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Date : 20071105

Dossier : T-481-07

Référence : 2007 CF 1141

Ottawa (Ontario), le 5 novembre 2007

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE LEMIEUX

 

ENTRE :

MILDRED BUCHAN

demanderesse

et

 

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

défendeur

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

 

Introduction

 

[1]        Mildred Buchan, une immigrante ayant obtenu le droit d’établissement au Canada (la demanderesse), sollicite le contrôle judiciaire d’une décision en date du 10 octobre 2006 par laquelle une déléguée du ministre des Ressources humaines et du Développement social du Canada (le ministre) a refusé de réviser la décision du 10 août 2005 par laquelle le ministre avait estimé que la demanderesse n’était pas admissible à recevoir le montant maximal de prestations de retraite prévu par la Loi sur la sécurité de la vieillesse (la Loi) parce qu’elle n’avait pas établi qu’elle résidait en permanence au Canada au sens de la Loi. Le ministre avait par ailleurs réclamé à la demanderesse le remboursement des prestations de la sécurité de la vieillesse (les prestations de la SV) qu’elle avait touchées entre octobre 1995 et juillet 2005.

 

[2]        Le ministre a refusé de revenir sur sa décision du 10 août 2005 parce que : [traduction] « Pour que le Ministère puisse rouvrir un dossier après l’expiration du délai d’appel de 90 jours, il faut que des “faits nouveaux” soient invoqués. Ces “faits nouveaux” : a) ne doivent pas avoir pu être découverts auparavant au moyen de diligence raisonnable et b) ils doivent être importants pour l’issue de l’affaire ».

 

[3]        Dans sa lettre de refus à la demanderesse, la déléguée du ministre a cité la lettre du 27 juin 2006 de la demanderesse en expliquant que [traduction] « cette lettre ne révèle l’existence d’aucun renseignement dont vous n’auriez pas été au courant à un moment où votre dossier était sous le coup d’une enquête et où le Ministère réclamait des renseignements au sujet de votre résidence qui auraient pu être importants pour votre dossier. Vous n’avez pas non plus communiqué ces renseignements avant l’expiration du délai d’appel. Nous avons examiné les documents que vous nous avez récemment fournis avec votre lettre du 27 juin 2006. Il n’y a rien qui nous justifierait de réviser ou de modifier notre décision. La présente décision est finale et sans appel ».

 

[4]        La décision du 10 octobre 2006 du ministre était censée être fondée sur le paragraphe 84(2) du Régime de pensions du Canada (le RPC) qui, sous la rubrique « Annulation ou modification d’une décision » prévoit ce qui suit : « Indépendamment du paragraphe (1), le ministre, un tribunal de révision ou la Commission d’appel des pensions peut, en se fondant sur des faits nouveaux, annuler ou modifier une décision qu’il a lui-même rendue ou qu’elle a elle-même rendue conformément à la présente loi ».

 

[5]        Conformément à l’arrêt Scheuneman c. Procureur général du Canada, 2003 CAF 439, de la Cour d’appel fédérale, j’ai permis au fils de la demanderesse, Eric Bruns, de représenter sa mère devant la Cour.

 

[6]        Il y a un autre point préliminaire à signaler. J’ai reçu en preuve, le 13 août 2007, une lettre du médecin de la demanderesse qui n’avait par ailleurs pas été portée à l’attention de l’auteur de la décision. À mon avis, cette lettre confirmait simplement ce que la demanderesse avait dit au ministre dans la lettre non datée que le ministre a reçue le 21 août 2006.

 

Le régime législatif et réglementaire

[7]        Avant d’aborder les faits de la présente affaire, il convient de décrire brièvement le régime législatif et réglementaire relatif à l’admissibilité aux prestations de la SV.

 

[8]        L’admissibilité à ces prestations est établie par la Loi qui définit, à son article 3, les conditions de résidence qui doivent être remplies pour avoir droit chaque mois à une pleine pension ou à une pension partielle. La Loi est étroitement liée au Régime de pensions du Canada (le RPC), une loi distincte qui prévoit non seulement le versement de prestations de pension contributives, mais aussi de prestations d’invalidité. La Loi et le RPC sont administrés par le même ministre.

 

[9]        La Loi est complétée par le Règlement sur la sécurité de la vieillesse, qui prévoit notamment à son article 21 que, pour l’application de la Loi et du Règlement, a) une personne réside au Canada si elle établit sa demeure et vit ordinairement dans une région du Canada et b) une personne est présente au Canada lorsqu’elle se trouve physiquement dans une région du Canada.

 

[10]      La Loi et le RPC ont un autre point en commun : le tribunal de révision. Le paragraphe 28(1) de la Loi prévoit en effet que l’auteur de la demande prévue au paragraphe 27.1(1) qui se croit lésé par la décision révisée du ministre — ou, sous réserve des règlements, quiconque pour son compte — peut appeler de la décision devant un tribunal de révision constitué en application du paragraphe 82(1) du RPC. La demande prévue au paragraphe 27.1(1) vise à obtenir que le ministre révise sa décision initiale.

 

[11]      Le paragraphe 27.1(1) de la Loi prévoit que « [l]a personne qui se croit lésée par une décision de refus ou de liquidation de la prestation prise en application de la présente loi peut, dans les quatre-vingt-dix jours suivant la notification de la décision, selon les modalités réglementaires, ou dans le délai plus long que le ministre peut accorder avant ou après l’expiration du délai de quatre-vingt-dix jours, demander au ministre, selon les modalités réglementaires, de réviser sa décision ». [Non souligné dans l’original.]

 

[12]      L’article 82 du RPC prévoit la constitution d’un tribunal de révision et crée le poste de commissaire des tribunaux de révision. Aux termes du paragraphe 82(1), « [l]a personne qui se croit lésée par une décision du ministre rendue en application de l’article 81 ou du paragraphe 84(2) ou celle qui se croit lésée par une décision du ministre rendue en application du paragraphe 27.1(2) de la Loi sur la sécurité de la vieillesse ou, sous réserve des règlements, quiconque de sa part, peut interjeter appel par écrit auprès d’un tribunal de révision de la décision du ministre soit dans les quatre‑vingt-dix jours suivant le jour où la première personne est, de la manière prescrite, avisée de cette décision, ou, selon le cas, suivant le jour où le ministre notifie à la deuxième personne sa décision et ses motifs, soit dans le délai plus long autorisé par le commissaire des tribunaux de révision avant ou après l’expiration des quatre-vingt-dix jours ». [Non souligné dans l’original.]

 

Les faits

[13]      Voici les faits essentiels à l’origine de la présente demande de contrôle judiciaire.

 

[14]      Née au Canada en 1927, la demanderesse a vécu ici jusqu’en avril 1951 où, à l’âge de 24 ans, elle est partie vivre aux États-Unis, où elle s’est mariée, est devenue citoyenne américaine et a élevé sa famille. À la suite du décès de son premier mari, elle est devenue propriétaire exclusive de la maison familiale située à Belmont, en Californie.

 

[15]      En juin 1987, elle est revenue au Canada à titre d’immigrante ayant obtenu le droit d’établissement et, le 2 janvier 1988, elle a épousé Frank Buchan. Dans sa lettre du 27 juin 2006 à Développement des ressources humaines Canada (DRHC), la demanderesse explique qu’elle et son mari avaient fait de la maison de Californie leur maison d’hiver. Après leur mariage, la demanderesse et Frank Buchan ont d’abord vécu à Saskatoon. En 1997, la maison de Saskatoon a été vendue et ils sont allés vivre à Victoria (Colombie-Britannique).

 

[16]      En juillet 1992, la demanderesse s’est renseignée au sujet de son droit à des prestations de la SV et, en octobre 1995, elle a été déclarée admissible au plein montant de prestations de la SV.

 

[17]      En octobre 2002, la demanderesse s’est séparée de Frank Buchan; ils ont divorcé en juillet 2004.

 

[18]      En octobre 2003, DRHC a fait parvenir à la demanderesse, à son adresse de Victoria, une déclaration de pension qui lui a été retournée avec la mention « courrier tombé en rebut ». Après vérifications auprès de la banque canadienne de la demanderesse, le Ministère a été informé de son adresse aux États-Unis. Le Ministère a écrit le 15 décembre 2003 une lettre indiquant que, selon les renseignements obtenus [traduction] « de notre Bureau des pensions de la sécurité de la vieillesse, vous résidez présentement à l’adresse susmentionnée, à Belmont (Californie) ». La demanderesse a rempli en janvier 2004 le questionnaire joint à cette lettre. Le 17 septembre 2004, DRHC a écrit à la demanderesse à son adresse de Victoria pour lui réclamer un complément d’information. La demanderesse a posté sa réponse au Ministère depuis sa maison de Belmont (Californie).

 

[19]      Au début de 2005, le Ministère a décidé d’enquêter pour savoir si la demanderesse résidait au Canada. L’enquêteure a commencé à recueillir des renseignements de diverses sources et elle a communiqué avec la demanderesse. La demanderesse a décidé de consulter un avocat à Victoria. Le 8 avril 2005, l’enquêteure a écrit à la demanderesse par le biais de son avocat de Victoria pour l’informer que la résidence au Canada constituait l’un des trois principaux critères d’admissibilité prévus par la Loi sur la sécurité de la vieillesse en lui expliquant que la résidence au sens de la Loi est davantage que la présence physique au Canada et qu’on la détermine en vérifiant si l’intéressé fait de sa maison le lieu où il vit habituellement, en partant du principe qu’une personne ne peut résider que dans un seul pays à la fois.

 

[20]      Cette lettre précisait que le pays de résidence serait celui avec lequel la personne qui réclame des prestations de la SV a les liens les plus étroits. La lettre du 8 avril 2005 précisait que DRHC avait constaté que la demanderesse s’était trouvée à l’extérieur du Canada pendant un certain temps et qu’une enquête plus poussée avait démontré qu’elle n’avait peut-être pas rompu ses liens avec les États-Unis après son arrivée au Canada en 1987. Un questionnaire de résidence était joint ainsi qu’une demande de pièces à l’appui.

 

[21]      L’avocat a répondu à l’enquêteure le 3 mai 2005. Il n’a pas joint de questionnaire dûment rempli, mais a exposé la position de sa cliente en affirmant que cette dernière avait vécu plus d’une vingtaine d’années au Canada depuis l’âge de 18 ans. Il a exposé certains faits au sujet des séjours de la demanderesse au Canada et aux États-Unis.

 

[22]      Le 13 mai 2005, l’enquêteure a écrit à la demanderesse et à son avocat pour les informer que le Ministère avait besoin de plus amples renseignements pour pouvoir déterminer si les périodes de temps que la demanderesse avait passées au Canada constituaient des périodes de résidence. Elle a joint une seconde copie de son questionnaire et a demandé qu’il soit rempli dans les trente jours suivants. L’avocat de la demanderesse a répondu ce qui suit le 20 mai : [traduction] « Nous sommes d’avis que nous vous avons déjà communiqué, dans nos lettres antérieures, les renseignements nécessaires pour confirmer que notre cliente remplit les conditions nécessaires pour toucher des prestations de la sécurité de la vieillesse de façon continue ». Il ajoutait que la demanderesse était prête à confirmer les renseignements communiqués dans la lettre du 3 mai 2005 dans une déclaration solennelle [traduction] « si c’est ce que prévoit votre politique d’application de la loi ».

 

[23]      Le 25 mai 2005, l’enquêteure a écrit à la demanderesse par le biais de son avocat pour les informer que les renseignements communiqués n’étaient pas suffisants pour confirmer que la demanderesse était admissible de façon permanente à des prestations de la sécurité de la vieillesse. L’enquêteure a ajouté que, ce qu’il fallait confirmer, c’était si le temps passé au Canada depuis 1987 devait être considéré comme une période de résidence au Canada ou plutôt comme une période de présence au Canada. Elle a fourni une définition des deux termes et a précisé que la déclaration solennelle proposée ne serait pas satisfaisante. Elle a de nouveau exigé que la demanderesse remplisse le questionnaire de résidence de la SV et qu’elle y joigne les documents d’appui nécessaires. Dans cette lettre, la demanderesse et son avocat ont été avisés qu’à défaut par eux de communiquer la totalité des renseignements demandés [traduction] « l’admissibilité de votre cliente aux prestations de la SV sera évaluée en fonction des renseignements que nous avons présentement au dossier ».

 

[24]      Il ressort du dossier soumis à la Cour que la demanderesse et son avocat n’ont pas retourné à l’enquêteure le questionnaire en question, de sorte que le Ministère a fait parvenir à la demanderesse et à son avocat la lettre du 10 août 2005 dont il a déjà été question dans les présents motifs et par laquelle les prestations de la SV lui étaient refusées. Il était précisé dans la lettre du 10 août que, en cas de désaccord avec la décision, il était possible de demander son réexamen et que, pour ce faire, il fallait en faire la demande dans les quatre-vingt-dix jours de la réception de la lettre. Ni la demanderesse ni son avocat n’ont demandé au ministre de réexaminer sa décision du 10 août 2005.

 

[25]      On peut résumer comme suit ce qui s’est ensuite produit : 

 

1)   Le 24 février 2006, la demanderesse a été informée par la Section des opérations internationales de DRHC qu’elle n’était pas admissible à une pension de sécurité de la vieillesse aux termes de l’Accord sur la sécurité sociale conclu entre le Canada et les États-Unis au motif qu’elle ne satisfaisait pas à tous les critères d’admissibilité de la Loi sur la sécurité de la vieillesse. Elle a été informée que, si elle n’était pas d’accord avec la décision, elle pouvait en demander la révision.

 

2)   La demanderesse a écrit à DRHC le 13 avril 2006 une lettre dont voici le premier paragraphe : [traduction] « Veuillez considérer la présente lettre comme une déclaration de contestation de la décision suivant laquelle je ne remplis pas toutes les conditions requises pour toucher des prestations de sécurité de la vieillesse au Canada ». Il semblerait, à la lecture du dossier, que la demanderesse a envoyé cette lettre à la suite de la réponse qu’elle avait reçue du consulat du Canada à San Francisco au sujet de son admissibilité à des prestations de la SV.

 

3)   Le 9 mai 2006, la demanderesse a écrit au fonctionnaire de la Section des opérations internationales au sujet de la décision du 24 février 2006. Voici ce qu’elle demandait : [traduction] « Veuillez considérer la présente comme une demande de révision de votre décision de cesser le versement de ma pension de sécurité de la vieillesse ». Dans sa lettre, la demanderesse exposait les faits qui étaient censés appuyer sa prétention qu’elle était une résidente du Canada à l’époque en cause.

 

4)   Le 29 juin 2006, la demanderesse a été informée que sa demande de révision de la décision relative à son inadmissibilité à des prestations de la SV aux termes de l’Accord sur la sécurité sociale entre le Canada et les États-Unis avait été rejetée par suite de l’examen de son admissibilité à la lumière des critères de la Loi sur la sécurité de la vieillesse. Il semble que DRHC répondait à la lettre du 9 mai 2006 de la demanderesse.

 

5)   Le 27 juin 2006, la demanderesse a écrit à DRHC en relatant essentiellement les mêmes faits que ceux qu’elle avait communiqués au Ministère le 13 avril 2006.

 

6)   Le 24 juillet 2006, un fonctionnaire de la Section des opérations internationales de DRHC a écrit à la demanderesse pour lui expliquer que la Section avait reçu sa lettre du 27 juin au sujet de son admissibilité à une pension de sécurité de la vieillesse en vertu de l’Accord sur la sécurité sociale entre le Canada et les États‑Unis. Le fonctionnaire l’informait que sa lettre avait été transmise au Bureau du Commissaire du tribunal de révisions parce que : [traduction] « Il s’agit de la seconde demande de réexamen de votre dossier que vous nous présentez » (dossier du défendeur, volume 1, page 14). À cette lettre était annexée un avis informant la demanderesse de son droit de faire appel de la décision devant le tribunal de révision à condition d’écrire au tribunal de révision dans les quatre‑vingt‑dix jours de la réception de la lettre. La demanderesse n’a pas saisi le tribunal de révision d’une demande de révision.

 

7)   Dans une lettre non datée envoyée depuis Belmont (Californie), la demanderesse a écrit au fonctionnaire au sujet de lettre que ce dernier lui avait adressée le 24 juillet 2006 [traduction] « m’informant de la possibilité de soumettre mon cas au tribunal ». Elle affirmait qu’il y avait peut-être un malentendu au sujet de ce qu’elle cherchait à faire. Elle écrivait qu’elle croyait comprendre que la décision signifiait qu’elle n’était pas admissible à des prestations de la SV en vertu de l’Accord réciproque conclu entre les États-Unis et le Canada et ajoutait : [traduction] « Je soutiens que j’ai le droit de toucher des prestations de sécurité de la vieillesse en raison de mes années de résidence au Canada et je souhaite rouvrir le dossier et faire appel en Colombie-Britannique ». Elle poursuivait en écrivant qu’elle regrettait de ne pas avoir interjeté appel de la lettre du 10 août 2005 l’informant qu’elle n’était pas admissible à des prestations de la SV. Elle déclarait ce qui suit : [traduction] « Lorsque j’ai reçu cette lettre, j’étais au bord de l’effondrement sur le plan affectif et, pour être honnête, je n’ai jeté qu’un coup d’œil superficiel à la première page. Ce n’est qu’après avoir pris connaissance de la lettre du 2 mars 2006 que j’ai pris pleinement conscience du fait que j’avais laissé le délai d’appel s’écouler et qu’on me réclamait un remboursement ». Elle poursuivait en écrivant ce qui suit : [traduction] « Une grave injustice sera commise s’il n’y a pas réouverture de la procédure d’appel et si l’on ne me permet pas de soumettre les renseignements qui appuient ma position (ma lettre du 27 juin 2006) » (dossier du défendeur, volume 1, page 30).

 

[26]        Il ressort du dossier que DRHC a interprété cette lettre non datée reçue de la demanderesse le 21 août 2006 comme une demande officielle de révision de la décision communiquée à la demanderesse le 10 août 2005. Ainsi qu’il a déjà été signalé, le Ministère a fondé sa décision sur le pouvoir censément conféré au ministre par le paragraphe 84(2) de la Loi.

 

Analyse

[27]      La présente demande de contrôle judiciaire ne saurait prospérer. Elle illustre bien les périls qui attendent le plaideur qui défend sa cause sans avocat.

 

[28]      La thèse que la demanderesse a défendue devant la Cour reposait sur l’hypothèse que sa cause pouvait faire l’objet d’un appel de novo devant notre Cour, que la Cour avait le pouvoir de rendre une décision sans tenir compte de la décision du 10 octobre 2006 du ministre et que la Cour avait le pouvoir de substituer sa décision à celle du ministre.

 

[29]      Malheureusement, la démarche de la demanderesse est incompatible avec un contrôle judiciaire. Lorsqu’elle est saisie d’une demande de contrôle judiciaire, la Cour n’est pas habilitée à revoir ou à réévaluer les faits constatés par le tribunal qui a rendu une décision administrative, ce qu’est effectivement la décision du 10 octobre 2006 de DRHC. La demanderesse devait démontrer que la décision du 10 octobre 2006 de DRHC était entachée d’une erreur de droit. Or, la demanderesse n’a pas tenté de faire cette démonstration. En tout état de cause, au vu du dossier, les éléments de preuve que la demanderesse a présentés à la Cour dans sa lettre du 27 juin 2006 ne constituaient pas des faits nouveaux. La demanderesse a présenté comme faits nouveaux les éléments suivants : sa carte d’assurance-maladie de la Colombie-Britannique, sa carte bancaire, son permis de conduire de la Colombie-Britannique, un questionnaire rempli par son locateur au sujet des séjours effectués par la demanderesse à Victoria, sa carte d’abonnement à la bibliothèque et sa carte de bénévole de la Royal University Hospital. De toute évidence, il ne s’agit pas là de faits nouveaux. La demanderesse pouvait et aurait dû fournir ces renseignements à DRHC avec une diligence raisonnable lorsque la demande lui a en été faite.

 

[30]      Pour ces motifs, la Cour ne peut intervenir.

 

[31]      La Cour a porté une question à l’attention de l’avocate du ministre. Cette question était celle de savoir si le ministre peut se fonder sur le paragraphe 84(2) du RPC pour réviser ou modifier la décision qu’il a prise en vertu du paragraphe 27.1(1) de la Loi. J’ai soulevé cette question parce que le paragraphe 84(2) semble se limiter aux décisions prises par le ministre en vertu de la présente loi [non souligné dans l’original], c’est-à-dire en vertu du RPC, qui est une loi différente de celle en vertu de laquelle le ministre prend des décisions concernant les prestations de la SV et dont l’article 28 prévoit un appel au tribunal de révision.

 

[32]      L’avocate du ministre a fait valoir devant moi que le ministre peut se prévaloir du paragraphe 84(2) parce que la Loi sur la sécurité de la vieillesse et le Régime de pensions du Canada sont étroitement liés et que le recours prévu au paragraphe 84(2) du RPC profite à la demanderesse parce que, si elle avait présenté des faits nouveaux (c’est-à-dire de nouveaux éléments de preuve qui n’étaient pas connus auparavant), le ministre aurait alors pu réviser sa décision du 10 août 2005. L’avocate du ministre a ajouté que la common law soutenait sa thèse mais elle n’a pas été en mesure de citer spontanément une décision à l’appui, ce qui n’étonne pas la Cour, puisque c’est la Cour et non la demanderesse qui a soulevé la question à l’audience. Dans ces conditions, il ne serait pas sage de trancher la question.

 

[33]      Il semble à la Cour que le seul recours qui soit désormais ouvert à la demanderesse consiste à demander au ministre une prorogation du délai prévu pour réexaminer la décision du 10 août 2005.

 

 

 

JUGEMENT

 

LA COUR REJETTE la présente demande de contrôle judiciaire, le tout sans frais.

 

                                                                                                          « François Lemieux »

                                                                                                __________________________

                                                                                                                        Juge

 

 

Traduction certifiée conforme

Christiane Bélanger, LL.L.


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                                    T-481-07

 

INTITULÉ :                                                   MILDRED BUCHAN c.

                                    LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                             Vancouver (Colombie‑Britannique)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                           LE 23 octobre 2007

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                                          LE JUGE LEMIEUX

 

DATE DES MOTIFS :                                  LE 5 novembre 2007

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Eric Bruns, pour sa mère, Mildred Buchan

 

POUR LA DEMANDERESSE

 

Me Sandra Gruescu

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

 

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 

 

 

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