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Date : 20071204

Dossier : IMM-84-07

Référence : 2007 CF 1273

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 4 décembre 2007

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE SHORE

 

ENTRE :

NDRE MALSHI

demandeur

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

INTRODUCTION

[1]               « [I]l n’appartient pas à un agent d’ERAR de jouer le rôle d’une cour d’appel et d’infirmer une décision antérieure en matière d’asile. » (Yousef c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 864, [2006] A.C.F. no 1101 (QL); voir aussi Quiroga c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 1306, [2006] A.C.F. no 1640 (QL), et Kaybaki c. Canada (Solliciteur général), 2004 CF 32, [2004] A.C.F. no 27 (QL).)

 

L’INSTANCE

[2]               Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire visée au paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (LIPR), concernant une décision rendue par une agente d’examen des risques avant renvoi (ERAR) le 6 décembre 2006. L’agente d’ERAR a alors déterminé que le demandeur ne serait pas exposé au risque d’être soumis à la torture, à une menace à sa vie ou au risque de traitements ou peines cruels et inusités s’il était renvoyé dans son pays d’origine.

 

LES FAITS

[3]               Le demandeur, Ndre Malshi, est un citoyen albanais qui est entré au Canada en 2000 et qui a demandé l’asile parce qu’il craignait les personnes qui avaient commis le vol de banque dont il avait été témoin. (Motifs de la Section de la protection des réfugiés (SPR) de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (Commission), dossier du demandeur, aux pages 20 et 21.)

 

[4]               La SPR a rejeté la demande de M. Malshi parce qu’il n’y avait pas de lien entre sa crainte et un motif prévu par la Convention, qu’il n’était pas en danger et qu’il n’avait pas réfuté la présomption de protection de l’État. (Motifs de la Commission, ci‑dessus, aux pages 19 à 21.)

 

[5]               La Cour a refusé d’autoriser M. Malshi à demander le contrôle judiciaire de la décision de la Commission.

 

[6]               Le 28 mars 2006, M. Malshi a présenté une demande d’ERAR. L’agente d’ERAR a conclu que la preuve produite par M. Malshi n’était pas suffisante pour remettre en question les conclusions de la Commission concernant les risques, la protection de l’État et l’absence de lien entre la crainte de M. Malshi et un motif prévu par la Convention. Elle a aussi conclu que M. Malshi n’avait pas réfuté la présomption de protection de l’État. En conséquence, elle a rejeté la demande d’ERAR. (Motifs relatifs à l’ERAR, dossier du demandeur, aux pages 5 à 11 (onglets 2 et 3).)

 

[7]               M. Malshi a déposé une requête afin que son renvoi soit reporté. Le juge Phelan a instruit la requête le 29 janvier 2007 et l’a accueillie le 20 février 2007.

 

LA QUESTION EN LITIGE

[8]               A-t-on démontré que l’agente d’ERAR a commis une erreur justifiant l’intervention de la Cour?

 

ANALYSE

Le critère plus rigoureux qui s’applique à la demande d’autorisation n’était pas rempli

 

 

[9]               La décision de reporter le renvoi de M. Malshi reposait sur la norme relativement peu rigoureuse de la « question sérieuse » (c’est‑à‑dire non futile et vexatoire) concernant le caractère suffisant des motifs donnés par l’agente d’ERAR. Dans RJR‑MacDonald Inc. c. Canada (Procureur général), [1994] 1 R.C.S. 311, la Cour suprême du Canada a affirmé que les tribunaux ne devaient pas examiner au fond une requête interlocutoire :

[50]      Une fois convaincu qu’une réclamation n’est ni futile ni vexatoire, le juge de la requête devrait examiner les deuxième et troisième critères, même s’il est d’avis que le demandeur sera probablement débouté au procès. Il n’est en général ni nécessaire ni souhaitable de faire un examen prolongé du fond de l’affaire. [Non souligné dans l’original.]

 

 

L’agente d’ERAR n’avait pas le droit de réexaminer les conclusions de la Commission sur la question des risques

 

 

[10]           Dans ses observations, M. Malshi confond la Commission et l’agente d’ERAR. Il semble qu’il tente également, dans la présente instance, de contester les conclusions de la Commission concernant la protection de l’État.

 

[11]           Comme la Cour l’a réaffirmé récemment, l’agente d’ERAR ne peut réexaminer la conclusion de fait tirée par la Commission ou jouer le rôle d’une cour d’appel relativement aux conclusions de fait de la Commission.

[20]      Certains des arguments se rapportant à la preuve qui ont été avancés ici au nom du demandeur semblent montrer une incompréhension du rôle de l’agente d’ERAR. Il n’appartient pas à l’agente d’ERAR de réexaminer la preuve évaluée par la Commission, et il ne lui appartient pas non plus de revenir sur les conclusions de la Commission portant sur les faits ou sur la crédibilité du demandeur. Ce n’est pas non plus le rôle de l’agente d’ERAR d’apprécier la preuve qui aurait pu être présentée à la Commission, mais qui ne l’a pas été. Le rôle de l’agente d’ERAR, défini par l’article 113 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (la LIPR), consiste à n’examiner « que des éléments de preuve survenus depuis le rejet ou qui n’étaient alors pas normalement accessibles ou, s’ils l’étaient, qu’il n’était pas raisonnable, dans les circonstances, de s’attendre à ce qu’il les ait présentés ». En l’espèce, l’agente d’ERAR a défini clairement et correctement son rôle, d’une manière conforme aux limites précisées dans l’article 113.

 

[21]      Dans la décision Kaybaki c. Canada (Solliciteur général), [2004] A.C.F. no 27, 2004 CF 32, le juge Michael Kelen confirmait très succinctement le rôle limité d’un agent d’ERAR, au paragraphe 11 :

 

[…] Pour ce motif, l’agent n’aurait pas dû tenir compte de ces lettres. La procédure d’évaluation du risque avant renvoi ne saurait se transformer en une seconde audience de statut de réfugié. Cette procédure a pour objet d’évaluer les nouveaux risques pouvant surgir entre l’audience [de la CISR] et la date du renvoi.

 

J’ajouterais aussi aux observations du juge Kelen qu’il n’appartient pas à un agent d’ERAR de jouer le rôle d’une cour d’appel et d’infirmer une décision antérieure en matière d’asile.

 

(Yousef, précitée; voir aussi Quiroga, précitée, et Kaybaki, précitée.)

 

            Les conclusions relatives à la protection de l’État étaient raisonnables

 

 

[12]           M. Malshi allègue que l’agente d’ERAR a commis une erreur en ne tenant pas compte de la preuve dont elle disposait ou en tenant compte seulement de certains éléments de cette preuve et en n’évaluant pas correctement le caractère adéquat de la protection offerte par l’État en Albanie.

 

[13]           En l’espèce, l’agente d’ERAR a examiné, comme elle était tenue de le faire, les conclusions de la Commission concernant la protection de l’État ainsi que la preuve sur les conditions existant en Albanie qui était postérieure à l’audience devant la Commission. Elle a mentionné que la Commission avait tiré des conclusions importantes au sujet de la protection de l’État. (Motifs relatifs à l’ERAR, précités, à la page 9.)

 

[14]           La Commission a conclu notamment que la police était intervenue « promptement et de manière assez efficace » relativement à l’enlèvement et à l’agression dont M. Malshi aurait été victime. (Motifs de la Commission, aux pages 19 et 21.)

 

[15]           En ce qui concerne la documentation à jour sur le pays, l’agente d’ERAR a mentionné qu’elle n’était pas pertinente au regard de la situation personnelle du demandeur. Par exemple, M. Malshi a produit de l’information sur le programme de protection des témoins, mais aucune preuve démontrant qu’il faisait partie de ce programme. De toute façon, la preuve relative au programme de protection des témoins ne concernait que les personnes ayant été témoins de trafic de personnes ou d’actes commis par le crime organisé; en outre, elle ne permet pas de réfuter la présomption de protection de l’État même pour ce qui de ces témoins, encore moins pour ce qui est de M. Malshi. (Motifs relatifs à l’ERAR, précités, à la page 9; rapport du Département d’État américain sur l’Albanie, dossier du demandeur, à la page 41; Canada (Procureur général) c. Ward, [1993] 2 R.C.S. 689, à la page 726.)

 

[16]           M. Malshi prétend que l’agente d’ERAR a exigé de lui qu’il demande à son frère de le protéger. Or, l’agente d’ERAR n’a pas, en fait, exigé rigoureusement de M. Malshi qu’il obtienne indirectement la protection de l’État. Elle a plutôt tiré une conclusion raisonnable lorsqu’elle a fait expressément référence à la lettre non datée du frère (ce qui n’exclut pas le fait qu’il y avait aussi d’autres lettres). Cela ne démontrait pas en soi si, depuis l’audience de la Commission, M. Malshi pouvait obtenir la protection de l’État. (Motifs relatifs à l’ERAR, précités, à la page 9; lettre du frère du demandeur, dossier du demandeur, aux pages 23 et 28.)

 

[17]           Essentiellement, M. Malshi conteste la manière dont l’agente d’ERAR a soupesé la preuve dont elle disposait. Or, soupeser la preuve documentaire relève clairement de la compétence et de l’expertise de l’agente d’ERAR. (Kim c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 437, [2005] A.C.F. no 540 (QL).)

 

[18]           M. Malshi n’a pas établi que les conclusions de l’agente d’ERAR ont été tirées de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments dont elle disposait. Il incombait à M. Malshi de démontrer que les conclusions de l’agente d’ERAR n’étaient pas étayées par la preuve contenue dans le dossier. M. Malshi n’ayant pas fait cette démonstration, la Cour refuse de modifier la décision relative à l’ERAR. (Sinan c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CF 87, [2004] A.C.F. no 188 (QL); Canada (Directeur des enquêtes et recherches) c. Southam Inc., [1997] 1 R.C.S. 748 , au paragraphe 57; Kim, précitée; Figurado c. Canada (Solliciteur général), 2005 CF 347, [2005] A.C.F. no 458 (QL); Cupid c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2007 CF 176, [2007] A.C.F. n244 (QL), aux paragraphes 18 et 19.)

 

CONCLUSION

[19]           Pour tous les motifs exposés ci‑dessus, la demande de contrôle judiciaire est rejetée.

 


JUGEMENT

LA COUR ORDONNE :

1.                  La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

2.         Aucune question grave de portée générale n’est certifiée.

 

« Michel M.J. Shore »

Juge

 

 

 

Traduction certifiée conforme

 

David Aubry, LL.B.


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                                        IMM-84-07

 

INTITULÉ :                                                     NDRE MALSHI

                                                                            c.

                                                                            LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

                                                                            ET DE L’IMMIGRATION

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                              TORONTO (ONTARIO)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                            LE 27 NOVEMBRE 2007

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                                            LE JUGE SHORE

 

DATE DES MOTIFS :                                    LE 4 DÉCEMBRE 2007

 

 

COMPARUTIONS :

 

Ronald Shacter

 

          POUR LE DEMANDEUR

Linda H-C. Chen

 

          POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Ronald Shacter

Avocat

Toronto (Ontario)

 

         POUR LE DEMANDEUR

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

 

         POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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