Ottawa (Ontario), le 4 avril 2008
EN PRÉSENCE DE MADAME LA JUGE JOHANNE GAUTHIER
ENTRE :
G.D. SEARLE & CO. et PFIZER CANADA INC.
et
MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE
[1] Le présent contrôle judiciaire de la décision du ministre de la Santé de retirer le brevet canadien no 2 319 201 (le brevet 201) du registre des brevets soulève une nouvelle question concernant l’interprétation du paragraphe 4(3) des modifications apportées le 5 octobre 2006 au Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité), DORS/98‑166, DORS/93‑133, tel qu’il est modifié (le Règlement AC). Ces modifications ont été adoptées afin de clarifier les conditions d’admissibilité à l’adjonction au registre d’un brevet qui se rattache à un supplément à une présentation de drogue nouvelle (SPDN).
[2] Pour les motifs qui suivent, la Cour conclut que la décision du ministre est bien fondée et qu’il ne convient pas de la modifier.
L’HISTORIQUE
[3] Pfizer Canada Inc. (Pfizer) fabrique et commercialise sous forme de capsules de 100 mg, de 200 mg et de 400 mg le médicament Celebrex ® au Canada. Le Celebrex ® est un anti‑inflammatoire non stéroïdien (AINS)[1] qui agit comme inhibiteur de la cyclo‑oxygénase‑2 (COX‑2). Il contient l’ingrédient médicinal célécoxib.
[4] Le 14 avril 1999, à la suite d’une présentation de drogue nouvelle (PDN) concernant le célécoxib, Santé Canada a délivré à Pfizer un avis de conformité (AC) visant l’utilisation pour [TRADUCTION] « le soulagement des signes et des symptômes de l’arthrose et de la polyarthrite rhumatoïde chez l’adulte ». Les brevets canadiens no 2 177 576 (le brevet 576) et 2 267 186 (le brevet 186) appartenant à G.D. Searle & Co. ont été inscrits par Pfizer relativement à cet avis de conformité. Le brevet 576 porte sur une classe de composés qui inclut le célécoxib et porte également sur l’utilisation de ces composés dans, notamment, le traitement de l’arthrite et des troubles d’ordre inflammatoire, y compris la douleur et la fièvre, alors que le brevet 186 porte sur un nouvel usage thérapeutique des inhibiteurs de la COX‑2, c’est‑à‑dire le traitement et la prévention du processus néoplasique.
[5] Depuis lors, Pfizer a demandé et a reçu des approbations quant à de nombreux SPDN, notamment le SPDN 072375 qui a été déposé le 4 juillet 2001. Ce SPDN décrit une nouvelle indication ou une nouvelle utilisation du Celebrex ®, à savoir l’utilisation [TRADUCTION] « chez l’adulte pour soulager à court terme (≤ 7 jours) la douleur aiguë, modérée ou grave, en raison d’états pathologiques tels que : les traumas des tissus mous et/ou musculosquelettiques, y compris entorses, postchirurgie orthopédique et douleurs suite à l’extraction dentaire ». Ce SPDN a été approuvé par Santé Canada et un avis de conformité a été délivré le 7 septembre 2004.
[6] Environ deux ans plus tard, le 11 juillet 2006, le brevet 201 a été délivré à G.D. Searle & Co. à l’égard d’une demande de brevet qui avait été déposée le 30 novembre 1999. En vertu du paragraphe 4(4) du Règlement AC, tel qu’il était libellé avant les modifications du 5 octobre 2006, les titulaires de brevets disposaient de 30 jours à compter de la date de la délivrance du brevet pour soumettre une demande d’inscription d’un brevet au registre des brevets relativement à des présentations de drogues admissibles, pourvu que la demande relative au dit brevet ait été déposée avant la date du dépôt de la présentation de drogue. Par conséquent, le brevet 201 ne pouvait pas être inscrit relativement à l’avis de conformité délivré en 1999 pour Celebrex ®, mais il pouvait être inscrit relativement au SPDN 072375, car il contenait une revendication pour le médicament célécoxib (formulation[2]). Il a été ajouté par le ministre au registre des brevets le 27 juillet 2006. La demande d’inscription du brevet a été faite par Pfizer avec le consentement de G.D. Searle.
[7] Comme il a déjà été mentionné, le Règlement AC a été modifié le 5 octobre 2006. L’article 6 des dispositions transitoires précise que toutes les listes de brevets déposées après le 17 juin 2006 seront soumises aux nouvelles exigences en matière d’inscription de brevets. Comme le brevet 201 a été soumis pour inscription le 19 juillet 2006, il était soumis au Règlement AC modifié.
[8] Le ministre a vérifié de nouveau les brevets déposés après le 17 juin 2006 et a conclu que le brevet 201 ne satisfaisait pas aux exigences du paragraphe 4(3) du Règlement AC.
[9] Le ministre a avisé Pfizer qu’il proposait de radier le brevet 201. Pfizer a fait des représentations orales et écrites à l’encontre de la radiation proposée en tenant compte, notamment, que, le brevet devrait être inscrit si la nouvelle indication est englobée par une ou plusieurs revendications du brevet. Pfizer a soumis des rapports émanant de cinq experts afin de démontrer que, en fait, la nouvelle indication était englobée par les revendications 14 et 15 du brevet 201.
[10] En fin de compte, le ministre a conclu que le brevet 201 ne satisfaisait pas aux exigences du Règlement AC et il a été radié le 1er mai 2007.
[11] Les revendications 14 et 15 du brevet 201 sont ainsi libellées :
[TRADUCTION]
14. L’utilisation d’une composition telle que définie dans l’une ou l’autre des revendications 1 à 10 pour la préparation d’un médicament pour le traitement et/ou la prophylaxie, d’un état pathologique ou d’un trouble chez un sujet lorsqu’un traitement avec un inhibiteur de la cyclo‑oxygénase‑2 est indiqué.
15. L’utilisation selon la revendication 14, lorsque l’état pathologique ou le trouble est la polyarthrite rhumatoïde, l’arthrose ou la douleur.
[12] Les parties conviennent que dans la version approuvée du Celebrex ® qui est actuellement sur le marché, il y est incorporé une composition de drogue visée par le brevet 201. Par conséquent, la spécificité du produit n’est pas une question en litige en l’espèce.
LES DISPOSITIONS LÉGALES
[13] Les dispositions légales et réglementaires pertinentes en l’espèce sont reproduites ci‑dessous :
L’article 55.2 de la Loi sur les brevets, L.R.C. 1985, ch. P‑4 :
55.2.(1) Il n’y a pas contrefaçon de brevet lorsque l’utilisation, la fabrication, la construction ou la vente d’une invention brevetée se justifie dans la seule mesure nécessaire à la préparation et à la production du dossier d’information qu’oblige à fournir une loi fédérale, provinciale ou étrangère réglementant la fabrication, la construction, l’utilisation ou la vente d’un produit.
(4) Afin d’empêcher la contrefaçon d’un brevet d’invention par l’utilisateur, le fabricant, le constructeur ou le vendeur d’une invention brevetée au sens du paragraphe (1), le gouverneur en conseil peut prendre des règlements, notamment :
a) fixant des conditions complémentaires nécessaires à la délivrance, en vertu de lois fédérales régissant l’exploitation, la fabrication, la construction ou la vente de produits sur lesquels porte un brevet, d’avis, de certificats, de permis ou de tout autre titre à quiconque n’est pas le breveté;
b) concernant la première date, et la manière de la fixer, à laquelle un titre visé à l’alinéa a) peut être délivré à quelqu’un qui n’est pas le breveté et à laquelle elle peut prendre effet;
c) concernant le règlement des litiges entre le breveté, ou l’ancien titulaire du brevet, et le demandeur d’un titre visé à l’alinéa a), quant à la date à laquelle le titre en question peut être délivré ou prendre effet;
d) conférant des droits d’action devant tout tribunal compétent concernant les litiges visés à l’alinéa c), les conclusions qui peuvent être recherchées, la procédure devant ce tribunal et les décisions qui peuvent être rendues;
e) sur toute autre mesure concernant la délivrance d’un titre visé à l’alinéa a) lorsque celle-ci peut avoir pour effet la contrefaçon de brevet.
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55.2.(1) It is not an infringement of a patent for any person to make, construct, use or sell the patented invention solely for uses reasonably related to the development and submission of information required under any law of Canada, a province or a country other than Canada that regulates the manufacture, construction, use or sale of any product.
(4) The Governor in Council may make such regulations as the Governor in Council considers necessary for preventing the infringement of a patent by any person who makes, constructs, uses or sells a patented invention in accordance with subsection (1), including, without limiting the generality of the foregoing, regulations
(a) respecting the conditions that must be fulfilled before a notice, certificate, permit or other document concerning any product to which a patent may relate may be issued to a patentee or other person under any Act of Parliament that regulates the manufacture, construction, use or sale of that product, in addition to any conditions provided for by or under that Act;
(b) respecting the earliest date on which a notice, certificate, permit or other document referred to in paragraph (a) that is issued or to be issued to a person other than the patentee may take effect and respecting the manner in which that date is to be determined;
(c) governing the resolution of disputes between a patentee or former patentee and any person who applies for a notice, certificate, permit or other document referred to in paragraph (a) as to the date on which that notice, certificate, permit or other document may be issued or take effect;
(d) conferring rights of action in any court of competent jurisdiction with respect to any disputes referred to in paragraph (c) and respecting the remedies that may be sought in the court, the procedure of the court in the matter and the decisions and orders it may make; and
(e) generally governing the issue of a notice, certificate, permit or other document referred to in paragraph (a) in circumstances where the issue of that notice, certificate, permit or other document might result directly or indirectly in the infringement of a patent.
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L’article 2 du Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité) :
2. Les définitions qui suivent s’appliquent au présent règlement.
[...]
« revendication de la forme posologique » Revendication à l’égard d’un mécanisme de libération permettant d’administrer l’ingrédient médicinal d’une drogue ou la formulation de celle-ci, dont la portée comprend cet ingrédient médicinal ou cette formulation. (claim for the dosage form)
« revendication de la formulation » Revendication à l’égard d’une substance qui est un mélange des ingrédients médicinaux et non médicinaux d’une drogue et qui est administrée à un patient sous une forme posologique donnée. (claim for the formulation)
« revendication de l’ingrédient médicinal » S’entend, d’une part, d’une revendication, dans le brevet, de l’ingrédient médicinal — chimique ou biologique — préparé ou produit selon les modes ou procédés de fabrication décrits en détail et revendiqués dans le brevet ou selon leurs équivalents chimiques manifestes, et, d’autre part, d’une revendication pour différents polymorphes de celui-ci, à l’exclusion de ses différentes formes chimiques. (claim for the medicinal ingredient)
« revendication de l’utilisation de l’ingrédient médicinal » Revendication de l’utilisation de l’ingrédient médicinal aux fins du diagnostic, du traitement, de l’atténuation ou de la prévention d’une maladie, d’un désordre, d’un état physique anormal, ou de leurs symptômes. (claim for the use of the medicinal ingredient) |
2. In these Regulations,
"claim for the dosage form" means a claim for a delivery system for administering a medicinal ingredient in a drug or a formulation of a drug that includes within its scope that medicinal ingredient or formulation; (revendication de la forme posologique)
"claim for the formulation" means a claim for a substance that is a mixture of medicinal and non‑medicinal ingredients in a drug and that is administered to a patient in a particular dosage form; (revendication de la formulation)
"claim for the medicinal ingredient" includes a claim in the patent for the medicinal ingredient, whether chemical or biological in nature, when prepared or produced by the methods or processes of manufacture particularly described and claimed in the patent, or by their obvious chemical equivalents, and also includes a claim for different polymorphs of the medicinal ingredient, but does not include different chemical forms of the medicinal ingredient; (revendication de l’ingrédient médicinal)
"claim for the use of the medicinal ingredient" means a claim for the use of the medicinal ingredient for the diagnosis, treatment, mitigation or prevention of a disease, disorder or abnormal physical state, or its symptoms; (revendication de l’utilisation de l’ingrédient médicinal)
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Le paragraphe 3(2) du Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité) :
3.(2) Le ministre tient un registre des brevets et des autres renseignements fournis aux termes de l’article 4. À cette fin, il peut refuser d’y ajouter, ou en supprimer, tout brevet ou tout autre renseignement qui n’est pas conforme aux exigences de cet article. |
3.(2) The Minister shall maintain a register of patents and other information submitted under section 4. To maintain the register, the Minister may refuse to add or may delete any patent or other information that does not meet the requirements of that section. |
L’article 4 du Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité) :
L’article 2 du Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité) en vigueur avant octobre 2006 (abrogé, DORS/2006-242, art. 1) :
2. Les définitions qui suivent s’appliquent au présent règlement.
[...]
« revendication pour le médicament en soi » S’entend notamment d’une revendication, dans le brevet, pour le médicament en soi préparé ou produit selon les modes du procédé de fabrication décrits en détail et revendiqués ou selon leurs équivalents chimiques manifestes. (claim for the medicine itself)
« revendication pour l’utilisation du médicament » Revendication pour l’utilisation du médicament aux fins du diagnostic, du traitement, de l’atténuation ou de la prévention d’une maladie, d’un désordre, d’un état physique anormal, ou de leurs symptômes. (claim for the use of the medicine)
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2. In these Regulations,
"claim for the medicine itself" includes a claim in the patent for the medicine itself when prepared or produced by the methods or processes of manufacture particularly described and claimed or by their obvious chemical equivalents; (revendication pour le médicament en soi)
"claim for the use of the medicine" means a claim for the use of the medicine for the diagnosis, treatment, mitigation or prevention of a disease, disorder or abnormal physical state, or the symptoms thereof; (revendication pour l’utilisation du médicament)
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L’ANALYSE
A) La norme de contrôle
[14] Dans leurs observations écrites, les demanderesses ont soulevé une question d’équité procédurale ainsi que des questions préliminaires en ce qui concerne le dépôt de nouveaux éléments de preuve dont le décideur n’était pas saisi. De la preuve par affidavit expliquant la décision du ministre a également été soumise. Lors de l’audience, les parties ont convenu que la Cour n’aura pas à traiter de telles questions et que, pour statuer sur la présente demande, elle doit se borner à se prononcer au fond sur la question principale, c’est‑à‑dire à savoir si le brevet 201 satisfait aux exigences énoncées au paragraphe 4(3) du Règlement AC.
[15] Le ministre a prétendu que l’application du Règlement AC à un brevet en particulier est une question mixte de fait et de droit qui exige normalement que l’on apprécie l’objet de la présentation de drogue et qu’on le compare avec le brevet qui a été soumis pour inscription. Normalement, c’est la norme de la décision manifestement déraisonnable qui s’applique à ce genre de question[3].
[16] Toutefois, lors de l’audience, le ministre a également convenu que, comme il a été énoncé dans la récente décision de la Cour d’appel fédérale dans Ferring Inc. c. Canada (Ministre de la Santé), 2007 CAF 276, au paragraphe 8 :
[...] s’il s’agit d’une question mixte de droit et de fait, alors la norme de contrôle est celle de la décision manifestement déraisonnable, à moins que la question de droit puisse être séparée de la question de fait, auquel cas la question de droit est revue selon la norme de la décision correcte. [Non souligné dans l’original.]
[17] Comme le ministre a reconnu que le SPDN pertinent portait sur une modification d’utilisation de l’ingrédient médicinal qui a été approuvée par la délivrance d’un AC[4], les parties conviennent que l’admissibilité à l’inscription du brevet 201 dépend entièrement de l’interprétation des revendications 14 et 15 ainsi que de l’interprétation du paragraphe 4(3) du Règlement AC. Ces deux questions sont de pures questions de droit.
[18] La Cour est convaincue qu’en l’espèce, les deux questions de droit peuvent être isolées de la question de fait (ce qui a été admis) et que par conséquent, la décision du ministre quant à ces deux questions sera examinée au regard de la norme de la décision correcte.
B) Le ministre a‑t‑il commis une erreur en concluant que le brevet 201 n’était pas admissible?
[19] Lors de l’audience et, par la suite, dans des observations écrites soumises afin de répondre à des questions précises de la Cour, les parties ont clarifié et raffiné leurs positions respectives.
[20] Les principales différences entre leurs interprétations respectives du Règlement AC et de la manière dont il s’applique au brevet 201 sont les suivantes :
[21] D’une part, les demanderesses affirment que la modification du 5 octobre 2006, a ajouté des critères d’inscription précis quant aux brevets déposés à l’égard d’un SPDN afin d’éliminer plus particulièrement l’approche fragmentée existante, mentionnée dans l’arrêt Hoffman‑La Roche limitée c. Canada (Ministre de la Santé), 2006 CAF 335, et dans l’arrêt Wyeth Canada c. Ratiopharm, 2007 CAF 264 ; par conséquent, les questions relatives à ce qu’est l’invention brevetée, ce qu’est l’esprit de l’invention ou en quoi consiste l’objet du brevet sont sans pertinence quant à la tâche que le ministre doit accomplir pour appliquer l’alinéa 4(3)c) du Règlement AC.
[22] Selon les demanderesses, le nouveau système est simple ; si un SPDN est soumis pour une modification de formulation, de la forme posologique ou d’utilisation d’un ingrédient médicinal, la seule exigence à satisfaire pour que le brevet soit admissible à l’inscription (si on exclut la question du délai à ce stade‑ci de la discussion) est qu’il contienne une revendication dont la portée comprend la modification pertinente demandée dans le SPDN et qu’il soit approuvé par Santé Canada par la délivrance d’un AC.
[23] Plus précisément, en l’espèce, afin de déterminer, en vertu de l’alinéa 4(3)c) du Règlement AC, si une revendication particulière contenue dans un brevet porte sur une nouvelle utilisation de l’ingrédient médicinal, la Cour doit se servir des principes d’interprétation énoncés par la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Free World Trust c. Electro Santé Inc., 2000 CSC 66, [2000] 2 R.C.S. 1024, et dans l’arrêt Whirlpool Corp. c. Camco Inc., 2000 CSC 67, [2000] 2 R.C.S. 1067, car, pour l’application de la Loi sur les brevets, il ne peut y avoir qu’une seule interprétation d’une revendication, peu importe que ce soit la validité, la contrefaçon ou l’admissibilité à l’inscription qui soit en litige.
[24] Pour les demanderesses, il ne fait donc aucun doute que la nouvelle définition de « revendication de l’utilisation de l’ingrédient médicinal » comprend, comme dans l’ancienne version du Règlement AC, les revendications de l’utilisation d’une formulation où le seul ingrédient actif est l’ingrédient médicinal. Il n’est pas pertinent de se demander si l’utilisation de l’ingrédient médicinal est l’élément inédit de la revendication, car cette question n’est examinée par la Cour (non le ministre) que lorsque des allégations d’invalidité du brevet ou d’invalidité de revendications particulières mentionnées au paragraphe 5(1) du Règlement AC sont contestées par l’introduction d’une demande présentée en vertu du paragraphe 6(1).
[25] En outre, compte tenu du principe général d’interprétation selon lequel les termes utilisés dans un règlement ou une disposition doivent se voir attribuer le même sens dans l’ensemble du règlement ou de la disposition, il est évident que les revendications 14 et 15 contenues dans le brevet 201 visent l’utilisation de l’ingrédient médicinal dans Celebrex ®, car le ministre a admis que le SPDN 07375 concerne une modification de l’utilisation de l’ingrédient médicinal, comme l’exige la première partie de l’alinéa 4(3)c).
[26] En ce qui concerne les arguments du ministre selon lesquels la teneur de la revendication relative à l’utilisation modifiée doit correspondre étroitement à la teneur de l’indication dans le SPDN, les demanderesses prétendent que l’ensemble des éléments de preuve qui ont été soumis à la Cour indiquent qu’une personne versée dans l’art comprendrait que l’affection précise décrite dans la nouvelle indication visée par le SPDN 07375 approuvée par Santé Canada est englobée dans les revendications 14 et 15. En ce qui a trait à la revendication 14, ceci est un fait car une personne versée dans l’art saurait que le célécoxib est un inhibiteur de la COX‑2 et que les inhibiteurs de la COX‑2 sont utiles dans le traitement de la douleur inflammatoire et ne sont pas indiqués pour traiter la douleur neuropathique (il s’agit des deux principales catégories de douleur). De plus, la divulgation du brevet 201 renvoie clairement aux affections précises visées par la nouvelle indication (par exemple, les entorses – page 9, ligne 31, et page 11, ligne 22; les douleurs orthopédiques postopératoires et les maux de dents – page 9, ligne 31, page 12, lignes 17 et 18, et page 16, lignes 4 et 5). Enfin, la revendication 15, qui dépend de la revendication 14, est encore plus claire à cet égard car elle mentionne expressément le mot [TRADUCTION] « douleur ».
[27] Enfin, les demanderesses ont également produit des éléments de preuve expliquant que la rédaction de revendications est faite bien avant que le breveté ne termine les essais cliniques ou que Santé Canada n’examine les indications du produit qui incarne son invention. Les préoccupations de Santé Canada, lorsqu’il examine le libellé des indications, sont tout à fait différentes de celles d’une personne qui rédige la revendication. Il ne serait donc pas réaliste, et cela pourrait même mener à un résultat absurde (car la plupart, sinon la totalité des brevets seraient exclus), d’exiger que la teneur d’une revendication de brevet corresponde étroitement à la teneur de l’indication qui sera en fin de compte approuvée par Santé Canada dans un AC.
[28] Il convient également de mentionner que les demanderesses ont insisté sur le fait que la Cour devrait suivre la conclusion adoptée dans la décision Abbott Laboratories c. Canada (Procureur général), dans laquelle la Cour a ordonné que l’on réinscrive au registre un brevet qui avait été radié par le ministre en vertu du nouveau Règlement AC, car elle avait conclu que le brevet contenait une revendication pour une utilisation modifiée en se fondant sur ce qui semble avoir été une interprétation littérale de cette revendication. Toutefois, puisque la Cour, dans l’affaire Abbott, ne s’est pas livrée à une analyse détaillée qui permettrait d’évaluer les ressemblances ou les différences entre les arguments examinés dans cette cause et les arguments soumis à la Cour en l’espèce, et puisque cette cause fait actuellement l’objet d’un appel et qu’elle est vivement contestée par le ministre, la Cour fera sa propre analyse.
[29] Selon le ministre, le Résumé de l’étude d’impact de la réglementation (REIR)[5] qui était joint aux modifications apportées en octobre 2006 au Règlement AC mentionne clairement que l’« objet d’un brevet » demeure un élément pertinent en vue de la détermination de l’admissibilité à l’inscription. Le ministre doit donc tenir compte du fait que le brevet 201 n’est pas un « brevet d’utilisation ». L’invention brevetée en l’espèce est une nouvelle formulation (doses particulières où des particules de célécoxib de certaines tailles y sont incorporées) et non pas une nouvelle utilisation du célécoxib.
[30] De plus, le Règlement AC exige qu’il existe un lien précis entre au moins une revendication du « brevet pertinent » et la modification décrite dans le SPDN. L’objet d’une telle revendication doit être la modification de formulation ou de forme posologique ou l’utilisation de l’ingrédient médicinal et les revendications doivent être visées par les définitions très précises qui sont mentionnées à leur égard dans le Règlement AC.
[31] Pour décider si une revendication particulière est visée par lesdites définitions, le ministre doit adopter l’approche suivie par la Cour d’appel fédérale lorsqu’elle a dû trancher la question à peu près semblable de savoir si une revendication dans un brevet donné satisfaisait aux exigences réglementaires énumérées à l’alinéa 4(2)b) (voir également le sous‑alinéa 5(1)b)(iv)) de « l’ancienne » version du Règlement AC (voir par exemple Biovail Corp. c. Canada (Ministre de la Santé nationale et du Bien‑être social), [2006] A.C.F. no 475, 2006 CAF 105, et Proctor & Gamble Pharmaceuticals Canada Inc. c. Canada (Ministre de la Santé), 2006 CF 411, [2006] A.C.F. no 515).
[32] En l’espèce, la Cour ne croit pas comprendre que le ministre affirme qu’aucune revendication de l’utilisation d’une formulation ou d’une forme posologique puisse être visée par la définition de « revendication de l’utilisation de l’ingrédient médicinal », mais uniquement qu’en l’espèce, lorsqu’on examine le libellé des revendications 14 et 15 individuellement ainsi que dans le contexte du brevet 201 dans son ensemble (c’est‑à-dire conjointement avec les autres revendications et la divulgation), il ressort nettement que ce qui est revendiqué dans les revendications 14 et 15 n’est pas une utilisation particulière de l’ingrédient médicinal célécoxib.
[33] Enfin (il n’est pas clair s’il s’agit d’un point de vue subsidiaire), le ministre affirme qu’à tout le moins, le libellé de la revendication pour l’utilisation modifiée de l’ingrédient médicinal mentionnée au paragraphe 4(3)c) doit être très précis et doit s’aligner étroitement à la modification d’indication demandée dans le SPDN. Une mention générale de l’ensemble des utilisations possibles de l’ingrédient médicinal, comme c’est le cas dans la revendication 14, ou même dans la revendication 15, ne suffit pas.
[34] En l’espèce, il est évident que le ministre craint que l’interprétation proposée par les demanderesses en l’espèce ne banalise le lien précis exigé par le législateur et mentionné à l’alinéa 4(3)c) du Règlement AC.
[35] Bien que cela ne soit pas mentionné expressément, on peut également comprendre que l’interprétation proposée par les demanderesses pourrait favoriser l’apparition, ou créer, un déséquilibre dans la protection accordée à un innovateur dont les inventions se limiteraient uniquement à la conception de nouvelles formulations ou de nouvelles formes posologiques par rapport à l’innovateur dont les inventions ont trait à de nouveaux ingrédients médicinaux ou à de nouvelles utilisations d’un ingrédient médicinal en soi. C’est donc dire qu’un brevet pour un nouvel ingrédient médicinal[6] ne pourrait être inscrit qu’à l’égard d’une PDN et serait soumis aux délais stricts prévus par le Règlement AC, alors qu’un brevet qui vise une modification d’utilisation de l’ingrédient médicinal en soi ne pourrait être inscrit qu’à l’égard d’une PDN qui décrit expressément la nouvelle utilisation ou à l’égard d’un SPDN comprenant une modification d’utilisation visée par l’une des revendications du brevet. Puisque, dans un brevet de nouvelle utilisation habituel, les revendications devraient être limitées à celles où la nouveauté réside dans la nouvelle utilisation en soi, le nombre de telles nouvelles utilisations serait normalement limité.
[36] En ce qui concerne les brevets où l’invention brevetée est une nouvelle formulation ou une nouvelle forme posologique qui comprennent une revendication visée par les définitions du Règlement AC, il faut garder à l’esprit que l’inventeur a le droit de revendiquer tous les aspects de son invention et qu’il peut inclure des revendications relatives à l’utilisation si elles sont décrites dans la divulgation et sont fondées sur l’utilité sur laquelle la brevetabilité du produit (la formulation ou la forme posologique) repose. De telles revendications relatives à l’utilisation viseront généralement toutes les utilisations connues de l’ingrédient actif compris dans la formulation ou dans la forme posologique, sauf s’il y a une bonne raison qu’il n’en soit pas ainsi[7]. Si on applique l’interprétation des demanderesses, de tels brevets pourraient donc être inscrits à l’égard d’une PDN sur le fondement d’une revendication relative à la formulation ainsi qu’à l’utilisation de la formulation (à titre d’utilisation de l’ingrédient médicinal) ou un SPDN visant une modification de la formulation ou une quelconque modification de l’indication (tous les usages connus de l’ingrédient médicinal étant mentionnés dans les revendications relatives à l’utilisation de la nouvelle formulation), même si de telles utilisations ne sont pas attribuables à l’inventivité de l’innovateur. Il serait donc possible pour l’innovateur de passer outre entièrement à la philosophie sous‑jacente aux délais prescrits dans le Règlement AC.
[37] Il est difficile de concilier ce déséquilibre apparent avec le fait que, d’entrée de jeu, le législateur semble d’abord et avant tout s’être soucié d’accorder, par ce régime réglementaire, la protection à l’innovateur qui dépose des brevets relatifs à de nouveaux ingrédients médicinaux ou à de nouvelles utilisations d’ingrédients médicinaux (les tribunaux ont par la suite étendu cette protection aux compositions ou aux formulations qui, en fait, décrivaient ou revendiquaient l’ingrédient médicinal[8]). Tel qu’il est mentionné dans le REIR, les revendications relatives aux formes posologiques ne relèvent du régime AC que parce que le législateur s’est laissé convaincre par des observations selon lesquelles les revendications qui sont visées par la nouvelle définition prévue par la loi ont une valeur thérapeutique importante.
[38] Cependant, le fait que le problème soit cerné ne signifie pas automatiquement que le ministre ou la Cour puisse le régler sans que des modifications ne soient apportées au Règlement AC, car il reste à savoir si les nouvelles dispositions se prêtent à l’interprétation proposée par le ministre, compte tenu des principes applicables en matière d’interprétation des lois et d’interprétation des revendications.
[39] Toutefois, avant de formuler davantage de commentaires à cet égard, la Cour discutera d’abord de la question à savoir si oui ou non le brevet 201 comprend une revendication de l’utilisation modifiée de l’ingrédient médicinal, car il s’agit de l’objet essentiel de l’argumentation des parties et que la réponse à cette question est déterminante quant à l’issue de la présente demande.
Le brevet 201 comprend‑t‑il une revendication d’une modification d’utilisation de l’ingrédient médicinal incorporé dans la composition du Celebrex ®?
[40] Pour répondre à cette question, on doit d’abord déterminer si le brevet 201 comprend une « revendication de l’utilisation de l’ingrédient médicinal » au sens du Règlement AC et, le cas échéant, s’il s’agit d’une revendication qui vise la « modification d’utilisation » décrite dans le SPDN.
[41] Le point de vue des demanderesses repose sur l’hypothèse qu’une « revendication de l’utilisation de l’ingrédient médicinal » vise toujours l’utilisation de l’ensemble des compositions ou des formulations qui étaient antérieurement visées par la définition de « médicament ». Cette hypothèse semble fondée sur le principe énoncé dans l’arrêt Hoffman–La Roche c. Ministre de la Santé nationale et du Bien‑être social, no A‑389‑95, 5 décembre 1995, [1995] A.C.F. no 1775, et, selon moi, elle ne constitue pas une hypothèse convenable.
[42] Dans l’arrêt Hoffman‑La Roche, précité, la Cour d’appel fédérale a dû interpréter le Règlement AC, qui était alors récent, afin de déterminer si la définition de « revendication pour le médicament en soi » englobait les revendications relatives à une composition pharmaceutique (une formulation). Elle a conclu que cela était possible. Ce principe n’a jamais été remis en question par la suite. Il est rapidement devenu manifeste, cependant, que son application n’était pas aussi facile qu’on le crût, car il restait à déterminer dans chaque cas donné si une revendication particulière visait l’ingrédient actif dans la composition ou la formulation ou si elle visait plutôt une forme posologique ou un dispositif d’administration donné[9] plutôt que le médicament en soi (Biovail Corp. c. Canada (Ministre de la Santé), 2006 CAF 105, au paragraphe 7, GlaxoSmithKline c. Canada (P.G.), 2005 CAF 197, aux paragraphes 19, 25 et 29 à 44). Comme nous le verrons plus loin, la Cour croit que l’approche adoptée afin de répondre à cette question est toujours pertinente pour établir si une revendication donnée est une « revendication de l’utilisation de l’ingrédient médicinal ».
[43] Par contre, la conclusion tirée dans l’arrêt Hoffman‑La Roche (1995) n’est plus pertinente dans la mesure où le nouveau Règlement AC établit expressément une distinction entre la « revendication de la formulation » et la « revendication de l’ingrédient médicinal ». Ce qu’il faut, par conséquent, c’est examiner quelle incidence cette distinction a sur la signification du terme « revendication de l’utilisation de l’ingrédient médicinal ». Doit‑on interpréter l’expression « ingrédient médicinal » qui figure dans cette définition de la même façon limitée (comme excluant les formulations ou la forme posologique), ou bien de façon à inclure les revendications d’utilisation d’une formulation or d’une forme posologique?
[44] À cet égard, le REIR fournit peu d’indications; le seul passage pertinent quant à la définition de « revendication de l’utilisation de l’ingrédient médicinal » mentionne ce qui suit :
Bien que la définition du terme « revendication de l’utilisation de l’ingrédient médicinal » visée par ces changements est la même que la définition actuelle du terme « revendication de l’utilisation du médicament », il y a lieu d’apporter des éclaircissements au sujet de l’intention sous-jacente de cet aspect du règlement de liaison. On reconnaît que les termes réglementaires employés dans le contexte de la santé et de la sécurité pour décrire l’utilisation pour laquelle un ingrédient médicinal dans un médicament est destinée [sic] vont parfois à l’encontre de la façon dont sont rédigées les revendications dans les différents types de brevets communément appelés « brevets d’utilisation » existant dans le domaine pharmaceutique. À titre d’exemples, mentionnons les revendications relatives à des trousses, celles dites de « type suisse » et celles à l’égard des schémas posologiques. Toutefois, l’effet combiné de cette définition dans ce contexte et de l’exigence selon laquelle l’utilisation revendiquée doit être décrite dans la PND [sic] devrait limiter l’admissibilité des « brevets d’utilisation » à ceux contenant une revendication pour une utilisation approuvée de l’ingrédient médicinal, pour une indication approuvée. Ce lien devrait être apparent en comparant les revendications du brevet avec les sections pertinentes de la monographie du produit et de l’étiquetage du médicament approuvé (page 1517[10]).
[45] Le plus que l’on puisse tirer de ce qui est susmentionné, c’est que le législateur avait l’intention privilégier le fond plutôt que la forme. Par conséquent, la définition n’est pas censée ne viser que certains types de revendications d’utilisation et l’accent est mis sur la question de savoir si ce qui est revendiqué est l’utilisation de l’ingrédient médicinal.
[46] Par conséquent, il est tout à fait concevable qu’une revendication puisse prendre la forme d’une revendication dite de type suisse (c’est‑à‑dire une utilisation d’une composition X dans la préparation d’un médicament qui sera utilisé pour Y) ou d’une revendication de l’utilisation de type Shell Oil (utilisation de la composition définie dans la ou les revendications X pour le traitement de Y) et qu’elle revendique quand même l’utilisation de l’ingrédient médicinal actif en soi. Cette approche n’est pas nouvelle; avant que les modifications ne soient apportées au Règlement AC, elle a été en effet celle utilisée par la Cour dans des décisions comme Pfizer Canada c. Apotex Inc., 2007 CF 971, où la Cour a interprété la revendication de l’utilisation de type suisse comme étant une revendication pour l’utilisation du médicament.
[47] Toutefois, on ne peut pas tout simplement affirmer qu’une revendication pour l’utilisation d’une composition ou d’une formulation est ipso facto une revendication pour l’utilisation d’un ingrédient médicinal car : quoiqu’une revendication qui se lit littéralement comme une revendication pour l’utilisation d’une composition ou d’une formulation puisse quand même être visée par la définition d’une revendication de l’utilisation de l’ingrédient médicinal, il reste quand même des questions du même ordre que celles qui sont apparues après la décision rendue dans l’arrêt Hoffman‑La Roche (1995), c’est‑à‑dire la question de savoir si, en fait, c’est l’utilisation de l’ingrédient médicinal qui est revendiquée ou tout simplement l’utilisation de la formulation ou de la forme posologique.
[48] En effet, cela semble être la seule conclusion que l’on puisse tirer lorsque l’on tient compte du fait que le législateur, ayant jugé bon d’adopter une définition expresse et distincte pour les expressions « revendication de la forme posologique », « revendication de la formulation », « revendication de l’ingrédient médicinal » et « revendication de l’utilisation de l’ingrédient médicinal », a choisi de ne pas référer, définir ou prévoir de manière expresse une revendication pour l’utilisation d’une formulation ou d’une forme posologique. Certes, le renvoi à « ingrédient médicinal » plutôt qu’à « formulation » ou à « forme posologique » doit être pris en compte.
[49] Il est manifeste que, lorsqu’elles ont interprété des revendications afin de déterminer si elles étaient visées par la définition réglementaire prévue sous l’ancien régime, les cours ont utilisé les principes maintenant bien établis régissant l’interprétation des revendications qui ont été énoncés par la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Free World Trust et dans l’arrêt Whirlpool, aux paragraphes 42 à 45 et au paragraphe 49.
[50] À cet égard, la Cour convient avec les demanderesses que ni le ministre ni la Cour (dans le contexte d’une requête déposée en vertu de l’alinéa 6(5)a)) ne peut invoquer les brevets inscrits à l’égard de l’AC délivrés à la suite de la PDN initiale afin de déterminer ce qui est revendiqué dans les revendications 14 et 15 du brevet 201. L’interprétation de ces revendications repose uniquement sur la lecture desdites revendications du brevet 201 dans le contexte de l’ensemble des autres revendications et de la divulgation. Il faut lire un brevet du point de vue d’une personne versée dans l’art, qui peut utiliser à cette fin ses connaissances générales courantes, mais la Cour ne peut pas examiner des questions ou des documents externes (Novartis Pharma Canada Inc. c. Canada (Ministre de la Santé), 2003 CAF 299, au paragraphe 22).
[51] Toutefois, après avoir examiné attentivement la jurisprudence portant sur la question de savoir si une revendication était une revendication énumérée à l’ancien alinéa 4(2)b) de l’ancien régime, la Cour ne peut souscrire à l’opinion des demanderesses selon laquelle la tâche en l’espèce est identique à celle entreprise afin d’évaluer la validité des brevets et de se prononcer sur la contrefaçon. La détermination des éléments essentiels de la revendication ne fournit pas nécessairement la réponse à la question de savoir si les revendications, interprétées adéquatement, sont visées par la définition réglementaire d’une revendication de l’utilisation de l’ingrédient médicinal.
[52] Il est utile de mentionner un certain nombre des décisions pertinentes afin d’illustrer ce point. Dans Biovail, susmentionné, la revendication 30 du brevet en cause revendiquait des compositions dans lesquelles la substance active appartenait à un groupe de médicaments expressément identifié. Il ressort très clairement d’une simple lecture de cette revendication dépendante que l’un de ses éléments essentiels était l’utilisation de l’un des ingrédients actifs énumérés dans le groupe; il s’agissait de son seul élément distinctif, ce qui était donc inévitable. C’est probablement pour cette raison que Biovail a prétendu que la revendication 30 était « manifestement » une revendication pour le médicament qui y était décrit[11]. La Cour d’appel fédérale n’a pas souscrit à cette opinion. Après avoir appliqué les principes généraux de l’interprétation des brevets (au paragraphe 7), elle a conclu que, malgré le fait que les ingrédients actifs expressément décrits étaient intimement mélangés avec les deux polymères (substances inactives) dans les comprimés, la composition revendiquée était un dispositif d’administration. La revendication 30 ne revendiquait pas le médicament en soi.
[53] Dans Janssen‑Ortho Inc. c. Canada (Procureur général), 2007 CF 729, [2007] A.C.F. no 979, paragraphes 7 à 16, on peut lire au paragraphe 7 que les comprimés revendiqués dans les revendications 1 à 7 du brevet en cause contenaient expressément du méthylphénidate ou l’un de ses sels et que les revendications 26 et 27 revendiquaient l’utilisation de tels comprimés pour le traitement du trouble déficitaire de l’attention. Encore une fois, il est probable que l’ingrédient actif des comprimés fût un élément essentiel de ces revendications. Malgré tout, la Cour a conclu que ces revendications n’étaient pas relatives au médicament méthylphénidate ou à son utilisation. Il en va de même dans le cas dont était saisi le juge Yves de Montigny dans Jannsen‑Ortho Inc. c. Canada (Ministre de la Santé), 2005 CF 765 (voir les paragraphes 26, 27 et 29). Il est particulièrement intéressant de souligner que, dans cette dernière cause, la Cour a expressément rejeté la thèse selon laquelle la jurisprudence portant sur les revendications pour le médicament n’est pas pertinente lorsque l’on examine la question de savoir si une revendication a trait à l’utilisation du médicament. La Cour a conclu qu’on ne peut pas considérer une revendication se rapportant à une méthode ou à un procédé servant à administrer un médicament comme une revendication pour le médicament en soi ou comme une revendication pour l’utilisation du médicament (voir les paragraphes 33 et 34). Manifestement, les faits et les revendications dans ces causes sont très différents de ceux en litige en l’espèce[12], particulièrement lorsqu’on tient compte du fait qu’il n’est pas contesté que le brevet 201 comprend au moins une revendication qui, en vertu de l’ancien régime, serait considérée comme étant une revendication pour le médicament. Comme il a déjà été mentionné, il s’agit plutôt d’attirer l’attention sur l’approche analytique adoptée antérieurement.
[54] En dépit du fait que ces précédents ne lient pas strictement la Cour, ils demeurent convaincants puisque la Cour est appelée à examiner une question semblable à celles qui ont été soumises aux cours dans ces affaires.
[55] Avant d’appliquer cette approche aux faits particuliers en l’espèce, il nous reste deux arguments à traiter.
[56] Premièrement, comme l’interprétation d’une revendication ainsi que l’interprétation législative des définitions qui figurent à l’article 2 du Règlement AC sont des questions de droit, l’admission faite par le ministre dans la présente instance quant à l’objet du SPDN 072375 (c’est‑à‑dire qu’il a été soumis à l’égard d’une modification d’utilisation du célécoxib) ne peut avoir aucune incidence sur les conclusions de la Cour relatives à ces questions.
[57] Deuxièmement, la Cour souscrit à l’opinion des demanderesses selon laquelle, d’ordinaire, il convient d’attribuer à la même expression la même signification lorsqu’elle apparaît plus d’une fois dans un règlement. À l’alinéa 4(3)c), l’expression « utilisation de l’ingrédient médicinal » apparaît à deux reprises. La première fois, elle est utilisée relativement aux renseignements figurant dans le SPDN soumis pour approbation à Santé Canada. La deuxième fois, elle est utilisée relativement à la revendication de l’utilisation de l’ingrédient médicinal dans le brevet dont on demande l’inscription. La définition qui figure à l’article 2 ne s’applique qu’à l’utilisation de l’ingrédient médicinal dans le contexte d’une revendication de brevet. Cela expliquerait pourquoi, à première vue, le point de vue du ministre peut sembler quelque peu contradictoire, car celui‑ci semble attribuer une signification à l’expression « utilisation de l’ingrédient médicinal » dans la première partie du paragraphe et une autre signification dans le contexte d’une revendication de l’utilisation d’un ingrédient médicinal. Dans ce contexte particulier, on ne porterait pas atteinte aux règles de l’interprétation légale si on attribuait à la première utilisation le sens technique qu’elle peut avoir lors de l’application faite par le ministre du Règlement sur les aliments et drogues.
[58] Après avoir traité ces deux points, la Cour va maintenant appliquer les principes susmentionnés. La Cour a examiné le libellé des revendications individuelles à la lumière de la preuve d’expert déposée par les demanderesses. Il est intéressant de souligner que le seul expert qui a traité expressément de la définition figurant dans le Règlement AC fut Me Barrigar, c.r. Son approche est instructive en ce qui a trait au brevet 201, mais son point de vue n’est pas le point de vue de la personne versée dans l’art à qui le brevet s’adresse. Autrement, aucun des autres experts n’a mis l’accent sur la question de savoir si les revendications en question ont trait à l’utilisation de l’ingrédient médicinal. Leurs témoignages sont tout de même utiles dans la mesure où ils appuient le point de vue selon lequel une personne versée dans l’art saurait, sans avoir besoin d’aucune explication, à quoi sert d’ordinaire un inhibiteur de la COX‑2 comme le célécoxib. Ils mentionnent également que le célécoxib est un composé connu et que ses propriétés relatives au traitement de la douleur sont également connues.
[59] Cette preuve va dans le sens de ce que l’on peut lire à la page 1, ligne 15, à la page 2, ligne 12, et à la page 3, lignes 26 à 29, de la divulgation du brevet, qui indique que le célécoxib est connu comme étant un inhibiteur de la COX‑2 utile pour le traitement des troubles associés à l’inflammation, l’arthrite et l’arthrose, pour ne nommer que ces affections. La divulgation mentionne également à la page 12 qu’[TRADUCTION] « une brève description de l’utilité potentielle des inhibiteurs de la COX‑2 est donnée dans un article de John Vane figurant dans Nature, volume 367, 1994, et dans un article figurant dans Drug News and Perspectives, volume 7, 1994 ».
[60] Il est mentionné à la page 3, lignes 3 à 5, de la divulgation qu’[TRADUCTION] « il existe un besoin pour des solutions aux nombreux problèmes associés à la préparation de compositions pharmaceutiques adéquates et de formes posologiques contenant du célécoxib » parce qu’[TRADUCTION] « il est difficile de préparer une composition pharmaceutique contenant du célécoxib qui possède l’uniformité de mélange désirée » et parce qu’[TRADUCTION] « des problèmes de manutention sont rencontrés lors de la préparation de compositions pharmaceutiques comprenant du célécoxib ». De plus, [TRADUCTION] « la formulation du célécoxib pour une administration efficace à un sujet par voie orale a jusqu’ici été compliquée par les propriétés physiques et chimiques uniques du composé, particulièrement sa faible solubilité et des facteurs liés à sa structure cristalline [...] le célécoxib est habituellement insoluble en milieu aqueux » (page 2, lignes 18 à 22).
[61] La divulgation décrit l’avantage procuré par l’invention eu égard à la possibilité de fournir une gamme de formulations possédant des caractéristiques en matière de biodisponibilité adaptées à des indications différentes; à ce titre, l’invention représente un progrès dans le traitement des afflictions avec l’assistance de la COX‑2.
[62] Les revendications 1 à 10 portent sur des compositions comprenant une ou plusieurs unités de dosage discrètes comprenant chacune des particules de célécoxib de dimensions précises. Les différences entre ces revendications semblent porter sur la forme posologique, la biodisponibilité relative des compositions par rapport au célécoxib en soi, ou portent sur l’utilisation de différents diluants, désagrégeants, agglutinants et lubrifiants ainsi que la quantité de ceux-ci dans les compositions. Les revendications 11 à 16 sont divers types de revendications d’utilisation.
[63] Après avoir examiné l’ensemble du brevet, la Cour est convaincue que le ministre a bien interprété les revendications 14 et 15. Il ne s’agit pas de revendications de l’utilisation du célécoxib; il ne s’agit pas de revendications de l’utilisation de l’ingrédient médicinal qui sont visées par la définition qui figure à l’article 2 du Règlement AC.
[64] Cette conclusion permet de statuer sur la demande car, manifestement, le brevet 201 ne peut pas être admissible à l’inscription à l’égard du SPDN 072375 sans une telle revendication. Toutefois, au cas où la Cour aurait commis une erreur dans sa conclusion à cet égard, la question additionnelle de savoir si ces revendications portent sur une « modification d’utilisation » au sens de l’alinéa 4(3)c) du Règlement AC sera traitée.
[65] En ce qui concerne le caractère spécifique du libellé des revendications, la Cour conclut que si les revendications 14 et 15 étaient des revendications convenables de l’utilisation de l’ingrédient médicinal en soi, compte tenu des témoignages des experts quant à savoir comment des personnes versées dans l’art les interpréteraient, la Cour est convaincue qu’elles visent l’utilisation modifiée décrite dans l’indication figurant dans le SPDN 072375.
[66] La Cour est d’avis qu’exiger plus de spécificité dans le libellé n’est pas la bonne façon d’assurer le respect des intentions du législateur en ce qui concerne la pertinence du brevet et des revendications. Si l’invention revendiquée dans les revendications 14 et 15 est l’utilisation du célécoxib, il ne serait absolument pas réaliste d’exiger que les indications figurant dans le SPDN correspondent parfaitement aux revendications et cela pourrait mener à des résultats absurdes compte tenu des différences temporelles et des intérêts divergents des deux publics cibles auquel s’adressent les indications et les revendications.
[67] Compte tenu des conclusions susmentionnées, il n’est pas absolument nécessaire de se livrer en l’espèce à un examen complet du nouveau régime réglementaire par rapport au régime en vigueur avant octobre 2006 en ce qui a trait à l’inscription des brevets à l’égard des SPDN. Toutefois, comme la question en litige est nouvelle, la Cour en discutera brièvement.
Les anciennes et les nouvelles exigences en matière d’inscription
[68] La première chose qui vient à l’esprit en l’espèce est que, même si l’objectif principal visé par le législateur, tel qu’il est mentionné dans le REIR, en modifiant le Règlement AC, était d’apporter des précisions et de créer de la certitude, ce conflit donne à penser que l’objectif n’a peut‑être pas été atteint. Toutefois, il faut se rappeler, lorsque l’on examine le nouveau libellé, que le législateur ne disposait pas des principes formulés par la Cour suprême du Canada dans l’arrêt AstraZeneca Canada Inc. c. Canada (Ministre de la Santé), 2006 CSC 49, ou des principes formulés par la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt Wyeth; cela aurait permis l’utilisation de mots davantage compatibles avec ces décisions et aurait aidé la Cour à interpréter les intentions du législateur relativement à ladite jurisprudence.
[69] Après ces deux décisions, il semble que les principes régissant l’inscription de brevets étaient les suivants.
[70] À la suite de l’arrêt AstraZeneca (notamment les paragraphes 23, 39 et 40) tel qu’il a été interprété par le juge Roger Hughes au paragraphe 22 de la décision Wyeth (ce qui a été explicitement confirmé par la Cour d’appel fédérale au paragraphe 29), le ministre, lorsqu’il se demandait si un brevet donné pouvait être inscrit à l’égard d’un AC particulier délivré à la suite d’une PDN ou d’un SPDN, était obligé d’établir s’il existait une relation ou un lien entre l’invention brevetée décrite dans le brevet et l’AC, de sorte que ledit brevet pouvait à juste titre être considéré comme étant pertinent à l’AC en cause. Manifestement, un tel brevet devait également comprendre soit une « revendication pour le médicament en soi » ou une « revendication pour l’utilisation du médicament » afin d’être admissible à l’inscription comme l’exigeait l’ancien alinéa 4(2)b).
[71] Compte tenu de la décision qui a été rendue par la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt Hoffman‑La Roche c. Canada (Ministre de la Santé), 2006 CAF 335, [2006] A.C.F. no 1545, il a déjà été établi qu’un SPDN ne pouvait servir de fondement à l’inscription d’un brevet que si la modification faisant l’objet du SPDN pouvait se révéler pertinente quant à une contrefaçon possible d’une revendication du brevet relevant du régime réglementaire, c’est‑à‑dire une revendication du brevet du type visé par l’alinéa 4(2)b) et le sous‑alinéa 5(1)b)(iv) de l’ancien Règlement AC (voir Wyeth (décision en appel), aux paragraphes 24 et 25).
[72] En discutant de la jurisprudence résumée dans Hoffman‑La Roche, susmentionnée, la juge Karen Sharlow, dans Wyeth, a souligné, au paragraphe 26, l’utilisation faite dans un certain nombre de décisions de l’expression « de fond » pour décrire le type de SPDN qui peut servir de fondement à une inscription. Elle a affirmé que « l’expression "de fond" doit se comprendre par rapport à l’invention brevetée ou aux revendications du brevet » (voir également le paragraphe 47). Auparavant, la Cour croyait que l’analyse de la nature du SPDN était effectuée afin d’établir si le SPDN était visé par le paragraphe 4(1) de sorte qu’une liste de brevets pouvait être soumise à son égard pour inscription. En revanche, le concept de « pertinence du brevet » qui a fait l’objet de commentaires dans AstraZeneca et qui a été discuté au paragraphe 22 de la décision rendue par le juge Hughes dans Wyeth semble viser un lien entre un brevet et un AC, comme l’exigent les paragraphes 4(5) et 5(1) de l’ancien Règlement AC.
[73] Les questions sont étroitement liées et, à la suite de Wyeth, il se peut fort bien qu’elles aient été combinées en un seul exercice, mais cela n’est pas clair.
[74] Comme le juge Hughes l’a souligné dans Wyeth, le concept d’« invention brevetée » ne correspond pas nécessairement aux revendications de brevet. Il semble que la Cour suprême du Canada a pris soin d’utiliser l’expression « invention brevetée » parce que le libellé de l’article 55.2 de la Loi sur les brevets ne fait mention que de l’utilisation de l’invention brevetée.
[75] Quoi qu’il en soit, il est clair que le législateur n’avait à l’esprit que la jurisprudence résumée dans Hoffman‑La Roche lorsqu’il a adopté le paragraphe 4(3) du régime en vigueur après octobre 2006 qui porte sur la question de savoir quels brevets sont admissibles à l’inscription au registre à l’égard d’une PDN ou d’un SPDN. Comme c’était le cas avant que la Cour suprême du Canada n’énonce dans AstraZeneca une exigence de lien en ce qui concerne l’« invention brevetée », l’alinéa 4(3)c) ne porte que sur le contenu du SPDN en soi (une modification de formulation, une modification de la forme posologique ou une modification d’utilisation de l’ingrédient médicinal) et sur l’objet des revendications qu’un brevet doit comprendre (une revendication de la forme posologique, une revendication de la formulation ou une revendication de l’utilisation de l’ingrédient médicinal, et elles doivent avoir trait à la modification incorporée dans le SPDN). En l’espèce, toutefois, les revendications pertinentes mentionnées antérieurement à l’alinéa 4(2)b) sont redéfinies et quelque peu élargies, étant donné qu’elles comprennent maintenant des revendications de formes posologiques ainsi qu’à des revendications relatives aux formulations.
[76] Même si l’ancien paragraphe 4(5) a été remplacé, l’exigence relative à l’identification de la PDN ou du SPDN auquel se rattache la liste de brevets figure toujours à l’alinéa 4(4)a) et au paragraphe 5(1).
[77] Les déclarations suivantes figurent également dans le REIR[13] :
[...] Plus précisément, le règlement de liaison modifié réaffirme l’application de délais stricts pour l’inscription d’un brevet au registre et exige également que les brevets soient pertinents quant à la concentration, à la forme posologique et à la voie d’administration de la drogue approuvée (page 1513).
[...]
Dans la mesure où le fonctionnement efficace du régime dépend d’une détermination préliminaire des brevets pouvant être inscrits, le ministre, à cette fin, ne peut être appelé qu’à évaluer le rapport entre le brevet et la drogue décrite dans la demande d’avis de conformité de l’innovateur (pages 1515 et 1516).
[...]
Alors que les modifications relatives à l’article 4 décrites ci‑dessus ont pour objet de préciser la politique actuelle en renforçant le lien entre l’objet d’un brevet et le contenu de la PDN, d’autres modifications envisagées entraîneraient un élargissement de cette politique. En particulier, la portée de l’objet admissible à la protection du règlement est élargie de façon à inclure les brevets relatifs aux formes posologiques approuvées (page 1517).
[78] Gardant à l’esprit l’objet global visé par ces règlements au sens de l’article 55.2 de la Loi sur les brevets, la Cour estime que l’exigence énoncée par la Cour suprême du Canada quant à l’existence d’un lien entre un AC particulier et l’invention brevetée[14] demeure instructive et peut tout de même être pertinente à l’inscription de brevets en vertu du nouveau Règlement AC si elle est considérée comme étant un principe général qui complète les critères particuliers qui sont maintenant prévus au paragraphe 4(3) du Règlement AC. Même si l’issue de la présente demande ne dépend pas de la question de savoir si la Cour a raison sur ce point, des éclaircissements à ce sujet émanant de la Cour d’appel fédérale seraient bienvenus.
Conclusion
[79] La décision du ministre était bien fondée. Le brevet 201 n’était pas admissible à l’inscription car il ne contenait aucune revendication de l’utilisation de l’ingrédient médicinal célécoxib et encore moins de l’utilisation modifiée décrite dans le SPDN 072375. La demande est rejetée avec dépens.
ORDONNANCE
LA COUR ORDONNE que la demande soit rejetée avec dépens.
Traduction certifiée conforme
ce 16e jour de janvier 2009
Yves Bellefeuille, réviseur
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : T-884-07
INTITULÉ : G.D. SEARLE & CO. et PFIZER CANADA INC. c. LE MINISTRE DE LA SANTÉ
LIEU DE L’AUDIENCE : OTTAWA (ONTARIO)
DATE DE L’AUDIENCE : LE 13 NOVEMBRE 2007 (1 journée)
MOTIFS DE L’ORDONNANCE
ET ORDONNANCE : LA JUGE JOHANNE GAUTHIER
DATE DES MOTIFS : LE 4 AVRIL 2008
COMPARUTIONS :
Michael A. Penny W. Grant Worden
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David Cowie
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AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Michael A. Penny W. Grant Worden Torys LLP Toronto (Ontario)
David Cowie Ministère de la Justice Ottawa (Ontario)
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POUR LE DÉFENDEUR |
[1] Médicament semblable au naproxen et à l’ibuprofen.
[2] Le ministre ne conteste pas que la nouvelle formulation répondait à la définition d’une « revendication pour le médicament » prévue dans la version du Règlement AC en vigueur avant octobre 2006.
[3] Ce point de vue a été soumis avant que la Cour suprême du Canada rende sa décision dans Dunsmuir c. Nouveau‑Brunswick, 2008 CSC 9 dans laquelle les normes de contrôle de la décision raisonnable simpliciter et de la décision manifestement déraisonnable ont été fondues en une seule norme de raisonnabilité (paragraphe 45). Il est donc fort probable que les parties conviendraient maintenant que, pour les questions mixtes de fait et de droit, la Cour devrait adopter la norme de la décision raisonnable.
[4]Par conséquent, une partie importante de la preuve d’expert comprise dans le dossier des demanderesses n’est plus pertinente (comme, par exemple, la preuve concernant les différences entre l’indication initiale et la nouvelle indication proposée dans le SPDN).
[5] Gazette du Canada, partie II, volume 140, no 21, DORS/2006-242.
[6] Dans un tel brevet, toute utilisation du composé serait protégée en vertu de l’article 42 de la Loi sur les brevets sans qu’il soit nécessaire d’y inclure des revendications précises relatives à l’utilisation. Malgré cela, de tels brevets peuvent comprendre des revendications précises relatives à l’utilisation en tant qu’aspect de l’invention (voir par exemple les revendications 9 à 15 du brevet 576). Dans un tel cas, le brevet pourrait être admissible en vertu de l’alinéa 4(3)c) au regard d’un SPDN ayant pour objet de nouvelles indications visées par de telles revendications relatives à l’utilisation.
[7] Cela ne signifie pas qu’il ne peut pas exister un certain nombre de brevets de formulation qui comprennent également une nouvelle utilisation de l’ingrédient actif. Dans un tel cas, on s’attendrait à ce que la nouvelle utilisation soit plus limitée que l’utilité générale des nouvelles formulations et qu’elle soit décrite en détail dans la divulgation.
[8] Le législateur a reconnu et approuvé cette jurisprudence dans le régime postérieur à octobre 2006 en adoptant deux définitions distinctes, une pour « revendication de l’ingrédient médicinal » et une pour « revendication de la formulation ». Voir le REIR, à la page 1517.
[9] Dans GlaxoSmithKline c. Canada (Procureur général), 2005 CF 1444, 2005 A.C.F. no 1763, la juge Carolyn Layden-Stevenson a souligné, au paragraphe 30, que le fait que la revendication porte sur une « formulation » n’est pas déterminant à cet égard.
[10] La page mentionnée renvoie à la Gazette du Canada, partie II, volume 140, no 21.
[11] Le juge James O’Reilly avait également décidé qu’il ne s’agissait pas d’une revendication de l’utilisation du médicament.
[12] Dans Proctor & Gamble Pharmaceuticals Canada Inc. c. Canada (Ministre de la Santé), 2007 CAF 31, [2007] A.C.F. no 145, la Cour d’appel fédérale a précisé qu’il n’est pas particulièrement utile de se lancer dans des comparaisons minutieuses de différents brevets examinés lors d’affaires qui ont été tranchées à différentes étapes du développement du droit applicable.
[13] Manifestement, la Cour n’est pas liée par ces interprétations administratives; comme la Cour d’appel fédérale l’a mentionné dans Eli Lilly Canada Inc. c. Canada (Ministre de la Santé), [2003] 3 C.F. 140, 2003 CAF 24, au paragraphe 33, un REIR se limite à expliquer en termes très généraux l’objectif du règlement auquel il se rapporte. Voir également Sullivan et Drieger, Construction of Statutes, 4e édition, aux pages 502 à 508.