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Date : 20071126

Dossier : IMM-261-07

Référence : 2007 CF 1238

Ottawa (Ontario), le 26 novembre 2007

EN PRÉSENCE DE MADAME LA JUGE DAWSON

 

ENTRE :

 

JELENA ZDANOVIC

 

 

demanderesse

 

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION

 

défendeur

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]        Jelena Zdanovic est une citoyenne de la Lituanie. Elle est entrée au Canada avec un visa de visiteur en 2003 dans le but de rendre visite à son fils adulte, Sergey. Malheureusement, Sergey a été assassiné pendant qu’elle était au Canada. Depuis, Mme Zdanovic a souffert d’une dépression majeure. Au cours des dernières années, elle a aidé à prendre soin d’un jeune Canadien parlant le russe, Leo. Ce dernier souffre d’autisme. Mme Zdanovic souhaite demeurer au Canada afin de pouvoir continuer à se rendre sur la tombe de Sergey et à prendre soin de Leo. Elle espère également, si elle demeure au Canada, établir une relation avec le fils et la fille de Sergey, qui habitent au Canada.

 

[2]        En conséquence, en février 2006, Mme Zdanovic a déposé une demande fondée sur des circonstances d’ordre humanitaire (demande CH) pour obtenir une exemption qui lui permettrait de présenter depuis le Canada une demande de résidence permanente. La présente demande de contrôle judiciaire vise la décision rendue par un agent, lequel a estimé qu’il n’y avait pas suffisamment de circonstances d’ordre humanitaire pour justifier d’accorder l’exemption demandée.

 

[3]        Mme Zdanovic prétend que l’agent a commis les erreurs suivantes lorsqu’il a rejeté sa demande CH :

 

1.         L’agent a appliqué le mauvais critère en évaluant les difficultés qu’aurait à subir Mme Zdanovic si elle était obligée de demander la résidence permanente de la manière habituelle.

 

2.         L’agent a tiré une série de conclusions défavorables illogiques et a tenu compte d’éléments non pertinents quand il a évalué la preuve médicale soumise par Mme Zdanovic.

 

            3.         L’agent n’a pas pris en considération l’intérêt supérieur de Leo.

 

[4]        La demande de contrôle judiciaire est rejetée parce que je ne suis pas convaincue que l’agent a appliqué le mauvais critère en évaluant les difficultés ou que l’agent a commis une erreur en évaluant la preuve médicale ou l’intérêt supérieur de Leo.

 

Le critère appliqué aux difficultés

[5]        Au début de ses motifs, l’agent a souligné qu’il incombait à Mme Zdanovic d’établir que les difficultés pour obtenir à l’extérieur du Canada un visa de résidence permanente seraient inhabituelles, injustifiées ou démesurées. Il s’agit du bon critère. L’agent a répété ce critère chaque fois qu’il examinait l’un des éléments de la plainte de Mme Zdanovic et il l’a répété une autre fois dans la conclusion de ses motifs.

 

[6]        Une fois, l’agent a en fait écrit que [traduction] « il n’y a pas suffisamment de preuve qui laissent croire que [Mme Zdanovic] subirait un préjudice irréparable si elle était tenue de quitter le Canada et de demander la résidence permanente de la manière habituelle ». L’agent a ensuite affirmé : [traduction] « Je ne dispose pas d’une preuve suffisante pour conclure que sa santé mentale dépend de la proximité de la tombe de son fils ou de sa capacité à s’y rendre. » Mme Zdanovic s’appuie sur ces remarques pour soutenir que l’agent a appliqué le mauvais critère juridique pour établir l’existence de difficultés.

 

[7]        L’utilisation par l’agent de l’expression [traduction] « préjudice irréparable » était incorrecte et malheureuse. Cependant, il faut replacer cette expression dans son contexte. Elle suit la conclusion de l’agent selon laquelle la preuve relative à l’état psychologique de Mme Zdanovic était vague  et elle précède la conclusion de l’agent selon laquelle il n’était pas convaincu que les difficultés qui en découleraient seraient inhabituelles, injustifiées ou démesurées. Pour cette raison, et parce que l’agent a souvent répété le bon critère, je ne suis pas convaincue que l’agent a appliqué le mauvais critère juridique pour juger de l’existence de difficultés. En outre, je ne conclus pas à la lecture du second passage sur lequel s’appuie Mme Zdanovic que l’agent a appliqué le mauvais critère. L’agent soulignait l’absence de preuve étayant une demande CH fondée sur l’argument de la santé mentale.

 

L’examen de la preuve médicale

[8]        Mme Zdanovic a fourni des renseignements de trois médecins : les docteurs Pliamm, Yaroshevsky et Brodsky. Le Dr Pliamm a fourni une note, qui n’était pas datée, dans laquelle il référait Mme Zdanovic au Dr Yaroshevsky et faisait mention d’une dépression. Le Dr Yaroshevsky a fourni une note, datée du 25 novembre 2003, selon laquelle Mme Zdanovic assistait régulièrement à des séances de thérapie, sans en préciser la fréquence. Il a écrit que [traduction] « il serait bien si vous pouviez ajuster la fréquence de sa présence à l’école en fonction de son état émotif ». La note la plus détaillée provenait du Dr Brodsky et était datée du 13 février 2006. Elle comportait le diagnostic de [traduction] « grave exacerbation d’une dépression majeure, situationnelle » et précisait que Mme Zdanovic serait, pour une période indéterminée, [traduction] « incapable de se rendre à quelque réunion que ce soit ».

 

[9]        L’agent a noté que le Dr Yaroshevsky n’avait pas précisé la fréquence des séances de psychothérapie, ni si Mme Zdanovic devait prendre des médicaments, ni la gravité de sa dépression. Rien n’indiquait si Mme Zdanovic suivait toujours la psychothérapie ou non. Pour ce qui est de la note du Dr Brodsky, l’agent a souligné que rien dans la preuve ne montrait que le Dr Brodsky était spécialisé en psychologie. L’agent a tenu du compte du fait qu’il n’y avait aucune preuve établissant depuis combien de temps le Dr Brodsky traitait Mme Zdanovic et qu’il n’y avait aucune indication relativement aux particularités de son état, aux prévisions quant à son état, ou à la cause de l’exacerbation de sa dépression.

 

[10]      Je conviens qu’il n’était peut‑être pas pertinent pour l’agent de s’attarder sur le fait que le Dr Brodsky était un omnipraticien et non un spécialiste. Cependant, je suis convaincue que, lorsque les motifs de l’agent sont lus équitablement et dans leur ensemble, l’agent exposait sa conclusion selon laquelle la preuve médicale n’établissait pas l’existence de difficultés inhabituelles, injustifiées ou démesurées. Compte tenu de la preuve dont disposait l’agent, il ne s’agit pas d’une conclusion déraisonnable.

 

[11]      J’ai pris en compte l’observation de Mme Zdanovic selon laquelle l’agent était tenu de l’informer de ses doutes. Toutefois, il incombe à la personne ayant déposé une demande CH d’établir les faits sur lesquels repose sa demande. L’agent n’a pas la responsabilité d’aviser le demandeur que les renseignements fournis sont insuffisants. Compte tenu des faits devant moi, l’agent n’était pas tenu d’informer Mme Zdanovic que la preuve médicale soumise était trop vague pour étayer sa demande.

 

L’intérêt supérieur de Leo

[12]      L’agent était juridiquement tenu de se montrer réceptif, attentif et sensible à l’intérêt supérieur de Leo et l’agent ne devait pas minimiser cet intérêt.

 

[13]      En l’espèce, l’agent a pris en compte les éléments suivants :

 

  • Leo aime beaucoup Mme Zdanovic, qui aide sa mère à prendre soin de lui.

 

  • La preuve produite ne suffit pas à montrer que le départ de Mme Zdanovic serait dommageable au bien‑être de Leo. Sa mère a affirmé que ce départ causerait beaucoup de stress à l’enfant, mais aucune preuve, provenant d’un médecin ou d’un soignant professionnel, ne corrobore cette difficulté potentielle.

 

  • Les enfants autistes ont besoin de soins spécialisés et rien ne prouve que Mme Zdanovic est qualifiée pour prodiguer les soins spécialisés dont a besoin Leo.

 

[14]      Compte tenu des renseignements plutôt maigres qui ont été fournis à l’agent, je conclus que celui‑ci a tenu compte de tous les documents mis à sa disposition. Ses motifs correspondaient à la preuve et aux observations qui lui ont été soumises. Dans le contexte de cette preuve et de ces observations, l’agent s’est montré réceptif, attentif et sensible à l’intérêt supérieur de Leo. Il n’était pas déraisonnable pour l’agent de conclure que Mme Zdanovic avait produit une preuve insuffisante pour établir l’existence de difficultés inhabituelles, injustifiées ou démesurées relativement à l’intérêt supérieur de l’enfant.

 

[15]      Pour ces motifs, la demande de contrôle judiciaire est rejetée. Les avocats n’ont proposé aucune question à certifier et je suis convaincue que le présent dossier n’en soulève aucune.

 

 

JUGEMENT

 

LA COUR STATUE que :

 

1.         La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

 

 

 

« Eleanor R. Dawson »

Juge

 

 

Traduction certifiée conforme

Elisabeth Ross


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                                    IMM-261-07

 

INTITULÉ :                                                   JELENA ZDANOVIC

                                                                        c.

                                                            LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

 

LIEU DE L'AUDIENCE :                             TORONTO (ONTARIO)

 

 

DATE DE L'AUDIENCE :                           LE 14 NOVEMBRE 2007

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                                          LA JUGE DAWSON

 

DATE DES MOTIFS :                                  LE 26 NOVEMBRE 2007

 

 

COMPARUTIONS :

 

Chantal Desloges                                              POUR LA DEMANDERESSE

 

Jamie Todd                                                      POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Green and Spiegel l.l.p.                                     POUR LA DEMANDERESSE

Avocats

Toronto (Ontario)

 

John H. Sims, c.r.                                             POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

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