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

1.  Au préalable

[1]               Suite à un témoignage du demandeur considéré comme non crédible aux instances antérieurs, il n’est pas permis, en l’absence de preuve valable, que ce soit au stade de l’autorisation, après ou dans le cadre d’une demande de contrôle judiciaire, de déposer des nouveaux éléments de preuve. Ce principe fondamental en droit administratif a été réitéré à plusieurs reprises par cette Cour et s’applique en l’espèce (Asofov c. M.C.I., IMM-7425-93, (le 18 mai 1994) (C.F.); Walker c. Randall (1999), 173 F.T.R. 161 (C.F.); Franz c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration) (1994), 80 F.T.R. 79, 90 A.C.W.S. (3d) 821 (C.F.); César c. M.E.I., A-42-93, (le 8 octobre 1993) (C.F.); F.M.R.F. c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), (1992), 56 F.T.R. 270, 35 A.C.W.S. (3d) 594 (C.F.); Quintero c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) (1995), 90 F.T.R. 251, 53 A.C.W.S. (3d) 379 (C.F.); Quito v. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration) (1990), 32 F.T.R. 222, 19 A.C.W.S. (3d) 908 (C.F.)).

 

II.  Procédure judiciaire

[2]               Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire à l’encontre d’une décision de l'agent de l'Examen des risques avant renvoi (ERAR), rendue le 30 avril 2008, rejetant la demande déposée par le demandeur, monsieur Serge Cedrick Bengabo.

 

III.  Faits

 

[3]               Monsieur Bengabo, citoyen de la République centrafricaine (RCA), est né le 28 septembre 1983.

 

[4]               Il allègue qu’en 2001 son père, diplomate et politicien, a été assassiné et il ne sait pas où était sa mère. En novembre 2002, il a quitté la RCA pour se rendre en France où il a demandé l'asile. Débouté de sa demande, en mai 2005, il est retourné volontairement dans son pays d’origine. Après son arrivée en RCA en juin 2005, il prétend qu’il a appris que sa mère était au nord du pays, dans la ville de Paoua, et qu’il y est allé dans le but de la rechercher. En voyageant vers le village où il croyait que sa mère habitait, il a été arrêté par les rebelles. Il explique qu’il aurait été détenu par les rebelles pendant deux jours et a profité d’une attaque sur la base des rebelles pour s’enfuir dans la brousse. Selon lui, quand il est retourné à Paoua, il aurait été détenu pendant une journée par les forces de sécurité gouvernementale qui ont cru à tort qu'il était un rebelle. Il dit qu'il s'est évadé pour venir au Canada pour demander l'asile. Dans son pays, il allègue qu'il a été condamné à 2 ans d'emprisonnement ferme pour le délit d'évasion, et à 10 ans de travaux forcés pour le crime d'association avec des malfaiteurs du complot.

 

[5]               Monsieur Bengabo est arrivé au Canada, le 28 août 2005, après un transit de quelques jours au Tchad et en France. Il a sollicité l'asile le 7 septembre 2005. Monsieur Bengabo allègue craindre l'emprisonnement à son retour en RCA par les forces de sécurité gouvernementale. Le 6 avril 2006, la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (CISR) a rejeté sa demande d’asile. La CISR a conclu que l'histoire de monsieur Bengabo n'était pas crédible et qu’il a fabriqué son histoire afin de justifier une demande d’asile. Cette Cour a rejeté sa demande d’autorisation et de contrôle judiciaire au stade de l'autorisation, le 17 août 2006.

 

IV.  Décision contestée

[6]               Le 14 mars 2008, monsieur Bengabo a présenté sa demande d’ERAR ainsi que deux documents portant sur son arrestation et sur son évasion. Par une décision de l’agent d’ERAR, rendue le 30 avril 2008, la demande d’ERAR a été rejetée pour trois motifs.

 

[7]               L’agent a conclu que monsieur Bengabo n'a pas fourni de nouvelle preuve « ayant valeur probante qui m'amènerait à tirer des conclusions de fait différentes de celles tirées par la SPR » (Décision à la p. 6). Dans sa décision, l'agent a examiné l'avis d'évasion et de recherche du ministère de la Justice, daté du 30 janvier 2006, et l'extrait d'arrêt pour le Trésor public, daté 28 septembre 2006. L'agent a conclu que les copies transmises étaient dans un mauvais état et les signatures légales et le sceau étaient illisibles. L'agent a commenté que monsieur Bengabo n'a pas précisé comment il a obtenu ces documents, qu’il lui a fait parvenir, et si les originaux étaient en effet dans la possession de monsieur Bengabo. Également, monsieur Bengabo n’a pas expliqué pourquoi il n'a pas soumis l'Avis d'évasion à la CISR même si l’Avis d’évasion a été émis avant la décision de la CISR. De plus, l’agent a noté que l’Avis d’évasion a été émis quelque 7 mois après l'évasion du monsieur Bengabo.

 

[8]               À ce titre, l’agent a conclu que monsieur Bengabo n'a pas fourni des documents probants qui démontreraient qu'il pourrait être à risque, présentement ou advenant un retour dans son pays d'origine.

 

[9]               Monsieur Bengabo n'a pas démontré à l'agent qu'il a été détenu par les rebelles ou les forces de sécurité gouvernementale, ni même qu'il puisse être emprisonné à son retour. Dans ses motifs, l’agent a cité les conclusions de la CISR quant à la crédibilité de monsieur Bengabo :

Le demandeur n’était pas crédible et son témoignage n’était pas digne de foi en regard des éléments essentiels de sa demande d’asile, puisque son témoignage était contradictoire et invraisemblable.

 

[…]

 

Le tribunal rejette le témoignage du demandeur comme étant non crédible, puisqu’il change sa version des faits au gré des questions qui lui sont posées, sans expliquer les raisons malgré les opportunités offertes par le tribunal.

 

[…]

 

Le tribunal rejette le témoignage du demandeur comme étant dénué de toute crédibilité puisque son témoignage de vive voix contredit son témoignage écrit, ce que le demandeur est dans l’impossibilité d’expliquer sauf en changeant son témoignage oral pour se conformer à son récit. Les incompatibilités dans le témoignage du demandeur font une entorse majeure à sa crédibilité et amènent le tribunal à conclure que le demandeur n’est jamais allé dans la région de Paoua.

 

[…]

 

À la lumière de la preuve documentaire, le tribunal estime qu’il est déraisonnable de croire que le demandeur ait pu bénéficier d’un tel traitement de faveur dans un centre de détention que le demandeur n’a pu identifier, alors qu’on l’a prétendument accusé d’être un rebelle. Cette incohérence devient une invraisemblance lorsque le demandeur allègue que le militaire lui a désigné les hautes herbes afin qu’il aille se soulager et ainsi libéré de tous liens, qu’il ait eu le loisir de s’enfuir. Le tribunal ne croit pas que le demandeur a été détenu par les militaires de son gouvernement. Le tribunal croit plutôt qu’il est en présence d’une histoire inventée, afin de justifier une demande d’asile.

 

(Décision à la p. 5).

 

[10]           Finalement, l'agent a rejeté la prétention que la crise politique et militaire qui prévaut actuellement dans le RCA est suffisante afin de démontrer le risque que monsieur Bengabo encourrait s’il était retourné. L'ensemble de la preuve documentaire a démontré que la RCA est un pays où il y a de sérieux problèmes de droits humains, que les autorités ont fait des arrestations et détentions arbitraires de façon significative, que le gouvernement limite la liberté de mouvement, et que les conditions de détention sont difficiles. Néanmoins, l’agent a conclu que la situation engendrée par l'insécurité et les conflits s'applique à l'ensemble de la population vivant en RCA et que monsieur Bengabo n'a pas établi de lien entre la violence des autorités et sa situation particulière.

 

[11]           Enfin, le 10 juillet 2008, le juge Michel Beaudry de cette Cour a accordé la requête en sursis de l’exécution de la mesure de renvoi contre monsieur Bengabo. La décision de la Cour se fonde essentiellement sur le dépôt de la nouvelle preuve soumise par monsieur Bengabo concernant l’allégation de sa condamnation.

V.  Question en litige

[12]           Est-ce que la décision de l’agent d’accorder aucune valeur probante aux deux documents soumis par monsieur Bengabo est raisonnable ?

 

VI.  Analyse

            Norme de contrôle

[13]           Avant la décision Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 R.C.S. 190, les questions purement factuelles décidées par l'agent d’ERAR pour parvenir à la décision attaquée sont évaluées selon la norme de la décision manifestement déraisonnable (Mugesera c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2005 CSC 40, [2005] 2 R.C.S. 100 au par. 38).

 

[14]           D'autre part, l'agent d’ERAR, appelé à vérifier si les documents soumis satisfont aux exigences de l'alinéa 113a) de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, c. 27 (LIPR), se penche sur une question mixte de fait et de droit assujettie à la norme de contrôle de la décision raisonnable simpliciter. Cette norme s'applique aussi à la décision ultime concernant l'ERAR globalement (Elezi c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2007 CF 240, 62 Imm. L.R. (3d) 66 aux par. 21-22).

 

[15]           En l’espèce, il s’agit d’une question mixte de fait et de droit. À la lumière de l’arrêt de la Cour suprême du Canada dans Dunsmuir, ci-dessus, la question que doit maintenant poser cette Cour est celle de savoir si la décision est raisonnable ou non. Dans l’affirmative, cette Cour devrait refuser d’intervenir et devrait rejeter la demande. Selon la Cour suprême du Canada, les éléments à considérer se résument à la justification de la décision, sa transparence et son intelligibilité. Il faut que les solutions retenues puissent se justifier eu égard aux faits et au droit (Dunsmuir au par. 47).

 

Les documents présentés

[16]           L’agent a examiné les copies de l'Avis d'évasion et l'Extrait d'arrêt. Les copies transmises à l’agent étaient « de piètres qualités » :

Dans l'un, les sceaux sont illisibles et l'autre ne comporte pas de sceau ou ceux-ci ne sont pas visibles.

 

(Décision à la p. 4).

 

[17]           De plus, l'Avis d'évasion aurait pu être soumis devant la CISR. L’agent a noté que monsieur Bengabo n'a pas expliqué ce manquement dans ses soumissions :

Je remarque que le demandeur ne précise pas comment il a obtenu ces documents, qui lui a fait parvenir, s'il a les originaux en sa possession ou pourquoi il n'a pas soumit l'un d'entre eux à la CISR.

 

Je note que l'avis d'évasion et de recherche est émis quelques 7 mois après l'évasion du demandeur.

 

(Décision à la p. 4).

 

[18]           Monsieur Bengabo prétend que le fait que les sceaux soient illisibles et les photocopies de documents soient de mauvaise qualité ne sont pas des motifs suffisants, sans plus, pour écarter les documents qui sont nouveaux au sens de l’alinéa 113a) de la LIPR. Selon monsieur Bengabo, l’Extrait d’arrêt aurait qualifié comme une nouvelle preuve parce qu’il a été émis après la décision de la CISR.    

 

[19]           Monsieur Bengabo a présenté deux arrêts pour considération. Il a cité Aung c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2006 CF 82, 145 A.C.W.S. (3d) 896, pour le principe que face au document qui a l’apparence d’avoir été émis par un tribunal, un agent n’a pas la compétence pour juger si le document est authentique ou non. L’autre arrêt cité est Masongo c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2008 CF 39, [2008] A.C.F. no 44 (QL), ou la Cour a déclaré qu'un document censé avoir été délivré par une autorité étrangère est présumé valide à moins d'une preuve contraire (au par. 12). La Cour a mis l’obligation sur l’agent d’ERAR de faire des enquêtes quant à l’authenticité des documents : « Il y aurait eu lieu de vérifier l'authenticité de la lettre de la police. […]  Les agents d'ERAR disposent de moyens qui devraient parfois être utilisés […] » (Masongo au par. 15).

 

[20]           Au contraire des prétentions de monsieur Bengabo, la question essentielle n’est pas si les documents sont authentiques ou non. La question est si les documents sont nouveaux au sens de l'alinéa 113a) de la LIPR afin qu’ils puissent être présentés pour considération par l’agent.

 

[21]           Rappelons le texte de l'alinéa 113a), qui se lit comme suit :

113.      Il est disposé de la demande comme il suit :

 

 

a) le demandeur d’asile débouté ne peut présenter que des éléments de preuve survenus depuis le rejet ou qui n’étaient alors pas normalement accessibles ou, s’ils l’étaient, qu’il n’était pas raisonnable, dans les circonstances, de s’attendre à ce qu’il les ait présentés au moment du rejet;

113.      Consideration of an application for protection shall be as follows:

 

(a) an applicant whose claim to refugee protection has been rejected may present only new evidence that arose after the rejection or was not reasonably available, or that the applicant could not reasonably have been expected in the circumstances to have presented, at the time of the rejection;

 

[22]           Quant à l’Avis d’évasion, il était raisonnable pour l’agent de ne lui donner aucune valeur probante. Dans l’arrêt Elezi, ci-dessus, le juge Yves de Montigny a énoncé que les éléments de preuve qui existaient avant une décision négative de la CISR requièrent une explication avant de pouvoir être admis dans une demande d'ERAR :

[26]      Je suis disposé à admettre que l’alinéa 113a) mentionne trois possibilités distinctes et que ces trois volets doivent être lus en tant que propositions disjonctives. Si l’emploi de la conjonction « ou » doit avoir un sens, alors les trois volets de l’alinéa 113a) doivent manifestement être considérés comme trois éventualités distinctes. Le premier volet concerne les éléments de preuve qui sont postérieures à la décision de la Commission, mais les deuxième et troisième volets concernent de toute évidence les éléments de preuve qui sont antérieures à sa décision. Seules les éléments de preuve qui existaient avant la décision défavorable de la Commission requièrent une explication avant de pouvoir être admises dans une demande d’ERAR. Quant aux éléments de preuve dont l’existence est postérieure à la décision de la Commission, elles ne requièrent aucune explication. Le simple fait qu’elles n’existaient pas à l’époque où la décision a été rendue suffit à établir qu’elles n’auraient pas pu être présentées plus tôt à la Commission.

 

[23]           L’agent a identifié « l'un d'entre [les deux documents soumis] » comme portant une date antérieure de la décision de la CISR (Décision à la p. 4). Si monsieur Bengabo estime que l’Avis d’évasion satisfit à la deuxième ou troisième catégorie d'éléments de preuve visés à l'alinéa 113a) de la LIPR, il lui appartient de fournir les explications. Il appartient à l’agent d'apprécier les explications à la lumière des circonstances du dossier. En l’espèce, il n’a aucune explication offerte par monsieur Bengabo. Il était donc loisible à l’agent de conclure que monsieur Bengabo n’a pas rempli son fardeau d’expliquer pourquoi l’Avis d’évasion n’était pas soumis à la CISR.

 

[24]           Quant à l’Extrait d’évasion, le seul fait qu’un document ait une date postérieure à la décision de la CISR ne le qualifie pas comme nouveau au sens de l’alinéa 113a) de la LIPR :

[27]      Cela dit, un élément de preuve n’entrera pas dans la première catégorie, ni ne sera qualifiée de « nouveau » du seul fait qu’elle porte une date postérieure à la décision de la Commission. Si tel était le cas, une demande d’ERAR pourrait facilement être transformée en un appel à l’encontre de la décision de la Commission. Un demandeur d’asile débouté pourrait aisément réunir des preuves documentaires et des affidavits « nouveaux » de nature à réfuter les conclusions de la Commission et à faire prévaloir son récit. C’est précisément la raison pour laquelle la jurisprudence insiste pour que les nouveaux éléments de preuve se rapportent à des faits nouveaux, concernant soit la situation ayant cours dans le pays, soit la situation personnelle du demandeur, au lieu de mettre l’accent sur la date à laquelle les éléments de preuve sont apparus [...]

 

(Elezi, ci-dessus).

 

[25]           Dans Raza c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2006 CF 1385, 304

F.T.R. 46 (conf. par Raza v. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2007 CAF 385, 162 A.C.W.S. (3d) 1013, le juge Richard Mosley a rejeté la demande de contrôle judiciaire, car les nouvelles preuves présentées à l’agent n’étaient pas différentes de l'information qui avait été présentée à la CISR :

[22]      Il faut se rappeler que le rôle de l’agent d’ERAR n’est pas de revoir les conclusions de fait et les conclusions relatives à la crédibilité qui ont été tirées par la Commission, mais bien d’examiner la situation actuelle. Lorsqu’il évalue les « nouvelles informations », ce n’est pas seulement la date du document qui est importante, mais également la question de savoir si l’information est importante ou sensiblement différente de celle produite précédemment : Selliah, précitée, au paragraphe 38. Lorsque des renseignements [traduction] « récents » (c.‑à‑d. des renseignements postérieurs à la décision initiale) font simplement écho à des renseignements produits antérieurement, il est peu probable que l’on conclut que la situation dans le pays a changé. La question est de savoir s’il y a de nouveaux renseignements « essentiels » [...]

 

[23]      En l’espèce, même si la preuve des demandeurs a été créée après la décision relative à la demande d’asile, il n’y a rien dans la lettre, dans les affidavits ou dans les articles qui est sensiblement différent de l’information qui avait été présentée à la Commission. Comme l’agent l’a affirmé, la lettre et les affidavits [traduction] « parlent seulement des aspects de la situation des demandeurs que la Commission a pris en considération », [traduction] « ne font état d’aucun nouveau risque » et constituent [traduction] « essentiellement une répétition des renseignements présentés à la Commission » [...]

 

[26]           En l’espèce, il ne suffit pas que la nouvelle preuve confirme les faits invoqués par monsieur Bengabo devant la CISR. L’Extrait d’arrêt soutient les allégations de monsieur Bengabo qu’il a été condamné d’emprisonnement ferme et de travaux forcés. Toutefois, la CISR a complètement rejeté son histoire comme non crédible, incluant les raisons données pour sa condamnation allégée. L’agent n'avait pas à tenir compte d'éléments qui ne comportaient pas de développements nouveaux. La demande d’ERAR n'est pas et ne doit pas devenir un appel de la décision de la CISR. Monsieur Bengabo a déjà contesté la décision de la CISR devant la Cour fédérale et sa demande a été rejetée au stade de demande d’autorisation.

 

[27]           Dans l’alternative, il était loisible à l’agent de donner aucune valeur probante aux deux documents sans faire de vérifications quant à l’authenticité. Les autres facteurs que l’agent peut considérer quand il décide si un élément de preuve est probant sont la nature des renseignements, leur utilité pour le dossier et enfin la crédibilité de leur source (Elezi, ci-dessus au par. 41). Pour élaborer sur ce dernier point, la jurisprudence indique qu’un décideur peut faire abstraction de documents sans faire de vérifications s'il y a suffisamment d'éléments de preuve permettant de douter de leur authenticité ou si le demandeur n'est pas digne de foi (Allouche c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (2000), 99 A.C.W.S. (3d) 648, [2000] A.C.F. no 339 (QL) (1re inst.) au par. 4; Riveros c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2001 CFPI 1009, 113 A.C.W.S. (3d) 323 aux par. 53-54; Sheikh c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1990] 3 C.FC. 238, 21 A.C.W.S. (3d) 1350 (C.A.)).

 

[28]           En l’espèce, la CISR a décidé que monsieur Bengabo n'était pas crédible quant aux événements sur lesquels les documents sont liés. Sur l’autorité des arrêts Allouche, Riveros et Sheikh, ci-dessus, il était loisible à l’agent de donner aucune valeur probante aux deux documents sans faire de vérifications.

 

La Nouvelle Preuve au Dossier

[29]           Après la décision de l’agent, monsieur Bengabo a soumis des nouveaux documents concernant l'authenticité des documents soumis lors de son ERAR, soit l'affidavit de son oncle, monsieur Vincent Biande Baguiwe. Dans le contexte d’un contrôle judiciaire d’une décision, uniquement la preuve devant le décideur peut être admissible (Elezi, ci-dessus au par. 20). Un demandeur ne peut pas pallier aux lacunes de ses soumissions devant un agent d’ERAR.

 

[30]           Monsieur Biande Baguiwe a fait parvenir par télécopieur les mêmes deux documents soumis par monsieur Bengabo à l’agent. La seule différence était que les documents communiqués par monsieur Biande Baguiwe étaient censément attestés par un avocat en RCA. L’affidavit de monsieur Biande Baguiwe doit être écarté, car il ne faisait pas partie du dossier quand l'agent a rendu sa décision. 

VII.  Conclusion

[31]           Pour toutes ces raisons, la demande de contrôle judiciaire est rejetée.


 

JUGEMENT

LA COUR ORDONNE que

1.         La demande de contrôle judiciaire soit rejetée;

2.         Aucune question grave de portée générale ne soit certifiée.

 

 

« Michel M.J. Shore »

Juge


 

 

 

COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        IMM-2750-08

 

INTITULÉ :                                       SERGE CEDRICK BENGABO

                                                            c. LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

                                                            ET DE L’IMMIGRATION

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Montréal (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               le 18 février 2009

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                              LE JUGE SHORE

 

DATE DES MOTIFS :                      le 23 février 2009

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Me Peter Shams

 

POUR LE DEMANDEUR

Me Claudia Gagnon

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

SAINT-PIERRE, GRENIER AVOCATS INC.

Montréal (Québec)

 

POUR LE DEMANDEUR

JOHN H. SIMS, c.r.

Sous-procureur général du Canada

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 

 

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