Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

 

Date : 20090128

Dossier : IMM-5724-08

Référence : 2009 CF 94

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 28 janvier2009

En présence de monsieur le juge Shore

 

 

ENTRE :

GATHER OMAR

demandeur

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION DU CANADA

défendeur

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

I.  Introduction

[1]               Le demandeur est un criminel de longue date qui s’est avéré « constituer un danger pour le public » selon l’article 115 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (LIPR). Il sollicite un sursis de son renvoi jusqu’à ce que sa demande de contrôle judiciaire soit tranchée. Le demandeur n’a pas démontré qu’il répond au critère tripartite pour l’octroi d’un sursis de renvoi établi dans l’arrêt Toth c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration) (1988), 86 N.R. 30211 A.C.W.S. (3d) 440 (C.A.). La preuve démontre particulièrement qu’il constitue un danger pour le public quand il est en liberté, et pour les travailleurs du secteur correctionnel et les autres détenus lorsqu’il est incarcéré. L’intérêt public commande que le demandeur fasse l’objet d’un renvoi conformément à la LIPR.

 

[2]               L’un des objectifs de la LIPR est « de protéger la santé des Canadiens et de garantir leur sécurité » [« to protect the health and safety of Canadians and to maintain the security of Canadian society »]. La Cour suprême du Canada s’est exprimée sur les objectifs de la LIPR dans Medovarski c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2005] 2 R.C.S. 539, 2005 CSC 51, où la juge Beverley McLachlin a déclaré :

[10]      Les objectifs explicites de la LIPR révèlent une intention de donner priorité à la sécurité. Pour réaliser cet objectif, il faut empêcher l’entrée au Canada des demandeurs ayant un casier judiciaire et renvoyer ceux qui ont un tel casier, et insister sur l’obligation des résidents permanents de se conformer à la loi pendant qu’ils sont au Canada. Cela représente un changement d’orientation par rapport à la loi précédente, qui accordait plus d’importance à l’intégration des demandeurs qu’à la sécurité… les objectifs de la LIPR et ses dispositions relatives aux résidents permanents traduisent la ferme volonté de traiter les criminels et les menaces à la sécurité avec moins de clémence que le faisait l’ancienne Loi. (Non souligné dans l’original.)

 

[3]               Notre Cour a longtemps soutenu que la prépondérance des inconvénients favorise le ministre dans les cas où le demandeur a un casier judiciaire (Townsend c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CAF 247, 132 A.C.W.S. (3d) 339, au paragraphe 6; Moncrieffe c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1995] 62 A.C.W.S. (3d) 964, [1995] A.C.F. no 1576 (QL), au paragraphe 13; Mallia c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) (2000), 96 A.C.W.S. (3d) 111, [2000] A.C.F. no 369 (T.D.), au paragraphe 6).

 

[4]               Dans Mahadeo c. Canada (Secrétaire d’État), (1994) 51 A.C.W.S. (3d) 901, [1994] A.C.F. no 1624 (QL), le juge Marshall Rothstein a déclaré que, lorsqu’un requérant est coupable de fraude en matière d’aide sociale ou qu’il a été reconnu coupable d’un acte criminel au Canada, la prépondérance des inconvénients penche énormément en faveur de l’intimé (Richards c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2007 CF 783, 159 A.C.W.S. (3d) 248, au paragraphe 35; Gomes c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) (1995), 91 F.T.R. 264, 53 A.C.W.S. (3d) 358, au paragraphe 7.

 

[5]               Dans Townsend, précité, au paragraphe 6, le juge Rothstein a examiné la « détention actuelle coûteuse » de l’appelant dans l’évaluation de la prépondérance des inconvénients. Cette incarcération coûteuse du demandeur, y compris le coût de le garder en isolement ou dans une prison à sécurité plus élevée, doit être considérée comme un facteur à prendre en compte en l’espèce dans l’évaluation de la prépondérance des inconvénients. Le fait qu’il faille deux gardes pour accompagner le demandeur à chaque audience de contrôle des motifs de détention démontre également le coût élevé de la sécurité des gens avec lesquels il entre en contact.

 

II.  Rappel des faits

[6]               Le demandeur, M. Gather Omar, est un homme âgé de 24 ans qui n’a pas de personne à charge. Le demandeur est citoyen de la Somalie.

 

[7]               Le demandeur est arrivé au Canada en mars 2000 et a demandé l’asile. En décembre 2000, il a été établi qu’il était un réfugié au sens de la Convention.

 

 

[8]               Selon le frère du demandeur, la famille a des parents à Djibouti et en Éthiopie.

Le casier judiciaire du demandeur

[9]               Le demandeur a un lourd casier judiciaire. En septembre 2002, il a été déclaré coupable de voies de fait causant des lésions corporelles et d’omission de se conformer à une condition d’une promesse.

 

[10]           En janvier 2003, le demandeur a été déclaré coupable de vol de moins de 5 000 $, de défaut de se conformer à un engagement et de possession de biens criminellement obtenus d’une valeur de moins de 5 000 $.

 

[11]           En juin 2003, le demandeur a été reconnu coupable d’avoir entravé le travail d’un agent de la paix dans l’exercice de ses fonctions et d’omission de comparaître au tribunal.

 

[12]           En octobre 2003, le demandeur a été déclaré coupable de possession d’une arme et de défaut de se conformer à une disposition de la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents, 2002, ch. 1.

 

[13]           En janvier 2004, le demandeur a été déclaré coupable de tentative d’introduction par effraction, d’introduction par effraction et de se conformer à une ordonnance de probation.

 

[14]           En février 2004, le demandeur a été déclaré coupable de voies de fait graves et de possession d’une arme.

 

[15]           En avril 2004, le demandeur a été reconnu coupable d’entrave à un agent de la paix et de défaut de se conformer à une ordonnance de probation.

 

[16]           En juin 2004, le demandeur a été reconnu coupable de défaut de se conformer à une ordonnance de probation, et de possession d’une substance inscrite à l’annexe II de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances, 1996, ch. 19.

 

[17]           En juillet 2004, le demandeur a été reconnu coupable d’avoir omis de se conformer à une ordonnance de probation, et d’avoir omis de se conformer à un engagement en vertu du Code criminel, L.R. 1985, ch. C-46.

 

[18]           En octobre 2004, le demandeur a été déclaré coupable de possession d’une arme à feu ou de munitions en contravention d’une ordonnance d’interdiction, de défaut de se conformer à une ordonnance de probation et d’omission de se conformer à une ordonnance de probation.

 

[19]           En mars 2006, le demandeur a été déclaré coupable d’avoir omis de se conformer à une ordonnance de probation.

 

[20]           En mai 2007, le demandeur a été reconnu coupable d’avoir commis un acte indécent.

 

[21]           En juillet 2007, le demandeur a été déclaré coupable de conduite avec facultés affaiblies, d’intrusion de nuit, et de défaut de se conformer à un engagement.

 

[22]           En décembre 2007, le demandeur a été déclaré coupable de possession d’une substance inscrite à l’annexe I de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances.

 

[23]           Le 28 janvier 2008, le demandeur a été déclaré coupable de ne pas s’être conformé à des conditions de mise en liberté judiciaire.

 

[24]           En ce qui a trait à la condamnation de février 2004 pour voies de fait graves et possession d’une arme, le rapport du Service de police d’Ottawa indique que, le 29 octobre 2003, la victime roulait à vélo sous le pont au 2, rue Rideau et a tenté d’arrêter son vélo qui a glissé sur une surface humide. La victime a presque heurté le demandeur. Le demandeur a brandi un couteau et a poignardé la victime dans la partie inférieure gauche du torse. La victime est tombée au sol et le demandeur lui a donné des coups de pied à la tête avant de s’enfuir.

 

[25]           Un détective du Service de police d’Ottawa affirme que le demandeur est un membre du gang de rue Ledbury Banff Crips, reconnu par la police comme l’un des plus actifs et violents à Ottawa.

 

Comportement criminel pendant l’incarcération

[26]           Le demandeur a un long passé d’inconduite en prison. Quelques exemples de cette inconduite sont décrits ci-dessous. 

 

[27]           Le 25 août 2007, le demandeur fut reconnu coupable d’inconduite lorsqu’un garde a trouvé un tesson de tasse brisée long de 5 cm dans sa cellule. Le rapport d’inconduite indique « un morceau de tasse a évidemment été affûté et le détenu en avait auparavant rejeté la propriété ».

 

[28]           Le 9 octobre 2007, le demandeur fut reconnu coupable d’inconduite après avoir agressé un détenu à la tête. Le 12 mars 2008, il a été trouvé coupable d’inconduite pour avoir agressé un autre détenu.

 

[29]           Le 21 octobre 2007, le demandeur a également été reconnu coupable d’inconduite après avoir agressé son compagnon de cellule.

 

[30]           Le demandeur a des antécédents de voies de fait, de manque de respect et d’assaut à l’égard des agents correctionnels. Le 5 septembre 2007, il a été trouvé coupable d’inconduite pour avoir proféré des jurons et des injures à l’endroit d’un agent correctionnel. Le 14 novembre 2007, le demandeur fut reconnu coupable d’inconduite pour avoir proféré des jurons et des injures et avoir fait des gestes indécents (bruits de succion avec les dents) à l’endroit d’un agent correctionnel. Le même jour, il a été trouvé coupable d’inconduite pour avoir tenté d’agresser un agent de correction. Le 19 mars 2008, le demandeur fut reconnu coupable d’inconduite pour avoir traité une agente correctionnelle de « salope ».

 

[31]           Le 31 décembre 2007, le demandeur fut reconnu coupable d’inconduite pour avoir troublé la paix d’une façon susceptible de mettre en danger la sécurité de l’établissement en criant et en frappant de grands coups. Le 4 mai 2008, le demandeur a été reconnu coupable d’inconduite pour avoir brisé un gicleur dans une cellule d’isolement.

 

[32]           Le demandeur avait une audience de contrôle des motifs de détention le 11 décembre 2008. Une transcription de l’audience révèle que le demandeur a menacé le sous-directeur de la prison où il était incarcéré et faisait l’objet d’une « alerte de sécurité très élevée », et deux gardes étaient présents à l’audience. (À l’audience, le demandeur a déclaré que, s’il était renvoyé en Somalie, il [traduction] « n’aurait pas d’objection » à aller à Hargeisa, mais ne voulait pas aller à Mogadiscio).

 

[33]           Le demandeur est actuellement détenu au Centre de détention d’Ottawa-Carleton. En raison du comportement du demandeur, le surintendant adjoint du Centre de détention a demandé que le demandeur soit transféré à une prison à sécurité plus élevée, au Centre correctionnel du Centre-Est à Lindsay en Ontario. Le demandeur a été en isolement pendant plus d’un an en raison de problèmes de sécurité; cependant, l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC) a demandé que le demandeur demeure à Ottawa puisqu’il devait être renvoyé du Canada.

 

[34]           Le 19 novembre 2008, le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration (le « délégué du ministre ») a rendu un avis en application de l’alinéa 115(2)a) de la LIPR en vertu duquel le demandeur constituait un danger pour le public au Canada (« avis de danger »).

 

[35]           Le ministre n’a pas imposé de sursis des renvois vers la Somalie en vertu de l’article 230 de la LIPR.

 

[36]           Des arrangements ont été faits pour le renvoi du demandeur en Somalie (Mogadiscio). Ces arrangements prévoient que le demandeur sera accompagné de trois agents de l’ASFC sur les vols de Montréal à Amsterdam et d’Amsterdam à Dubaï, aux Émirats arabes unis. Une fois à Dubaï, le demandeur montera à bord d’un vol d’African Express à destination de Mogadiscio. Les services de deux agents de sécurité somaliens ont été retenus au coût de 3 000 dollars américains pour accompagner le demandeur sur le vol Dubai-Mogadiscio.

 

[37]           Le 31 décembre 2008, le demandeur a déposé une demande d’autorisation et de contrôle judiciaire relative à l’avis de danger.

 

[38]           Le 27 janvier 2009, le demandeur a déposé la présente requête en sursis de renvoi.

 

III.  Analyse

[39]           Pour obtenir un sursis dans l’attente d’une décision à l’égard d’une affaire sur le fond, un demandeur doit établir toutes les trois exigences suivantes :

a)      l’existence d’une question sérieuse;

b)      qu’il ou elle subirait un préjudice irréparable si la Cour rejetait l’octroi d’un sursis;

c)      que la prépondérance des inconvénients penche en faveur du demandeur qui subirait un préjudice plus grand en raison du refus du sursis.

(Toth, précité).

 

[40]           Le demandeur n’a pas réussi à démontrer qu’il satisfaisait à chacun des volets du critère.

 

A.   La question sérieuse

[41]           La demande de révision judiciaire sous-jacente ne constitue pas une cause défendable. Premièrement, la demande a été déposée hors délai, et exige le consentement de la Cour pour procéder. Deuxièmement, la conclusion du délégué du ministre selon laquelle le demandeur ne serait pas exposé à de la persécution ni aux risques énoncés aux articles 96 et 97 de la LIPR s’il retournait en Somalie n’est pas déraisonnable. Le délégué du ministre a conclu que le demandeur ne serait pas sujet à un risque personnalisé et qu’il ne serait pas plus sujet à un risque de préjudice que les autres Somaliens. Le demandeur n’a pas réussi à me convaincre que ces conclusions sont déraisonnables.

 

B.   Le préjudice irréparable

[42]           Une conclusion voulant que le demandeur subisse un préjudice irréparable s’il est renvoyé ne peut pas être fondée sur des hypothèses ou sur une simple possibilité. La preuve à l’appui d’une telle conclusion doit être claire et non hypothétique (Chen c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CF 464, 205 F.T.R. 285, au paragraphe 31).

 

[43]           Le redressement sollicité par une requête en sursis constitue en fait une suspension de l’application de certaines dispositions de la LIPR, ce qui représente une étape très importante à entreprendre sans avoir l’occasion d’entendre des arguments portant sur un dossier complet. Puisqu’il est impossible de prendre à la légère une mesure aussi grave que de suspendre l’application de dispositions législatives, le demandeur doit démontrer qu’il subira un préjudice irréparable afin de satisfaire à ce volet du critère (Chen, précité, aux paragraphes 41 et 42).

 

[44]           Le demandeur fait valoir qu’il subira un préjudice irréparable en étant renvoyé à Mogadiscio, en Somalie, en raison des conditions de vie dans ce pays. Le délégué du ministre a expliqué que le demandeur ne serait pas exposé à un risque personnalisé s’il devait être renvoyé en Somalie, et qu’il n’aurait pas à subir la persécution ou les risques énoncés à l’article 97 de la LIPR en tant que membre du clan Akisha s’il est renvoyé en Somalie.

 

[45]           En tout état de cause, cette requête ne constitue pas une demande de contrôle judiciaire de l’avis de danger, mais plutôt une demande de redressement extraordinaire sous la forme d’un sursis. Ce que le délégué du ministre a écrit n’est pas en cause dans le cadre de ce volet du critère.

 

[46]           Ce que le demandeur aurait dû démontrer, c’est qu’il subira un préjudice irréparable s’il est renvoyé Somalie.

 

[47]           Le demandeur a produit un affidavit de son frère, M. Omar Omar, qui vit à Brampton depuis 1993. M. Omar déclare qu’il a fait un appel téléphonique à un certain M. Moussa Hussein Ali, qui lui a affirmé que pour tout Akisha d’Éthiopie, franchir la frontière avec la Somalie constitue une [traduction] « condamnation à mort ». M. Ali a de plus déclaré que le demandeur serait tué à l’aéroport à son arrivée à Mogadiscio. De même manière, tout Akisha qui accueillerait le demandeur à l’aéroport de Mogadiscio serait aussi tué (affidavit de Omar Omar, souscrit le 22 janvier 2009, aux paragraphes 7 à 9).

 

[48]           Cet élément de preuve – que tout Akisha en Somalie serait tué – est en contradiction avec la préférence du demandeur, comme indiqué dans son audience de contrôle des motifs de détention du 18 décembre 2008 – qu’il n’aurait pas d’objection à aller à Hargeisa, une ville en Somalie.

 

[49]           Il est également en contradiction avec le fait que la tribu Akisha existe et subsiste en Somalie, et est l’un des sous-clans de la tribu Dir, l’une des six grandes tribus (ou clans) de ce pays [traduction] (« la Somalie – La question de l’unité de la famille, de l’identité et de la culture », Appel global interinstitutions des Nations Unies en faveur de la Somalie, janvier-décembre 2000, Affidavit de Daniel Carré souscrit le 28 janvier 2009, au paragraphe 31).

 

[50]           Dans la présente requête, le demandeur n’a produit aucun élément de preuve crédible et indépendant à l’appui de l’allégation voulant qu’à son arrivée à Mogadiscio, il soit tué en raison de son appartenance au clan Akisha.

 

[51]           Le demandeur n’a fourni aucun élément de preuve crédible et indépendant démontrant qu’il subirait un préjudice irréparable s’il était renvoyé en Somalie et ne satisfait pas au deuxième volet du critère énoncé dans Toth.

 

La prépondérance des inconvénients

[52]           L’un des objectifs de la LIPR est « de protéger la santé des Canadiens et de garantir leur sécurité » [« to protect the health and safety of Canadians and to maintain the security of Canadian society »]. La Cour suprême du Canada a émis des commentaires à propos des objectifs de la LIPR dans Medovarski, précité, où la juge McLachlin a déclaré :

[10]      Les objectifs explicites de la LIPR révèlent une intention de donner priorité à la sécurité. Pour réaliser cet objectif, il faut empêcher l’entrée au Canada des demandeurs ayant un casier judiciaire et renvoyer ceux qui ont un tel casier, et insister sur l’obligation des résidents permanents de se conformer à la loi pendant qu’ils sont au Canada. Cela représente un changement d’orientation par rapport à la loi précédente, qui accordait plus d’importance à l’intégration des demandeurs qu’à la sécurité… les objectifs de la LIPR et ses dispositions relatives aux résidents permanents traduisent la ferme volonté de traiter les criminels et les menaces à la sécurité avec moins de clémence que le faisait l’ancienne Loi. (Non souligné dans l’original.)

 

[53]           Notre Cour soutient depuis longtemps que la prépondérance des inconvénients favorise le ministre dans les cas où le demandeur a un casier judiciaire (Townsend, précité; Moncrieffe, précité; Mallia, précité).

 

[54]           Dans Mahadeo, précité, le juge Rothstein a indiqué que lorsqu’un demandeur est coupable de fraude ou a été reconnu coupable d’une infraction criminelle au Canada, la prépondérance des inconvénients milite fortement en faveur de l’intimé (Richards, précité; Gomes, précité).

 

[55]           Lorsque le demandeur est un repris de justice ou un criminel qui n’a jamais été correctement réhabilité, la prépondérance des inconvénients milite en faveur du ministre. Dans Richards, précité, la Cour a déclaré :

[35]      La prépondérance des inconvénients favorise de nouveau le ministre lorsque le casier judiciaire du demandeur est pris en considération. Le demandeur, en l’espèce, a accumulé 33 déclarations de culpabilité pendant qu’il se trouvait au Canada, dont plusieurs déclarations de culpabilité pour voies de fait et agression armée. Selon la SAI, qui a entendu récemment son appel, il est un criminel de longue date non réhabilité ayant démontré un faible établissement au Canada...

 

(Il est également fait référence à Louis c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) (1999), 94 A.C.W.S. (3d) 541, [1999] A.C.F. no 1101 (T.D.), au paragraphe 5).

 

[56]           Le demandeur a été reconnu coupable de 30 infractions en 6 ans. La preuve produite en l’espèce démontre qu’il se livre – de façon chronique – à des activités criminelles, et qu’il est membre d’un dangereux gang de rue. Il correspond certainement à la définition de criminel de longue date jamais correctement réhabilité comme décrit ci-dessus par la Cour.

 

[57]           Dans Fabian c. Canada, la Cour d’appel fédérale a conclu que le juge avait négligé de considérer si le public était menacé pendant la période pertinente en question : entre l’octroi possible d’un sursis et l’audition de sa contestation fondée sur la Charte.  La Cour a conclu que, puisque le demandeur était incarcéré, il ne présentait qu’un risque faible de risque de récidive : « L’appelant est détenu et tant qu’il en ainsi et qu’il n’existe aucune preuve qu’il mène ses activités criminelles de sa cellule, nous souscrivons à l’opinion suivante écrite dans la décision Said... ».  La Cour d’appel fédérale a accordé le sursis et infirmé la décision de première instance (Fabian c. Canada (2000), 94 A.C.W.S. (3d) 958, [2000] A.C.F. no 75 (T.D.), au paragraphe 2.

 

[58]           La décision de la Cour d’appel fédérale dans Fabian fait distinction. Il est en l’espèce évident que le modèle de comportement du demandeur est qu’il commet des infractions de façon persistante, qu’il soit incarcéré ou non. Les antécédents criminels du demandeur indiquent qu’il représente une menace non seulement pour les gens avec qui il s’associe, mais pour toute personne qui a des contacts avec lui. Cela comprend dans l’environnement carcéral, les directeurs de prison, les agents correctionnels, et les autres détenus. Son comportement au centre de détention d’Ottawa-Carleton est si perturbateur que la direction l’a gardé en isolement pendant de longues périodes et a demandé qu’il soit transféré dans un établissement à sécurité plus élevée.

 

[59]           Dans Townsend, précité, au paragraphe 6, le juge Rothstein a examiné la « détention actuelle coûteuse » de l’appelant dans l’évaluation de la prépondérance des inconvénients. Cette incarcération coûteuse du demandeur, y compris le coût de le garder en isolement ou dans une prison à sécurité plus élevée, doit être considérée comme un facteur à prendre en compte en l’espèce dans l’évaluation de la prépondérance des inconvénients. Le fait qu’il faille deux gardes pour accompagner le demandeur à chaque audience de contrôle des motifs de détention démontre également le coût élevé de la sécurité des gens avec lesquels il entre en contact.

 

[60]           L’intérêt public exige que l’exécution des mesures de renvoi soit faite de façon efficace, rapide et équitable. Ce n’est que dans des cas exceptionnels que l’intérêt d’un individu l’emportera sur l’intérêt public (Aquila c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) (2000), 94 A.C.W.S. (3d) 960, [2000] A.C.F. no 36 (QL).

 

[61]           La jurisprudence révèle que la criminalité persistante fait pencher la balance de la prépondérance des inconvénients en faveur du ministre. Étant donné que le niveau de criminalité de ce demandeur présenté en preuve dépasse celui des cas applicables, la prépondérance des inconvénients commande de ne pas surseoir au renvoi du demandeur. L’appelant n’a satisfait à aucun des trois volets du critère énoncé dans Toth.

 

IV.  Conclusion

[62]           Le demandeur n’a réussi à établir aucun des trois volets du critère tripartite pour la délivrance d’une ordonnance de sursis; la requête du demandeur en sursis d’exécution de la mesure de renvoi est par conséquent rejetée.

 


 

JUGEMENT

LA COUR ORDONNE que : la requête présentée par le demandeur en vue d’obtenir un sursis à l’exécution de la mesure de renvoi soit rejetée.

 

 

« Michel M.J. Shore »

Juge


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        IMM-5724-08

 

INTITULÉ :                                       GATHER OMAR

                                                            LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

                                                            ET DE L’IMMIGRATION DU CANADA

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Ottawa (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 28 janvier 2009

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                              Le juge SHORE

 

DATE DES MOTIFS :                      Le 28 janvier 2009

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Peter Stieda

 

POUR LE DEMANDEUR

Jennifer Francis

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

PETER STIEDA

Ottawa (Ontario)

 

POUR LE DEMANDEUR

JOHN H. SIMS, c.r.

Sous-procureur général du Canada

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.