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Date : 20090123

Dossier : T-1179-07

Référence : 2009 CF 72

OTTAWA (ONTARIO), LE 23 JANVIER 2009

En présence de monsieur le juge de Montigny

 

ENTRE :

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL

demandeur

 

et

 

CORY STANCHFIELD

défendeur

 

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE

 

[1]               Il s’agit d’une demande présentée en vertu des articles 466 et 467 des Règles des Cours fédérales, D.O.R.S./98‑106, par le ministre du Revenu national (le ministre), dans laquelle il demande qu’il soit conclu que M. Cory Stanchfield s’est rendu coupable d’outrage au tribunal pour n’avoir pas respecté l’ordonnance datée du 26 septembre 2007 rendue par monsieur le juge Gibson. À partir de la preuve déposée par le demandeur, j’ai conclu que M. Stanchfield est coupable d’outrage au tribunal pour n’avoir pas respecté cette ordonnance.

 

Antécédents de la procédure

[2]               Le 23 avril 2007, l’Agence du revenu du Canada (ARC), au nom du ministre, a signifié une demande de renseignements au défendeur, M. Stanchfield, en vertu du paragraphe 289(1) de la Loi sur la taxe d’accise (la Loi), lui enjoignant de fournir certains renseignements et documents au ministre. Le demandeur ne s’est pas conformé à cette demande de renseignements et le ministre a demandé une ordonnance obligeant le défendeur à s’y conformer.

 

[3]               En conséquence, le ministre a sollicité une ordonnance en vertu du paragraphe 289.1(1) de la Loi. Cette disposition permet à un juge d’ordonner à une personne de fournir les renseignements que le ministre cherche à obtenir en vertu de l’article 289 s’il est convaincu, entre autres choses, que la personne n’a pas fourni l’accès aux renseignements bien qu’elle en fût tenue par l’article 289. L’audition de cette demande a eu lieu le 24 septembre 2007. Le défendeur s’est défendu lui‑même à l’audience.

 

[4]               Le 26 septembre 2007, une ordonnance a été rendue obligeant le défendeur à fournir les renseignements et les documents énoncés dans la demande de renseignements dans les 30 jours après la signification de l’ordonnance. Les renseignements et documents exigés sont décrits ainsi :

[traduction]

a. La liste de tous les comptes bancaires, les comptes dans les caisses d’épargne et de crédit ou les comptes d’institutions financières semblables pour lesquels vous êtes signataire autorisé, y compris les comptes dans des pays autres que le Canada, entre le 1er janvier 2005 et le 1er avril 2007;

 

b. La liste complète de toutes les transactions pour tous les comptes d’exploitation, les comptes d’investissements et tout autre compte relatif à l’achat et à la vente d’actions, de valeurs, d’obligations et de marchandises détenus directement ou indirectement par Cory Stanchfield ou pour son bénéfice entre le 1er janvier 2005 et le 1er avril 2007;

 

c. La liste complète des sommes, des actions, des titres, des intérêts, des dividendes et des autres actifs détenus ou accumulés directement ou indirectement par Cory Stanchfield ou pour son bénéfice, entre le 1er janvier 2005 et le 1er avril 2007;

 

d. La liste complète de tous les représentants, notamment toute société ou tout nom commercial, y compris leurs noms et leurs adresses, qui ont géré des comptes d’exploitation et/ou de placement au nom de Cory Stanchfield entre le 1er janvier 2005 et le 1er avril 2007;

 

e. La liste comprenant les noms et adresses de toutes les entreprises, y compris les entreprises situées dans des pays autres que le Canada, dont vous êtes ou avez été directeur, actionnaire, représentant, mandataire ou prête‑nom entre le 1er janvier 2005 et le 1er avril 2007.

 

 

[5]               Le défendeur a interjeté appel de cette ordonnance le 22 octobre 2007 et a obtenu un sursis à l’exécution de l’ordonnance. Il s’est plus tard désisté de l’appel et le sursis a été annulé. À la suite du désistement, le 11 juin 2008, le demandeur a accepté d’accorder 30 jours au défendeur pour qu’il fournisse les documents requis dans l’ordonnance avant que le ministre demande une ordonnance pour outrage.

 

[6]               Par la suite, le défendeur et l’avocat du demandeur se sont échangés différentes lettres sur la question de savoir si M. Stanchfield était une « personne » tenue de répondre à une demande de renseignements.

 

[7]               Le 11 juillet 2008, le défendeur a envoyé une lettre au demandeur dans laquelle il précisait qu’il n’y avait aucun renseignement ou document à fournir. À ce jour, l’ARC n’a reçu aucun des documents ou renseignements demandés dans l’ordonnance du 26 septembre 2007.

 

[8]               Le 11 août 2008, dans le cadre de la requête ex parte présentée par le ministre, le protonotaire Lafrenière a ordonné à M. Stanchfield de comparaître devant un juge de la Cour afin d’entendre la preuve des actes et omissions indiqués qui constitueraient un outrage au tribunal et de se préparer à se défendre contre l’allégation d’outrage. Le défendeur a comparu devant moi le 6 octobre 2008; il se défendait lui‑même.

 

Les requêtes préalables à l’audience

[9]               Quelques jours avant l’audience, le défendeur a déposé quatre requêtes avec la permission de la Cour, lesquelles ont été examinées au début de l’audience. Ces requêtes sont les suivantes :

- Une requête visant l’obtention d’une ordonnance pour faire changer l’intitulé dans tous les documents déposés auparavant dans le dossier no T‑1179‑07, tant au niveau de la Cour fédérale que de la Cour d’appel fédérale;

- Une requête demandant l’annulation de l’ordonnance de justification en raison de la violation du principe d’equity de la conduite qui n’est pas sans reproche;

- Une requête visant l’annulation de l’ordonnance de justification en raison d’actes de procédure inappropriés dans la demande de requête visant l’obtention de l’ordonnance de justification;

- Une requête visant l’obtention d’une ordonnance radiant tout ou partie de l’acte de procédure du demandeur, y compris, mais sans s’y limiter, l’affidavit, les pièces et les observations écrites.

 

 

[10]           Après avoir entendu les arguments de M. Stanchfield et de l’avocat du demandeur, j’ai fait savoir à l’audience que ces requêtes étaient rejetées, principalement pour les motifs avancés par le demandeur. Je vais maintenant résumer brièvement ces motifs.

 

[11]           La première requête est en très grande partie liée au principal argument avancé par le défendeur dans le cadre de la présente procédure, selon lequel il faudrait établir une distinction entre

M. Stanchfield en sa qualité de représentant légal du contribuable et M. Stanchfield en sa qualité de [traduction] « personne physique » agissant pour son propre avantage. Selon lui, les « personnes physiques » ne sont pas assujetties à la Loi sur la taxe d’accise. D’après le défendeur, une lecture attentive de l’ordonnance du juge Gibson révèle que celle‑ci ne le vise pas en tant que personne physique mais en tant que représentant légal du contribuable; s’il en avait été autrement, il aurait bénéficié des garanties offertes par la Déclaration canadienne des droits. Dans cet esprit, il a sollicité une ordonnance dans laquelle il serait ordonné que toute mention de sa personne en tant que personne physique soit radiée de tous les documents déposés par le demandeur, y compris l’affidavit soumis à l’appui de la requête demandant une ordonnance pour outrage.

 

[12]           Au cours de ses échanges avec l’avocat du demandeur et l’ARC, le défendeur a toujours maintenu cette distinction et il a présenté le même argument en défense dans le cadre d’une requête en ordonnance déposée en vertu du paragraphe 289.1(1) de la Loi. Dans son ordonnance du 26 septembre 2007, monsieur le juge Gibson s’est prononcé sur cet argument de la manière suivante :

[traduction]

[…] et finalement, le défendeur est de toute évidence une « personne » visée par les définitions de « personne » et, dans la version anglaise, de « particulier » de l’article 123 de la Loi sur la taxe d’accise, lesquelles définitions sont fournies dans la partie IX de la Loi qui porte sur la taxe sur les produits et services, ce sur quoi porte la présente affaire.

 

 

[13]           Monsieur le juge Gibson a ensuite rejeté l’argument du défendeur selon lequel l’ordonnance demandée au nom du ministre visait à le priver de son droit à la sécurité de sa personne ainsi qu’à la jouissance de ses biens, ce qui contrevient à l’alinéa 1a) de la Déclaration canadienne des droits, L.C. 1960, ch. 44, et de son droit à une audition impartiale de sa cause, selon les principes de justice fondamentale, pour la détermination de ses droits et obligations, ce qui contrevient à l’alinéa 2e) de la même loi. Le motif pour lequel le juge Gibson a rejeté l’argument du défendeur n’avait rien à voir avec le fait que ce dernier n’était pas impliqué à titre de personne physique, mais était plutôt fondé sur l’arrêt rendu par la Cour suprême du Canada dans Authorson c. Canada (P.G.), 2003 CSC 39, où il est statué que la Déclaration canadienne des droits « ne garantit à une personne le droit à un préavis et à une possibilité quelconque de contester une mesure gouvernementale qui la dépossède de ses droits de propriété que dans le contexte juridictionnel d’une décision judiciaire ou quasi judiciaire déterminant ses droits et ses obligations » (au paragraphe 42). J’estime que le juge Gibson affirmait deux choses en faisant référence à ce passage : d’abord, que ce qui était en cause n’était pas les droits de propriété du demandeur, mais plutôt son obligation de fournir des renseignements; ensuite, que la Loi fournit au défendeur les garanties procédurales exigées par la Déclaration des droits en lui permettant de comparaître devant la Cour et d’être entendu dans le cadre de la demande d’ordonnance.

 

[14]           Le rejet par le juge Gibson de la distinction qu’établit le demandeur entre ses différentes qualités pour agir dans le contexte de la loi fiscale est parfaitement conforme à la jurisprudence sur cette question. Aux prises avec un argument semblable, monsieur le juge Lemieux a écrit, dans Canada (Ministre du Revenu national) c. Camplin, 2007 CF 183 :

[25] Le paragraphe 231.2(1) de la LIR [Loi de l’impôt sur le revenu] autorise le ministre, aux fins de percevoir un montant d’impôt dû par quiconque, à présenter une demande de renseignements pour « exiger d’une personne, dans le délai raisonnable que précise l’avis […] qu’elle fournisse » des renseignements ou des documents.

 

[26] De plus, le paragraphe 231.7(1) de la LIR autorise un juge de la Cour à « ordonner à une personne » de fournir les renseignements et les documents exigés dans une demande de renseignements, et le paragraphe 231.7(4) prévoit que « [q]uiconque refuse ou fait défaut de se conformer à une ordonnance peut être reconnu coupable d’outrage au tribunal ».

 

[27] Selon la définition de la Loi d’interprétation du Canada, le mot « personne » s’entend d’une personne physique ou morale.

 

[28] Je suis tout à fait d’accord avec le juge von Finckenstein que la LIR n’établit aucune distinction, aux fins d’une demande de renseignements ou d’une ordonnance de mise en demeure, entre une personne physique et le représentant légal du contribuable. Il s’agit d’une distinction qui est dénuée de sens et qui n’établit pas de différence.

 

Voir également : Kennedy c. C.C.R.A., [2000] O.J. No. 3313.

 

 

[15]           Quoi qu’il en soit, je dois maintenant prendre en considération l’ordonnance du juge Gibson telle qu’elle est. L’argument de M. Stanchfield n’est rien de plus qu’une attaque collatérale de cette ordonnance et elle ne peut être prise en considération en ce moment. M. Stanchfield a eu l’occasion de contester l’ordonnance du juge Gibson en appel, mais il a choisi de se désister. En conséquence, sa première requête doit être rejetée.

 

[16]           L’argument soulevé par le défendeur dans sa seconde requête a également été examiné par le juge Gibson et doit également être rejeté. En résumé, M. Stanchfield soutient que le ministre ne se présente pas devant la Cour avec une conduite irréprochable et n’a pas le droit d’obtenir une réparation en equity puisque le ministre lui a attribué un numéro de compte TPS unilatéralement et sans que le législateur lui en ait conféré le pouvoir. Dans son ordonnance, le juge Gibson a conclu que l’enregistrement d’un numéro de compte TPS pour une entreprise n’était pas pertinent dans le cadre d’une demande pour une telle ordonnance. Si M. Stanchfield s’oppose au fait qu’il soit un contribuable devant payer la TPS, ou au fait d’être enregistré, cela peut affecter la validité de l’établissement de sa cotisation de TPS, mais il s’agit d’une question distincte que doit trancher la Cour canadienne de l’impôt.

 

[17]           Il y a une autre raison pour laquelle cet argument n’est pas pertinent pour déterminer si M. Stanchfield s’est conformé ou non à l’ordonnance du juge Gibson. La réparation demandée par le demandeur n’est pas une réparation en equity, mais une réparation prévue par la Loi, régie par les dispositions de la Loi et des Règles des Cours fédérales. Par conséquent, l’argument de la conduite irréprochable est inapplicable. Pour tous les motifs qui précèdent, la seconde requête du défendeur doit être rejetée.

 

[18]           La troisième requête porte sur le fait que les actes de procédure du demandeur seraient viciés dans la mesure où ils font référence au paragraphe 231.2(1) de la Loi de l’impôt sur le revenu, et non pas au paragraphe 289(1) de la Loi. D’après ce que je comprends de l’affidavit soumis à l’appui de la requête du demandeur, le défendeur s’est également vu signifier une demande de renseignements en vertu du paragraphe 231.2(1) de la Loi de l’impôt sur le revenu, ce qui peut expliquer le désordre dans les documents du demandeur. Cependant, ce n’est très certainement pas suffisant pour rejeter la demande visant l’obtention d’une ordonnance pour outrage. La demande visant l’obtention d’une ordonnance de justification a été déposée en vertu des Règles de la Cour, précisément en vertu de l’article 466 des Règles des Cours fédérales, et il n’y a aucun doute quant à l’ordonnance à laquelle aurait en fait contrevenu le défendeur. Les erreurs dans les observations du demandeur ne créent aucune confusion et M. Stanchfield ne peut avoir été induit en erreur : il ne fait aucun doute que l’ordonnance pour outrage demandée est liée à son non‑respect de l’ordonnance rendue par le juge Gibson le 26 septembre 2007.

 

[19]           Enfin, je suis prêt à accueillir en partie la quatrième requête du défendeur. Je conviens avec M. Stanchfield que le paragraphe 10 de l’affidavit est raisonneur et ressemble à un argument de droit et doit par conséquent être radié. J’estime également que les paragraphes 15 et 16 de l’affidavit, de même que les pièces jointes, doivent être radiés dans la mesure où ils portent sur la demande de renseignements dans le cadre de l’article 231.2 de la Loi de l’impôt sur le revenu. Cependant, je dois ajouter que peu dépend de ces paragraphes; ils ne sont certainement pas les éléments centraux de la preuve soumise par le demandeur.

 

Le droit applicable à l’outrage

[20]           L’alinéa 466b) des Règles des Cours fédérales prévoit qu’est coupable d’outrage au tribunal quiconque « désobéit à un moyen de contrainte ou à une ordonnance de la Cour ». Les principes juridiques applicables sont bien connus et je ne peux faire mieux que de citer une décision de ma collègue la juge Eleanor Dawson dans Canada (Ministre du Revenu national – M.N.R.) c. Wigemyr, 2004 CF 930, au paragraphe 9 :

1) Il incombe à la partie qui allègue l’outrage de le prouver et le présumé coupable n’a pas à présenter de preuve à la Cour.

2) Les éléments constitutifs de l’outrage doivent être démontrés hors de tout doute raisonnable.

3) S’agissant du fait de désobéir à une ordonnance de la Cour, il faut prouver les éléments suivants : l’existence de l’ordonnance; le fait que le présumé coupable en connaissait l’existence; et la désobéissance elle‑même.

4) La mens rea et la bonne foi n’entrent en ligne de compte que comme circonstances atténuantes relatives à l’application des sanctions.

 

 

La preuve

 

[21]           Il ne peut exister aucun doute quant à l’existence de l’ordonnance du juge Gibson datée du 26 septembre 2007. Une copie certifiée de cette ordonnance a été jointe à l’affidavit de Mme Tove Mills à l’appui de la requête du demandeur.

 

[22]           Pour ce qui est de la connaissance de cette ordonnance par le défendeur, elle est clairement établie par le fait que le défendeur a interjeté appel de cette ordonnance.

 

[23]           Sur la question de savoir si le défendeur s’est conformé à l’ordonnance du juge Gibson, la Cour a entendu la preuve de Mme Tove Mills, une agente de recouvrement de l’ARC qui est en charge des dossiers de recouvrement de l’ARC concernant le défendeur depuis janvier 2007. Elle a témoigné que M. Stanchfield n’a pas fourni les renseignements demandés dans l’ordonnance. Jointe à son affidavit est la lettre envoyée par M. Stanchfield à l’ARC, qui serait sa réponse à la demande de renseignements. Celle‑ci est rédigée ainsi :

[traduction]

a)   Il n’y a pas de comptes bancaires, de comptes dans les caisses d’épargne et de crédit ou de comptes d’institutions financières semblables pour lesquels Cory Stanchfield est signataire autorisé, y compris les comptes dans des pays autres que le Canada, entre le 1er janvier 2005 et le 1er avril 2007;

 

b)   Il n’y pas de comptes d’exploitation, de comptes d’investissements ou d’autre compte relatif à l’achat et à la vente d’actions, de valeurs, d’obligations et de marchandises détenus directement ou indirectement par Cory Stanchfield ou pour son bénéfice, et par conséquent il n’y pas de liste de transactions, entre le 1er janvier 2005 et le 1er avril 2007;

 

c)   Il n’y a pas de sommes, d’actions, de titres, d’intérêts, de dividendes ou d’autres actifs détenus ou accumulés directement ou indirectement par Cory Stanchfield ou pour son bénéfice, et par conséquent il n’y pas de liste, entre le 1er janvier 2005 et le 1er avril 2007;

 

d)   Il n’y pas de représentants qui ont géré des transactions et/ou des comptes de placement au nom de Cory Stanchfield, et par conséquent il n’y pas de liste, entre le 1er janvier 2005 et le 1er avril 2007;

 

e)   Il n’y a pas de noms et adresses d’entreprises, y compris les entreprises situées dans des pays autres que le Canada, dont Cory Stanchfield est ou a été directeur, actionnaire, représentant, mandataire ou prête‑nom, et par conséquent il n’y pas de liste, entre le 1er janvier 2005 et le 1er avril 2007.

 

[24]           Mme Mills a fait savoir que ces renseignements sont inexacts ou incomplets. À la suite de sa recherche, elle a constaté que le défendeur est président de deux sociétés à responsabilité limitée enregistrées dans l’État du Nevada et qu’il a le pouvoir de signature pour les comptes de banque de ces deux entreprises. Elle a également trouvé que ces comptes de banque semblent être utilisés pour virer des fonds à M. Stanchfield. Il apparaît en outre que le défendeur avait un bien durant la période pertinente, c’est‑à‑dire le bail d’une voiture 2006. Enfin, des copies de recherche sur les entreprises sur le site Web du Secrétariat d’État du Nevada montrent que le défendeur est nommé comme étant le directeur ou le représentant de six entreprises durant la période pertinente; la plupart de ces entreprises étant décrites comme ayant des ventes annuelles et du capital, aucun actionnaire n’étant nommé et M. Stanchfield étant le président.

 

[25]           Aucun de ces renseignements n’a été contredit par M. Stanchfield, lequel a témoigné d’abord en sa qualité de [traduction] « personne physique agissant pour son propre avantage » et en sa qualité de témoin pour le défendeur, puis en sa qualité de défendeur en tant que tel. En qualité de « personne physique », il a confirmé avoir commis les différents actes, avoir signé les divers documents, avoir constitué en personne morale les diverses sociétés, avoir détenu les divers comptes de banque, etc., comme l’a affirmé Mme Tove Mills. Le seul point sur lequel il est en désaccord avec le demandeur est la distinction qu’il tente d’établir entre ses diverses qualités pour agir.

 

[26]           Pour les motifs exposés précédemment, il s’agit d’une distinction ne tirant son fondement ni de la Loi ni de l’ordonnance de monsieur le juge Gibson. La distinction qu’établit M. Stanchfield entre sa qualité de personne physique et sa capacité d’agir à un autre titre est entièrement son invention et n’est aucunement appuyée par la jurisprudence. Il a reconnu que ses diverses identités occupent le même corps, ont la même date de naissance et ont la même signature. En fait, il choisirait unilatéralement en quelle qualité il agit; c’est de toute évidence un argument indéfendable qui de plus va à l’encontre de toute interprétation défendable de la Loi.

 

[27]           La version anglaise de l’article 123 de la Loi précise qu’un [traduction] « particulier » (individual) désigne une personne physique. L’article 123 précise également que « personne » désigne un particulier, une société de personnes, une personne morale, une fiducie ou une succession, ainsi que l’organisme qui est un syndicat, un club, une association, une commission ou une autre organisation. Nulle part dans ces définitions il n’y a de distinction entre la personne physique et le représentant légal du contribuable. En outre, il ne fait aucun doute que M. Stanchfield, peu importe le titre auquel il a choisi d’agir, était clairement considéré comme étant visé par l’ordonnance du juge Gibson.

 

[28]           Compte tenu de la preuve soumise à la Cour, je suis d’avis que le demandeur a établi les éléments préalables requis pour une conclusion d’outrage. Il importe peu que M. Stanchfield ait eu ou non l’intention de contrevenir à l’ordonnance du juge Gibson, puisque la mens rea n’est pas un élément requis; elle est pertinente seulement en tant que circonstance atténuante dans la détermination de la peine à imposer.

 

[29]           L’article 472 des Règles porte sur la peine qui peut être imposée à la suite d’une conclusion d’outrage. La Cour a énoncé un certain nombre de principes concernant la détermination d’une peine pour outrage. Cependant, la Cour d’appel, dans l’arrêt Winnicki c. Canada (Commission canadienne des droits de la personne), 2007 CAF 52, a statué que la personne doit avoir l’occasion de présenter des observations quant à la sentence appropriée avant que la Cour ne tranche cette question. Par conséquent, je trancherai cette question lorsque les parties auront eu la chance de présenter d’autres observations et d’être entendues sur la question de la peine.

 

 


ORDONNANCE

 

LA COUR ORDONNE :

1.  Le défendeur est coupable d’outrage au tribunal puisqu’il ne s’est pas conformé à l’ordonnance du juge Gibson datée du 26 septembre 2007;

2.  Le défendeur signifiera et déposera des observations écrites sur la peine au plus tard le 9 février 2009;

3.  Le demandeur signifiera et déposera d’autres observations écrites au plus tard le 16 février 2009, dans lesquelles il doit tenir compte des facteurs suivants :

a) Tout non‑respect ou violation passée par le défendeur des dispositions de la Loi sur la taxe d’accise et/ou de la Loi de l’impôt sur le revenu;

b) Tout autre renseignement au sujet du défendeur qui peut aider la Cour à déterminer la peine.

4.  Le demandeur signifiera au défendeur même une copie conforme de la présente ordonnance et des présents motifs de l’ordonnance au plus tard le 26 janvier 2009 et déposera une preuve de signification auprès du greffe de la Cour.

5.  L’administrateur judiciaire fixera une date pour une audience par téléconférence au sujet de cette question le plus tôt possible.

6.  Il sera question des dépens après l’audience sur la peine.

 

« Yves de Montigny »

Juge

 

Traduction certifiée conforme

Elisabeth Ross, traductrice


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                                    T-1179-07

 

INTITULÉ :                                                   LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL

                                                                        c.

                                                                        CORY STANCHFIELD

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                             Vancouver (Colombie‑Britannique)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                           Le 6 octobre 2008

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                                   Le juge de Montigny

 

DATE DES MOTIFS :                                  Le 23 janvier 2009

 

COMPARUTIONS :

 

Amanda Lord

POUR LE DEMANDEUR

MINISTRE DU REVENU NATIONAL

 

Cory Stanchfield

POUR LE DÉFENDEUR

POUR SON PROPRE COMPTE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Ministère de la Justice

900-840, rue Howe

Vancouver (Colombie‑Britannique)

V6Z 2S9

Télécopieur : 604-666-1462

POUR LE DEMANDEUR

MINISTRE DU REVENU NATIONAL

 

 

 

 

Cory Stanchfield

a/s Unité 584

185-911, rue Yates

Victoria (Colombie‑Britannique)

V8V 4Y9

Télécopieur : 708-842-9362

POUR LE DÉFENDEUR

POUR SON PROPRE COMPTE

 

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