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Date : 20090122

Dossier : IMM‑5106‑08

Référence : 2009 CF 41

Ottawa (Ontario), le 22 janvier 2009

En présence de monsieur le juge Shore

 

 

ENTRE :

PHILIP SOITA WASHIKO SIMUYU

demandeur

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION et

LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE

 

défendeur

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

I.  Aperçu

[1]               L’avocat du demandeur a été consterné d’apprendre qu’il ne connaissait pas bien l’ensemble de la situation de son propre client. Ainsi, un élément du récit exposé ci‑après a semblé surprendre tout autant cet avocat que la Cour. Le demandeur a recouru à plusieurs bobines de fil pour tisser une histoire, mais l’une de ces intrigues, d’importance première, n’avait pas été portée à l’attention de son avocat, qui tentait pourtant d’expliquer la situation de son client. L’effet de surprise pour l’avocat à dûment été constaté en audience publique.

 

II.  Introduction

[2]               La Cour a reçu du demandeur deux requêtes en sursis en huit jours, soit le lundi 5 janvier 2009 et le lundi 12 janvier 2009. Le demandeur a sollicité l’instruction de chacune des requêtes dans les trois jours, même si son renvoi n’était pas prévu avant le 31 janvier 2009. Malgré les délais très courts ainsi imposés par le demandeur, le défendeur a tenté de les respecter et il n’a demandé aucune remise. La Cour est toutefois consciente de l’effet préjudiciable pour le défendeur de ces délais inutilement courts.

 

III.  Procédure judiciaire

[3]               Le demandeur demande que la Cour sursoie à l’exécution de la mesure de renvoi dont il fait l’objet, prévue pour le 31 janvier 2009. La Cour a rejeté une requête semblable présentée par le demandeur le 8 janvier 2009.

 

IV.  Contexte

[4]               Le demandeur, M. Philip Soita Washiko Simuyu, est un ressortissant du Kenya qui est entré au Canada pour pouvoir travailler comme domestique au Haut‑commissariat du Kenya. En juin 2005, le demandeur a perdu son statut officiel au Canada lorsque son employeur est retourné vivre au Kenya.

 

[5]               Les demandes de parrainage, de prolongation du statut de visiteur et de délivrance d’un visa d’étudiant présentées par la suite par le demandeur ont toutes été rejetées. Au cours de l’audience, l’avocat du demandeur a lui‑même appris qu’une seconde demande de parrainage par une seconde personne avait été présentée à l’égard du demandeur après le rejet de la première demande faite par une autre. L’avocat du demandeur n’avait absolument aucune connaissance de la première demande de parrainage.

 

[6]               Le demandeur a soumis une demande d’examen des risques avant renvoi (l’ERAR) qui, le 19 septembre 2007, a également été rejetée.

 

[7]               Le demandeur a soumis une demande d’autorisation en vue du contrôle judiciaire de la décision défavorable quant à l’ERAR. Il a retiré cette demande après qu’on lui eut accordé le 31 janvier 2008 un sursis à la mesure de renvoi – en attendant l’issue de la seconde demande d’ERAR – en raison de l’instabilité politique qui régnait alors au Kenya.

 

[8]               Le demandeur a présenté sa seconde demande d’ERAR le 19 février 2009, qui a été rejetée le 22 septembre 2008.

 

[9]               Le 28 février 2008, l’Agence des services frontaliers du Canada (l’ASFC) a établi comme ligne directrice qu’il fallait procéder comme en temps normal à l’exécution des mesures de renvoi vers le Kenya.

 

[10]           Le 19 novembre 2008, le demandeur a déposé la présente demande d’autorisation et de contrôle judiciaire visant la seconde décision défavorable quant à l’ERAR du 22 septembre 2008.

 

[11]           Le 8 janvier 2009, la juge Anne Mactavish a rejeté la requête en sursis d’exécution de la mesure de renvoi présentée par le demandeur.

 

V.  Questions en litige

[12]           (1) La décision du demandeur de présenter une seconde requête en sursis d’exécution une semaine après le rejet de sa première requête par la Cour cause‑t‑elle préjudice au défendeur?

(2) Le demandeur satisfait‑il au critère en trois volets établi pour l’octroi d’un sursis d’exécution d’une mesure de renvoi?

 

VI.  Analyse

(1)  Préjudice au défendeur

 

(i)      Abus de procédure

 

[13]           La Cour a rejeté une requête en sursis semblable présentée il y a une semaine par le demandeur. Autoriser ce dernier à produire de nouveaux éléments de preuve pour pallier les lacunes de cette récente requête relevées par la Cour causerait préjudice au défendeur et constituerait un abus de procédure.

 

[14]           Comme la Cour l’a fait remarquer, « […] il est de droit constant qu’un sursis à l’exécution d’une mesure de renvoi est un recours en equity et, de ce fait, il est loisible à la Cour de refuser une réparation dans le cas où le demandeur ne se présente pas devant elle avec une attitude irréprochable ». Il y a une semaine, le demandeur a présenté une requête à la Cour pour qu’elle sursoie à l’exécution de la mesure de renvoi à son encontre du fait que la grossesse de son épouse [relative à une seconde demande de parrainage (par une seconde personne) en traitement] démontrait l’existence de questions sérieuses à trancher, d’un préjudice irréparable et d’une prépondérance des inconvénients lui étant favorable. La juge Mactavish a rejeté le même jour la requête en sursis du demandeur (Se reporter à Lima c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2007 CF 383, 156 A.C.W.S. (3d) 1149, paragraphe 16, et à l’ordonnance du 8 janvier 2009 de la juge Mactavish).

 

[15]           Le demandeur n’a pas introduit la présente requête en sursis d’exécution en même temps que sa première requête en sursis la semaine dernière. Le demandeur disposait pendant son audience de tous les faits et nouveaux éléments de preuve qu’il soumet dans le cadre de la présente requête, mais il a omis alors de produire cette information. Le demandeur ne peut se voir accorder le recours en equity qu’est le sursis d’exécution à une mesure de renvoi, puisque cela requiert d’avoir une attitude irréprochable (Toth c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration) (1988), 86 N.R. 302 (C.A.F.); Lima, précitée).

 

(ii)    Refus de prendre en compte de nouveaux éléments de preuve

 

[16]           L’agent d’ERAR n’était pas saisi des nouveaux renseignements que le demandeur cherche maintenant à produire. Le demandeur a eu l’occasion de présenter des observations à l’agent lorsqu’il a soumis sa demande; or, selon ce que l’agent a noté, aucune preuve documentaire à l’appui n’a été produite. La Cour a refusé à maintes reprises de prendre en compte de nouveaux éléments de preuve, même lorsqu’y figuraient de graves allégations, si, lorsqu’a été prise la décision sous‑jacente à l’examen, l’auteur de celle‑ci n’en était pas saisi. La Cour ne prend donc pas en compte les pièces A à E de l’affidavit du demandeur (Se reporter à Kante c. Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2007 CF 109, [2007] A.C.F. n° 260 (QL), paragraphe 9; Park c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 623, [2008] A.C.F. n° 786 (QL), paragraphe 9).

 

(iii)  Préjudice causé par le manque de clarté de l’avis de requête et du mémoire

 

[17]           Le demandeur a déclaré dans son avis de requête et son mémoire qu’il souhaitait un sursis visant la décision d’un agent d’exécution de la loi de l’ASFC. Or le demandeur a déjà soumis cette question à la Cour, et la décision rendue par la juge Mactavish a été défavorable. Le demandeur a par ailleurs fait allusion à la décision sous‑jacente de l’agent d’ERAR, et non à la décision de l’agent d’exécution. Ces erreurs ont d’autant nuit à la capacité de répondre du défendeur que la portée de la requête du demandeur n’est pas claire. Compte tenu du court délai imposé au défendeur par le demandeur pour déposer ses observations en réplique, une certaine ambiguïté existe, l’avocat du défendeur n’ayant en outre pas plus connaissance que l’avocat du demandeur d’une première demande par le conjoint (présentée par une autre personne).

 

(iv)  Préjudice majeur causé au défendeur

 

[18]           La Cour a reçu du demandeur deux requêtes en sursis en huit jours, soit le lundi 5 janvier 2009 et le lundi 12 janvier 2009. Le demandeur a sollicité l’instruction de chacune des requêtes dans les trois jours, même si son renvoi n’était pas prévu avant le 31 janvier 2009. Malgré les délais très courts ainsi imposés par le demandeur, le défendeur a tenté de respecter ces délais et il n’a demandé aucune remise. La Cour est toutefois consciente de l’effet préjudiciable pour le défendeur de ces délais inutilement courts.

 

(2) Critère en trois volets non satisfait par le demandeur pour l’octroi d’un sursis

[19]           Pour obtenir l’octroi d’un sursis en attendant que soit rendue une décision sur le fond, le demandeur doit établir l’existence des trois éléments qui suivent :

a.       il y a une question sérieuse à trancher;

 

b.      le demandeur subirait un préjudice irréparable si la Cour refusait d’accorder le recours;

 

c.       la prépondérance des inconvénients favorise le demandeur – c’est à lui que l’absence de sursis causerait le plus grand tort.

(Toth, précité).

 

[20]           En l’espèce, le demandeur n’a pas démontré qu’il satisfaisait à l’un ou l’autre des éléments du critère. La Cour doit donc rejeter la requête en sursis d’exécution de la mesure de renvoi, comme elle l’a fait la semaine dernière.

 

a)  Question sérieuse à trancher

 

[21]           La décision quant au risque en cas de retour donne lieu à une enquête tributaire des faits, et elle appelle une grande retenue judiciaire. Lorsque la décision quant à l’ERAR n’est pas abusive ni manifestement déraisonnable, il n’y a aucune question sérieuse à trancher qui justifie de surseoir à l’exécution de la mesure de renvoi (Bui c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2007 CF 1369, 68 Imm. L.R. (3d) 207; Ahmed c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CF 686, 131 A.C.W.S. (3d) 304, paragraphe 5).

 

[22]           Comme le signale le demandeur, la Cour a déclaré dans Aquila c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) (2000), 94 A.C.W.S. (3d) 960, [2000] A.C.F. n° 36 (QL), paragraphe 8, que, bien que le tribunal n’ait pas à effectuer un examen prolongé du fond de l’affaire en vue d’établir s’il y a une question sérieuse à trancher, « [l]’appréciation exige que les plaidoiries qui ont été présentées dans l’action principale soient examinées à la lumière de la preuve soumise à l’appui ». Or il y a bien peu en l’espèce que la Cour puisse apprécier à cet égard, comme ni le demandeur ni son avocat n’ont présenté la moindre preuve documentaire à l’agent d’ERAR non plus qu’à la Cour dans le cadre de la demande de contrôle judiciaire sous‑jacente pour étayer les prétentions de risque couru (dossier du demandeur, décision quant à l’ERAR, page 11, paragraphe 6).

 

[23]           En l’absence d’une telle preuve, l’agent était tenu de consulter les rapports objectifs sur les conditions dans le pays pour apprécier les prétentions du demandeur. Tel que la Cour l’a déclaré dans la décision Hassaballa c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2007 CF 489, 157 A.C.W.S. (3d) 602, paragraphe 33, « […] l’agente d’ERAR a non seulement le droit, mais l’obligation, d’examiner les sources d’information les plus récentes lorsqu’elle procède à l’évaluation des risques; elle ne saurait se limiter aux pièces produites par le demandeur ». [Non souligné dans l’original.]

 

[24]           Le demandeur soutient qu’en l’espèce l’agent d’ERAR a commis une erreur révisable en se référant à une preuve objective sur la situation régnant dans le pays visé sans l’en aviser, le privant ainsi de l’occasion d’y réagir. Or tant la Cour que la Cour d’appel fédérale ont statué qu’un agent d’immigration n’avait pas l’obligation de divulguer qu’il avait consulté des documents accessibles au public sur la situation générale dans le pays en cause, si le demandeur avait accès à ces documents au moment où il a présenté sa demande (Mancia c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1998] 3 C.F. 461, 79 A.C.W.S. (3d) 796, paragraphes 26 et 27; Lima c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 222, 165 A.C.W.S. (3d) 313, paragraphe 13).

 

[25]           Le public avait accès, avant que la demande d’ERAR ne soit soumise, à l’information de base sur laquelle l’agent s’est fondé, de telle sorte que le demandeur avait l’occasion de présenter des observations à son égard. L’agent s’est fortement appuyé sur un Country Report on Human Rights Practices de 2007 du Département d’État des États‑Unis, où l’on a résumé la situation des droits de la personne au Kenya, et traité notamment de cas d’inconduite de policiers et de violence envers les membres de groupes minoritaires, ainsi que des mesures prises par l’État pour tenter de régler ces problèmes. L’agent s’est également fondé sur un rapport de janvier 2008 de Human Rights Watch faisant état d’une réduction de la violence et d’une stabilité politique accrue au Kenya. Les deux documents étaient antérieurs au dépôt de la demande d’ERAR. En outre, la Cour a déjà déclaré que ces documents constituaient des sources bien connues d’information générale relevant du domaine public et fréquemment citées par les avocats spécialisés en immigration; rien n’empêchait donc le demandeur de présenter des observations se rapportant au contenu général de l’un ou l’autre document (Lima, précitée).

 

[26]           L’agent s’est également fondé sur deux documents postérieurs au dépôt de la demande d’ERAR, soit un rapport des Nations Unies (l’ONU) et un autre de la British Broadcasting Corporation (la BBC). Or la Cour d’appel fédérale a déclaré ce qui suit dans l’arrêt Mancia, précité :

[27]      […]

 

a) l’équité n’exige pas que l’agent chargé de la révision des revendications refusées divulgue, avant de trancher l’affaire, les documents invoqués provenant de sources publiques relativement aux conditions générales en vigueur dans un pays, s’ils étaient accessibles et s’il était possible de les consulter dans les Centres de documentation au moment où le demandeur a présenté ses observations;

 

b) l’équité exige que l’agent chargé de la révision des revendications refusées divulgue les documents invoqués provenant de sources publiques relativement aux conditions générales en vigueur dans un pays, s’ils sont devenus accessibles et s’il est devenu possible de les consulter après le dépôt des observations du demandeur, à condition qu’ils soient inédits et importants et qu’ils fassent état de changements survenus dans la situation du pays qui risquent d’avoir une incidence sur sa décision. [Non souligné dans l’original.]

 

[27]           Bien que les documents de la BBC et de l’ONU sur lesquels l’agent s’est fondé soient postérieurs à la demande d’ERAR, l’information qu’ils renfermaient n’était ni nouvelle ni inédite au point que le demandeur n’ait pu présenter à l’agent des observations concernant cette information au moment où il a soumis sa demande. Cette information, en outre, n’était ni assez inédite ou importante pour pouvoir influer sur la décision de l’agent d’ERAR. Ainsi, par exemple, l’instabilité qu’ont entraînée les élections de décembre 2007 était connue du demandeur au moment du dépôt de sa demande.

 

[28]           Il était raisonnable pour l’agent, sur le fondement de la preuve antérieure au dépôt de la demande d’ERAR, de tirer l’ensemble des conclusions qui ont été les siennes quant au contrôle par l’État kenyan de son territoire, à la présence de forces de l’ordre et d’autorités civiles et à sa capacité de protéger ses citoyens. Le caractère raisonnable de ces conclusions peut être confirmé sans nécessité aucune de se référer aux documents postérieurs au dépôt de la demande d’ERAR; par conséquent, l’information postérieure à ce dépôt sur laquelle l’agent s’est fondé n’était ni si inédite, importante ou révélatrice quant à l’évolution des conditions générales prévalant dans le pays que son absence aurait influencé la décision de l’agent.

 

[29]           Les conclusions de l’agent sur l’existence de la protection de l’État et sur le défaut du demandeur de satisfaire aux exigences prévues aux articles 96 et 97 de la LIPR appartenaient aux issues possibles et acceptables au regard de la preuve dont il disposait. Le demandeur n’a pas démontré que la décision de l’agent était déraisonnable.

 

[30]           Compte tenu de ce qui précède, j’estime que la demande de contrôle judiciaire sous‑jacente de la décision de l’agent d’ERAR ne soulève pas de question sérieuse à trancher. Le demandeur n’a donc pas satisfait au premier volet du critère tripartite.

 

b)  Préjudice irréparable

 

[31]           Aux fins de l’octroi d’un sursis d’exécution à une mesure de renvoi, le critère du « préjudice irréparable » est d’application très stricte. Par préjudice irréparable, on entend la probabilité sérieuse de menace pour la vie ou la sécurité du demandeur (Melo c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) (2000), 188 F.T.R. 39, 96 A.C.W.S. (3d) 278, paragraphes 20 et 21).

 

[32]           La preuve servant à démontrer le préjudice irréparable doit dépasser les conjectures et être crédible. Il doit y avoir un haut degré de probabilité que le préjudice allégué se concrétisera en l’absence d’un sursis (Radji c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2007 CF 100, 308 F.T.R. 175, paragraphe 40; Selliah c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CAF 261, 132 A.C.W.S. (3d) 457, paragraphe 13).

 

[33]           La Cour suprême a statué qu’un État était présumé capable de protéger ses citoyens et que les demandeurs devaient donc « confirmer d’une façon claire et convaincante » que l’État ne pouvait ou ne voulait pas assurer leur protection. Tel qu’il est mentionné dans les notes de l’agent, en l’espèce, le demandeur n’a pu réfuter la présomption de protection de l’État, comme il n’a produit aucune preuve documentaire étayant ses allégations de risque encouru. L’ensemble de la preuve examinée par l’agent donnait à croire que le demandeur pouvait se réclamer de la protection de l’État (Canada (Procureur général) c. Ward, [1993] 2 R.C.S. 689).

 

[34]           Le demandeur a fait dans son affidavit le résumé d’un incident dont il aurait été témoin avant de quitter le Kenya en 2003 : deux étudiants auraient été assassinés alors que des policiers armés observaient la scène. Les détails de cet incident avaient été communiqués tant au premier qu’au second agent d’ERAR, et tous deux ont néanmoins statué qu’il y avait lieu de procéder à la mesure de renvoi. Qui plus est, la juge Mactavish était au fait de l’incident décrit dans l’affidavit lorsqu’elle a rejeté, la semaine dernière, la requête en sursis présentée par le demandeur. Le risque encouru par ce dernier a donc déjà été évalué à diverses reprises, et à chaque fois on a conclu que le demandeur ne serait pas exposé à un risque dans son pays d’origine. Et les précédents ne manquent pas au soutien de la prétention selon laquelle le demandeur ne subirait pas un préjudice irréparable en cas de retour au Kenya (Golubyev c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2007 CF 394, 156 A.C.W.S. (3d) 1147, paragraphe 13; Manohararaj c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 376, 147 A.C.W.S. (3d) 660).

 

c)  Prépondérance des inconvénients

 

[35]           En l’espèce, la prépondérance des inconvénients est favorable au défendeur, qui doit s’assurer, en vertu du paragraphe 48(2) de la LIPR, que la mesure de renvoi visant le demandeur soit appliquée dès que les circonstances le permettent.

 

[36]           L’intérêt public que le défendeur cherche à préserver en s’assurant que les mesures de renvoi soient appliquées l’emporte sur tout inconvénient que le demandeur pourrait subir du fait de son renvoi hors du Canada (Aquila, précitée, paragraphe 18).

 

[37]           Le demandeur soutient que la prépondérance des inconvénients lui est favorable parce qu’il n’a pas constitué un fardeau pour la société canadienne, qu’il n’a pas reçu de l’aide sociale et qu’il n’a pas fait l’objet d’accusations au criminel. Quoi que le demandeur en dise, le simple fait qu’une personne sollicitant un sursis n’ait pas de casier judiciaire et qu’il soit financièrement établi et socialement intégré au Canada ne signifie pas que la prépondérance des inconvénients penche en faveur de la délivrance d’une ordonnance de sursis (Selliah, précité, paragraphes 21 et 22).

 

VII.  Conclusion

[38]           Le demandeur n’a pas démontré qu’il satisfaisait à l’un quelconque des trois volets du critère tripartite pour la délivrance d’une ordonnance de sursis; la requête du demandeur en sursis d’exécution de la mesure de renvoi est par conséquent rejetée.

 


JUGEMENT

LA COUR ORDONNE que soit rejetée la requête du demandeur en sursis d’exécution de la mesure de renvoi.

 

 

« Michel M.J. Shore »

Juge

 

 

 

Traduction certifiée conforme

David Aubry, LL.B.

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                          IMM‑5106‑08

 

INTITULÉ :                                         PHILIP SOITA WASHIKO SIMUYU

                                                              c.

                                                              LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION ET LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                  OTTAWA (ONTARIO)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                 LE 15 JANVIER 2009

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                               LE JUGE SHORE

 

DATE DES MOTIFS

ET DU JUGEMENT :                        LE 22 JANVIER 2009

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Kibondo M. Kilongozi

 

POUR LE DEMANDEUR

David Aaron

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Kibondo M. Kilongozi

Avocat

Ottawa (Ontario)

 

POUR LE DEMANDEUR

John H. Sims, c.r.

Sous‑procureur général du Canada

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

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