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Date : 20071220

Dossier : IMM-5729-06

Référence : 2007 CF 1342

Ottawa (Ontario), le 20 décembre 2007

EN PRÉSENCE DE MADAME LA JUGE DAWSON

 

ENTRE :

 

MEDHET ABID ALI IBRAHIM

JUMA HUDA

FADIA ALI

 

demandeurs

 

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

 

défendeur

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]       Medhet Abid Ali Ibrahim et sa famille, citoyens de l’Irak, ont présenté une demande de résidence permanente au Canada, le 4 octobre 1999. Le 23 octobre 2006, en l’absence d’une décision à cet égard, la présente demande de contrôle judiciaire a été déposée. Les demandeurs ont sollicité une mesure de redressement de la nature d’un mandamus. L’autorisation de le faire a été accordée et l’audience a été fixée au 10 décembre 2007.

[2]       Le 21 novembre 2007, M. Ibrahim et sa famille ont été informés que leur demande de résidence permanente avait été rejetée parce que M. Ibrahim avait fait de fausses déclarations aux autorités de l’immigration.

 

[3]       Les parties conviennent que, en raison de la décision défavorable, la demande de contrôle judiciaire devient théorique et qu’elle devrait être rejetée. Toutefois, les demandeurs et le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration réclament l’adjudication des dépens. Les motifs du présent jugement traitent de ces revendications opposées.

 

[4]       M. Ibrahim et sa famille prétendent que l’adjudication des dépens en leur faveur est justifiée parce que le délai dans la présente affaire était excessif et qu’il avait eu des incidences émotives et financières sur eux et parce que le ministre n’a fourni aucune explication pour justifier ce délai. Même si les demandeurs reconnaissent que M. Ibrahim a fait plusieurs fausses déclarations qui ont mené au rejet de leur demande de résidence permanente, ils affirment que ces fausses déclarations ont été faites par crainte des représailles du gouvernement de Saddam Hussein. Les demandeurs soutiennent que le ministre était au courant des fausses déclarations en 2004 et qu’il avait alors des motifs suffisants pour rejeter la demande de résidence permanente. Selon M. Ibrahim et sa famille, le délai subséquent rendait nécessaire la présente demande de redressement de la nature d’un mandamus.

 

[5]       En réponse aux demandeurs, le ministre prétend que le retard dans le traitement du dossier était imputable en grande partie aux fausses déclarations de M. Ibrahim à l’égard de ses antécédents professionnels. Ces fausses déclarations auraient retardé l’examen de la demande de résidence permanente et auraient ainsi empêché les autorités de l’immigration d’évaluer correctement l’admissibilité de M. Ibrahim. C’est seulement le 12 mars 2007 que les autorités de l’immigration ont acquis la conviction qu’il n’y avait pas de motifs raisonnables de déclarer M. Ibrahim interdit de territoire pour raison de sécurité.

 

[6]       Le ministre fait également valoir que les dépens devraient être adjugés en sa faveur parce que M. Ibrahim a fait plusieurs fausses déclarations graves qui ont peut-être persuadé la Cour de rendre une ordonnance qu’elle n’aurait pas rendue en l’absence de ces déclarations.

 

[7]       En vertu de l’article 22 des Règles des cours fédérales en matière d’immigration et de protection des réfugiés, DORS/93-22, la demande de contrôle judiciaire ne donne pas lieu à l’adjudication des dépens « sauf ordonnance contraire rendue par un juge pour des raisons spéciales ».

 

[8]       Le critère des « raisons spéciales » est rigoureux. Dans la décision Uppal c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2005] CF 1133, la Cour a fait remarquer au paragraphe 8 qu’il existe peut-être des raisons spéciales lorsque le ministre s’est conduit de manière « inéquitable, abusive, inconvenante ou qu’[il a] agi de mauvaise foi ». La Cour a fait également remarquer que chaque décision devait reposer sur les faits dont est saisie la Cour.

 

[9]       J’aborde maintenant  les demandes relatives aux dépens dans la présente affaire. Sans aucun doute, les huit années qu’a duré le traitement de la demande de résidence sont bien plus longues que le délai généralement nécessaire (voir le site Internet de Citoyenneté et Immigration Canada pour connaître le délai moyen de traitement des demandes de résidence permanente déposées, comme celle des Ibrahim, à l’ambassade du Canada à Damas). Toutefois, après avoir examiné le dossier du tribunal, je conclus que les deux parties ont contribué au délai en cause.

 

[10]     Quelle que soit la raison des fausses déclarations de M. Ibrahim, celles-ci ont eu pour effet d’augmenter le temps consacré comme il se doit à l’analyse de sa demande. Bien que M. Ibrahim ait fourni ultérieurement des renseignements plus exacts lors de ses entrevues avec les autorités de l’immigration en 2004 et en 2005, il a fallu procéder à une enquête plus approfondie par la suite. Cette nouvelle enquête était raisonnable, compte tenu des fausses déclarations antérieures de M. Ibrahim.

 

[11]     Cela dit, il y a eu des périodes où les représentants du ministre semblent avoir fait peu de démarches pour poursuivre le traitement de la demande. On n’a pas expliqué les raisons pour lesquelles la demande n’a pas été traitée avec célérité après le 12 mars 2007, alors que les problèmes de sécurité avaient été réglés et que les questions concernant les fausses déclarations étaient connues de la plupart des intéressés. Il est évident que M. Ibrahim a reçu des renseignements complets au plus tard le 21 avril 2007. Je ne suis pas convaincue qu’une décision aurait été rendue en novembre 2007 en l’absence du présent litige.  

 

[12]     Ayant conclu que le délai est imputable aux deux parties, l’observation du ministre, selon laquelle il y a lieu de lui adjuger les dépens parce que les fausses déclarations de M. Ibrahim ont peut-être mené la Cour à rendre une ordonnance qu’elle n’aurait pas rendue en l’absence de ces fausses déclarations, m’apparaît dénuée de fondement. À cet égard, le 21 novembre 2007, M. Ibrahim a déposé auprès de la Cour un affidavit où il admet ses fausses déclarations antérieures.  Jusqu’à ce moment-là, le ministre n’avait exprimé, dans ses documents, aucune préoccupation au sujet d’une quelconque fausse déclaration, se disant simplement préoccupé par l’attestation de sécurité de M. Ibrahim.

 

[13]     Pour les motifs qui précèdent, je conclus qu’il n’existe aucune raison justifiant l’octroi de dépens.

 

JUGEMENT

 

LA COUR STATUE que :

 

1.         La demande de contrôle judiciaire est rejetée avec le consentement des parties.

 

2.         Aucuns dépens ne sont adjugés.

 

 

 

« Eleanor R. Dawson »

Juge

 

 

Traduction certifiée conforme

David Aubry, LL.B.


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                                   IMM-5729-06

 

INTITULÉ :                                                 MEDHET ABID ALI IBRAHIM ET AUTRES

                                                                       c.

                                                                       LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET

                                                                       DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                           TORONTO (ONTARIO)

 

 

DATE DE L’AUDIENCE :                          LE 10 DÉCEMBRE 2007

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                                        LE JUGE DAWSON

 

DATE DES MOTIFS :                                 LE 20 DÉCEMBRE 2007

 

COMPARUTIONS :

 

Chantal Desloges                                             POUR LES DEMANDEURS

 

Maria Burgos                                                   POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Green and Spiegel, LLP                                   POUR LES DEMANDEURS

Avocats

Toronto (Ontario)

 

John H. Sims, c.r.                                              POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

 

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