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Date :  20071115

 

Dossier :  IMM-246-07

Référence :  2007 CF 1187

Ottawa (Ontario), le 15 novembre 2007

En présence de Monsieur le juge Shore 

 

ENTRE :

KELETY DOUMBOUYA

demanderesse

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION

défenderesse

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

AU PRÉALABLE

[1]               La Charte ne devrait pas être utilisée pour crier loup à toute occasion. Sa signification est telle que crier loup à toute occasion, sans discernement, serait une moquerie de sa valeur intrinsèque. La Charte représente le leitmotiv découlant de la constitution canadienne. Elle veille et s’adresse à la fragilité de l’ensemble de la condition humaine. La Charte reflète notre existence comme société, menée par des principes qui ont comme but l’inviolabilité de la personne humaine, couplé avec la protection des intérêts de la collectivité. Ceci ne dévoile pas un paradoxe mais plutôt projette et cible l’équilibre entre les deux.

 

[2]               Crier loup pour défaire une décision raisonnable et juste serait injuste pour la société, qui, également, est composée d’un ensemble des individus, qui seraient laissés individuellement et collectivement par les arguments de ceux qui crieraient loup sans raison valide.

INTRODUCTION

[3]               L’agente chargée de l’Examen des risques avant renvoi (ERAR), a souligné que la Section de la protection des réfugiés (SPR) n’avait pas cru à la participation du demandeur, dans le Rassemblement du Peuple Guinéen (RPG). Après avoir rappelé les exigences de l’alinéa 113a) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (Loi) et du paragraphe 167 du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002-227 (Règlement), elle a indiqué qu’elle n’examinerait pas les allégations du demandeur, monsieur Kelety Doumbouya, relatives à sa participation à la formation d’un mouvement destiné aux jeunes (Peace and Love) et au RPG parce qu’il ne s’agit pas de faits nouveaux au sens de la Loi. Elle a constaté que l’ensemble des faits et allégations invoqués par monsieur Doumbouya, relativement à son activisme passé au sein du RPG, avait déjà fait l’objet d’une analyse par la SPR, qui avait conclu à l’absence de crédibilité du demandeur au point de vu de sa participation même dans le mouvement, compte tenu, également des dates et de la durée de sa participation au mouvement et sa fuite non corroborée au niveau de temps, document de voyage et même du trajet suivi. 

 

[4]               L’agente ERAR a conclu que le demandeur ne s’est pas acquitté de son fardeau d’établir qu’il serait personnellement persécuté, advenant son retour en Guinée (art. 96 de la Loi) ou qu’il serait soumis à de la torture, ou qu’il serait exposé à une menace à sa vie ou au risque de traitements ou peines cruels et inusités, tel que définis à l’art. 97 de la Loi. L’agente ERAR a tiré cette conclusion au terme d’une analyse minutieuse de la preuve dont elle disposait.

 

 

PROCÉDURE JUDICIAIRE

[5]               La Cour est saisie d’une Demande d’autorisation et demande de contrôle judiciaire, en vertu du paragraphe 72(1) de la Loi, à l’encontre d’une décision du 24 novembre 2006, de l’agente ERAR, madame Chantal Roy, par laquelle décision elle a rejeté la demande de protection du demandeur. (Dossier du Ministère de la Citoyenneté et de l’Immigration (DCIC), pp. 1-10.)

 

[6]               Le 6 septembre 2007, avant l’audition tenue le 18 septembre 2007, monsieur Doumbouya a signifié au défendeur un avis de question constitutionnelle, dans lequel il soulève les points suivants :

a)         concernant son droit d’être entendu, il soutient que l’alinéa 113b) de la Loi et l’article 167 du Règlement violent le droit de toute personne d’être entendue de vive voix par le décideur. Selon monsieur Doumbouya, ce n’est que dans des circonstances restreintes que le demandeur d’un ERAR aura droit à une audience viva voce et, étant donné la mise en péril des droits prévus à l’article 7 de la Charte canadienne des droits et libertés, Partie I, Annexe B de la Loi de 1982 sur le Canada, 1982, ch. 11 (R.-U) (Charte), le législateur ne devrait pas être autorisé de priver ainsi les demandeurs de pouvoir bénéficier d’une audience complète sur le bien-fondé de leur demande de protection.

b)         Quant aux restrictions sur les éléments de preuve admissibles, énoncées à l’alinéa 113a) de la Loi, monsieur Doumbouya plaide que cette disposition viole « les règles de justice fondamentale et d’équité (article 7 de la Charte et Déclaration canadienne des droits) » en ce qu’il limite la preuve admissible dans le cadre d’un ERAR à des éléments de preuve survenus depuis le rejet de la revendication par la SPR ou à des éléments de preuve qui n’étaient alors pas normalement accessibles ou, s’ils l’étaient, qu’il n’était pas raisonnable, dans les circonstances, de s’attendre à ce qu’ils aient été présentés à la SPR. Selon monsieur Doumbouya, l’alinéa 113a), qui prive ainsi les demandeurs d’un ERAR de présenter toute la preuve pertinente au soutien de leur demande de protection, oblige l’agent décideur à écarter des éléments de preuve qui seraient autrement pertinents et/ou déterminants à l’évaluation de la demande de protection. Monsieur Doumbouya prétend que, ces limites ayant un impact direct sur le droit à la vie, à la liberté et à la sécurité des demandeurs d’ERAR, l’alinéa 113a) ne respecte pas les principes de justice fondamentale garantis à l’article 7 de la Charte. Pour ce motif, selon monsieur Doumbouya, l’alinéa 113a) doit être invalidé.

c)         Monsieur Doumbouya soutien en outre que la procédure d’ERAR est invalide sur le plan constitutionnel, car elle prive les demandeurs d’un ERAR d’être entendus par un tribunal indépendant et impartial quant à leur demande de protection. À l’appui de cette prétention, monsieur Doumbouya fait tout simplement valoir que l’évaluation des risques dans le cadre d’un ERAR est faite par un agent du ministère de la Citoyenneté et de l’Immigration du Canada (CIC). De fait, monsieur Doumbouya plaide que les liens des agents ERAR avec CIC donnent lieu à une crainte raisonnable de partialité et de manque d’indépendance de ces agents.

 

[7]               La Cour note que dans le mémoire de monsieur Doumbouya, du 16 février 2007, il n’est nullement plaidé que la procédure ERAR est invalide sur le plan constitutionnel, parce qu’elle prive les demandeurs d’un ERAR d’être entendus par un tribunal indépendant et impartial.

 

[8]               Concernant l’allégation selon laquelle une audience viva voce devrait être accordée dans tous les cas, pour respecter le droit du demandeur d’être entendu, elle n’est plaidée qu’aux paragraphes 77, 78 et 81 du mémoire de monsieur Doumbouya, qui ne demande toutefois pas à la Cour de déclarer l’alinéa 113b) de la Loi et l’article 167 du Règlement constitutionnellement invalides pour cette raison. En effet, dans ce mémoire, monsieur Doumbouya ne demande à la Cour que d’accueillir sa Demande d’autorisation et demande de contrôle judiciaire. De plus, monsieur Doumbouya n’accompagne pas son mémoire d’un avis de question constitutionnelle à cet égard, lequel n’a été signifié au défendeur que le 6 septembre 2007. Or, sans un tel avis, monsieur Doumbouya ne pouvait demander à la Cour de déclarer l’alinéa 113b) de la Loi et l’article 7 du Règlement, inconstitutionnels. (Voir entre autres : Bekker c. Canada, 2004 CAF 186, [2004] A.C.F. no 819 (QL), par. 7-9.)

 

[9]               Quant à l’argument de monsieur Doumbouya, selon lequel les restrictions sur les éléments de preuve admissibles, énoncées à l’alinéa 113a) de la Loi, font que cette disposition viole « les règles de justice fondamentale et d’équité (article 7 de la Charte et Déclaration canadienne des droits) », cette prétention ne se trouve nulle part dans le mémoire de monsieur Doumbouya, du 16 février 2007.

 

[10]           De plus, monsieur Doumbouya n’a pas déposé un mémoire supplémentaire, comme l’a autorisé cette Cour dans son ordonnance du 10 mai 2007 accordant la demande d’autorisation.

 

[11]           Par ailleurs, le 19 juillet 2007, le défendeur a signifié et déposé son mémoire supplémentaire.

 

[12]           Dans les circonstances, le défendeur a eu occasion à répondre aux nouveaux arguments susmentionnés de monsieur Doumbouya.

 

FAITS

[13]           Monsieur Doumbouya est un citoyen de la Guinée, âgé de 28 ans.

 

[14]           Il est arrivé au Canada le 8 décembre 2002 et a revendiqué le statut de réfugié au Canada, le même jour.

 

[15]           Sa demande d’asile a été entendu les 2 septembre 2003 et 15 octobre 2003. La SPR a refusé sa demande le 17 décembre 2003. La Demande d’autorisation et demande de contrôle judiciaire y relative, qu’il a présentée, a été refusée le 6 avril 2004.

 

[16]           Devant la SPR, monsieur Doumbouya a allégué avoir participé au groupe Peace and Love qui organisait des activités culturelles, sportives et des ateliers d’information.

 

[17]           Ce groupe aurait été affilié avec le Parti Unité et Progrès (PUP) pour aider le candidat du parti et l’élection du président Lasana Conté.

 

[18]           Après les élections, le PUP n’aurait pas tenu ses engagements et le Peace and Love aurait décidé d’appuyer l’opposition du RPG, en mai 2000.

 

[19]           Monsieur Doumbouya aurait ensuite été arrêté et libéré en juin 2000 et se serait rendu en Côte d’Ivoire où il serait demeuré plus de deux ans.

 

[20]           Il serait ensuite allé aux États-Unis avant de venir au Canada. À ce sujet, la SPR a écrit ce qui suit :

[...] Questionné à savoir pourquoi il n’a pas essayé de revendiquer aux États-Unis, monsieur Doumbouya a dit que son but était de venir au Canada. Cependant le revendicateur a voyagé avec un faux passeport, il n’avait pas de statut légal aux États-Unies et n’a pas revendiqué. Ce comportement est jugé incompatible avec celui d’une personne qui craint d’être persécuté dans son pays et risque d’être renvoyer à cause de son statut illégal aux États-Unis.

 

(DCIC, p. 252.)

 

[21]           Pour ce qui est de la soi-disant appartenance de monsieur Doumbouya au RPG, la SPR n’y a pas cru et a écrit ce qui suit à ce sujet :

[...] après 1998, aucun document n’atteste de la présence du revendicateur en Guinée. La carte de membre du RPG, saisie par Immigration comporte des altérations. L’analyse de cette carte fait état d’autres éléments qui ont amené le Tribunal à ne lui accorder aucune valeur probante. Il y a eu aussi une tentative pour « corriger » la date indiquée sur la carte de membre, au lieu de 2003, il est indiqué 2000. Le revendicateur n’a pu ou n’a pas voulu nous fournir des explications raisonnables pour expliquer cette constatation. (La Cour souligne.)

 

(DCIC, p. 251.)

 

 

[22]           Dans le cadre de son ERAR, monsieur Doumbouya a invoqué l’instabilité politique générale du pays, particulièrement à l’égard des membres de l’opposition et de ceux qui critiquent le gouvernement en place. (Dossier de la demanderesse (DD), p. 7.)

 

[23]           Monsieur Doumbouya y a en outre soutenu que son soi-disant activisme passé et toujours actuel au sein du RPG justifiait que le Canada lui accorde sa protection, suite à l’ERAR. (DCIC, p. 4.)

 

POINTS EN LITIGE

[24]           a)         L’agente a-t-elle erré, dans son évaluation des risques, en concluant que les documents soumis par le demandeur ne constituaient pas de la nouvelle preuve au sens de l’alinéa 113a) de la Loi?

b)         L’agente devait-elle avoir une entrevue avec le demandeur?

c)         Les motifs de l’agente sont-ils suffisants?

d)         L’agente a-t-elle refusé d’exercer sa compétence?

e)         L’agente a-t-elle commis une erreur de droit en considérant l’impact de la preuve documentaire générale sur la Guinée?

f)          La décision de l’agente sur l’ERAR, prise globalement et dans son ensemble, est-elle raisonnable?

g)         L’alinéa 113b) de la Loi est-il conforme aux principes de justice fondamentale?

h)         Les restrictions sur les éléments de preuve admissibles, énoncées à l’alinéa 113a) de la Loi, sont-elle constitutionnelles?

i)          Les liens des agents ERAR avec CIC peuvent-ils donner lieu à une crainte raisonnable de partialité et de manque d’indépendance de ces agents?

 

ANALYSE

            Les normes de contrôle applicables

[25]           Les questions purement factuelles décidées par l’agent ERAR pour parvenir à la décision attaquée sont contrôlables selon la norme de la décision manifestement déraisonnable. (Yousef c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 864, [2006] A.C.F. no 1101 (QL), par. 17; Chir c. Canada (Ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile), 2006 CF 765, [2006] A.C.F. no 960 (QL), par. 12; Mugesera c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2005] 2 R.C.S. 100, par. 38; Stadnyk c. Canada (Commission de l’Emploi et de l’Immigration) (C.A.F.), [2000] A.C.F. no 1225 (QL), par. 22; Harb c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2003 CAF 39, [2003] A.C.F. no 108 (QL), par. 14.)

 

[26]           D’autre part, l’agent ERAR, appelé à vérifier si les documents soumis satisfont aux exigences de l’alinéa 113a) de la Loi, se penche sur une question mixte de fait et de droit assujettie à la norme de contrôle de la décision raisonnable simpliciter. Cette norme s’applique aussi au contrôle de la décision ultime concernant l’ERAR globalement. (Elezi c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2007 CF 240, [2007] A.C.F. no 357 (QL), par. 21-22; Herrada c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 1004, [2006] A.C.F. no 1275 (QL), par. 24.)

 

[27]           Par ailleurs, lorsque se pose une question relative à la preuve nouvelle, il faut vérifier si l’agent a bien interprété l’alinéa 113a). La norme de la décision correcte s’applique à cette question de droit. (Elezi, ci-dessus, par. 22.)

 

L’agente s’est penchée sur l’ensemble de la preuve

            (i)         Les documents portant une date antérieure

[28]           L’alinéa 113a) prévoit trois catégories d’éléments de preuve : ceux survenus depuis le rejet, ceux qui n’étaient alors pas normalement accessibles ou, s’ils l’étaient, qu’il n’était pas raisonnable, dans les circonstances, de s’attendre à ce que monsieur Doumbouya les ait présentés au moment du rejet. Il s’agit là d’éléments distincts. (Elezi, ci-dessus, par. 26.)  

 

[29]           L’agente a bien identifié les documents portant une date antérieure qu’elle n’analyserait pas. (DD, p. 9.)

 

[30]           Cette conclusion est conforme aux principes applicables puisque ces documents ne satisfont pas aux exigences de la 2e ou 3e catégorie, à savoir des éléments qui n’étaient pas normalement accessibles ou qui, s’ils l’étaient, n’étaient pas des éléments que, dans les circonstances, il n’aurait pas été raisonnable de s’attendre à ce qu’ils aient été déposées devant la SPR.

 

(ii)        La participation du demandeur dans le RPG

[31]           L’agente a, par ailleurs, constaté que des lettres présentées par monsieur Doumbouya à l’appui de sa demande ERAR, bien que postérieures à la décision de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (CISR), faisaient essentiellement état de faits antérieurs à cette décision, faits qui avaient été analysés par la CISR. Elle a jugé qu’ils ne relataient donc pas de faits nouveaux.

 

[32]           L’agente résume, ainsi, les éléments invoqués par monsieur Doumbouya, devant la SPR, quant à sa participation au RPG : il aurait, d’abord, participé au Peace and Love qui organisait des activités culturelles, sportives et des ateliers d’information. Ce groupe aurait été affilié au PUP pour aider le candidat du parti et l’élection du président Lasana Conté. Après les élections, le PUP n’aurait pas tenu ses engagements et le Peace and Love aurait décidé d’appuyer l’opposition et le RPG, en mai 2000. Monsieur Doumbouya aurait été arrêté et libéré en juin 2000. Il aurait quitté pour la Côte d’Ivoire, où il serait demeuré plus de deux ans avant de venir au Canada. (DD, p. 7.)

 

[33]           Monsieur Doumbouya soutient que divers documents qu’il a déposés devant l’agente ERAR confirment :

1er        Ses activités politiques, le fait qu’il soit recherché en tant que mobilisateur du RPG, ses problèmes avec le PUP, les traitements que lui ou sa famille ont subi :

·        Lettre de Cissoko Siaka, 7 ou 8 mai 2004 (P-17), (DD, p. B-95)

·        Lettre du RPG, 4 mai 2004 (P-22), (DD, p. B-96)

·        Lettre du RPG, 15 juin 2004 (P-22A), (DD, p. B-97)

·        Affidavit de Amara Kaba (P-33), (DD, p. B-60)

·        Affidavit de Salomba Camara (P-34), (DD, p. B-64)

·        Affidavit de Siaka Cissoko (P-35), (DD, p. B-67)

·        Attestation du Secrétaire Administratif du RPG (P-36), (DD, p. B-10)

·        Attestation du Secrétaire général du RPG-Canada (P-37), (DD, p. B-12)

·        Affidavit de monsieur Doumbouya (P-38), (DD, p. B-14)

 

2ième     Son implication politique au Canada et les risques d’arrestation qu’il encourrait, de ce fait, advenant son retour :

·        Attestation du Secrétaire Sdministratif du RPG (P-36), (DD, p. B-10)

·        Attestation du Secrétaire général du RPG-Canada (P-37), (DD, p. B-12)

·        Affidavit de Siaka Cissoko (P-35), (DD, p. B-67)

3ième     Les arrestations et détentions arbitraires des membres du RPG ainsi que leur persécution :

·        Documentation générale quant à la situation de crise en Guinée (P-23 à P-32) (DD, pp. B-98 et suivantes, (P-39 à P-53), (DD, p. B-19 à B-53, B-122 à B-144)

·        Rapport d’Amnistie International (P-69) (DD, p. B-151)

·        Autres documents énumérés (Mémoire du demandeur, par. 13)

 

[34]           Il ne suffit pas que la preuve « nouvelle » confirme les faits invoqués par monsieur Doumbouya devant la SPR.

 

[35]           Une preuve n’entre pas dans la première catégorie des preuves visées à l’alinéa 113a) de la Loi du seul fait qu’elle porte une date postérieure à la date de la décision, sinon, une demande ERAR pourrait facilement devenir un appel de la décision de la SPR; monsieur Doumbouya pourrait rassembler de la « nouvelle » preuve pour contrer les conclusions de la SPR et soutenir sa demande; pour cette raison, les juges ont insisté pour que la nouvelle preuve se rapporte à de nouveaux développements, soit quant aux conditions prévalant dans le pays ou quant à la situation personnelle de monsieur Doumbouya. (Elezi, ci-dessus, par. 27.)

 

[36]           La nouvelle preuve ne peut être une simple répétition de la preuve présentée à la SPR; la nature de l’information qu’elle contient, son importance pour le dossier et la crédibilité de sa source, sont tous des facteurs à considérer pour déterminer si une preuve revêt le caractère de nouvelle preuve. (Elezi, ci-dessus, par. 39 et 41.)

 

[37]           C’est l’évolution de nouveaux risques, entre le moment de l’audience devant la CISR et la date prévue pour le renvoi, que le processus ERAR sert à apprécier. (Ould c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2007 CF 83, [2007] A.C.F. no 103 (QL), par. 19; Quiroga c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 1306, [2006] A.C.F. no 1640 (QL), par. 12; Klais c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CF 783, [2004] A.C.F. no 949 (QL), par. 14.)

 

[38]           En examinant la preuve sous l’angle du critère de la nouvelle preuve, l’agent ERAR doit se demander si l’information qu’elle contient est significative ou considérablement différente de celle qui a été présenté antérieurement. (Elezi, ci-dessus, par. 29; Raza c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 1385, [2006] A.C.F. no 1779 (QL), par. 22-23.)

 

[39]           Une lecture attentive des pièces énoncées au paragraphe 23 du 1er point, permettent de constater que les documents en cause, comme le dit monsieur Doumbouya, visent à confirmer la preuve devant la SPR. Le dernier de ces éléments, l’affidavit de monsieur Doumbouya, vise de plus à remettre en cause la décision de la SPR. (DD, p. B-14 à B-18.)

 

[40]           Or, ainsi que le précise la Cour dans Elezi, ci-dessus, la demande ERAR n’est pas et ne doit pas devenir un appel de la décision de la SPR. Le défendeur a contesté cette décision devant la Cour fédérale et sa demande a été rejetée.

 

[41]           L’agente a, de plus, souligné que les signataires des lettres susmentionnées, qui témoignent d’événements qu’auraient vécu monsieur Doumbouya, n’indiquent pas en avoir été personnellement témoins, ce qui diminue leur valeur probante. (DD, p. 9.)

 

[42]           Elle constate, eu égard aux nouveaux éléments de preuve, qu’il ne s’agit pas d’éléments qui n’étaient pas normalement accessibles ou, s’ils étaient disponibles, il n’était pas raisonnable dans les circonstances, de s’attendre à ce que monsieur Doumbouya les ait présentés au moment du rejet. (DD, p. 7.)

[43]           À cet égard, monsieur Doumbouya fait valoir que les nouvelles preuves n’avaient pas été déposées devant la CISR parce qu’elles nécessitaient des recherches, des démarches et la collaboration de tiers, pour attester des faits allégués. (Mémoire du demandeur, par. 11.)

 

[44]           Cette explication ne suffit toutefois pas pour que la preuve en cause, constitue une nouvelle preuve. Il appartenait à monsieur Doumbouya d’établir sa demande d’asile. S’il estimait approprier d’obtenir du délai en vue d’obtenir de la preuve additionnelle, il devrait en faire la demande en temps et lieu. Il ne peut, dans le cadre d’un ERAR, parfaire sa preuve, en déposant des documents qu’il aurait pu obtenir, à l’époque.

 

[45]           S’il estime que les éléments de preuve qu’il présente à l’agent ERAR satisfont à la 2ième ou 3ième catégorie d’éléments de preuve visés à l’alinéa 113a) de la Loi, il lui appartient de fournir les explications permettant à l’agent de considérer qu’ils satisfont aux exigences de cet alinéa. Il appartient, par ailleurs, à l’agent, d’apprécier les explications à la lumière des circonstances du dossier.

 

[46]           L’agente n’avait pas à tenir compte d’éléments qui ne comportaient pas de développements nouveaux.

 

[47]           L’agente a souligné que la SPR n’avait pas cru à la participation de monsieur Doumbouya, dans le RPG. Après avoir rappelé les exigences de l’alinéa 113a) de la Loi, elle a indiqué qu’elle n’examinerait pas les allégations de monsieur Doumbouya relatives à sa participation au Peace and Love et au RPG parce qu’il ne s’agit pas de faits nouveaux au sens de la Loi. Elle a constaté que l’ensemble des faits et allégations invoqués par monsieur Doumbouya, relativement à son activisme passé au sein du RPG, avait déjà fait l’objet d’une analyse par la SPR, qui avait conclu à l’absence de crédibilité du demandeur. (DD, aux pp. 8-9.)

 

[48]           L’agente a examiné également la preuve relative à l’implication de monsieur Doumbouya dans le RPG depuis son arrivée au Canada. Elle conclut que cette preuve n’est pas suffisante pour établir l’existence d’un risque de retour. Il est donc inexact de prétendre que la SPR a ignoré cette preuve. (DD, p. 9.)

 

[49]           Il n’était pas le rôle de l’agente de réexaminer les conclusions de la SPR quant à la crédibilité de monsieur Doumbouya eu égard à sa participation dans le RPG, en Guinée. (DD p. 9.) C’est dans ce contexte qu’il faut comprendre la conclusion de l’agente (DD, p. 9), selon laquelle les éléments de preuve relatifs à la participation de monsieur Doumbouya dans le RPG, au Canada, ne suffisaient pas à établir l’existence d’un risque de retour.

 

[50]           L’agente a dûment fait mention des éléments de preuve en question qu’elle énumère (DD, p. 9), à savoir :

·        Attestation du Secrétaire Administratif du RPG (P-36), (DD, p. B-10);

·        Attestation du Secrétaire général du RPG-Canada (P-37), (DD, p. B-12);

·        Rassemblement du peuple de Guinée : lettres datées du 4 mai 2004, 11 juin 2004 et 15 juin 2004 (P-22 et P-22A), (DD, pp. B-96B-97);

·        Affidavit de M. Amara Kaba, M. Salomba Camara et M. Siaka Cissoko, en date du 26 juillet 2004 (P-33 À 35), (DD, pp. B-60 à B-69.)

 

[51]           Dans le premier de ces éléments, que l’on retrouve à la page B-10 du Dossier du demandeur, le signataire énonce, d’abord, que monsieur Doumbouya était membre du RPG, en Guinée. Or, cette prémisse non retenue par la SPR, n’a, à raison, pas été prise en considération par l’agente. Dans les circonstances, il n’était pas manifestement déraisonnable que l’agente estime insuffisante la mention, sans plus, que monsieur Doumbouya milite au sein de la section canadienne du RPG.

 

[52]           Il en est de même de l’affidavit de monsieur Siaka Cissoko, que l’on retrouve aux pages B-67 et B-68, de l’affidavit de monsieur Salomba Camara, aux pages B-64 et B-65 et de celui de monsieur Amasa Kaba, aux pages B-60 et B-61, du Dossier du demandeur.

 

[53]           Ni l’un ni l’autre des signataires de ces trois documents n’étayent leur affirmation que monsieur Doumbouya serait persécuté en raison de son rôle dans la RPG, au Canada.

 

[54]           Le défendeur réitère que, dans les circonstances, il n’était pas manifestement déraisonnable que l’agente estime insuffisante la mention, sans plus, que monsieur Doumbouya milite au sein de la section canadienne du RPG.

 

[55]           En concluant que ces documents étaient, en soi insuffisants, l’agent a suffisamment motivé ses motifs, qui doivent être lus dans leur ensemble et non examinés à la loupe.

 

(iii)       L’agente n’a pas erré en concentrant son analyse sur la preuve documentaire relative à la situation ayant cours en Guinée

 

[56]           Ce n’est qu’après avoir expliqué pourquoi les autres éléments de preuve n’étaient pas de nouveaux éléments, suivant les critères de l’alinéa 113a) de la Loi et son appréciation de la suffisance des éléments de preuve postérieurs, que l’agente a souligné que son analyse porterait sur la preuve documentaire relative à la situation prévalant en Guinée (DD, p. 9). C’était la preuve qui n’avait pas encore été examinée et la seule qui, à toutes fins pratiques, subsistait.

 

[57]           Eu égard à la situation générale prévalant en guinée, monsieur Doumbouya devait établir un lien entre les conditions dans son pays et sa situation personnelle, ce qu’il n’a pas fait. Rappelons que sa non-crédibilité quant à sa participation au RPG, tirée par la SPR, n’a pas eu à être remise en cause.

 

[58]           Comme l’a souligné le juge Michel Beaudry dans Ould, ci-dessus, citant avec approbation le passage suivant de l’affaire Jarada c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 409, [2005] A.CF. no 506 (QL) :

[28]      Ceci étant dit, l'appréciation du risque que pourrait courir le demandeur d'être persécuté s'il devait être retourné dans son pays doit être personnalisé [sic]. Ce n'est pas parce que la preuve documentaire démontre que la situation dans un pays est problématique du point de vue du respect des droits de la personne que l'on doit nécessairement en déduire un risque pour un individu donné...

 

[59]           La preuve documentaire nouvelle ne doit pas simplement faire écho à des articles produits antérieurement, par monsieur Doumbouya. (Selliah c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CF 872, [2004] A.C.F. no 1134, par. 38.)

[60]           Il n’a pas été établi que la décision de l’agente, sur les faits, est manifestement déraisonnable, ni que la décision examinée globalement, dans son ensemble, est déraisonnable.

 

[61]           De plus, l’agente a fondé sa conclusion sur la preuve documentaire établissant, notamment, qu’un leader du RPG, en exil depuis deux ans, avait récemment décidé de retourner en Guinée.

 

[62]           Cette preuve, en soi, soutient la conclusion de l’agente que monsieur Doumbouyane s’est pas acquitté de son fardeau d’établir l’existence d’un risque personnalisé et que la protection prévue aux articles 96 et 97 de la Loi ne pouvait pas lui être accordée. (DD, p. 12.)

 

[63]           Compte tenu de l’ensemble de la preuve et des conclusions tirées par l’agente, cette conclusion est raisonnable.

 

a)         L’agente n’a pas confondu nouvel élément de preuve et nouveau fait

[64]           L’agente n’a pas confondu nouvel élément de preuve et nouveau fait. Il ressort du paragraphe 3 des motifs, page 3, auquel monsieur Doumbouya se réfère, que l’agente avait bien à l’esprit les trois catégories d’éléments de preuve visés à l’alinéa 113a). Elle a précisé sa pensée en ajoutant que pour être considérés, les éléments en cause ne devaient pas être disponibles au moment du rejet, notant que les éléments relatifs au profil politique de monsieur Doumbouya et à son statut étaient exactement les mêmes, au moment de la décision de la SPR. Elle a précisé, qu’à son avis, la SPR en a tenu compte. (DD, p. 8.)

 

[65]           Rappelons que ce sont les nouveaux développements, les nouveaux risques, l’information significative ou considérablement différente de celle qui a été présentée antérieurement, qui sont visés par l’alinéa 113a) de la Loi. Que l’agente qualifie la preuve de faits nouveaux ou de nouveaux éléments de preuve, n’a aucune incidence. Elle a, manifestement, correctement interprété l’alinéa 113a). L’agente a correctement constaté, à la page 4 de ses motifs (DD, p. 9), que les faits en cause avaient été analysés par la SPR.

 

L’agente n’a pas enfreint les principes de justice fondamentale

[66]           Monsieur Doumbouya prétend que l’agente aurait dû avoir une entrevue avec lui avant de rendre sa décision ERAR, étant donné qu’elle a « manifestement mis en doute » sa crédibilité sur des points clés de sa demande, en se basant sur les conclusions de la CISR (Mémoire du demandeur, par. 15, 71-73.)

 

[67]           L’agente n’avait pas à tenir une audition, en l’espèce, puisqu’elle ne tire, elle-même, aucune conclusion quant à la crédibilité de monsieur Doumbouya. (Aivani c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 1231, [2006] A.C.F. n o 1559 (QL); Sen c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 1435, [2006] A.C.F. no 1804 (QL), par. 23.)

 

[68]           L’agente constate l’absence de faits nouveaux ou de nouveaux risques relativement à la participation de monsieur Doumbouya dans le Peace and Love et le RPG, et estime que la SPR a dûment tenu compte des faits qui lui ont été présentés à ce titre.

[69]           La décision de l’agente est fondée sur l’appréciation de la preuve eu égard aux critères de l’alinéa 113a) de la Loi et à la suffisance de la preuve dont elle pouvait se saisir. Dans les circonstances, monsieur Doumbouya ne satisfait pas aux critères légaux établis par le parargraphe 167 du Règlement, tel que subséquemment modifié quant à la tenue d’une audience :

167.      Pour l’application de l’alinéa 113b) de la Loi, les facteurs ci-après servent à décider si la tenue d’une audience est requise :

 

a) l’existence d’éléments de preuve relatifs aux éléments mentionnés aux articles 96 et 97 de la Loi qui soulèvent une question importante en ce qui concerne la crédibilité du demandeur;

 

b) l’importance de ces éléments de preuve pour la prise de la décision relative à la demande de protection;

 

c) la question de savoir si ces éléments de preuve, à supposer qu’ils soient admis, justifieraient que soit accordée la protection.

167.     For the purpose of determining whether a hearing is required under paragraph 113(b) of the Act, the factors are the following:

 

(a) whether there is evidence that raises a serious issue of the applicant's credibility and is related to the factors set out in sections 96 and 97 of the Act;

 

 

(b) whether the evidence is central to the decision with respect to the application for protection; and

 

(c) whether the evidence, if accepted, would justify allowing the application for protection.

 

[70]           Or, en l’espèce, l’agente n’a tiré aucune conclusion sur la crédibilité de monsieur Doumbouya mais a plutôt constaté que la nouvelle preuve et les documents soumis ne lui permettaient pas de donner une réponse favorable à ce dernier.

 

[71]           Dans les circonstances, l’agente chargée de l’ERAR n’a pas commis d’erreur en n’accordant pas d’audience à monsieur Doumbouya.

 

b)         L’alinéa 113b) de la Loi est conforme aux principes de justice fondamentale

[72]           Monsieur Doumbouya soutient que l’alinéa 113b) de la Loi et l’article 167 du Règlement violent le droit de toute personne d’être entendu de vive voix par le décideur. Selon monsieur Doumbouya, ce n’est que dans des circonstances restreintes que le demandeur d’un ERAR aura droit à une audience viva voce et, étant donné la mise en péril des droits prévus à l’article 7 de la Charte, le législateur ne devrait pas être autorisé de priver ainsi les demandeurs de pouvoir bénéficier d’une audience complète sur le bien-fondé de leur demande de protection.

 

[73]           Il est vrai que l’alinéa 113b) de la Loi établit clairement que le ministre ou son délégué n’est pas obligé d’accorder une entrevue et qu’aucune audience n’est tenue dans le contexte d’un ERAR, sauf dans des circonstances exceptionnelles, compte tenu des facteurs mentionnés à l’article 167 du Règlement. Ces critères sont conjonctifs, de sorte que se la situation du demandeur ne répond pas à l’un d’eux, l’audience n’est pas tenue. (Aoutlev c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2007 CF 111, [2007] A.C.F. n o 183 (QL), par. 33, 35; Kaba c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 1113, [2006] A.C.F. n o 1420 (QL), par. 25; Kaba c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2007 CF 647, [2007] A.C.F. n o 874 (QL), par. 50.)

 

[74]           Une audience peut être tenue lorsque la crédibilité du demandeur est remise en question d’une façon qui peut donner lieu à une décision défavorable à l’issue de l’ERAR. L’article 167 du Règlement a pour objet de permettre à un demandeur de répondre aux réserves formulées au sujet de sa crédibilité. (Lupsa c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2007 CF 311, [2007] A.C.F. n o 434 (QL), par. 31.)

 

[75]           Il faut toutefois noter que le droit à une audience n’est pas un droit absolu et qu’un processus d’examen d’une demande ERAR qui ne comporte pas de rencontre entre le décideur et le justiciable est néanmoins conforme aux principes de justice fondamentale énoncés dans la Charte, s’il permet au demandeur de présenter tous ses arguments par écrits, comme ce fut le cas en l’espèce. (Aoutlev, ci-dessu, par. 35; Lupsa, ci-dessus, par. 34-35; Kaba, 2006, ci-dessus, par. 30.)

 

[76]           D’ailleurs, la Cour suprême du Canada a reconnu dans l’arrêt Suresh c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2002] 1 R.C.S. 3 (au par. 121), qu’une audition n’était pas requise dans tous les cas, et que la procédure prévue à l’article 113 était conforme aux principes de justice fondamentale énoncés dans la Charte. Dans la très grande majorité des cas, il suffira que le demandeur ait eu l’occasion de faire valoir ses arguments par écrit. (Aoutlev, ci-dessus.)

 

[77]           Pour ces motifs, l’alinéa 113b) de la Loi est conforme aux principes de justice fondamentale.

 

 

 

c)         Les motifs de l’agent sont suffisants

[78]           Selon monsieur Doumbouya, la décision de l’agente « souffre ... d’un défaut de motivation ».

 

[79]           Pour soutenir cette prétention, monsieur Doumbouya s’en prend au paragraphe suivant des motifs du décideur à la page 4 :

[...] Enfin, même si le demandeur avait établi avoir été actif au sein du RPG depuis son arrivée au Canada, je ne suis pas d’avis que ce serait suffisant pour établir l’existence d’un risque de retour potentiel.

 

 

[80]           Monsieur Doumbouya prétend que le décideur n’explique pas pourquoi elle a considéré la preuve comme étant insuffisante pour établir l’existence d’un risque de retour potentiel.

 

[81]           Il est à noter à cet égard que l’agente a mentionné (à la p. 7 de ses motifs) que même le président du RPG, en exil depuis plus de deux ans, est revenu dans son pays.

 

d)         L’agent n’a pas refusé d’exercer sa compétence

[82]           Aux paragraphes 53 et 56 de son mémoire, monsieur Doumbouya prétend que l’agente en l’espèce a refusé d’exercer sa juridiction en refusant de tenir compte des arguments du demandeur relatifs à des erreurs qu’aurait commis la SPR de la CISR relativement à sa décision concernant le demandeur.

 

[83]           Or, sur ce point, l’agent a eu parfaitement raison, puisque l’agent qui traite de l’ERAR ne siège ni en appel, ni en contrôle de la décision de la SPR. (Herrada, ci-dessus, par. 31.)

[84]           L’agente n’a donc pas refusé d’exercer sa compétence, comme le prétend monsieur Doumbouya.

 

e) f)     Erreur de droit alléguée concernant l’impact de la situation

[85]           Monsieur Doumbouya prétend que l’agente a erré en écrivant ce qui suit dans ses motifs à la page 7 :

[...] Les informations générales sur la situation du pays ne peuvent être suffisantes pour démontrer le risque que pourrait potentiellement subir le demandeur. C’est donc dans cette[sic] optique que j’ai traité les documents soumis par le demandeur. (La Cour souligne.)

 

 

[86]           Il est certain que ce que le décideur a ainsi voulu dire, c’est que les informations générales sur la Guinée ne peuvent être suffisantes pour démontrer le risque que pourrait potentiellement subir le demandeur, puisque cette preuve ne dit pas que les gens qui font partie des groupes auxquels le demandeur prétend appartenir sont tous persécutés sans exception, comme les Tutsis au Rwanda et la Tribu Isaac en Somalie, pendant les génocides respectifs dans ces deux pays africains à l’intérieur de l’époque moderne.

 

[87]           L’agente n’a donc pas commis l’erreur de droit alléguée par monsieur Doumbouya.

 

g) h)     Les restrictions sur les éléments de preuve admissibles, énoncées à l’alinéa 113a) de la Loi, sont constitutionnelles

 

[88]           Selon monsieur Doumbouya, l’alinéa 113a) de la Loi viole « les règles de justice fondamentale et d’équité (art. 7 de la Charte et Déclaration canadienne des droits) », en ce qu’il limite la preuve admissible dans le cadre d’un ERAR à des éléments de preuve survenus depuis le rejet de la revendication par la SPR ou à des éléments de preuve qui n’étaient alors pas normalement accessibles ou, s’ils l’étaient, qu’il n’était pas raisonnable, dans les circonstances, de s’attendre à ce qu’ils aient été présentés à la SPR.

 

[89]           Selon monsieur Doumbouya, l’alinéa 113a), qui prive ainsi les demandeurs d’un ERAR de présenter toute la preuve pertinente au soutien de leur demande de protection, oblige l’agent décideur à écarter des éléments de preuve qui seraient autrement pertinents et/ou déterminants à l’évaluation de la demande de protection.

 

[90]           Monsieur Doumbouya prétend que, ces limites ayant un impact direct sur le droit à la vie, à la liberté et à la sécurité des demandeurs d’ERAR, l’alinéa 113a) ne respecte pas les principes de justice fondamentale garantis à l’article 7 de la Charte. Pour ce motif, selon monsieur Doumbouya, l’alinéa 113a) doit être invalidé.

 

[91]           Rappelons le texte de l’alinéa 113a), qui se lit comme suit :

113.      Il est disposé de la demande comme il suit :

 

 

a) le demandeur d’asile débouté ne peut présenter que des éléments de preuve survenus depuis le rejet ou qui n’étaient alors pas normalement accessibles ou, s’ils l’étaient, qu’il n’était pas raisonnable, dans les circonstances, de s’attendre à ce qu’il les ait présentés au moment du rejet;

113.      Consideration of an application for protection shall be as follows:

 

(a) an applicant whose claim to refugee protection has been rejected may present only new evidence that arose after the rejection or was not reasonably available, or that the applicant could not reasonably have been expected in the circumstances to have presented, at the time of the rejection;

 

[92]           Le Parlement n’a pas agi à l’encontre des principes de justice fondamentale ou d’équité en limitant les types de preuve qu’un agent ERAR peut considérer, puisque son rôle n’est pas généralement de réexaminer les conclusions factuelles de la SPR, incluant celles portant sur la crédibilité du demandeur. Sauf en ce qui concerne les éléments de preuve qui n’étaient pas normalement accessibles au moment de l’audience devant la SPR ou, s’ils l’étaient, qu’il n’était pas raisonnable dans les circonstances, de s’attendre à ce qu’il les ait présentés à ce tribunal, la nouvelle preuve ne doit donc porter que sur des nouveaux développements, soit concernant les conditions dans le pays en cause, soit relativement à la situation personnelle du demandeur, sinon, une demande ERAR pourrait facilement devenir un appel de la décision de la SPR. (Elezi, ci-dessus, par. 27, 29.)

 

[93]           L’alinéa 113a) ne prive donc pas monsieur Doumbouya d’un ERAR de son occasion de présenter tous les éléments de preuve pertinents.

 

[94]           Cette disposition est donc compatible avec l’article 7 de la Charte et la Déclaration canadienne des droits, L.C. 1960, ch. 44.

 

 

 

i)          Les liens des agents ERAR avec CIC ne peuvent donner lieu à une crainte raisonnable de partialité et de manque d’indépendance de ces agents

 

[95]           Monsieur Doumbouya soutient que la procédure d’ERAR est invalide sur le plan constitutionnel, car elle prive les demandeurs d’un ERAR d’être entendus par un tribunal indépendant et impartial quant à leur demande de protection.

 

[96]           À l’appui de cette prétention, monsieur Doumbouya fait tout simplement valoir que l’évaluation des risques dans le cadre d’un ERAR est faite par un agent de la CIC.

 

[97]           Or, le Parlement peut déléguer un pouvoir de décision à un membre de l’exécutif. Des milliers de décisions sont prises par le pouvoir exécutif, ces décisions étant sujettes à l’intervention du pouvoir judiciaire. La prise de décision par l’exécutif est légale et ne constitue pas en soi une violation de la Charte (C’est une norme selon la séparation des pouvoirs parmi les trois branches du gouvernement). (Suresh, ci-dessus, par. 121; Satiacum c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration) (C.A.), [1985] 2 C.F. 430, p. 437.)

 

[98]           Le paragraphe 5.14 du chapitre PP3 du Guide de l’immigration, concernant l’ERAR, édité par CIC le 14 décembre 2005, demande aux agents ERAR d’avoir les directives suivantes présentes à l’esprit lorsqu’ils prennent leurs décisions :

Les agents d’ERAR doivent démontrer qu’ils ont soigneusement analysé le dossier, apprécié la preuve et considéré équitablement les éléments de preuve examinés. La décision devrait être fondée sur les éléments de preuve déposés et documentés et s’appuyer sur les éléments de preuve factuels. Elle ne doit pas reposer sur la partialité ou sur des préjugés. La recherche doit être récente et démontrer que l’agent a étudié un dossier précis. Dans le processus de l'ERAR, chaque demandeur a droit à un examen indépendant complet des faits.

 

(La Cour souligne.)

It is important to show that PRRA officers have carefully analyzed the case, weighed all of the evidence, and balanced the treatment they have given to the evidence considered. The decision should be based on the evidence presented and researched, supported by the factual weight of the evidence itself. The decision should not be based on any preconceived bias or information. The research should be fresh and show that the PRRA officer has addressed the individual case. Each applicant in the PRRA process is entitled to a fully independent assessment of the facts.

 

[99]           Le lien entre l’agent décideur et CIC ne peut donner lieu à une crainte raisonnable de partialité institutionnelle, surtout du fait que, lorsque la décision attaquée en l’espèce fut prise, l’unité d’ERAR à l’intérieur de CIC était isolée des fonctions relatives à la prise de mesures de renvoi et à l’application de la Loi incombant à l’Agence des Services frontaliers du Canada (ASFC). (Lai c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2007 CF 361, [2007] A.C.F. no 476 (QL), par. 74; Kubby c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 52, [2007] A.C.F. no 172 (QL), par. 9; Say c. Canada (Solliciteur général), 2005 CF 739, [2005] A.C.F. no 931 (QL) par. 29-32, conf. par 2005 CAF 422, [2005] A.C.F. no 2079 (QL).)

 

[100]       En outre, tant cette Cour que la Cour d’appel fédérale a conclu que l’unité d’ERAR avait l’indépendance institutionnelle nécessaire même lorsqu’elle faisait partie de l’ASFC plutôt que de CIC. (Kubby, ci-dessus, référant à la décision Say, ci-dessus.)

 

[101]       Les agents ERAR sont assujettis aux contraintes imposées du fait que leurs décisions sont quasi-judiciaires. (Lai, ci-dessus, par. 75.)

 

[102]       L’argument de monsieur Doumbouya fondé sur une partialité ou manque d’indépendance des agents ERAR est donc mal fondé.

 

CONCLUSION

[103]       La décision de l’agente en l’espèce n’est entachée d’aucune erreur susceptible de contrôle judiciaire et elle n’est pas non plus viciée par un manque de justice naturelle.

 

[104]       De plus, les alinéas 113a) et b) de la Loi, ainsi que l’article 167 du Règlement sont considérés comme constitutionnels.

 


 

JUGEMENT

LA COUR ORDONNE le rejet de la demande de contrôle judiciaire et confirme la validité constitutionnelle des alinéas 113a) et b) de la Loi, ainsi que l’article 167 du Règlement.

 

 

« Michel M.J. Shore »

Juge


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        IMM-246-07

 

INTITULÉ :                                       KELETY DOUMBOUYA

                                                            c. LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

                                                            ET DE L’IMMIGRATION

 

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Montréal (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               le 18 septembre 2007

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT:                               LE JUGE SHORE

 

DATE DES MOTIFS :                      le 15 novembre 2007

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Me Johanne Doyon

 

POUR LA DEMANDERESSE

Me Normand Lemyre

Me Zoé Richard

 

POUR LA DÉFENDERESSE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

DOYON & ASSOCIÉS

Montréal (Québec)

 

POUR LA DEMANDERESSE

JOHN H. SIMS, c.r.

Sous-procureur général du Canada

 

POUR LA DÉFENDERESSE

 

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