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Date : 20071105

Dossier : IMM-5136-06

Référence : 2007 CF 1145

Ottawa (Ontario), le 5 novembre 2007

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE O’KEEFE

 

 

ENTRE :

KELVIN JULIUS OSAZUMA

demandeur

 

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

 

défendeur

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

LE JUGE O’KEEFE

 

[1]               La Cour est saisie d’une demande présentée en vertu du paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (la LIPR) en vue d’obtenir le contrôle judiciaire d’une décision en date du 28 août 2006 par laquelle une agente d’immigration (l’agente), a rejeté la demande de résidence permanente présentée par le demandeur pour des raisons d’ordre humanitaire et sa demande présentée en vertu de la politique concernant les époux au Canada.

[2]               Le demandeur sollicite l’annulation de la décision.

 

Contexte

 

[3]               Le demandeur, Kelvin Julius Osazuma, est un citoyen du Nigéria. Il est arrivé au Canada le 17 juin 2001 et a immédiatement demandé l’asile. Sa demande d’asile a été refusée le 3 décembre 2003 et sa demande d’autorisation et de contrôle judiciaire a été rejetée le 30 septembre 2004.

 

[4]               Le demandeur a épousé Elizabeth Langford, une citoyenne canadienne, le 28 août 2002 à Montréal. Le demandeur et son épouse ont par la suite déposé une demande de parrainage en vue d’obtenir la résidence permanente ainsi qu’une demande fondée sur des raisons d’ordre humanitaire visant à obtenir une dispense de l’obligation d’obtenir un visa de résident permanent. Cette demande a été refusée le 28 août 2006 au motif que le demandeur et son épouse n’avaient pas produit des preuves documentaires suffisantes pour établir qu’ils vivaient ensemble ou que leur union conjugale était authentique. Il s’agit du contrôle judiciaire de la décision de l’agente de refuser à la fois la demande fondée sur des raisons d’ordre humanitaire et celle présentée en vertu de la politique concernant les époux au Canada.

 

Motifs de l’agente

 

[5]               L’agente a informé le demandeur que sa demande de résidence permanente présentée en vertu de la politique concernant les époux au Canada avait été examinée et qu’elle était rejetée parce que la preuve soumise par le demandeur était insuffisante pour démontrer qu’il vivait avec sa femme au sens de l’alinéa 124a) du Règlement et que leur mariage était authentique au sens de l’article 4 du Règlement. La demande fondée sur des raisons d’ordre humanitaire a également été rejetée.

 

[6]               Pour ce qui est de la demande de résidence permanente présentée en vertu de la politique concernant les époux au Canada, l’agente a indiqué, dans ses notes, que la preuve était insuffisante pour établir qu’ils vivaient ensemble. Plus précisément, l’agente s’en est prise au relevé de compte bancaire, aux baux d’appartement, à l’avis de cotisation d’impôt sur le revenu et aux photos présentés par le demandeur. La partie la plus pertinente de ses notes est reproduite ici :

[traduction] LE DEMANDEUR A ÉPOUSÉ ELIZABETH LANGFORD, UNE CITOYENNE CANADIENNE, LE 28 AOÛT 2002 À MONTRÉAL. ELIZABETH LANGFORD A DÉPOSÉ UNE DEMANDE DE PARRAINAGE À L’APPUI DE LA PRÉSENTE DEMANDE DE RÉSIDENCE PERMANENTE. IL N’Y A TOUTEFOIS PAS SUFFISAMMENT DE PIÈCES À L’APPUI POUR ME CONVAINCRE QUE LE DEMANDEUR VIT AVEC ELIZABETH LANGFORD. IL Y A UN RELEVÉ DE COMPTE BANCAIRE AVEC UN SOLDE NÉGATIF, QUI EST AU NOM DES DEUX ET QUI A ÉTÉ POSTÉ AU 3345, AVENUE BARCLAY, À MONTRÉAL. TOUTEFOIS, LE BAIL CORRESPONDANT À CETTE ADRESSE EST AU NOM DE ELIZABETH LANGFORD ET LE NOM DU DEMANDEUR N’Y FIGURE PAS COMME LOCATAIRE OU COMME OCCUPANT. LE DEMANDEUR A DÉPOSÉ UN AVIS DE COTISATION DE L’AGENCE DU REVENU DU CANADA. IL CONCERNE L’ANNÉE D’IMPOSITION 2003 ET LA COTISATION A ÉTÉ ÉTABLIE LE 3 AOÛT 2004. L’ÉTAT MATRIMONIAL DU DEMANDEUR QUI EST INDIQUÉ EST « CÉLIBATAIRE ». IL Y A UN BAIL POUR LE 9768, RUE SAINT-PATRICK, À LASALLE (QUÉBEC), QUI EST AU NOM DU DEMANDEUR ET SUR LEQUEL LE NOM D’ELIZABETH LANGFORD NE FIGURE NI COMME LOCATAIRE, NI COMME OCCUPANTE. LES PHOTOGRAPHIES PRODUITES NE CONCERNENT QUE LA CÉRÉMONIE DU MARIAGE CIVIL. LES RENSEIGNEMENTS ET LES DOCUMENTS PRODUITS NE M’ONT PAS CONVAINCUE QUE CES CONJOINTS FONT VIE COMMUNE OU QU’ILS ONT CONTRACTÉ UN MARIAGE AUTHENTIQUE. J’ESTIME PLUTÔT QUE CE MARIAGE VISAIT PRINCIPALEMENT À PERMETTRE AU DEMANDEUR D’OBTENIR UN PRIVILÈGE AUX TERMES DE LA LIPR. JE NE RECONNAIS AUCUNE VALEUR À CE MARIAGE.

 

[7]               L’agente a ensuite évalué la demande fondée sur des raisons d’ordre humanitaire. Elle a fait observer que le demandeur travaillait présentement comme gardien de sécurité à Burlington (Ontario) et que, parmi les emplois antérieurs qu’il avait exercés au Canada, il y avait lieu de mentionner ceux de manœuvre et de fabricant de boîtes. L’agente a également fait remarquer que le demandeur faisait du bénévolat à son église locale comme technicien du son. La preuve présentée n’a pas convaincu l’agente que le demandeur s’était intégré au Canada au point où le fait de l’obliger à quitter le pays pour présenter sa demande de résidence permanente à l’étranger lui causerait des difficultés inhabituelles, injustifiées ou excessives.

 

[8]               L’agente a également expliqué qu’elle n’était pas convaincue que le demandeur ne serait pas en mesure de retourner au Nigéria, d’y obtenir un logement et un emploi convenables et de présenter sa demande de résidence permanente depuis l’extérieur du Canada. Pour en arriver à cette conclusion, l’agente a fait observer qu’hormis sa femme, le demandeur n’avait pas de famille au Canada et que ses parents et sa sœur vivent au Nigéria. De plus, le demandeur a obtenu un diplôme de l’Université du Bénin et a enseigné au Nigéria jusqu’à son départ pour le Canada. La demande a été refusée sur le fondement de ces conclusions.

 

Questions en litige

 

[9]               Le demandeur a soumis les questions suivantes à notre examen :

            1.         Le tribunal a-t-il manqué aux principes de l’audience équitable?

            2.         Le tribunal a-t-il mal interprété la preuve et/ou omis de tenir compte d’éléments de preuve pertinents?

            3.         Le tribunal s’est-il fondé sur de mauvais principes ou a-t-il a fondé sa décision sur des conclusions de fait erronées, tirées de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments dont il disposait?

 

[10]           Je reformulerais ainsi les questions en litige :

            1.         L’agente a-t-elle commis une erreur de fait en concluant que le nom de l’épouse du demandeur ne figurait pas sur le bail du [9768, rue Saint-Patrick] en tant que locataire ou occupante?

            2.         L’agente a-t-elle manqué à son obligation d’agir avec équité en n’accordant pas au demandeur la possibilité de répondre à ses préoccupations?

            3.         L’agente a-t-elle manqué à son obligation d’agir avec équité en ne motivant pas suffisamment sa décision de refuser la demande?

            4.         L’agente a-t-elle manqué à son obligation d’agir avec équité en ne tenant pas compte de tous les renseignements et faits pertinents pour rendre sa décision?

 

Prétentions et moyens du demandeur

 

[11]           Suivant le demandeur, la conclusion de fait de l’agente suivant laquelle son mariage n’était pas authentique ne reposait sur aucun élément de preuve et, loin de constituer une déduction raisonnable, n’équivalait qu’à de simples spéculations ou hypothèses. Le demandeur affirme que la décision défavorable de l’agente reposait principalement sur le fait que, dans les deux baux résidentiels qu’il lui avait soumis, le nom du demandeur et celui de sa femme ne figuraient pas comme locataires conjoints. Le demandeur soutient qu’il y a de bonnes raisons pour expliquer cette situation.

 

[12]           Il explique tout d’abord que le bail du [3345, avenue Barclay] à Montréal avait été signé par son épouse avant leur mariage. Ce n’est pas parce que le demandeur et son épouse ont choisi de ne pas modifier ce bail après leur mariage qu’ils ne vivent pas ensemble pour autant. De plus, le demandeur signale qu’il avait indiqué dans sa demande de résidence permanente qu’il avait habitée à cette adresse de mai 2002 à avril 2005.

 

[13]           Quant au second bail [9768, rue Saint-Patrick] à Lasalle (Québec), le demandeur soutient que, bien que le nom de son épouse n’y figure pas comme locataire, il avait clairement indiqué dans le bail, sous la rubrique [traduction] « Avis de résidence familiale », qu’il était marié à Elizabeth Langford. Le demandeur ajoute que le fait que les adresses fournies correspondent à des résidences consécutives constitue une preuve de plus qu’ils faisaient vie commune.

 

[14]           Au soutien de son argument que l’agente a tiré une conclusion de fait erronée qui ne reposait que sur de simples spéculations ou hypothèses et non sur une déduction raisonnable, le demandeur invoque la décision Jones c. Great Western Railway Co., (1930), 47 T.L.R. 39, à la page 45, où le tribunal établit une différence entre une hypothèse et une déduction. Dans cette affaire, le tribunal a expliqué qu’une hypothèse peut être plausible mais n’a aucune valeur en droit puisqu’il s’agit d'une simple supposition. Par contre, une déduction au sens juridique est une déduction tirée de la preuve et, si elle est justifiée, elle pourra avoir une valeur probante. Le demandeur affirme que la conclusion de l’agente suivant laquelle son mariage n’était pas authentique était une hypothèse, et non une déduction.

 

[15]           Au soutien de son argument que l’agente a manqué à son obligation d’équité procédurale, le demandeur invoque par ailleurs trois motifs. Premièrement, le demandeur affirme que l’agente devait les convoquer, lui et son épouse, à une entrevue où ils auraient pu répondre à ses préoccupations au sujet de leur cohabitation.

 

[16]           Deuxièmement, le demandeur affirme que l’agente a rendu sa décision sans tenir compte de la preuve dont elle disposait. Plus précisément, le demandeur soutient que la conclusion de l’agente suivant laquelle le nom d’Elizabeth Langford ne figurait pas dans le bail du [9768, rue Saint‑Patrick] à Lasalle (Québec) est inexacte. Elle n’était pas inscrite comme partie au bail, mais son nom figurait dans l’« Avis de résidence familiale ».

 

[17]           Enfin, le demandeur affirme que l’agente a manqué à l’équité procédurale en ne motivant pas suffisamment son refus. Suivant le demandeur, lorsque la crédibilité est en cause, il est bien connu que le tribunal a l’obligation fondamentale de conclure dans les termes les plus nets que le demandeur d’asile est ou n’est pas crédible et de motiver sa conclusion (Armson c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration) (1989), 9 Imm. L.R. (2d) 150 (C.A.F.) ; Rahman c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration) (no 2) (1989), 8 Imm. L.R. (2d) 170 (C.A.F.) ; Ababio c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration) (1988), 5 Imm. L.R. (2d) 174 (C.A.F.)).

 

[18]           Le demandeur soutient que lorsque l’auteur d’une décision manque à l’équité procédurale ou qu’il tire une conclusion de fait erronée, sa décision est susceptible d’être annulée.

 

Prétentions et moyens du défendeur

 

[19]           Le défendeur affirme que la norme de contrôle appropriée dans le cas des décisions relatives aux raisons d’ordre humanitaire est celle de la décision raisonnable simpliciter (Baker c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1999] 2 R.C.S. 817).

 

[20]           Sur la question de la présumée conclusion de fait erronée, le défendeur fait valoir que les tribunaux ne devraient pas intervenir à la légère dans la façon dont les agents de l’immigration exercent leur pouvoir discrétionnaire, car les décisions relatives à des raisons d’ordre humanitaire ne constituent pas une simple application de principes juridiques, mais plutôt une appréciation de nombreux facteurs axée sur les faits de l’espèce. Le défendeur cite le jugement Legault c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), (2002), 212 D.L.R. (4th) 139, dans lequel la Cour a souligné que la tâche d’apprécier la preuve appartient à l’agent d’immigration et que les tribunaux ne devraient pas réexaminer le poids accordé aux divers facteurs par les agents.

 

[21]           Pour ce qui est de l’obligation de convoquer le demandeur et son épouse à une entrevue, le défendeur affirme qu’alors qu’il ne s’est pas acquitté du fardeau de la preuve, le demandeur reproche maintenant à l’agente de ne pas lui avoir donné la possibilité de présenter des éléments de preuve complémentaires. Le défendeur affirme que c’est au demandeur qu’il appartient d’établir les faits sur lesquels repose la demande. C’est à ses risques et périls que le demandeur a omis des renseignements pertinents dans ses observations écrites (Owusu c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CAF 38, au paragraphe 8). De plus, la prétention qui est indirecte, succincte et obscure n’impose aucune obligation positive à l'agent de s’enquérir davantage sur la question soulevée par le demandeur (Owusu, précité). Il n’existe pas de droit général à une audience pour répondre aux réserves formulées au sujet de l’authenticité du mariage. Le défendeur explique que, bien qu’il soit possible, suivant le Guide du Ministère sur le traitement des demandes au Canada, de tenir une entrevue lorsque l’authenticité du mariage est en cause et que les agents devraient renvoyer pour enquête les cas douteux, aucune de ces dispositions n’est obligatoire. Qui plus est, le défendeur soutient qu’en tout état de cause, ces directives ministérielles ne créent aucune obligation juridiquement obligatoire (Baker, précité, Williams c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) (1997), 212 N.R. 63 (C.A.F.) ; Renedo Perez c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) (24 juillet 2001), dossier IMM-4555-00 (C.F. 1re inst.)).

 

[22]           Le défendeur rappelle qu’il existe une présomption suivant laquelle l’agent d’immigration a tenu compte de tous les éléments de preuve dont il disposait (Sidhu c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2000] A.C.F. no 741, au paragraphe 15 (C.F. 1re inst.)). Le défendeur soutient également que le demandeur n’a pas réussi à démontrer le contraire.

 

[23]           Le défendeur affirme que l’agente a suffisamment motivé sa décision. Le défendeur explique que la norme minimale à respecter pour que les motifs puissent être considérés comme suffisants est très peu exigeante dans le cas de notes, car il ne convient pas d’obliger un fonctionnaire de l’Administration à motiver sa décision de façon aussi détaillée que ce à quoi on est en droit de s’attendre de la part d’un tribunal administratif dans le cadre d’une audience à l’issue de laquelle une décision est rendue sur le fond (Ozdemir c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) (2001), 282 N.R. 394 (C.A.F.); Suresh c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2002] 1 R.C.S. 3; Russell c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2000] A.C.F. no 1276 (C.F. 1re inst.)). De plus, le défendeur affirme que, bien que les agents d’immigration soient obligés de s’assurer que les motifs qu’ils exposent pour justifier les décisions qu’ils rendent en réponse aux demandes fondées sur des raisons d’ordre humanitaire correspondent au raisonnement qu’ils ont suivi pour en arriver à leur décision et pas seulement aux facteurs examinés, ils ne sont pas tenus de mentionner chaque élément de preuve qui leur avait été soumis (Naredo c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) (2000), 192 D.L.R. (4th) 373 (C.F. 1re inst.)).

 

Analyse et décision

 

Norme de contrôle

 

[24]           La norme de contrôle applicable à une décision portant sur l’authenticité d’un mariage dans le contexte d’une demande de résidence permanente présentée en vertu de la politique concernant les époux au Canada est celle de la décision raisonnable (Singh c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) 2006 CF 565, au paragraphe 4; Mohamed c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) 2006 CF 696, au paragraphe 39). Les manquements à l’équité procédurale sont susceptibles d’un contrôle judiciaire selon la norme de la décision correcte.

 

[25]           Première question

            L’agente a-t-elle commis une erreur de fait en concluant que le nom de l’épouse du demandeur ne figurait pas sur le bail du 9768, rue Saint-Patrick en tant que locataire ou occupante?

            Suivant le demandeur, l’agente a tiré une conclusion de fait erronée en estimant que le nom de Mme Elizabeth Langford, l’épouse du demandeur, ne figurait pas sur le bail du [9768, rue Saint‑Patrick] comme locataire ou comme occupante. Le demandeur fonde cet argument sur le fait qu’à la page 4 du bail du [9768, rue Saint-Patrick], le demandeur fait la déclaration suivante :

[traduction]

 

Avis au propriétaire

 

Je déclare par les présentes que je suis marié à Elizabeth Langford. Je vous avise par les présentes que les locaux d’habitation faisant l’objet du présent bail seront utilisés comme résidence familiale.

 

 

[26]           Le défendeur fait valoir que les tribunaux ne devraient pas intervenir à la légère dans la façon dont un agent d’immigration exerce son pouvoir discrétionnaire, car les décisions relatives à des raisons d’ordre humanitaire ne constituent pas une simple application de principes juridiques, mais plutôt une appréciation de nombreux facteurs axée sur les faits de l’espèce.

 

[27]           Bien qu’il soit de jurisprudence constante que les tribunaux doivent faire preuve de retenue envers les décisions rendues par les agents d’immigration en réponse à des demandes fondées sur des raisons d’ordre humanitaire, l’alinéa 18.1(4)d) de la Loi sur les Cours fédérales, L.R. 1985, ch. F-7, permet à notre Cour d’intervenir si elle est convaincue que l’office fédéral :

d)  a rendu une décision ou une ordonnance fondée sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments dont il dispose […]

 

(Non souligné dans l’original.)

 

 

[28]           Après avoir examiné la preuve présentée et les motifs exposés, je suis d’avis que l’agente a commis une erreur en concluant que le nom de l’épouse du demandeur, Mme Elizabeth Langford, ne figurait pas comme occupante dans le bail du [9768, rue Saint-Patrick]. L’agente disposait d’éléments de preuve qui contredisaient nettement cette conclusion de fait. Sous la rubrique [traduction] « Avis de résidence familiale » à la page 4 du bail du [9768, rue Saint-Patrick], le demandeur déclare dans les termes les plus nets qu’il est marié à Elizabeth Langford et qu’ils entendent se servir de l’appartement en question comme résidence familiale.

 

[29]           Dans ses motifs, l’agente explique que la demande est refusée au motif que :

[traduction]

 

[…] LE DEMANDEUR NE SATISFAIT PAS AUX EXIGENCES DE L’ALINÉA 124a) DU RÈGLEMENT, CAR IL N’A PAS DÉMONTRÉ QU’IL VIT AVEC SA RÉPONDANTE OU QUE LEUR MARIAGE A ÉTÉ CONTRACTÉ DE BONNE FOI ET NON QU’IL VISAIT PRINCIPALEMENT À OBTENIR UN PRIVILÈGE AUX TERMES DE LA LIPR.

 

 

 

[30]           L’erreur qu’a commise l’agente en concluant que le nom de l’épouse du demandeur ne figurait pas dans le bail du [9768, rue Saint-Patrick] comme occupante se rapporte directement à la conclusion finale suivant laquelle l’agente ne disposait pas de suffisamment d’éléments de preuve pour être convaincue que le demandeur et son épouse vivaient ensemble et cette erreur a un effet déterminant sur cette conclusion. J’ignore à quelle décision l’agente aurait pu en arriver si elle n’avait pas commis cette erreur de fait. J’estime donc que la décision de l’agente était déraisonnable. La demande de contrôle judiciaire est par conséquent accueillie et l’affaire est renvoyée à un autre agent pour qu’il rende une nouvelle décision.

 

[31]           Vu ma conclusion sur cette question, il n’est pas nécessaire que je traite des autres points litigieux.

 

[32]           Aucune des deux parties n’a exprimé le désir de proposer la certification d’une question grave de portée générale.

 


 

JUGEMENT

 

[33]           IL EST ORDONNÉ que la demande de contrôle judiciaire soit accueillie, que la décision de l’agente soit annulée et que l’affaire soit renvoyée à un autre agent pour qu’il rende une nouvelle décision.

 

 

« John A. O’Keefe »

Juge

 

 

Traduction certifiée conforme

Christiane Bélanger, LL.L.


ANNEXE

 

Dispositions législatives applicables

 

Les dispositions législatives pertinentes sont reproduites dans la présente section.

 

Loi sur les Cours fédérales, L.R.C. 1985, ch. F-7 :

 

(4) Les mesures prévues au paragraphe (3) sont prises si la Cour fédérale est convaincue que l'office fédéral, selon le cas :

 

. . .

 

d) a rendu une décision ou une ordonnance fondée sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments dont il dispose;

 

(4) The Federal Court may grant relief under subsection (3) if it is satisfied that the federal board, commission or other tribunal

 

. . .

 

(d) based its decision or order on an erroneous finding of fact that it made in a perverse or capricious manner or without regard for the material before it;

 

 

Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, D.O.R.S./2002-227 :

 

4. Pour l’application du présent règlement, l’étranger n’est pas considéré comme étant l’époux, le conjoint de fait, le partenaire conjugal ou l’enfant adoptif d’une personne si le mariage, la relation des conjoints de fait ou des partenaires conjugaux ou l’adoption n’est pas authentique et vise principalement l’acquisition d’un statut ou d’un privilège aux termes de la Loi.

 

 

124. Fait partie de la catégorie des époux ou conjoints de fait au Canada l’étranger qui remplit les conditions suivantes :

 a) il est l’époux ou le conjoint de fait d’un répondant et vit avec ce répondant au Canada;

 

b) il détient le statut de résident temporaire au Canada;

 

c) une demande de parrainage a été déposée à son égard.

 

4. For the purposes of these Regulations, a foreign national shall not be considered a spouse, a common-law partner, a conjugal partner or an adopted child of a person if the marriage, common-law partnership, conjugal partnership or adoption is not genuine and was entered into primarily for the purpose of acquiring any status or privilege under the Act.

 

124. A foreign national is a member of the spouse or common-law partner in Canada class if they

(a) are the spouse or common-law partner of a sponsor and cohabit with that sponsor in Canada;

 

(b) have temporary resident status in Canada; and

 

(c) are the subject of a sponsorship application.

 

 

Guide IP8 de traitement des demandes au Canada – Catégorie des époux ou conjoints de fait au Canada :

 

10.2  Évaluation de la relation de convenance

 

Si les documents présentés ne constituent pas une preuve suffisante d'une relation conjugale authentique ou si les agents mettent en doute le fait que le demandeur habite avec le répondant, le CTD doit transférer le cas à un bureau intérieur de CIC pour investigation. Il se peut que le bureau de CIC doive interroger séparément le répondant et le demandeur afin de déterminer si la relation est authentique.

 

 

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                                    IMM-5136-06

 

INTITULÉ :                                                   KELVIN JULIUS OSAZUMA

 

                                                                        - et -

 

                                                                        LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

                                                                        ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                             TORONTO (ONTARIO)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                           LE 23 OCTOBRE 2007

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                                          LE JUGE O’KEEFE

 

DATE DES MOTIFS :                                  LE 5 NOVEMBRE 2007

 

 

COMPARUTIONS :

 

Me Adetayo G. Akinyemi

 

POUR LE DEMANDEUR

Me Marina Stefanovic

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Me Adetayo G. Akinyemi

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DEMANDEUR

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 

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