Ottawa (Ontario), le 21 mai 2008
En présence de monsieur le juge Phelan
ENTRE :
et
LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE
ET DE LA PROTECTION CIVILE
MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT
I. INTRODUCTION
[1] Il s’agit encore une fois d’une des nombreuses affaires où la Cour a accordé un sursis à l’exécution d’une mesure de renvoi et où elle est saisie par la suite du contrôle judiciaire du refus par l’agent de différer le renvoi.
II. CONTEXTE
[2] La demanderesse en l’espèce, citoyenne des Philippines, a exercé pratiquement tous les recours possibles en matière d’immigration. Elle s’est désistée de sa demande d’asile, sa première demande CH déposée en mars 2006 a été rejetée, elle a fait l’objet d’un mandat d’arrestation pour défaut de comparution et sa demande d’ERAR s’est soldée par une décision défavorable.
[3] Prise le 2 février 2004 (lorsque la demanderesse s’est désistée de sa demande d’asile), la première mesure d’interdiction de séjour visant la demanderesse devait être exécutée le 24 août 2007. La demanderesse a sollicité le report de la mesure de renvoi devant être exécutée à cette date pour les raisons suivantes : elle était enceinte; sa deuxième demande CH était pendante; elle comptait épouser une personne qui venait d’arriver au Canada; elle avait des intérêts commerciaux au Canada; enfin, elle craignait les risques auxquels elle serait exposée à son retour aux Philippines. Elle a présenté sa demande de report le 10 août 2007.
[4] Pour rendre la situation encore plus complexe, le 22 août 2007, le juge Martineau a sursis au renvoi en attendant le contrôle judiciaire du rejet de la première demande CH.
[5] Pour ce qui est de la décision sur le report du renvoi dont a été saisie la Cour, l’agent chargé du renvoi a, cette fois-ci, traité exhaustivement de chacun des motifs invoqués.
III. ANALYSE
[6] L’arrêt Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, a bel et bien modifié la norme de contrôle applicable aux décisions en matière de report, remplaçant l’ancienne norme de la décision manifestement déraisonnable par celle de la décision raisonnable, mais tout examen d’une décision en la matière doit prendre en compte la nature hautement factuelle des affaires de ce genre, ainsi que le pouvoir discrétionnaire limité dont dispose l’agent chargé du renvoi dans le contexte de tout le régime législatif régissant le système d’immigration. Dans Baron c. Canada (Ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile), 2008 CF 341, la juge Dawson a clairement expliqué le pouvoir limité de l’agent dans ce contexte.
[7] Je suis persuadé qu’il n’y a pas lieu d’accueillir la demande de contrôle judiciaire pour quatre raisons :
· Comme la date prévue du renvoi est passée, le renvoi est périmé.
· La question du renvoi était subordonnée à la décision du juge Martineau de reporter le renvoi concernant la première décision sur les motifs d’ordre humanitaire; le renvoi demeure donc théorique au moins jusqu’à ce qu’il soit statué sur cette demande de contrôle judiciaire.
· Les faits dont était saisi l’agent chargé du renvoi ont beaucoup changé, surtout depuis que la grossesse a été menée à terme.
· La décision de l’agent chargé du renvoi était raisonnable compte tenu des faits dont il était saisi.
[8] Vu la situation de Mme Pacia dans son ensemble, les faits à l’origine de toute mesure de renvoi ou ordonnance portant report du renvoi, le cas échéant, seraient fort différents de ceux présentés à l’agent chargé du renvoi. Je rejette donc tout argument selon lequel je devrais rendre une quelconque ordonnance relative au report en fonction de la demande CH pendante.
IV. CONCLUSION
[9] La demande de contrôle judiciaire est donc rejetée.
[10] Les questions soulevées dans Baron, précitée, se rapportent à la présente décision, mais elles ne permettent pas de trancher l’affaire en l’espèce. Je ne certifierai donc pas la question certifiée dans Baron.
JUGEMENT
LA COUR STATUE que la présente demande de contrôle judiciaire est rejetée.
Traduction certifiée conforme
David Aubry, LL.B.
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : IMM-3293-07
INTITULÉ : LEMIE JANE GADDI PACIA
c.
LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE
ET DE LA PROTECTION CIVILE
LIEU DE L’AUDIENCE : TORONTO (ONTARIO)
DATE DE L’AUDIENCE : LE 7 MAI 2008
DATE DES MOTIFS
ET DU JUGEMENT : LE 21 MAI 2008
COMPARUTIONS :
Daniel Kingwell
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Bernard Assan
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AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Mamann & Associates Avocats Toronto (Ontario)
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John H. Sims, c.r. Sous-procureur général du Canada Toronto (Ontario) |