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Date :  20071031

Dossier :  T-657-07

Référence :  2007 CF 1130

Ottawa (Ontario), le 31 Octobre 2007

En présence de Madame le juge Tremblay-Lamer 

 

ENTRE :

BANQUE NATIONALE DU CANADA

Demanderesse

et

 

MONIQUE LAJOIE

Défenderesse

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

Introduction

[1]               Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire à l’encontre d’une décision d’un Tribunal d’arbitrage constitué en vertu de l’article 242 du Code canadien du travail selon laquelle l’arbitre a décidé que la défenderesse avait été congédiée injustement par son employeur, la Banque Nationale du Canada.

 

[2]               L’exposé des faits repose en grande partie sur les affidavits produits par la demanderesse au soutien de sa demande, lesquels sont contredits en partie par la défenderesse dans son affidavit.

 

[3]               Cependant, l’ensemble de la situation peut se résumer comme suit.

 

Résumé des faits entourant le congédiement

[4]               La demanderesse a embauché la défenderesse le 7 février 1967.  Celle-ci occupait le poste de Directeur services financiers à la succursale de la Banque située à Brossard au moment de son congédiement, le 13 avril 2005. 

 

[5]               La défenderesse s’est absentée pour cause de maladie du 12 décembre 2001 au 30 septembre 2002. 

 

[6]               Après son retour au travail et au cours de ses 40 derniers mois, la défenderesse a reçu des évaluations de rendement annuelles portant la mention de « partiellement satisfaisant ». Plus particulièrement, l’employeur faisait état de plaintes de la part de (sept) 7 clients; des commentaires défavorables de la part de membres de l’équipe bancaire y étaient également constatés. De plus, l’employeur lui reprochait d’avoir manqué à plusieurs reprises de professionnalisme, incluant un bureau en désordre, un ton agressif, la discussion de ses affaires personnelles avec les clients, les critiques négatives dans les couloirs à l’égard de la Banque, des retards fréquents qui affectaient négativement le service à la clientèle, et finalement des problèmes au niveau de la qualité de son travail. L’évaluation de rendement du 21 mai 2003, couvrant la période du 1er novembre 2002 au 30 avril 2003, relevait également que les performances quantitatives de Mme. Lajoie en matière de ventes et de développement des affaires étaient très faibles.

 

[7]               Pour aborder ces problèmes comportementaux, les superviseurs de la défenderesse ont suivi un plan correctif. Entre le 30 avril 2003 et le 13 avril 2005, la défenderesse fut assujettie aux mesures contenues dans la politique corrective de la Banque, composée de 4 niveaux : 1) avis verbal de l’employeur, 2) rappel écrit de l’employeur et plan d’action, 3) rappel écrit et congé de réflexion avec un engagement écrit de l’employé de rectifier son comportement inadéquat, et  4) congédiement.  

 

[8]               Selon la demanderesse les efforts visant la rectification du comportement de la défenderesse n’ont pas réussi à modifier sa conduite professionnelle, ce qui entrainera son congédiement le 13 avril 2005. 

 

[9]               Dans une décision en date du 19 mars 2007, l’arbitre conclut que la demanderesse a congédié injustement la défenderesse. Il lui ordonne de verser à la défenderesse le salaire perdu depuis la date de son congédiement, de retirer du dossier de celle-ci la mention de congédiement pour la remplacer par celle de départ à la retraite, de payer tous les frais légaux du procureur de Mme. Lajoie occasionnés par l’arbitrage.

 

[10]           Les erreurs retenues par la Cour concernent principalement la violation des règles de justice naturelle ainsi que des erreurs de droit. Ces erreurs sont suffisantes pour justifier l’intervention de la Cour sans qu’il ne soit nécessaire de se pencher sur les erreurs de faits pour lesquelles il y a des éléments contradictoires.

 

Questions en litige

[11]           1.   La norme de contrôle.

2.      La violation des règles de justice naturelle.

 

3.      L’interprétation et l’application de la doctrine de l’incident déterminant.

 

4.      Le fardeau de preuve imposé à l’employeur.

 

5.      L’appréciation de la preuve.

 

6.      Les redressements accordés.

 

 

 

Analyse

 

1.         La norme de contrôle

 

[12]           La jurisprudence a établi à maintes reprises qu’un manquement aux principes d’équité procédurale n’engage pas l’application de l’analyse pragmatique et fonctionnelle (voir Sketchley c. le procureur général du Canada, [2006] 3 R.C.F. 392, [2005] A.C.F. no 2056 (C.A.F.) (QL), au para. 46; Moreau-Bérubé c. Nouveau-Brunswick (Conseil de la Magistrature), [2002] 1 R.C.S. 249.  L’obligation qui incombe au décideur dans un contexte particulier sera déterminée en fonction des facteurs établis dans Baker c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1999] 2 R.C.S. 817, [1999] A.C.S. no 39 (QL).  Il appartient aux tribunaux judiciaires de déterminer si le décideur a respecté l’obligation d’équité procédurale dans les circonstances de l’affaire. Aucune déférence n’est nécessaire.

 

[13]           Pour ce qui est du mérite de la décision de l’arbitre, la Cour d’appel fédérale a appliqué l'approche pragmatique et fonctionnelle dans l’affaire H & R Transport Ltd. c. Baldrey, [2005] CAF 151, [2005] A.C.F. no 729 (QL), aux paras. 4-8 et a déterminé que la norme de contrôle applicable aux décisions prises par les arbitres en matière de congédiement injuste varie selon la nature de la question soulevée. Lorsque la question est relative à la détermination des principes de « common law » applicables en matière de congédiement, la norme de la décision correcte s’applique. Par contre, lorsque la question est une qui concerne les erreurs de faits, la norme applicable est celle de la décision manifestement déraisonnable.

 

[14]           La demanderesse soumet que suite à la décision de la Cour suprême du Canada, dans Conseil des Canadiens avec déficiences c. Via Rail Canada Inc., [2007] A.C.S. no. 15, c’est la norme de la décision déraisonnable qui devrait être applicable aux erreurs de faits commis par l’arbitre.

 

[15]           À cet égard, j’adopte les propos de la juge Abella, dans cet arrêt, qui explique le défi conceptuel que pose la détermination entre ce qui est manifestement déraisonnable et ce qui est déraisonnable puisque les deux concepts reviennent à se demander si la décision d’un tribunal administratif a un caractère déraisonnable démontrable, c’est-à-dire, si elle s’écarte de façon marquée de ce qui est rationnel au point d’être insoutenable.» Elle affirme de plus :

 

103 « Mais peu importe le qualificatif employé pour décrire la norme du caractère raisonnable applicable, la cour de révision devrait faire montre de déférence lorsque "les motifs, considérés dans leur ensemble, sont soutenables comme assise de la décision" (Ryan, par. 56) ou si "la décision [du tribunal spécialisé pourrait] être maintenue selon une interprétation raisonnable des faits ou du droit" (National Corn Growers Assn. c. Canada (Tribunal des importations), [1990] 2 R.C.S. 1324, p. 1369, le juge Gonthier). Le "caractère flagrant ou évident", pour la cour de révision, d'une erreur d'analyse n'est pas, face à l'inévitable subjectivité que cela comporte, un indice fiable pour déterminer si une décision donnée est insoutenable ou si elle reflète une interprétation déraisonnable des faits ou du droit. »

 

 

 

2..        La justice naturelle

a.         La preuve recueillie en dehors de l’audience.

[16]           La demanderesse soutient que l’arbitre a violé les règles de justice naturelle en fondant sa décision sur une preuve recueillie en dehors de l’audience. En effet, au paragraphe 191 de la décision, l’arbitre réfère à une conversation qu’il aurait eue avec Mme. Racine, la gestionnaire de la défenderesse, Mme. Lajoie, en dehors de l’audience. Il explique :

« Enfin parlons de la retraite c’est important. Il est vrai que Mme. Racine n’en pas parlé dans son témoignage. C’est à moi qu’elle en a parlé et tout-à-fait par hasard, alors que je lui faisais une remarque de ma surprise d’un congédiement après 38 ans de service, elle m’a fait remarquer que Mme. Lajoie pouvait prendre sa retraite. C’était en dehors de l’audition alors que c’est le contraire pour Mme. Pelletier et Mme. Proulx, alors que cette déclaration s’est faite dans l’audition. »

 

[17]           Le procureur du demandeur souligne qu’il n’a pas eu connaissance de cette conversation avant la lecture de la décision. De plus, contrairement à ce que soutient l’arbitre, Mmes. Pelletier et Proulx affirment dans leurs affidavits ne pas avoir témoigné devant celui-ci à l’effet que Mme. Lajoie pouvait prendre sa retraite.

 

[18]            À mon avis, il ne fait pas de doute que le fait pour l’arbitre de considérer des conversations qui ont eu lieu à l’extérieur de l’audition, sans donner à la demanderesse l’opportunité de contredire ou de réfuter cette preuve, constitue un déni de justice naturelle.

 

[19]           Comme l’explique l’auteur Yves Ouellette, Les tribunaux administratifs au Canada, Procédure et preuve, Montréal, Les éditions Thenis, 1997, p. 305 :

« Il répugne à l’équité qu’un tribunal administratif fonde sa décision sur de l’information secrète, ou obtenue hors instance et à l’insu d’une partie, celle-ci étant alors privée de la possibilité de contredire. À moins que l’organisme soit expressément autorisé par la loi à procéder ex parte, ce qui est exceptionnel ou généralement soumis au consentement des parties, il ne doit pas recevoir des informations spécifiques au dossier en l’absence des parties. Concrètement, un décideur ne doit pas prendre l’initiative de se livrer à une enquête personnelle et privée sur une affaire dont il est saisi, au moyen par exemple d’entretien privés ou secret avec un témoin, une partie ou son mandataire. Bref, la façon pour un tribunal administratif d’obtenir de l’information, c’est en recevant de la preuve dans le cadre de l’audience et en toute transparence. Cependant, il importe de préciser que le réviseur judiciaire n’interviendra généralement que si l’information reçue ou obtenue hors audience a causé préjudice, par opposition à des renseignements à caractère anodin. »

 

 

[20]           En l’espèce, l’information obtenue n’avait pas un caractère anodin puisque c’est en s’appuyant sur cette preuve que l’arbitre a ordonné à la demanderesse de mettre Mme. Lajoie à la retraite. Or la demanderesse n’a pas eu l’opportunité de faire valoir ses observations sur ce point, ce qui lui a créé un préjudice. Il y a donc eu violation des règles de justice naturelle sur ce point.

 

b.         Le défaut de considérer une preuve pertinente et cruciale.

[21]           La demanderesse soutient également que l’arbitre a violé les règles de justice naturelle en refusant de considérer une preuve pertinente et cruciale.

 

[22]           L’obligation de l’arbitre de tenir compte de l’ensemble des éléments pertinents est prévu à l’article 242(2)b du Code Canadien du travail, lequel énonce :

Pouvoirs de l’arbitre

 

(2) Pour l’examen du cas dont il est saisi, l’arbitre :

b) fixe lui-même sa procédure, sous réserve de la double obligation de donner à chaque partie toute possibilité de lui présenter des éléments de preuve et des observations, d’une part, et de tenir compte de l’information contenue dans le dossier, d’autre part; [Mon soulignement]

 

 

[23]           Bien que cela ne soit pas automatique, il est vrai que dans certains cas, il pourra arriver que l’omission de considérer une preuve pertinente ait un tel impact sur l’équité du processus, que l’on ne pourra que conclure à une violation de la justice naturelle, Université du Québec à Trois-Rivière c. Laroque, [1993] 1 R.C.S. 471 à la page 491.

 

[24]           En l’espèce, l’arbitre a rejeté en bloc la preuve de l’existence des différentes plaintes formulées par les clients de la Banque à l’encontre de Mme. Lajoie, « puisqu’il s’agissait de ouï-dire et à plus forte raison parce que cette employée avait 38 ans de service. »

 

[25]           En premier lieu, le fait que la défenderesse soit une employée de longue date ne peut constituer un motif de rejet de cette preuve cruciale. En second lieu, l’arbitre a erronément interprété la notion de ouï-dire en confondant l’existence des plaintes qui ne constituaient pas du ouï-dire et le fondement de celles-ci. Les plaintes ont été reçues et enquêtées par la demanderesse, et celle-ci a fait entendre des témoins à cet égard. La preuve était donc non contredite à l’effet que sept clients de la Banque se sont plaint du comportement de Mme. Lajoie. Ce fait était important et pertinent puisqu’il fut principalement la cause du renvoi.

 

[26]           Quant aux faits qui ont donné lieu aux plaintes, il est certain que l’arbitre pouvait tenir compte du fait qu’il s’agissait de ouï-dire. Cependant, il n’avait pas l’obligation de rejeter la preuve pour ce motif si celle-ci était pertinente et qu’il n’y avait pas un déni flagrant de justice naturelle. En effet, les tribunaux administratifs « ne sont pas liés par les règles de preuve strictes qui s’appliquent devant les tribunaux criminels ou civils et par conséquent, ils peuvent recevoir et retenir la preuve par ouï-dire. » Canada (Procureur général) c. Mills, [1984] A.C.F. no 917. Dans cette affaire, la Cour d’appel fédérale a relevé des situations où la preuve par ouï-dire ne serait pas acceptable, par exemple dans les cas ou l’intimé ne serait pas informé de la preuve et par conséquent n’aurait pas l’occasion de réfuter cette preuve ou de procéder à un contre-interrogatoire.

 

[27]           Je note également que Mme. Lajoie a admis que trois des sept plaintes des clients étaient fondées. Bien que celle-ci ait nié par la suite ses admissions, l’arbitre aurait dû en tenir compte pour évaluer sa crédibilité.

 

[28]           Je suis d’avis que cette preuve avait un tel impact sur l’équité du processus pour conclure à une violation de la justice naturelle. Cette omission de faits pertinents constituait également une erreur de droit justifiant l’intervention de la Cour, Denis Lemieux, le contrôle judiciaire de l’action gouvernementale, Publication CCIH / EMP 2. 961.  Ayant traité de cette question sous cette rubrique, il n’y a pas lieu d’y revenir plus loin.

 

c.         La partialité de l’arbitre

[29]           Il est bien établi que la question qu’il faut poser dans le cadre d’une analyse de l’existence de la partialité ou d’une crainte raisonnable de la partialité est : « à quelle conclusion en arriverait une personne bien renseignée qui étudierait la question en profondeur, de façon réaliste et pratique » (Committee for Justice and Liberty c. Canada (Office national de l’énergie), [1978] 1 R.C.S. 369 (QL), au para. 40).

 

[30]           Après avoir lu attentivement la décision de l’arbitre, je reconnais que celui-ci a employé un langage très coloré, qui démontre une certaine partialité vis-à-vis la demanderesse. Il est vrai que cette attitude a pu teinter sa décision mais je ne suis pas certaine qu’elle rencontre le fardeau élevé pour établir la crainte raisonnable de partialité. Quoiqu’il en soit, il ne m’est pas nécessaire d’en décider puisque la décision est cassée pour d’autres motifs et que l’affaire ne sera pas entendue par le même arbitre.

 

 

3.         L’interprétation et l’application de la doctrine de l’incident déterminant.

 

[31]           La demanderesse prétend que l’arbitre a omis de considérer la notion juridique de l’incident déterminant. En vertu de ce principe, un employeur est justifié de procéder à un congédiement suite à une répétition d’actes fautifs sans que l’acte ultime, suite auquel la décision est prise, n’ait constitué une faute grave. Je suis d’avis que la demanderesse a raison sur ce point pour les motifs suivants.

 

[32]           Selon l’article 242 (3) du Code, l’arbitre est mandaté de déterminer si le congédiement en question est injuste. Dans le cadre de cette analyse, il peut tenir compte des considérations comme la gravité de l’infraction immédiate, la répétition du comportement négatif, l’historique des années de service et les antécédents professionnels, si l’employeur a tenté antérieurement des formes de discipline plus modérée sans succès, et finalement si l’employé parait être sujet à un congédiement arbitraire et dur ou si son congédiement est en accord avec les politiques établies de l’employeur (Wm. Scott. and Co. (1977), 1 Can. LRBR 1, Wm. Scott & Co. (Re), [1976] B.C.L.R.B.D. no. 98 (QL), au para. 14. Il s’agit d’une liste non-exhaustive des facteurs qui peuvent être pertinents pour analyser les faits et décider si un congédiement est injuste, Kelowna Flightcraft Air Charter Ltd. c. Kmet, [1998] A.C.F. no 740 (QL), au para. 19).      

 

[33]           Dans l’évaluation de comportement négatif et répétitif, la doctrine de « l’incident déterminant » fut développée pour évaluer dans quelles circonstances il est approprié pour l’employeur de tenir compte des antécédents en matière disciplinaire. Les auteurs Donald J.M. Brown et David M. Beatty, Canadian Labour Arbitration, Vol. 1 (The Cartwright Group: Ontario, 2007), p. 7-143, expliquent :

 

[…] lorsque l'employé a commis une faute de conduite ou un acte final déterminant à l'égard duquel une sanction disciplinaire peut être imposée, il soit tout à fait justifié pour l'employeur de tenir compte des mauvais antécédents ou des antécédents plus ou moins bons de l'employé lorsqu'il décide de la sanction qui est appropriée à l'égard de cet incident final [..] (Traduction dans la decision Ackman c. Portage-Delta Broadcastors, 1998 A.C.F. no. 231 QL)

 

[34]           En l’espèce, l’arbitre a noté la lettre du 11 février 2005, correspondant à un avis correctif « niveau 3 » donnant à la défenderesse jusqu'au 8 avril pour améliorer sa performance.  Il passe cependant sous silence, le fait que suite à une plainte d’un client, celle-ci ait rappelé celui-ci pour « le brasser », ce qu’elle avait déjà fait par le passé avec un autre client. Cet élément constituait l’élément déterminant qui a entrainé le congédiement de Mme. Lajoie et devait être considéré par l’arbitre.

 

4.         Le fardeau de preuve imposé

[35]           La demanderesse soutient que l’arbitre a erré dans l’interprétation du fardeau de preuve nécessaire en exigeant la présence d’une faute grave.

 

[36]           En vertu des articles 240 et suivants du Code, l’employeur est tenu de démontrer que le congédiement n’était pas injuste, soit qu’il reposait sur une cause juste et suffisante. Ainsi, il n’est pas nécessaire d’être en présence d’une faute grave pour que la fin de l’emploi par l’employeur soit justifiée, Banque de Commerce Canadienne Impériale c. Boisvert, [1986] 2 C.F. 431 (QL), au para. 9.

 

[37]           En l’espèce, l’arbitre affirme au para. 192 que « Lorsqu’un employé jouit de plusieurs années de service, à moins de faute grave, l’employeur essaie de lui organiser un bon départ, malgré tout » (mon soulignement). Il s’est donc mépris sur le fardeau de preuve à rencontrer par l’employeur qui n’avait pas à faire la preuve d’une faute grave pour justifier la fin de l’emploi.

 

5.         L’appréciation de la preuve

[38]           La demanderesse a également relevé plusieurs erreurs dans l’appréciation de la preuve devant l’arbitre, ce qui explique les nombreux affidavits qu’elle a déposé au soutien de sa demande de contrôle judiciaire, puisqu’il n’y a pas eu d’enregistrement à l’audience devant l’arbitre. Plusieurs erreurs portent sur les éléments clés, comme les aveux de Mme. Lajoie et les plaintes des clients. Cependant l’affidavit de Mme. Lajoie contredit certains de ces éléments. Il m’est donc difficile d’en traiter. Cependant, comme je l’ai indiqué plus haut, les erreurs de droit retenues ainsi que la violation des règles de justice naturelle justifient l’annulation de la décision.

 

6.         Les redressements accordés

[39]           Lors des plaidoiries devant l’arbitre, les procureurs lui avaient demandé conjointement de réserver sa juridiction sur les redressements appropriés, ce qui fut consenti. Malgré cela, l’arbitre a statué en ordonnant à la Banque de verser à la défenderesse le salaire perdu depuis le congédiement de Mme. Lajoie et de rayer du dossier de la défenderesse ou ailleurs la mention de congédiement pour la remplacer par celle de départ à la retraite.

 

[40]           À mon avis, bien que l’arbitre ait eu la compétence pour accorder les redressements, il devait entendre les représentations des parties avant de statuer sur cette question. Un tel manquement constituait une violation du devoir d’agir équitablement.

 

[41]           Je conclus également que l’arbitre a erré quand il a ordonné à la Banque de payer les frais légaux de la défenderesse. La jurisprudence est claire sur ce point. Le remboursement des frais légaux est justifié seulement dans des circonstances exceptionnelles (Banca Nazionale Del Lavoro of Canada Ltd. V. Lee-Shanok, [1988] A.C.F. no 594 (QL)).  Dans cette affaire, la cour d’appel fédérale a précisé qu’il faut être en présence d’une certaine forme de conduite répréhensible. En l’espèce, l’arbitre n’a donné aucun motif l’ayant conduit à ordonner les frais légaux. En l’absence de circonstances exceptionnelles, celui-ci n’était pas justifié de rendre une pareille ordonnance.

 

[42]           Pour ces motifs, la présente demande de contrôle judiciaire est accueillie. La décision de l’arbitre rendue le 19 mars 2007 quant au congédiement injuste est cassée et les redressements accordés suite à cette décision sont en conséquence annulés.

 

[43]           La demanderesse suggère que je rejette également la plainte déposée par la défenderesse, substituant ainsi ma décision pour celle d’un arbitre.  Or, je ne crois pas avoir une telle compétence. Dans l’affaire Bande indienne de Lac La Ronge c. Laliberté, [2000] A.C.F. no 640 (QL), la Cour d’appel fédérale rappelle que la cour saisie du contrôle judiciaire de la décision de l'arbitre n'a pas compétence pour rendre la décision que l'arbitre aurait dû rendre. L’affaire sera donc retournée à un autre arbitre pour une nouvelle audition. Le tout avec dépens.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

JUGEMENT

 

LA COUR ORDONNE que la demande de contrôle judiciaire soit accueillie. La décision de l’arbitre est annulée quant au congédiement injuste ainsi que les redressements accordés suite à cette décision.  L’affaire est retournée pour ré-détermination devant un autre arbitre.

 

                                                                                                     « Danièle Tremblay-Lamer »

Juge


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        T-657-07

 

INTITULÉ :                                      

BANQUE NATIONALE DU CANADA

Demanderesse

et

 

MONIQUE LAJOIE

Défenderesse

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Montréal

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 22 octobre 2007

 

MOTIFS DU JUGEMENT :            LE JUGE TREMBLAY-LAMER

 

DATE DES MOTIFS :                      Le 31 octobre 2007

 

COMPARUTIONS :

 

Me Daniel M. Leduc

 

POUR LA DEMANDERESSE

Me Normand Léonard

 

POUR LA DÉFENDERESSE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

OGILVY RENAULT

Montréal, Québec

 

 

POUR LA DEMANDERESSE

LAMOUREUX MORIN LAMOUREUX

Longueuil, Québec

 

 

 

POUR LA DÉFENDERESSE


ANNEXE

Code canadien du travail, S.R., ch. L-1, art.1

[…]

 

SECTION XIV

CONGÉDIEMENT INJUSTE

 

Plainte

240. (1) Sous réserve des paragraphes (2) et 242(3.1), toute personne qui se croit injustement congédiée peut déposer une plainte écrite auprès d’un inspecteur si :

 

a) d’une part, elle travaille sans interruption depuis au moins douze mois pour le même employeur;

 

b) d’autre part, elle ne fait pas partie d’un groupe d’employés régis par une convention collective.

 

Délai

(2) Sous réserve du paragraphe (3), la plainte doit être déposée dans les quatre-vingt-dix jours qui suivent la date du congédiement.

 

Prorogation du délai

(3) Le ministre peut proroger le délai fixé au paragraphe (2) dans les cas où il est convaincu que l’intéressé a déposé sa plainte à temps mais auprès d’un fonctionnaire qu’il croyait, à tort, habilité à la recevoir.

L.R. (1985), ch. L-2, art. 240; L.R. (1985), ch. 9 (1er suppl.), art. 15.

 

Motifs du congédiement

241. (1) La personne congédiée visée au paragraphe 240(1) ou tout inspecteur peut demander par écrit à l’employeur de lui faire connaître les motifs du congédiement; le cas échéant, l’employeur est tenu de lui fournir une déclaration écrite à cet effet dans les quinze jours qui suivent la demande.

 

Conciliation par l’inspecteur

(2) Dès réception de la plainte, l’inspecteur s’efforce de concilier les parties ou confie cette tâche à un autre inspecteur.

Cas d’échec

 

(3) Si la conciliation n’aboutit pas dans un délai qu’il estime raisonnable en l’occurrence, l’inspecteur, sur demande écrite du plaignant à l’effet de saisir un arbitre du cas :

a) fait rapport au ministre de l’échec de son intervention;

b) transmet au ministre la plainte, l’éventuelle déclaration de l’employeur sur les motifs du congédiement et tous autres déclarations ou documents relatifs à la plainte.

1977-78, ch. 27, art. 21.

 

Renvoi à un arbitre

242. (1) Sur réception du rapport visé au paragraphe 241(3), le ministre peut désigner en qualité d’arbitre la personne qu’il juge qualifiée pour entendre et trancher l’affaire et lui transmettre la plainte ainsi que l’éventuelle déclaration de l’employeur sur les motifs du congédiement.

 

Pouvoirs de l’arbitre

(2) Pour l’examen du cas dont il est saisi, l’arbitre :

a) dispose du délai fixé par règlement du gouverneur en conseil;

b) fixe lui-même sa procédure, sous réserve de la double obligation de donner à chaque partie toute possibilité de lui présenter des éléments de preuve et des observations, d’une part, et de tenir compte de l’information contenue dans le dossier, d’autre part;

c) est investi des pouvoirs conférés au Conseil canadien des relations industrielles par les alinéas 16a), b) et c).

 

Décision de l’arbitre

(3) Sous réserve du paragraphe (3.1), l’arbitre :

a) décide si le congédiement était injuste;

b) transmet une copie de sa décision, motifs à l’appui, à chaque partie ainsi qu’au ministre.

 

Restriction

(3.1) L’arbitre ne peut procéder à l’instruction de la plainte dans l’un ou l’autre des cas suivants :

a) le plaignant a été licencié en raison du manque de travail ou de la suppression d’un poste;

 

b) la présente loi ou une autre loi fédérale prévoit un autre recours.

 

Cas de congédiement injuste

(4) S’il décide que le congédiement était injuste, l’arbitre peut, par ordonnance, enjoindre à l’employeur :

a) de payer au plaignant une indemnité équivalant, au maximum, au salaire qu’il aurait normalement gagné s’il n’avait pas été congédié;

b) de réintégrer le plaignant dans son emploi;

c) de prendre toute autre mesure qu’il juge équitable de lui imposer et de nature à contrebalancer les effets du congédiement ou à y remédier.

L.R. (1985), ch. L-2, art. 242; L.R. (1985), ch. 9 (1er suppl.), art. 16; 1998, ch. 26, art. 58.

 

Caractère définitif des décisions

243. (1) Les ordonnances de l’arbitre désigné en vertu du paragraphe 242(1) sont définitives et non susceptibles de recours judiciaires.

 

Interdiction de recours extraordinaires

(2) Il n’est admis aucun recours ou décision judiciaire — notamment par voie d’injonction, de certiorari, de prohibition ou de quo warranto — visant à contester, réviser, empêcher ou limiter l’action d’un arbitre exercée dans le cadre de l’article 242.

1977-78, ch. 27, art. 21.

[…]

Canada Labour Code,  R.S., c. L-1, s. 1

[…]

 

DIVISION XIV

UNJUST DISMISSAL

 

Complaint to inspector for unjust dismissal

240. (1) Subject to subsections (2) and 242(3.1), any person

(a) who has completed twelve consecutive months of continuous employment by an employer, and

 

(b) who is not a member of a group of employees subject to a collective agreement,

may make a complaint in writing to an inspector if the employee has been dismissed and considers the dismissal to be unjust.

 

Time for making complaint

(2) Subject to subsection (3), a complaint under subsection (1) shall be made within ninety days from the date on which the person making the complaint was dismissed.

 

Extension of time

(3) The Minister may extend the period of time referred to in subsection (2) where the Minister is satisfied that a complaint was made in that period to a government official who had no authority to deal with the complaint but that the person making the complaint believed the official had that authority.

R.S., 1985, c. L-2, s. 240; R.S., 1985, c. 9 (1st Supp.), s. 15.

 

Reasons for dismissal

241. (1) Where an employer dismisses a person described in subsection 240(1), the person who was dismissed or any inspector may make a request in writing to the employer to provide a written statement giving the reasons for the dismissal, and any employer who receives such a request shall provide the person who made the request with such a statement within fifteen days after the request is made.

 

Inspector to assist parties

(2) On receipt of a complaint made under subsection 240(1), an inspector shall endeavour to assist the parties to the complaint to settle the complaint or cause another inspector to do so.

Where complaint not settled within reasonable time

 

(3) Where a complaint is not settled under subsection (2) within such period as the inspector endeavouring to assist the parties pursuant to that subsection considers to be reasonable in the circumstances, the inspector shall, on the written request of the person who made the complaint that the complaint be referred to an adjudicator under subsection 242(1),

(a) report to the Minister that the endeavour to assist the parties to settle the complaint has not succeeded; and

(b) deliver to the Minister the complaint made under subsection 240(1), any written statement giving the reasons for the dismissal provided pursuant to subsection (1) and any other statements or documents the inspector has that relate to the complaint.

1977-78, c. 27, s. 21.

 

Reference to adjudicator

242. (1) The Minister may, on receipt of a report pursuant to subsection 241(3), appoint any person that the Minister considers appropriate as an adjudicator to hear and adjudicate on the complaint in respect of which the report was made, and refer the complaint to the adjudicator along with any statement provided pursuant to subsection 241(1).

 

Powers of adjudicator

(2) An adjudicator to whom a complaint has been referred under subsection (1)

(a) shall consider the complaint within such time as the Governor in Council may by regulation prescribe;

(b) shall determine the procedure to be followed, but shall give full opportunity to the parties to the complaint to present evidence and make submissions to the adjudicator and shall consider the information relating to the complaint; and

(c) has, in relation to any complaint before the adjudicator, the powers conferred on the Canada Industrial Relations Board, in relation to any proceeding before the Board, under paragraphs 16(a), (b) and (c).

 

Decision of adjudicator

(3) Subject to subsection (3.1), an adjudicator to whom a complaint has been referred under subsection (1) shall

(a) consider whether the dismissal of the person who made the complaint was unjust and render a decision thereon; and

(b) send a copy of the decision with the reasons therefore to each party to the complaint and to the Minister.

 

Limitation on complaints

(3.1) No complaint shall be considered by an adjudicator under subsection (3) in respect of a person where

(a) that person has been laid off because of lack of work or because of the discontinuance of a function; or

(b) a procedure for redress has been provided elsewhere in or under this or any other Act of Parliament.

 

Where unjust dismissal

(4) Where an adjudicator decides pursuant to subsection (3) that a person has been unjustly dismissed, the adjudicator may, by order, require the employer who dismissed the person to

(a) pay the person compensation not exceeding the amount of money that is equivalent to the remuneration that would, but for the dismissal, have been paid by the employer to the person;

(b) reinstate the person in his employ; and

(c) do any other like thing that it is equitable to require the employer to do in order to remedy or counteract any consequence of the dismissal.

R.S., 1985, c. L-2, s. 242; R.S., 1985, c. 9 (1st Supp.), s. 16; 1998, c. 26, s. 58.

 

Decisions not to be reviewed by court

243. (1) Every order of an adjudicator appointed under subsection 242(1) is final and shall not be questioned or reviewed in any court.

 

No review by certiorari, etc.

(2) No order shall be made, process entered or proceeding taken in any court, whether by way of injunction, certiorari, prohibition, quo warranto or otherwise, to question, review, prohibit or restrain an adjudicator in any proceedings of the adjudicator under section 242.

1977-78, c. 27, s. 21.

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