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Date : 20081218

Dossier : IMM-2902-08

Référence : 2008 CF 1398

Toronto (Ontario), le 18 décembre 2008

En présence de monsieur le juge Hughes

 

 

ENTRE :

JANE OKOJIE

SAMUEL OKOJIE

demandeurs

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Les demandeurs sont une femme adulte et son fils mineur. Les deux sont citoyens du Nigeria. La demanderesse a aussi une petite fille née au Canada qui ne fait pas partie de la présente demande.

 

[2]               La décision faisant l’objet du présent contrôle a été rendue par un agent d’examen des risques avant renvoi (l’agent d’ERAR) qui, dans une décision écrite datée du 25 mars 2008, rejetait la demande des demandeurs en se basant sur le fait que ceux-ci ne seraient pas exposés au risque d’être persécuté, au risque d’être soumis à la torture, à une menace à leur vie, ou au risque de traitements ou peines cruels et inusités dans le cas où ils retourneraient au Nigeria.

[3]               Les demandeurs cherchent à faire annuler la décision et à faire renvoyer l’affaire à un autre agent pour que celui‑ci statue à nouveau sur l’affaire. Leur avocat a soulevé deux questions à cet égard :

 

1.      Est-ce que l’agent d’ERAR a enfreint les règles d’équité procédurale et de justice naturelle ainsi que les droits des demandeurs à la justice fondamentale?

2.      Est-ce que l’appréciation de la preuve faite par l’agent d’ERAR avait un caractère manifestement déraisonnable?

 

[4]               Pour les motifs qui suivent, j’ai décidé que la demande serait rejetée.

 

Première question : équité procédurale et justice naturelle

 

[5]               La principale observation de l’avocat des demandeurs, observation transmise par écrit et oralement, traite la question d’équité procédurale et de justice naturelle. Je suis d’accord avec l’avocat quand il dit qu’aucune question de norme de contrôle ne se pose à cet égard. S’il y a eu un manque d’équité procédurale, lequel équivalait à un déni de justice naturelle, alors, le contrôle judiciaire doit être accueilli et l’affaire renvoyée pour être jugée convenablement par un autre agent.

 

[6]               En l’espèce, les demandeurs allèguent que l’agent d’ERAR a tenu une audience au cours de laquelle des questions ont été posées à la demanderesse et à son amie. Cependant, l’avocat des demandeurs a été expulsé de la salle à un stade peu avancé de l’audience; en conséquence, les demandeurs n’ont pas pu bénéficier d’une représentation adéquate et se sont vus dans l’impossibilité de continuer à répondre aux questions ou de poursuivre l’audience.

 

[7]               À cet effet, les demandeurs ont fourni un affidavit de la demanderesse et de l’avocat qui avait été expulsé, Me Henryson Nwakobi. Le défendeur a déposé l’affidavit de l’agent d’ERAR, M. Vaughn Spence. Les souscripteurs d’affidavit n’ont pas été contre-interrogés.

 

[8]               Les souscripteurs d’affidavit ont chacun donné une version différente des événements en question. Lorsqu’il y a conflit, je préfère la preuve fournie par M. Spence, étant donné que celle-ci est basée sur des notes prises peu de temps après l’audience, alors que celles des autres déposants s’appuient sur une remémoration après plusieurs mois. J’ai également examiné avec soin le dossier du tribunal. Par conséquent, les faits suivants se dégagent et, pour l’essentiel, ne sont pas contredits par les demandeurs, sauf indication contraire.

1.      Les demandeurs ont sollicité un examen des risques avant renvoi basé essentiellement sur l’allégation de la demanderesse, à savoir que sa vie serait en danger si elle retournait au Nigeria du fait de son homosexualité;

 

2.      Le formulaire de demande d’ERAR signée par la demanderesse nomme, à titre de son représentant canadien, le [traduction] « Dr Julius Ehikwe ».

 

3.      M. Spence, l’agent d’ERAR qui s’occupait du dossier, avait tenu une audience le 18 mars 2008.

4.      À part l’agent, étaient alors présents la demanderesse, son amie, Mme Richards, le Dr Julius Ehikwe et une autre personne de sexe masculin.

 

5.      L’agent a été amené à croire que l’autre personne présente dans la salle était un observateur et était un frère du Dr Ehikwe. Ici, la preuve est contradictoire; la demanderesse allègue que l’autre personne était là en tant que son [traduction] « représentant », mais elle a omis de dire dans son affidavit si oui ou non elle en avait avisé l’agent. La personne de sexe masculin, identifiée plus tard comme étant Me Henryson Nwakobi, un avocat ontarien, déclare aussi dans son affidavit qu’il était présent en tant que représentant des demandeurs, mais ne dit pas qu’il avait avisé l’agent de ce fait. M. Spence, dans son affidavit, affirme que personne ne l’avait avisé que Me Nwakobi était dans la salle en tant que représentant et que si cela avait été le cas, il aurait mis une note dans son dossier à ce sujet. Dans sa plaidoirie, l’avocat des demandeurs semble accepter le fait que Me Nwakobi n’avait pas été présenté à l’agent comme un représentant des demandeurs, puisqu’il fait valoir que l’agent avait le devoir de se renseigner au sujet de Me Nwakobi lorsqu’il est apparu à l’audience, quant à savoir à quel titre il était là. Je n’accepte tout simplement pas cet argument. Une personne qui se présente à une audience de ce genre, qui agit en tant que représentant, a le devoir de s’identifier comme agissant à ce titre. En l’espèce, j’accepte la preuve de M. Spence selon laquelle la personne a simplement été présentée comme un observateur qui était autorisé à assister à l’audience. Me Nwakobi, en tant qu’avocat, aurait dû s’identifier positivement à l’agent s’il agissait en qualité de représentant.

 

6.      Peu après le début de l’interrogatoire de la demanderesse par l’agent, elle a semblé hésitante dans sa réponse. À ce moment‑là, l’autre personne de sexe masculin (maintenant identifiée comme étant Me Nwakobi) est intervenue en parlant fort, complétant la réponse que, selon ce qu’elle croyait, la demanderesse s’apprêtait à donner. Un échange s’ensuivit entre l’agent et Me Nwakobi (on ne s’entend pas quant à savoir qui a dit quoi à qui et qui a monté le ton lors de ses observations, mais ce n’est pas important). Cela s’est terminé par l’expulsion de Me Nwakobi de la salle d’audience.

 

7.      La demanderesse a semblé contrariée par l’incident et elle a pris quelques minutes pour se calmer.

 

8.      Les demandeurs ont eu la possibilité de solliciter un ajournement, mais ont refusé. Le Dr Julius Ehikwe est resté pendant qu’on finissait d’interroger la demanderesse et son amie, Mme Richards.

 

9.      La décision ERAR défavorable fut communiquée par lettre adressée aux demandeurs et une copie conforme a été envoyée au Dr Julius Ehikwe.

 

10.  Aucune plainte quant à l’expulsion de Me Nwakobi de l’audience n’a été formulée jusqu’au dépôt de la demande d’autorisation de demander le contrôle judiciaire. Les demandeurs ont poursuivi l’audience en compagnie du Dr Ehikwe. Celui‑ci a été inscrit au dossier, en qualité de représentant, avant, pendant et après cette audience. Quant à Me Nwakobi, il n’a jamais été inscrit au dossier à quelque titre que ce soit.

 

[9]               La preuve dont je dispose me convainc que c’était le Dr Ehikwe, et non pas Me Nwakobi, qui représentait les demandeurs et qui a agi à ce titre tout au long du processus, à savoir avant, pendant et après l’audience. Me Nwakobi, si tant est qu’il agissait à un titre quelconque, n’a jamais été ainsi identifié dans quelque document écrit que ce soit, et ni lui ni personne d’autre n’a été clair sur ce point avec l’agent lors de l’audience. Me Nwakobi avait, en tant qu’avocat, l’obligation d’informer l’agent de sa qualité si, bien entendu, il en avait une. Me Nwakobi avait également l’obligation, en tant qu’avocat, qu’il représentât ou non quelqu’un, d’être respectueux et de bien se tenir au cours de l’audience. Je suis conscient que la preuve est contradictoire à cet égard; par conséquent, je n’analyse pas davantage la question du respect et du comportement, et je n’ai pas à le faire. Le point est que, en tant qu’avocat, Me Nwakobi avait le devoir, s’il agissait à titre de représentant d’une personne, de s’identifier comme tel. Il ne l’a pas fait. Maintenant, ni lui ni personne ne peut, alors que cela semble convenir aux demandeurs, lui donner le titre de représentant de ceux‑ci.

 

[10]           Il n’y a pas eu de manquement à l’équité procédurale ni de déni de justice naturelle.

 

Deuxième question : appréciation de la preuve par l’agent

[11]           Chaque partie s’est contentée, à l’égard de cette question, d’invoquer les observations écrites contenues dans son exposé des arguments.

 

[12]           Les observations des demandeurs étaient concises et ne représentaient rien de plus qu’une contestation de certaines conclusions de l’agent. Le rôle de la Cour n’est pas d’apprécier à nouveau les conclusions factuelles faites par l’agent en l’absence d’un quiproquo ou d’une omission considérable (p. ex. voir les motifs de la juge Layden-Stevenson dans l’affaire Augusto c. Canada (Solliciteur général), 2005 CF 673, au paragraphe 9). Il n’y a rien de tel en l’espèce. Il n’existe aucun fondement à un contrôle à cet égard.

 

Certification et dépens

[13]           L’avocat des demandeurs a proposé des questions en vue de la certification. L’avocate du défendeur ne l’a pas fait, faisant valoir que l’affaire reposait sur des faits qui lui étaient propres et qu’elle ne soulevait aucune question de portée générale. Je suis d’accord. Aucune question ne sera certifiée.

 

[14]           Il n’y a aucun motif spécial justifiant l’adjudication de dépens.


JUGEMENT

 

LA COUR STATUE que

  1. la demande est rejetée;
  2. aucune question n’est certifiée;
  3. aucuns dépens ne sont adjugés.

 

 

« Roger T. Hughes »”

Juge

 

 

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

 

Christian Laroche, LL.B.

Juriste-traducteur


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        IMM-2902-08

 

INTITULÉ :                                       JANE OKOJIE et SAMUEL OKOJIE c.

                                                            LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 17 décembre 2008 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                              LE JUGE HUGHES

 

DATE DES MOTIFS

ET DU JUGEMENT :                       Le 18 décembre 2008

 

COMPARUTIONS :

 

Kingsley Jesuorobo

POUR LES DEMANDEURS

 

Leanne Briscoe

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Kingsley I. Jesuorobo

Avocat

North York (Ontario)

 

POUR LES DEMANDEURS

 

 

 

 

John H. Sims, c.r.

Sous‑procureur général

Ministère de la Justice

Toronto (Ontario)

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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