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Date : 20090106

Dossier : T-462-08

Référence : 2009 CF 8

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 6 janvier 2009

En présence de monsieur le juge Zinn

 

ENTRE :

HARRY WAWATIE, TOBY DECOURSAY,

JEANNINE MATCHEWAN ET LOUISA PAPATIE,

EN LEUR QUALITÉ DE MEMBRES DU

CONSEIL DES AÎNÉS DE MITCHIKANIBIKOK INIK

(appelé aussi LES ALGONQUINS DU LAC BARRIÈRE)

 

demandeurs

 

et

 

 

LE MINISTRE DES AFFAIRES INDIENNES ET

DU NORD CANADIEN

 

 

défendeur

 

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE

 

  • [1] Les demandeurs font appel en vertu de l’article 51 des Règles des Cours fédérales.Les demandeurs cherchent à faire annuler l’ordonnance du protonotaire Aalto datée du 28 août 2008, par laquelle il a accueilli la requête du défendeur de radier la demande sous-jacente de contrôle judiciaire de la décision du ministre, d’agir, ou de consigner les résultats de la présumée sélection des dirigeants et d’entretenir ses rapports avec les Algonquins du lac Barrière en fonction de ces résultats. Pour les motifs qui suivent, je suis d’avis que la demande sous-jacente n’est pas une thèse qui n’a aucune chance d’être accueillie et que la demande n’aurait donc pas dû être radiée; par conséquent, le présent appel est accueilli.

 

Résumé des faits

  • [2] Les Algonquins du lac Barrière (ALB) traversent une crise touchant l’équipe dirigeante de la bande. Ce n’est pas la première. L’origine de la présente crise remonte à des différends de gouvernance antérieurs opposant les mêmes factions ou des factions semblables des ALB. M. Wawatie et les autres demandeurs nient la légitimité du conseil de bande du chef Casey Ratt (le conseil Ratt) et soutiennent que son élection n’a pas respecté le Mitchikanibikok Anishinabe Onakinakewin (MAO), le code de gouvernance coutumière des ALB. Ils soutiennent que le conseil de bande Matchewan-Nottaway élu en juillet et en août 2006, et reconnu par le défendeur le 29 mai 2007, était et est le seul conseil de bande légitime. L’article 2 de la Loi sur les Indiens prévoit qu’un conseil de bande peut être élu, soit en vertu des dispositions de la Loi sur les Indiens, soit en vertu d’une coutume de la bande. Les ALB maintiennent l’autonomie et le contrôle sur leur système électoral, c’est-à-dire que sa procédure électorale coutumière n’est pas régie par la Loi sur les Indiens ou n’y est pas assujettie. Elle est codifiée dans le MAO.

 

  • [3] Même si les ALB ont vécu de nombreuses crises touchant l’équipe dirigeante depuis environ 1996, aux fins du présent appel, seule l’histoire plus récente est pertinente.

 

  • [4] En mars 1996, le chef Matchewan et son conseil coutumier ont remis leur démission et une sélection de dirigeants a été déclenchée. Un conseil coutumier dirigé par Harry Wawatie a été choisi, ce que le ministre a refusé de reconnaître; à la place, le ministre a reconnu un conseil de bande provisoire pour diriger les ALB. La crise a été résolue avec l’aide d’un médiateur et de facilitateurs. Le règlement comportait la codification du MAO et, ultimement, la reconnaissance par le ministre du conseil de Harry Wawatie.

 

  • [5] Harry Wawatie a remis sa démission comme chef en 2006. Quatre membres du Conseil des aînés, dont Harry Wawatie, ont été reconnus par une résolution des aînés pour présider le processus de sélection de dirigeants visant à choisir un successeur, conformément au MAO. Ce processus de sélection de dirigeants a donné lieu à la sélection d’un conseil coutumier composé du chef Jean Maurice Matchewan et de quatre conseillers.

 

  • [6] À l’origine, le ministre a refusé de reconnaître le conseil Matchewan étant donné qu’un autre groupe prétendait être le conseil coutumier des ALB. Le ministre a refusé de traiter avec l’un ou l’autre. Un médiateur a de nouveau été nommé et, dans son rapport, il a indiqué que seul le conseil Matchewan avait suivi le processus de sélection indiqué dans le MAO; par conséquent, il a conclu qu’il formait l’équipe dirigeante compétente des ALB. Selon ce rapport, le ministre a reconnu dans une lettre datée du 29 mai 2007 le conseil Matchewan comme l’équipe dirigeante des ALB.

 

  • [7] Dans une lettre datée du 18 septembre 2007, Harry Wawatie, au nom du Conseil des aînés, a écrit au ministre pour l’informer que le chef Matchewan [traduction] « a accepté d’être relevé de ses fonctions et responsabilités de chef de Mitchikanibikok Inik [ALB], en attendant le résultat des accusations récemment portées contre lui par la Sûreté du Québec ». Il a ajouté que [traduction] « dans l’intervalle, le conseiller Benjamin Nottaway sera le chef intérimaire de notre Première nation ».

 

  • [8] Le 31 janvier 2008, Casey Ratt a écrit au ministre pour l’informer qu’il avait été choisi chef et que quatre nouvelles personnes avaient été choisies conseillers lors d’un processus de sélection de dirigeants mené par les aînés le 30 janvier 2008. La lettre indique que la sélection s’est faite conformément au MAO. En quelques jours, Harry Wawatie, au nom du Conseil des aînés, a écrit au ministre pour lui demander de ne pas tenir compte de la lettre de M. Ratt étant donné [traduction] « qu’un nouveau processus de sélection de dirigeants a été entrepris au lac Barrière ». La lettre informait également le ministre que le conseil coutumier était toujours formé du chef intérimaire Nottaway et de son conseil.

 

  • [9] Le 10 mars 2008, André Côté, au nom du défendeur, a répondu à Casey Ratt et aux personnes désignées comme conseillers dans sa lettre du 31 janvier 2008. Il a écrit :

 

[traduction] « Les Algonquins du lac Barrière choisissent leurs dirigeants conformément à un processus de sélection coutumier communautaire ». Dans ce contexte, et contrairement aux élections tenues en vertu de la Loi sur les Indiens, le rôle du ministère relativement aux élections coutumières est principalement limité à reconnaître le résultat des processus tenus dans les communautés et à consigner les résultats dans le Système d’information sur l’administration des bandes.

 

Au cours des derniers jours, le ministère a reçu et évalué une quantité appréciable de renseignements touchant la conduite d’un processus de sélection de l’équipe dirigeante des Algonquins du lac Barrière. Au vu de tous les renseignements communiqués, le ministère inscrira, dans le Système d’information sur l’administration des bandes, les résultats du processus de sélection qui s’est déroulé le 30 janvier 2008. Je voudrais donc vous informer que, à compter d’aujourd’hui, le ministère traitera avec le conseil composé du [chef Casey Ratt et d’autres].

 

Les demandeurs soutiennent que la lettre du défendeur, ou le plan d’action qu’elle annonce, constitue une décision susceptible de contrôle judiciaire; cependant, le protonotaire Aalto a conclu autrement et a radié leur demande.

 

  • [10] Le protonotaire a accepté les arguments du défendeur selon lesquels le ministre n’agissait pas comme un office fédéral au sens de l’article 18.1 de la Loi sur les Cours fédérales et, par conséquent, la Cour n’était saisie d’aucune décision susceptible de contrôle judiciaire. Le protonotaire Aalto était d’avis que les décisions de la Cour dans Algonquins du lac Barrière c. Canada (Procureur général), [1996] A.C.F. no 175 (« Lac Barrière ») et Première nation Wood Mountain c. Canada (Procureur général), [2006] A.C.F. no 1638 (« Wood Mountain ») étaient les plus à propos quant aux faits en l’espèce et a conclu, sur la foi de ces autorités, que la demande de contrôle judiciaire des demandeurs n’avait aucune chance d’être accueillie.

 

Analyse

  • [11] Les parties sont d’accord sur le fait que la Cour devrait examiner cette question de novo, étant donné que l’ordonnance du protonotaire était déterminante quant à l’issue de la demande sous-jacente. Elles conviennent que le critère approprié à l’égard d’une requête en radiation est de savoir si la demande est ou non manifestement irrégulière au point de n’avoir aucune chance d’être accueillie : Amnesty International Canada et al. c. chef de l’état-major de la Défense et al., 2007 CF 1147.

 

  • [12] Les demandeurs font valoir les arguments suivants à l’appui du rétablissement de leur demande :

    • (a) Le protonotaire a omis de tenir compte de l’affirmation des demandeurs selon laquelle le ministre ne s’est pas acquitté de son obligation constitutionnelle de consulter les demandeurs;

    • (b) Le protonotaire a mal interprété les faits et les éléments de preuve qui, allègue-t-on, indiquent que le ministre a outrepassé sa compétence et, dans les faits, a décidé qui dirigerait la Première nation;

    • (c) Le ministre est un office fédéral lorsqu’il décide de reconnaître un conseil de bande et d’entretenir des relations avec ce dernier.

 

  • [13] Je commence par un examen des deux arrêts sur lesquels s’est fondé le protonotaire.

 

  • [14] Lac Barrière, une décision de la juge McGillis, mettait en cause la même Première nation que celle qui est engagée dans la présente affaire et est intervenue lors de la crise antérieure touchant l’équipe dirigeante, mentionnée au paragraphe 4, ci-dessus. Le conseil de bande intérimaire, par le biais d’un avis de requête introductif d’instance, cherchait réparation à l’encontre du conseil Matchewan, du Procureur général du Canada et d’autres, demandant diverses formes de recours extraordinaire. L’instance contestait le statut du chef et du conseil de 1980. Le 23 janvier 1996, lorsque le ministère a reconnu le conseil de bande intérimaire comme conseil légitime de la bande (laquelle reconnaissance a par la suite été annulée), le conseil de bande intérimaire a présenté une requête visant à retirer l’avis de requête introductif d’instance pour le motif que la reconnaissance par le ministère de sa légitimité rendait l’affaire théorique.

 

  • [15] Le ministre s’est opposé à la demande de retrait et a adopté la position voulant que la question de la légitimité du conseil de bande n’était pas théorique. Sa position, exposée dans les motifs de la juge McGillis, était la suivante :

L’avocat du procureur général du Canada a contesté la requête au motif que la décision du ministre était purement administrative et visait simplement à permettre au ministre d’exercer ses fonctions à l’endroit de la Bande. Il a donc soutenu que la question de la légalité de la sélection des membres du conseil de bande intérimaire selon la coutume n’a pas été tranchée. En conséquence, la réparation demandée dans l’avis de requête introductif d’instance n’est pas devenue théorique.

 

  • [16] La juge McGillis a rejeté la requête visant à retirer l’avis de requête introductif d’instance au motif que la question sous-jacente n’était pas théorique. Elle a écrit :

Après avoir examiné les arguments des avocats et les documents déposés en l’espèce, j’en suis arrivée à la conclusion que la requête visant à retirer l’avis de requête introductif d’instance doit être rejetée. À mon avis, la question de la légalité de la sélection des membres du conseil de bande intérimaire selon la coutume n’a pas été tranchée. Dans les circonstances, il ne convient pas de permettre le retrait de l’avis de requête introductif d’instance.

 

 

  • [17] Le protonotaire Aalto a conclu que « [c]e qui découle de ce précédent, c’est que l’acte du ministre consistant à enregistrer le conseil de bande intérimaire dans le Système d’information sur l’administration des bandes n’était pas une décision sur la légitimité du processus de sélection ». Je suis d’accord. Lac Barrière porte sur la légitimité de la méthode de sélection du conseil et, en particulier, la légalité de la sélection du conseil de bande intérimaire. L’affaire Les Algonquins du lac Barrière n’étaye pas la thèse que la proposition selon laquelle la décision du ministre de déterminer avec qui il traitera comme représentant de la bande n’est pas une décision susceptible de contrôle judiciaire. Cette proposition n’est pas nécessaire pour l’issue de Lac Barrière et n’est pas non plus implicite dans cette issue.

 

  • [18] Wood Mountain est une décision plus récente de la Cour et elle concerne également une élection de bande. Dans Wood Mountain, la bande, à l’instar des ALB, choisit ses dirigeants selon la coutume. Le ministère a reçu une copie d’une résolution du conseil de bande visant la nomination d’un président d’élection pour une élection prévue pour le 24 mars 2006, dans laquelle il demandait la liste des membres de sa bande tenue par le ministère. Le 26 mars 2006, le ministère a reçu le rapport du président d’élection quant aux résultats des élections. Une fonctionnaire du ministère a répondu par lettre datée du 31 mars 2006, lettre dans laquelle, selon le jugement, [traduction] « elle a accusé réception des résultats de l’élection prétendument tenue selon la coutume par la nation Wood Mountain Lakota le 24 mars 2006 ». Dans l’intervalle, le ministère a reçu, le 21 mars 2006, un rapport émanant d’un autre président d’élection concernant une autre élection tenue le 16 mars 2006. Une demande de contrôle judiciaire a été déposée [traduction] « concernant les résultats de la prétendue “élection coutumière” de la Première nation Wood Mountain […] » mentionnés dans sa lettre du 31 mars 2006.

 

  • [19] L’ordonnance du juge Strayer relativement à un refus en vertu de l’article 318 des Règles de produire des documents au motif que le défendeur ne constituait pas un tribunal au sens des Règles et de la Loi sur les Cours fédérales, car aucune décision susceptible de contrôle judiciaire n’a été rendue par le ministère. Le juge Strayer a conclu que la lettre du 31 mars 2006 n’était pas une décision susceptible de contrôle judiciaire.

J’ai conclu que la mesure prise par Mme Shalapata en écrivant sa lettre du 31 mars 2006 n’est pas susceptible de contrôle judiciaire en tant que mesure prise par un « office fédéral » tel que cette expression est définie à l’article 2 de la Loi sur les Cours fédérales. Pour être un office fédéral, l’organisme ou la personne doit exercer ou être censé exercer une compétence ou des pouvoirs prévus par une loi fédérale.

La Cour a conclu que la mention d’élections tenues selon la coutume de la bande dans la définition de « conseil de bande » qui figure à l’article 2 de la Loi ne crée pas la compétence pour des élections coutumières, mais ne fait que les définir pour ses propres fins : [...] Par conséquent, de telles élections ne sont pas tenues en vertu d’une compétence prévue par une loi fédérale. L’avocat des demandeurs n’a porté à mon attention aucune disposition dans la Loi qui accorde au MAINC la compétence de décider qui a gagné l’élection. [...] [L]e ministre n’a aucun pouvoir sur ces élections. Le MAINC ne joue aucun rôle quant à savoir ce qui est une coutume de la bande aux fins de la gestion d’une élection : [...]

Pour le même motif, les demandeurs ne peuvent demander aucun document aux défendeurs en vertu du paragraphe 317(1) des Règles parce qu’il n’autorise qu’une demande de transmission de documents qui sont en la possession de « l’office fédéral dont l’ordonnance fait l’objet de la demande ».

(Renvois omis)

 

  • [20] Le défendeur soutient que le ministre, en l’espèce, n’a tout simplement rien fait de plus que ce qui avait été fait dans l’affaire Wood Mountain. Il écrit ceci aux paragraphes 39 et 43 de son mémoire :

En reconnaissant les résultats de la « révision de la direction » de 2008, le ministre n’a rien fait d’autre que de prendre note des résultats de la « révision de la direction » ou du processus de sélection adopté par la bande selon le Mitchikanibikok Anishinabe Onakinakewin qui était fourni au MAINC dans le cours ordinaire des affaires.

 

[...] Le ministre n’a fait que consigner mécaniquement les renseignements qui avaient été fournis par le nouveau conseil de bande du chef Casey Ratt.

 

  • [21] Si tout ce que le défendeur a fait était de consigner mécaniquement les résultats, alors il se peut fort bien que l’issue de la présente requête en rejet serait la même que celle dans l’affaire Wood Mountain. Cependant, comme l’ont fait valoir les demandeurs, le ministre a prétendu faire beaucoup plus que tout simplement consigner les résultats qui lui ont été fournis, sans passer de jugement à leur égard.

 

  • [22] L’auteur de la lettre du 10 mars 2008 indique que le ministère a reçu [traduction] « et évalué » une quantité appréciable de renseignements touchant la conduite d’un processus de sélection de l’équipe dirigeante. Par conséquent, étant donné que même l’avocat du défendeur l’admis lors de l’audience, le défendeur a pris une décision quant à laquelle des revendications concurrentes il consignerait.

 

  • [23] Deuxièmement, l’auteur de la lettre dit qu’en plus de consigner les renseignements concernant le nouveau conseil de bande, le ministère traitera avec le conseil Ratt lorsqu’il traite avec la bande des ALB. Il écrit : « Je voudrais [...] vous informer que, à compter d’aujourd’hui, le ministère traitera avec le conseil composé du [chef Ratt et d’autres] ». À mon avis, cette affirmation distingue l’espèce de Lac Barrière et de Wood Mountain. Dans un cas comme dans l’autre, il n’y a pas eu de décision explicite selon laquelle le ministère traiterait avec un conseil donné lorsqu’il traiterait avec la Première nation.

 

  • [24] À mon avis, il est loisible aux demandeurs de soutenir que le ministre des Affaires indiennes et du Nord, lorsqu’il a décidé que lorsqu’il traiterait avec les ALB, il traiterait avec le conseil Ratt, il a pris ou prétendu prendre une décision en vertu de la Loi sur les Indiens, L.R.C. 1985, ch. I-5 ou de la Loi sur le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien, L.R.C. 1985, ch. I-6, ou agi en vertu d’un pouvoir constitutionnel. Les décisions prises en vertu de telles lois ou d’une prérogative de la Couronne sont susceptibles de contrôle judiciaire en application de l’article 18.1 de la Loi sur les Cours fédérales.

 

  • [25] Les demandeurs soutiennent également que le protonotaire a commis une erreur en ce sens qu’il a omis de tenir compte du fait qu’un aspect de la demande était sa prétention que le ministre avait l’obligation de consulter la bande avant de décider qu’il traiterait avec le conseil Ratt. Ils se fondent sur la décision de la Cour suprême du Canada dans Nation Haïda c. Colombie-Britannique (Ministre des Forêts), [2004] 3 R.C.S. 511 et l’observation du juge en chef au paragraphe 60 que lorsque la conduite du gouvernement est contestée au motif qu’il ne se serait pas acquitté de son obligation de consulter et d’accommoder en attendant le règlement des revendications, la question peut être soumise aux tribunaux pour examen. La question de savoir si l’on peut dire que l’obligation de consulter est soulevée dans les présentes circonstances se pose. Il semble qu’il s’agisse d’une jurisprudence en évolution. À cet égard, les observations du juge Hugessen dans Shubenacadie Indian Band c. Canada (Procureur Général), 2001 CF 1re inst. 181, au paragraphe 5, faites dans le contexte d’une requête visant à radier une action concernant le droit autochtone, sont pertinentes :

J’examinerai maintenant le second aspect de la requête, qui vise à la radiation de la déclaration pour le motif qu’elle ne révèle aucune cause d’action valable. Il est bien établi en principe qu’une partie qui présente une requête de ce genre a une lourde charge et qu’elle doit démontrer que, de fait, il est certain que la cause n’a aucune chance de succès à l’instruction. En outre, la déclaration doit être interprétée d’une façon libérale et avec un esprit ouvert et ce n’est que dans les cas particulièrement clairs que la Cour devrait radier la déclaration. À mon avis, c’est d’autant plus le cas dans ce domaine, à savoir en matière de droit autochtone, cette branche du droit ayant depuis quelques années connu un essor rapide au Canada. Des causes d’action qui auraient pu être considérées comme bizarres ou outrageuses il y a quelques années seulement sont maintenant acceptées.

 

S’il existe dans un acte de procédure la moindre cause d’action, même si celle‑ci est libellée en des termes vagues et d’une façon imparfaite, on devrait à mon avis laisser l’affaire se poursuivre. À cet égard, la requête en radiation est fort différente du cas dans lequel une partie présente une requête en vue d’obtenir un jugement sommaire, la Cour devant alors s’attaquer à cette question de droit in limine. Dans ce cas‑ci, comme je l’ai dit, la Cour doit interpréter la déclaration d’une façon libérale et chercher à permettre à la demanderesse, si elle le peut, de faire valoir sa cause.

 

  • [26] Pour ces motifs, je suis d’avis que l’on ne peut pas dire que la demande des demandeurs n’a aucune chance d’être accueillie. Ils, tout comme le défendeur, devraient pouvoir présenter des observations complètes à la Cour à l’égard de toutes les questions en litige soulevées dans la demande. Par conséquent, l’appel est accueilli.

 

  • [27] Les demandeurs ont demandé l’adjudication des dépens si leur appel était accueilli. Je ne vois pas pourquoi ils ne devraient pas être adjugés, tant en ce qui concerne le présent appel que les procédures antérieures.


ORDONNANCE

 

  LA COUR ORDONNE que le présent appel soit accueilli et que l’ordonnance du protonotaire Aalto datée du 28 août 2008 soit annulée. Les demandeurs ont droit à leurs dépens dans le cadre du présent appel et de la requête entendue par le protonotaire Aalto.

 

     « Russel W. Zinn »

Juge


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :  T-462-08

 

INTITULÉ :  HARRY WAWATIE, TOBY DECOURSAY, JEANNINE MATCHEWAN ET LOUISA PAPATIE, EN LEUR QUALITÉ DE MEMBRES DU CONSEIL DES AÎNÉS DE MITCHIKANIBIKOK INIK

       (appelé aussi LES ALGONQUINS DU LAC BARRIÈRE) c.

  LE MINISTRE DES AFFAIRES INDIENNES ET DU NORD CANADA

 

LIEU DE L’AUDIENCE :  TORONTO (ONTARIO)

 

DATE DE L’AUDIENCE :  LE 24 NOVEMBRE 2008

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :  LE JUGE ZINN

 

DATE DES MOTIFS :  LE 6 JANVIER 2009

 

 

COMPARUTIONS :

 

David C. Nahwegahbow

Nicole Richmond

POUR LES DEMANDEURS

 

 

Tania Hernandez

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

NAHWEGAHBOW, CORBIERE

Avocats 

Rama (Ontario) 

 

POUR LES DEMANDEURS

MINISTÈRE DE LA JUSTICE DU CANADA

Bureau régional du Québec

Ottawa (Ontario)

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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