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Date : 20090216

Dossier : T-903-08

Référence : 2009 CF 162

Ottawa (Ontario), le 16 février 2009

En présence de monsieur le juge Zinn

 

 

ENTRE :

GREGORY ROBERT SMITH

 

demandeur

et

 

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

défendeur

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

 

[1]               La présente demande de contrôle judiciaire vise une décision rendue le 7 avril 2008 par le surintendant J.R.A.G. Héroux, agissant en qualité d’arbitre au deuxième palier en vertu des dispositions relatives aux griefs de la Loi sur la Gendarmerie royale du Canada, L.R.C. 1985, ch. R-10. La décision rejetait en partie la demande de rémunération du demandeur pour les heures supplémentaires accumulées entre mai 2003 et mars 2005.

 

Contexte

[2]               Le demandeur, Gregory Robert Smith, occupe un poste d’agent de sécurité au travail dans la Division « K » de la Gendarmerie royale du Canada depuis 1995. Il travaille à l’extérieur d’Edmonton où la Division est établie. La fonction principale de M. Smith est de s’assurer que le personnel de la GRC, en poste dans la région géographique qui relève de sa responsabilité, se conforme au Règlement canadien sur la santé et la sécurité au travail, DORS/86-304, adopté en vertu du Code canadien du travail, L.R. 1985, ch. L-2.

 

[3]               Dans son affidavit déposé dans le cadre de la présente instance, M. Smith affirme qu’antérieurement au mois de mai 2003 il n’a jamais demandé à ses superviseurs d’autorisation particulière pour faire des heures supplémentaires. Il dit que, selon ce qu’il comprenait, il avait l’autorisation permanente de faire les heures supplémentaires nécessaires pour accomplir son travail. Toutes les heures supplémentaires qu’il a réclamées antérieurement ont été payées.

 

[4]               En mai 2003, le rapport hiérarchique du demandeur a changé et il a commencé à relever de Paul Braun, directeur des Services aux employeurs, qui était en poste à Winnipeg. Moins de deux ans plus tard, en février 2005, Phil Wall, directeur de la sécurité au travail, est devenu son superviseur intérimaire. M. Wall a été affecté à Regina. La chronologie des faits pertinents se présente comme suit :

·                    Le 14 mars 2004 : M. Smith présente à M. Braun des demandes de rémunération d’heures supplémentaires (le « formulaire 1112 ») pour la période de mai 2003 à mars 2004.

·                    Le 24 mars 2004 : M. Braun envoie un courriel à M. Smith lui demandant si ses réclamations ont été préalablement autorisées par le commandant. Il écrit que le Service des finances n’a pas encore prévu de fonds pour le rémunérer et que la Division « K » est déjà déficitaire.

·                    Le 25 mars 2004 : M. Smith écrit qu’il n’a pas coutume de s’adresser au commandant pour approbation, et qu’il y a des fonds disponibles dans son budget, qui est un budget régional. Il poursuit en écrivant qu’il travaille pendant de longues heures. [traduction] « Comme vous le savez, je travaille autant d’heures que je peux pour essayer de faire face à la surcharge de travail. Jusqu’à présent, j’ai pu prendre seulement 3 jours de congé ce mois-ci. »

·                    Le 26 mars 2004 : M. Braun écrit qu’il [traduction] « reconnaît que M. Smith a la charge de travail la plus importante dans la région », et que le Service des finances « râle » du fait que les demandes n’ont pas été préalablement autorisées, parce que son budget pour les heures supplémentaires est déjà déficitaire. Il affirme qu’on lui a refusé l’accès au budget régional et qu’il a demandé au commandant s’il serait prêt à traiter les demandes en question pour que le Service des finances n’ait pas à le faire.

·                    Le 26 mars 2004 : M. Smith répond [traduction] « faites ce que vous pouvez » et il informe son superviseur qu’il prévoit prendre congé à la fin de mai et début de juin et que cela « n’aura pas la moindre incidence ». Aucune autre communication n’a eu lieu entre les deux hommes jusqu’en août 2004.

·                    Le 8 août 2004 : M. Smith envoie un courriel à M. Braun demandant un état sur la situation, et il écrit : [traduction] « Nous sommes dans une nouvelle année budgétaire et mon budget devrait prévoir des fonds pour les heures supplémentaires ».

·                    Le 13 octobre 2004 : M. Smith envoie un autre courriel à M. Braun demandant s’il y a du nouveau, et il écrit : [traduction] « Je n’ai pas fait de demande d’heures supplémentaires depuis, mais je dois le faire. »

·                    Le 18 octobre 2004 : M. Braun réplique en disant : [traduction] « Oui, allez-y et présentez toutes vos demandes, maintenant que les fonds ont été affectés définitivement. » Par la suite, M. Smith fait d’autres demandes d’heures supplémentaires pour la période s’étendant du 1er mai 2003 au 21 janvier 2004.

·                    Le 21 février 2005 : M. Smith fait des demandes de rémunération pour ses heures supplémentaires accumulées au cours du reste de l’année 2004 à M. Wall, qui était en poste en tant que superviseur intérimaire.

·                    Le 17 mars 2005 : M. Smith envoie un courriel à M. Wall demandant s’il y a des problèmes avec les demandes d’heures supplémentaires et dit espérer ne pas avoir à intenter de recours pour assurer leur traitement.

·                    Le 24 mars 2005 : M. Wall et M. Smith se rencontrent à Edmonton. M. Wall informe M. Smith que ses demandes d’heures supplémentaires seront refusées, que c’était sa décision de faire des heures supplémentaires et qu’il a agi bêtement en travaillant toutes ces heures. M. Smith exige que sa réponse lui soit donnée par écrit.

·                    Le 4 avril 2005 : M. Braun écrit au délégué de M. Smith, lequel est intervenu : [traduction] « Le directeur régional intérimaire de la sécurité au travail n’a pas approuvé les heures supplémentaires pour les motifs qui suivent : 1. Toutes les demandes d’heures supplémentaires doivent être autorisées au préalable (exigence de la Loi sur les finances), ce qui est le cas d’aucune demande présentée par M. Smith. 2. Les demandes n’ont pas été présentées dans l’année budgétaire au cours de laquelle les heures supplémentaires non autorisées ont été faites. Nous n’avons pas la capacité d’effectuer des paiements pour les demandes de l’année budgétaire précédente, même si celles-ci avaient été autorisées. »

·                    Le 8 avril 2005 : M. Wall envoie un courriel à M. Smith l’informant que la décision lui appartient et que [traduction] « le facteur le plus important est le premier point soulevé par M. Braun, ce qui est conforme à la directive de la GRC ».

[5]               M. Smith a déposé un grief contre la décision de refuser de lui payer ses heures supplémentaires. Finalement, le grief a été soumis au bureau d’arbitrage au premier palier en janvier 2007. Le bureau a demandé que M. Smith lui explique pourquoi il n’avait pas cherché préalablement à obtenir des autorisations à l’égard des demandes en cause. M. Smith a répondu qu’auparavant [traduction] « il n’était pas question d’avoir à obtenir une autorisation préalable avant de faire une réclamation d’heures supplémentaires particulière, puisqu’on reconnaissait en général que des heures supplémentaires devaient être faites régulièrement pour assurer les services aux employés dans les Divisions où j’étais en poste », et que compte tenu qu’il devait se rendre sur place en dehors des heures normales de travail, demander à chaque fois l’autorisation de son superviseur, qui travaillait pendant les heures normales, aurait été peu pratique.

 

[6]               Dans une décision rendue le 22 mai 2007, l’arbitre au premier palier a accueilli le grief de M. Smith en partie. Il a conclu que M. Smith avait fait des heures supplémentaires sans autorisation, contrairement à la directive, et que l’autorisation générale sur laquelle il s’était appuyé antérieurement était en soi incompatible avec la directive. Cependant, il a statué que les demandes d’heures supplémentaires liées aux demandes d’indemnité de déplacement qui avaient été acceptées par la GRC devaient être payées, au motif que l’approbation des frais de déplacement concernant les heures supplémentaires indiquait une acceptation ou une connaissance présumée des heures supplémentaires faites par le demandeur. Cela représentait 261,5 des 491,75 heures supplémentaires réclamées. L’arbitre au premier palier a écrit que [traduction] « le défendeur savait, ou aurait dû savoir, que le plaignant faisait les heures supplémentaires réclamées […] ». Il a également souligné que [traduction] « [s]ur le plan organisationnel, il semble y avoir eu un problème dans la gestion du poste occupé par le plaignant et que ce problème a été aggravé par l’omission du plaignant de soulever la question des heures supplémentaires en temps opportun. »

 

[7]               Insatisfait du résultat, le 20 juin 2007, M. Smith a porté la décision de premier palier en appel à l’arbitre au deuxième palier, conformément aux dispositions sur les griefs de la Loi sur la GRC. Dans ses observations présentées à l’arbitre au deuxième palier, M. Smith a joint une déclaration affirmant que l’autorisation générale obtenue au préalable, sur laquelle il s’était appuyé, était compatible avec la directive applicable, selon l’interprétation qu’on lui avait donnée. Il a aussi affirmé qu’il a été avisé de façon informelle par M. Braun, quelque temps après le 18 octobre 2004, que les heures supplémentaires qu’il réclamait seraient payées. La GRC a estimé que les heures supplémentaires en question n’avaient pas été préalablement autorisées, que l’omission de M. Smith d’obtenir une autorisation préalable n’était pas justifiée par des circonstances exceptionnelles et qu’à partir du moment où M. Smith a commencé à relever de M. Braun il était clair qu’il n’y avait pas de fonds disponibles pour le paiement d’heures supplémentaires.  

 

[8]               Dans sa décision de 21 pages, l’arbitre au deuxième palier a cité de longs extraits de la partie du Manuel d’administration intitulée « Solde et indemnités » (la Directive II.4 du MA) concernant le paiement des heures supplémentaires, et il a brièvement cité la partie du Manuel de la procédure salariale portant sur le dépôt et le traitement des demandes du formulaire 1112. Il a également fait observer que le formulaire 1112 en soi prévoit qu’une formule séparée doit être soumise pour chaque période de paye dans le cas des demandes suivantes : a) Heures de suppléance, b) Rémunération à un taux de salaire différent, et c) Rémunération par un autre service; et que le formulaire pour demande d’indemnité de déplacement exige que le chef de service certifie que « les services [susmentionnées] ont été rendus, que les prix sont raisonnables et que le voyage a été autorisé ».

 

[9]               L’arbitre au deuxième palier a indiqué que la question fondamentale n’était pas de savoir si les heures supplémentaires faites par le plaignant étaient justifiables, mais plutôt de savoir si les heures avaient dûment été autorisées conformément aux directives, [traduction] « ce qui les rendrait donc valides. »

 

[10]           À cet égard, l’arbitre a tiré un certain nombre de conclusions. Il n’a pas accepté l’affirmation du plaignant selon laquelle il avait l’« autorisation permanente » d’accumuler et de réclamer toute heure supplémentaire nécessaire, selon l’analyse qu’il a faite des demandes du plaignant fondées sur le formulaire 1112 pour une période de trois mois au début de l’année 2003. Il a aussi conclu que le plaignant n’avait pas respecté les directives lors du dépôt de chacune de ses demandes au cours des dix mois précédant mars 2004, ni après, lorsqu’il a continué à accumuler des heures supplémentaires même s’il était au courant du mince budget disponible. Dans les deux cas, l’arbitre au deuxième palier a qualifié les actions du plaignant d’[traduction] « absence de diligence raisonnable ». En ce qui concerne la directive « allez-y et présentez toutes vos demandes » du 18 octobre 2004, l’arbitre a jugé que la présupposition invoquée par M. Smith, voulant que cette affirmation indique que ses demandes seraient payées, était injustifiée. Il a conclu que le plaignant aurait dû se rendre compte que M. Braun était assujetti à des limites de dépenses selon le Manuel d’administration, et il a interprété l’affirmation en conséquence. Enfin, l’arbitre a rejeté la prétention selon laquelle il aurait été problématique pour M. Smith de demander l’autorisation de faire des heures supplémentaires à son superviseur, compte tenu des moyens de communication dont il disposait et du fait qu’il avait effectivement obtenu une autorisation préalable à l’égard d’autres aspects liés à son travail, comme les voyages.

 

[11]           Pour ces motifs, l’arbitre au deuxième palier a refusé de modifier la décision de l’arbitre au premier palier. Les demandes d’heures supplémentaires pour les voyages dûment approuvés ont été accordées, tandis que celles qui n’étaient pas liées à une obligation de voyage et, par conséquent, non visées par les formulaires de demande d’indemnité de déplacement, ont été rejetées.

 

Questions en litige

[12]           Le demandeur a soulevé deux questions :

a.       L’arbitre a-t-il tiré une conclusion de fait erronée et, en conséquence, cette décision devrait-elle être annulée?

b.      La décision de l’arbitre était-elle déraisonnable compte de son interprétation et de son application de la directive de la GRC?

 

Analyse

Norme de contrôle

[13]           Le demandeur soutient que, suivant l’arrêt Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, [2008] A.C.S. no 9, la norme de contrôle applicable est celle de la décision raisonnable. Le défendeur demande instamment à la Cour de suivre le jugement de la Cour d’appel fédérale dans l’affaire Colistro c. BMO Banque de Montréal, 2008 CAF 154, où la Cour a conclu que la norme de contrôle applicable aux conclusions de fait est celle énoncée à l’alinéa 18.1(4)d) de la Loi sur les Cours fédérales, L.R.C. 1970, ch. F-7, à savoir que l’arbitre a tiré une conclusion de fait erronée, de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments dont il disposait. De plus, s’appuyant sur l’arrêt Ewart c. Canada (Procureur général), 2008 CAF 285, le défendeur fait valoir que la norme de la décision raisonnable énoncée par la Cour suprême dans l’arrêt Dunsmuir englobe plusieurs degrés de déférence différents. Il est soutenu que la décision contestée, celle de l’arbitre, mérite le plus haut degré de déférence.

 

[14]           Je souscris aux arguments formulés par le défendeur en ce qui a trait à la norme de contrôle appropriée. Dans la mesure où le demandeur allègue que des erreurs ont été commises, il doit être établi que l’arbitre a tiré une conclusion de fait erronée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments dont il disposait. Je suis aussi d’accord pour dire que l’arbitre a droit à une très grande déférence lorsque l’on évalue le caractère raisonnable de sa décision. Il connaît bien le fonctionnement de la GRC, les relations avec les employés et les directives, et en tant qu’arbitre de grief spécialiste dans le domaine, il mérite qu’on lui accorde respect et déférence. Voir : l’arrêt Dunsmuir, au paragraphe 68; Voice Construction Ltd. c. Construction & General Workers’ Union, Local 92, [2004] 1 R.C.S. 609, au paragraphe 22.

 

Conclusion de fait erronée

[15]           Le demandeur soutient que l’arbitre a commis une erreur en tirant la conclusion de fait suivante à la page 6 de sa décision : [traduction] « Le plaignant a également mentionné que le 24 mars 2004, ce dernier [M. Wall ] l’a informé qu’il n’approuverait probablement aucune de ses demandes d’heures supplémentaires, et il a ajouté que c’était sa décision [celle du plaignant] d’avoir fait des heures supplémentaires et qu’il avait été bête d’agir ainsi. » En fait, cette conversation a eu lieu un an plus tard, le 24 mars 2005, et aucune des questions en litige présentées à l’arbitre ou en l’espèce ne porte sur cette période subséquente. Il ne fait donc aucun doute que l’arbitre a commis une erreur en tirant cette conclusion de fait. En outre, à mon avis, il a tiré cette conclusion sans tenir compte des éléments dont il disposait.

 

[16]           Cela dit, il y a trois conditions requises pour annuler la décision d’un arbitre selon l’alinéa 18.1(4)d) de la Loi sur les Cours fédérales, à savoir la conclusion de fait doit être erronée, elle doit avoir été tirée sans tenir compte des éléments de preuve et la décision doit avoir été fondée sur cette conclusion erronée. Même si je suis d’avis que les deux premières conditions ont été remplies, rien dans les motifs fournis par l’arbitre n’indique qu’il a fondé sa décision, en tout ou en partie, sur la conclusion de fait erronée. La décision ne peut donc pas être annulée sur le fondement de cette erreur.

 

Interprétation et application déraisonnables de la directive de la GRC

[17]           Le demandeur soutient que l’interprétation du paragraphe I.1.d du Manuel d’administration donnée par l’arbitre était déraisonnable. Le paragraphe prévoit que « dans la mesure du possible, le membre doit obtenir l’autorisation de son superviseur avant de faire des heures supplémentaires ». Le demandeur allègue que ce paragraphe utilise [traduction] « une formulation à caractère restrictif, facultatif et non impératif » qui recommande une série de lignes de conduite lorsque les circonstances le permettent. Selon le demandeur, l’arbitre a interprété la disposition de manière à imposer [traduction] « une condition préalable non restrictive et impérative au droit de rémunération ».

 

[18]           Le défendeur soutient que l’interprétation donnée à la directive par l’arbitre était non restrictive. Elle a mené à un résultat raisonnable possible et doit donc être traitée avec déférence, comme l’a expliqué la Cour suprême dans l’arrêt Dunsmuir.

 

[19]           Je n’accepte pas la prétention du demandeur selon laquelle l’arbitre aurait donné à la disposition une interprétation non restrictive. Ce dernier a reconnu que la disposition exigeait une autorisation seulement lorsque cela était possible. Il a rejeté la prétention du demandeur selon laquelle il lui était impossible, compte tenu de ses fonctions, d’obtenir une autorisation préalable. L’arbitre a écrit :

[traduction]

Je retiens que le seul argument de ce dernier [le plaignant] est qu’il aurait été peu pratique pour lui de demander une autorisation. Compte tenu des divers moyens de communication qu’il pouvait utiliser pour communiquer avec ses superviseurs successifs, j’estime que cet argument n’est pas valable. […] Je conclus qu’il était possible pour le plaignant d’obtenir l’autorisation de son superviseur avant de faire des heures supplémentaires, comme il l’avait fait à l’égard de tous les autres aspects liés à ses fonctions […]

 

En somme, l’arbitre a reconnu que même s’il n’était pas possible d’obtenir une autorisation préalable, cela n’empêcherait pas le paiement des heures supplémentaires réclamées. Il a simplement considéré comme sans fondement, d’après la preuve présentée, l’assertion générale du demandeur selon laquelle son travail ne lui permettait pas d’obtenir des autorisations au préalable. En se fondant sur le dossier, on ne peut pas dire que cette conclusion était déraisonnable.

 

[20]           Comme le montrent les passages suivants, l’interprétation donnée par l’arbitre aux directives applicables était que s’il était possible d’obtenir préalablement l’autorisation de faire des heures supplémentaires, et que cette autorisation préalable n’était pas demandée ou accordée, alors les heures travaillées n’étaient pas considérées comme des heures supplémentaires mais plutôt comme des heures de travail bénévole :

[traduction]

J’estime que la question fondamentale n’est pas de savoir si les heures supplémentaires faites par le plaignant sont justifiables, mais plutôt celle de savoir si ces heures ont été dûment autorisées conformément aux directives, ce qui les rendrait donc valides.

 

Je conclus que, n’ayant pas obtenu une autorisation avant de faire des heures supplémentaires, le plaignant s’est placé en position de faire du travail bénévole et n’avait donc pas droit à une rémunération pour ses heures supplémentaires, conformément à la directive.

 

Je suis d’avis que les directives sur les heures supplémentaires, visant à assurer que des comptes sont rendus quant aux ressources affectées par la GRC et accessibles à la réalisation des objectifs organisationnels, devaient être respectées par le plaignant pour qu’il soit admissible au paiement d’heures supplémentaires.

 

J’estime qu’il ne revenait pas au plaignant de faire des heures supplémentaires, et j’espérais que son gestionnaire trouve les fonds pour couvrir les coûts du travail supplémentaire. Je suis d’avis que le plaignant aurait dû être au courant des directives en vigueur sur les autorisations d’heures supplémentaires qui, selon moi, sont très clairement énoncées.

 

[21]           En somme, l’arbitre a conclu que, si un employé contrevient au paragraphe I.1.d., les heures supplémentaires ne seront pas payées, peu importe si les heures travaillées étaient « justifiables ». À mon sens, cette interprétation du paragraphe I.1.d. n’est pas raisonnable dans le contexte général des directives de la GRC applicables à M. Smith. En fait, selon moi, l’arbitre a fait son interprétation sans tenir compte de la preuve dont il disposait quant aux autres directives pertinentes de la GRC.

 

[22]           L’arbitre a cité le paragraphe E.1.a. de la Directive II.4. du MA de la Division « K », Solde et indemnités (révisé le 06-07-2001 et toujours en vigueur), dans sa décision, mais n’en a pas fait mention plus tard, ni n’en a tenu compte. Le paragraphe E.1.a de cette Directive, à la rubrique « heures supplémentaires », prévoit que [traduction] « le membre doit être rémunéré pour toutes les heures supplémentaires qui sont justifiables. Il est essentiel de démontrer une bonne gestion dans la surveillance et le contrôle de ce programme ». [Non souligné dans l’original.] Il s’agit sans aucun doute d’un libellé impératif. L’interprétation qu’a donnée l’arbitre du paragraphe I.1.d. ne tient pas compte du paragraphe E.1.a et le prive de sens, lequel s’applique spécifiquement à la Division pour laquelle M. Smith travaillait. Sur ce point, je suis d’avis que l’interprétation de l’arbitre est déraisonnable et ne peut être maintenue.

 

[23]           En outre, étant donné que les employés sont rémunérés pour leur travail, ce qui est la condition essentielle du contrat entre employeur et employé, j’estime que la Directive devrait renfermer une disposition explicite permettant de justifier une conclusion voulant qu’un employé qui exerce ses fonctions habituelles en dehors des heures régulières de travail prête ses services à titre de « bénévole ». C’est particulièrement le cas en l’espèce puisque les superviseurs savaient que M. Smith avait une lourde charge de travail, qu’il travaillait plus que les heures régulières requises, et qu’il avait clairement indiqué en tout temps qu’il s’attendait à être rémunéré pour ses services. Ainsi, même en l’absence de la directive sur les heures supplémentaires applicable à la Division « K », la décision de l’arbitre, selon laquelle M. Smith offrait bénévolement des services est à mon sens déraisonnable.

 

[24]           Je tiens à préciser que je n’approuve pas ni n’appuie les actions de M. Smith et de ses superviseurs. J’estime qu’ils sont également fautifs du résultat de cette situation. M. Smith a sa part de responsabilité pour ne pas avoir soumis ses demandes d’heures supplémentaires à temps et pour ne pas avoir obtenu d’autorisation préalable quand il était en mesure de le faire, et selon moi, cela aurait été possible dans bien des cas. Parallèlement, en aucun temps avant le mois de mars 2005 les superviseurs ont-ils à M. Smith qu’il ne serait pas rémunéré pour les heures supplémentaires qu’ils considéraient comme justifiées, sauf s’il obtenait une autorisation avant chaque période de temps supplémentaire.

 

[25]           Mon opinion sur le comportement fautif des deux hommes concernés n’est pas pertinente quant à ma décision, mais je ne voudrais pas que ce jugement soit pris par l’un ou l’autre des parties comme une justification de sa conduite. C’est parce que l’interprétation donnée au paragraphe I.1.d. est déraisonnable suivant le paragraphe E.1.a. de la Directive II.4 du MA de la Division « K », qui semble ne pas avoir été pris en compte, que la décision de l’arbitre ne peut être maintenue.

 

[26]           Au cours de l’audience, l’avocat du défendeur a reconnu que, contrairement à ce que laisse entendre l’arbitre, rien n’exige que le formulaire 1112 soit soumis à chaque période de paye ou à un moment précis, quoiqu’il ait ajouté qu’une personne raisonnable le ferait. Il a été admis que, si elles avaient été conformes à la Directive, les réclamations du demandeur auraient dû être acceptées indépendamment du délai qu’il a mis à les envoyer aux fins d’autorisation. À la lumière de ma décision dans la présente affaire, j’ordonnerais au prochain décideur de tenir compte de cette observation.

JUGEMENT

LA COUR STATUE :

1.                  La présente demande est accueillie et la décision rendue le 7 avril 2008 par le surintendant J.R.A.G. Héroux, agissant en qualité d’arbitre au deuxième palier en vertu des dispositions relatives aux griefs de la Loi sur la Gendarmerie royale du Canada, L.R.C. 1985, ch. R-10, est annulée.

 

2.                  Le grief du demandeur est renvoyé à une autre personne agissant en qualité d’arbitre au deuxième palier, conformément aux présents motifs.

 

3.                  Le demandeur a droit à ses dépens.

 

    « Russel W. Zinn »

Juge

 

 

Traduction certifiée conforme

Caroline Tardif, LL.B., B.A. Trad.


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        T-903-08

 

INTITULÉ :                                       GREGORY ROBERT SMITH c.

                                                            LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA                                                                                                                                   

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Calgary (Alberta)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 10 février 2009

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                              LE JUGE ZINN

 

DATE DES MOTIFS :                      Le 16 février 2009

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Clay Jacobson

POUR LE DEMANDEUR

 

Barry Benkendorf

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Heenan Blakie LLP.
Avocats

Calgary (Alberta)

 

POUR LE DEMANDEUR

 

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

Edmonton (Alberta)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

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