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Date : 20071109

Dossier : IMM-2079-07

Référence : 2007 CF 1169

Ottawa (Ontario), le 9 novembre 2007

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE PHELAN

 

 

ENTRE :

SEMIRAMISS ZIAEI

HOSSEIN SALMANY

demandeurs

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

I.          INTRODUCTION

[1]               La demanderesse, Semiramiss Ziaei, une citoyenne de l’Iran, s’est vue refuser un visa de résident permanent par un agent des visas à l’ambassade du Canada à Damas, en Syrie. Sa demande était fondée sur la catégorie des « travailleurs qualifiés » en tant qu’infirmière/technologue médicale.

L’autre demandeur est son mari, dont la demande de visa reposait essentiellement sur celle de Semiramiss Ziaei. Par souci de commodité, Semiramiss Ziaei est désignée dans les présents motifs comme la demanderesse.

 

[2]               Malgré la solide argumentation de l’avocat de la demanderesse, je suis persuadé qu’il n’y a pas eu de déni de justice naturelle ou d’erreur de fait ou de droit qui justifierait la Cour de modifier la décision de l’agent des visas.

 

II.         CONTEXTE

[3]               La demande a été introduite le 27 décembre 2001; toutefois, pour des raisons qu’il n’est pas utile d’évoquer dans le présent contrôle judiciaire, le traitement de la demande n’a commencé qu’en septembre 2006, lorsque la demanderesse a versé des pièces à l’appui complémentaires pour mettre à jour les renseignements sur sa situation.

 

[4]               Le 26 novembre 2006, l’ambassade du Canada a écrit à la demanderesse pour lui réclamer les résultats de ses tests d’anglais de l’International English Language Testing System (IELTS), un formulaire supplémentaire pour son époux et une preuve de lien de parenté et de résidence de son oncle au Canada, Abbas Pakseresht, dont le rôle dans le présent contrôle judiciaire sera examiné plus loin dans les présents motifs.

 

[5]               La demanderesse a produit les résultats des tests IELTS et les documents concernant son oncle, mais elle n’a pas déposé le formulaire supplémentaire de son époux.

 

[6]               Le dossier de la demanderesse a été examiné pour la première fois le 25 mars 2007, pour être ensuite déféré à l’agent des visas en vue d’une décision finale. Le visa a été refusé, par lettre du 2 avril 2007, parce que la demanderesse n’avait recueilli que 62 points pour les critères d’évaluation, soit moins que les 67 points minimum exigés pour pouvoir obtenir un visa.

 

[7]               Suivant les faits, les principaux points litigieux sont le fait que la demanderesse n’a obtenu que cinq points sur 10 pour l’adaptabilité, six points sur 24 pour ses compétences linguistiques et aucun point pour la rubrique « emploi réservé ».

 

[8]               La lettre de refus ne renfermait aucun détail au sujet des points attribués; elle expliquait simplement que la demanderesse n’avait pas réussi à obtenir le nombre minimal de points requis, de sorte que l’agent des visas n’était [traduction] « pas convaincu que vous remplissez les conditions prescrites par la Loi et par le Règlement pour les raisons ci-dessus expliquées ». Le détail des notes versées dans le système STIDI n’a pas été communiqué.

 

[9]               Les notes versées au système STIDI contiennent un peu plus de détails, mais ne donnent pas beaucoup de précisions au sujet de la décision finale. Un aspect qui était important pour la demanderesse était le fait que, suivant les notes versées au système STIDI, l’évaluation initiale faisait état d’un total de 58 points avant évaluation des compétences linguistiques et de l’adaptabilité. Pour ce qui est de l’adaptabilité, les notes versées au système STIDI indiquent qu’on a prié la demanderesse de fournir une preuve de ses liens de parenté avec son oncle et une preuve de résidence de ce dernier.

 

[10]           La pertinence de la première évaluation, fait valoir la demanderesse, est le fait que, dans la décision finale, la demanderesse aurait dû commencer avec les 58 points qui lui avaient d’abord été attribués, pour se voir ajouter au total des points cinq points pour l’adaptabilité et six points pour les compétences linguistiques, pour un total de 69 points.

 

[11]            La demanderesse soulève deux questions :

·                    L’agent des visas a-t-il commis une erreur dans son évaluation des points?

·                    L’agent des visas a-t-il manqué à l’équité procédurale en ne motivant pas sa décision de façon détaillée?

 

[12]           Le défendeur soulève la question de l’admissibilité de l’affidavit de l’oncle de la demanderesse, Abbas Pakseresht.

 

III.       ANALYSE

A.        Admissibilité en preuve

[13]           Les deux affidavits de M. Pakseresht seraient, dans bien d’autres instances, radiés au motif qu’ils sont en grande partie dénués de pertinence, qu’ils contiennent des arguments et qu’ils renferment (dans la mesure où ils portent sur des questions qui peuvent être pertinentes) des éléments de preuve dont ne disposait pas l’agent des visas. Les affidavits sont truffés d’affirmations qui constituent du ouï-dire.

 

[14]           Les affidavits étaient sans doute motivés par un souci sincère pour le bien-être de la nièce de M. Pakseresht, mais il n’y a vraisemblablement aucune considération de « nécessité et de fiabilité » qui justifierait d’écarter les règles habituelles de la preuve.

 

[15]           Toutefois, au lieu de radier les affidavits, la Cour va simplement prendre acte des éléments qui sont pertinents et n’accorder que peu ou pas de poids aux éléments de preuve qui constituent une opinion ou un argument ou qui ne sont pas pertinents.

 

B.         Erreur dans l’appréciation par points

[16]           La norme de contrôle en ce qui concerne cet aspect de la fonction de l’agent des visas est celle de la décision manifestement déraisonnable lorsque le calcul des points comporte une certaine latitude. Je souscris à la méthode préconisée par le juge Blanchard dans le jugement Silva c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2007 CF 733, et dans la jurisprudence qui y est citée. De plus, dans le cas qui nous occupe, le nombre de points à attribuer dans chacune des catégories en cause est prescrit par règlement. L’agent des visas ne dispose donc d’aucune latitude et les points attribués doivent correspondre à ceux que prévoit le règlement.

 

[17]           Le Règlement précise le nombre de points qui doivent être attribués conformément aux résultats du test linguistique (IELTS), une fois ceux-ci connus. De même, les points à attribuer pour l’« emploi réservé » sont prescrits; or, dans le cas qui nous occupe, rien ne permet de penser qu’il y avait un emploi réservé. Au chapitre de l’« adaptabilité », la demanderesse a obtenu le nombre maximal de points qui pouvait lui être accordés dans son cas, compte tenu du fait qu’elle avait de la famille au Canada.

 

[18]           Rien ne nous autorise donc à remettre en cause les points attribués dans la décision finale. La demanderesse fait fausse route en invoquant les 58 points qui lui avaient d’abord été attribués, car ces résultats ne faisaient pas suite à l’évaluation détaillée et approfondie requise. C’est à l’agent des visas qu’il appartient de procéder à cette évaluation détaillée et de prendre la décision finale. Dans le cas qui nous occupe, cette évaluation initiale n’est pas pertinente. Il n’y a rien qui nous autorise à penser que l’évaluation initiale était la bonne et que l’évaluation défavorable ultérieure visait une fin inavouée ou reposait sur des facteurs illégitimes.

 

C.        Absence de motifs

[19]           La demanderesse a tenté énergiquement de démontrer que la décision finale qui lui a été communiquée dans la lettre était injuste et qu’elle n’était pas suffisamment détaillée en plus de ne pas être conforme au modèle habituellement prévu par les manuels des opérations ministériels pour ce genre de lettre.

 

[20]           Premièrement, un manuel des opérations est un guide, pas un décret ou un règlement. En second lieu, le libellé de la lettre de décision ne s’écarte pas de façon marquée de celui du manuel.

 

[21]           Il est bien connu qu’il n’est pas nécessaire que la lettre qui renferme la décision fasse état de tous les motifs de la décision. Pour cette raison, les notes versées au système STIDI font partie intégrante des motifs.

 

[22]           La demanderesse se plaint de n’avoir reçu ni l’intégralité des motifs ni des motifs détaillés. Elle n’a cependant jamais réclamé des motifs plus détaillés. Le défaut de communiquer tous les motifs pourrait avoir une incidence sur une partie à l’étape de la demande d’autorisation, étant donné que le dossier certifié conforme du tribunal n’est produit qu’une fois que l’autorisation est accordée. Il incombe par conséquent à la demanderesse de réclamer des motifs plus amples et plus détaillés et plus particulièrement les notes versées au système STIDI.

 

[23]           Dans le cas qui nous occupe, la lettre de décision renfermait assez de détails pour permettre à la demanderesse de connaître les motifs du refus de délivrer le visa de résident permanent réclamé. Les notes versées au système STIDI renferment peu ou pas d’éléments de preuve pertinents.

 

[24]           C’est à tort que la demanderesse invoque des décisions comme Kidd c. Autorité aéroportuaire du Grand Toronto, [2004] A.C.F. no 859 (QL), conf. par [2005] A.C.F. no 377 (QL), et Alliance de la fonction publique du Canada c. Canada (Procureur général), 2004 CF 1739. Il s’agit dans les deux cas d’affaires mettant en cause la Commission canadienne des droits de la personne dans lesquelles il n’existait pas de mécanisme comme les notes du STIDI pour étoffer les motifs des décisions. Pour déterminer s’il y a eu un manquement à l’équité parce que la décision n’est pas pleinement motivée, il faut tenir compte du contexte et de l’ensemble des circonstances et notamment des renseignements complémentaires fournis par l’auteur de la décision.

 

[25]           À cet égard, j’adopte les propos tenus par le juge Barnes dans le jugement Wang c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 1298, aux paragraphes 19, 21 et 22 :

Pour juger si les motifs d’une décision administrative sont adéquats, il faut les examiner en contexte : voir Via Rail Canada Inc. c. Canada (Office national des transports), [2000] A.C.F. n1685, [2001] 2 C.F. 25 (C.A.F.), au paragraphe 21. La Cour doit tenir dûment compte de la nature et de l’importance de la décision ainsi que des nécessités liées à l’efficacité et aux coûts administratifs. La Cour d’appel fédérale l’a clairement établi dans l’arrêt Khan c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2001] A.C.F. n1699, 2001 CAF 345, aux paragraphes 31 et 32 :

[…]

Cependant, la demanderesse se plaint que la lettre de refus est insuffisante parce qu’elle ne présente pas les motifs de refus du visa. Elle prétend que le défendeur a l’obligation légale de fournir les notes du STIDI en même temps que la lettre de refus. Je ne suis pas d’accord. L’avocate de la demanderesse savait que les notes du STIDI écrites à l’appui d’un refus peuvent généralement être consultées, car son prédécesseur les avait demandées et obtenues dans le cas du premier refus. Pour une raison inconnue, il n’a pas demandé ces mêmes notes avant d’introduire la présente demande de contrôle judiciaire. À ce moment, le défendeur a fourni à la demanderesse les notes du STIDI, conformément à l’obligation énoncée à l’article 9 des Règles des cours fédérales en matière d’immigration et de protection des réfugiés.

Les notes du STIDI sont considérées comme faisant partie intégrante de la décision administrative : voir Kalra c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2003] A.C.F. n1199, 2003 CF 941, au paragraphe 15, et Toma c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2006] A.C.F. n1000, 2006 CF 779, au paragraphe 12. En l’espèce, les notes du STIDI apportent des précisions à la lettre type de décision et suffisent clairement à informer la demanderesse des motifs de refus du visa. La demanderesse ne peut se plaindre que les notes du STIDI n’ont pas été fournies avant l’introduction de la présente demande, car son avocate ne les a pas demandées plus tôt : voir Hayama c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2003] A.C.F. n1642, 2003 CF 1305, au paragraphe 14, et Liang c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1999] A.C.F. n1301, au paragraphe 31 :

 

[31] Toutefois, à mon avis, l’obligation d’équité exige simplement que des motifs soient fournis à la demande de la personne à laquelle cette obligation est due et, en l’absence d’une telle demande, il n’y a aucun manquement à l’obligation d’équité.

 

[26]           Finalement, sur ce point, il n’y a rien de plus à expliquer, étant donné que les points attribués sont prescrits par règlement, de sorte que l’agent des visas n’a pas à fournir plus de détails.

 

IV.       CONCLUSION

[27]           Pour ces motifs, la présente demande de contrôle judiciaire sera rejetée. Il n’y a pas de question à certifier.

 

 

 

JUGEMENT

LA COUR REJETTE la présente demande de contrôle judiciaire.

 

 

 

« Michael L. Phelan »

Juge

 

 

Traduction certifiée conforme

Christiane Bélanger, LL.L.

 

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                                    IMM-2079-07

 

INTITULÉ :                                                   SEMIRAMISS ZIAEI, HOSSEIN SALMANY

 

                                                                        et

 

                                                                        LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                             CALGARY (ALBERTA)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                           LE 8 NOVEMBRE 2007

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                                          LE JUGE PHELAN

 

DATE DES MOTIFS :                                  LE 9 NOVEMBRE 2007

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Me Shirzad S. Ahmed

 

POUR LES DEMANDEURS

Me Brad Hardstaff

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Me Shirzad S. Ahmed

Avocat

Calgary (Alberta)

 

POUR LES DEMANDEURS

Me John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

Edmonton (Alberta)

POUR LE DÉFENDEUR

 

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