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Date : 20071024

Dossier : IMM-495-07

Référence : 2007 CF 2005

Ottawa (Ontario), le 24 octobre 2007

EN PRÉSENCE DE MADAME LA JUGE DAWSON

 

ENTRE :

 

AFZUL ABDUL KHA MIAH

 

 

demandeur

 

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

 

défendeur

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]        Afzul Abdul Kha Miah, citoyen du Bangladesh, allègue qu’il craint avec raison d’être persécuté du fait de ses opinions politiques. Plus particulièrement, il craint d’être persécuté du fait de son appartenance à la Ligue Awami.

 

[2]        La demande d’asile présentée par M. Miah avait initialement été entendue par la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (la SPR ou la Commission) en février 2004. La Commission avait reconnu l’identité de M. Miah, sa nationalité et son appartenance à la Ligue Awami, mais elle avait rejeté sa demande d’asile fondée sur les articles 96 et 97 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27, en raison de l’absence de crainte subjective. Cette décision a été annulée par la Cour sur consentement des parties parce qu’elle allait à l’encontre de l’arrêt de la Cour d’appel fédérale dans l’affaire Li c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2005] A.C.F. no 1. L’ordonnance de la Cour annulant la décision de la Commission ne prévoyait que le renvoi de l’affaire devant un tribunal différemment constitué de la SPR aux fins d’une nouvelle audience.

 

[3]        Le 21 décembre 2006, la demande d’asile de M. Miah a été entendue à nouveau par un autre tribunal de la SPR. À ce moment, la Commission a rendu de vive voix sa décision rejetant la demande de M. Miah [traduction]  « au motif que la présente demande porte essentiellement sur l’identité [du demandeur] en tant que citoyen du Bangladesh et en tant que membre de la Ligue Awami, et qu’il n’a pas été établi, selon la prépondérance des probabilités, qu’[il] est celui qu’[il] prétend être ou qu’[il] est membre de la Ligue Awami [...] ». Plus particulièrement, la présidente de l’audience a dit : [traduction]  « [… ] lorsque j’examine le dossier en vue d’établir votre identité, je ne trouve que des photocopies de documents d’identité.  [...] BGD100388.E [notes en bas de page omises] indique que l’on trouve beaucoup de faux documents et qu’il est très facile d’en obtenir, à cause de la corruption qui prévaut et pour bien d’autres raisons. Je ne peux accepter des photocopies comme preuve valable de citoyenneté. »

 

[4]        La présente demande de contrôle judiciaire est accueillie pour l’unique motif que la décision de la Commission a été rendue sans qu’il soit tenu compte de la preuve, et qu’elle est donc manifestement déraisonnable (voir :  Kazadi c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2005] A.C.F. no 349, au paragraphe 10, et les décisions qui y sont citées en ce qui concerne la norme de contrôle applicable).

 

[5]        Pour ce qui est des éléments de preuve relatifs à l’identité du demandeur qui ont été présentés à la SPR, la pièce R-1 était constituée de l’ensemble de la preuve documentaire dont disposait la SPR lors de l’audience initiale.  D’après les motifs exposés par la Commission à la suite de cette audience, cette pièce comprenait :

 

·        deux affidavits de confirmation d’identité;

·        un acte de naissance original obtenu au Bangladesh;

·        un document d’identité délivré par l’État de la Virginie, qui a été présenté par M. Miah au point d’entrée.

 

[6]        Au cours de l’audience initiale, la Commission n’a pas conservé au dossier l’acte de naissance original.  Elle a plutôt conservé une copie de cet acte et remis l’original à M. Miah.  La photocopie du document original a été conservée au dossier du tribunal. De plus, une photocopie du document d’identité délivré par la Virginie a été versée au même dossier. La page du dossier du tribunal qui contient cette photocopie porte deux tampons apposés par Immigration Canada, dont l’un indique [traduction]  « CETTE PHOTOCOPIE EST CONFORME AU DOCUMENT ORIGINAL QUI N’A PAS ÉTÉ MODIFIÉ D’UNE QUELCONQUE FAÇON ».

 

[7]        Au cours de l’audience subséquente tenue par la Commission, M. Miah a témoigné qu’après l’audience initiale il n’arrivait plus à retrouver son acte de naissance à la maison.

[8]        L’audience subséquente tenue devant la SPR était une audition de novo de la demande de M. Miah. Je suis convaincue que c’est parce que la décision initiale a été annulée que le principe de la préclusion pour question déjà tranchée ne s’est pas appliqué. Voir, par exemple, Municipal Enterprises Ltd. c. Nouvelle-Écosse (Procureur général), [2003] N.S.J. no 26 (C.A.), aux paragraphes 8, 9, 39 et 40.  Cela signifie que la SPR n’était pas liée par la conclusion sur l’identité du tribunal précédent.  Cependant, le dossier de la preuve dont était saisie la SPR est demeuré intact et n’a pas été annulé.

 

[9]        On peut donc constater que, lorsqu’elle a indiqué que tous les documents versés au dossier en vue d’établir l’identité de M. Miah étaient des photocopies, la présidente de la SPR a omis de tenir compte du fait que l’acte de naissance original délivré par le Bangladesh avait antérieurement été déposé devant la SPR, mais que la Commission l’avait conservé dans ses dossiers sous forme de photocopie.  Le document d’identité délivré par la Virginie avait également été conservé sous forme de photocopie portant le tampon d’une authentification quelconque par Immigration Canada. À mon avis, la Commission devait au moins reconnaître qu’un acte de naissance original avait été versé au dossier dont elle était saisie et qu’elle devait en tenir compte.  Il ne s’agissait pas d’un cas où le demandeur n’avait jamais produit de documents d’identité originaux.

 

[10]      Bien qu’elle ait reproché à M. Miah de ne pas avoir obtenu un acte de naissance en remplacement du premier, et qu’elle ait dit avoir tiré une inférence défavorable qu’elle n’a pas décrite de cette omission, il me semble que la Commission ne pouvait, tout au plus, que tirer une inférence défavorable en ce qui a trait à l’existence d’une crainte subjective, et qu’elle ne pouvait pas faire abstraction du fait que M. Miah avait antérieurement déposé un acte de naissance original devant la SPR.

 

[11]      Par conséquent, la demande de contrôle judiciaire sera accueillie.

 

[12]      Le ministre s'est opposé à la certification de toute question, et je conviens que la présente décision ne porte que sur les faits relativement uniques dont était saisie la Commission.  Aucune question ne sera certifiée.


 

JUGEMENT

 

LA COUR ORDONNE :

 

1.         La demande de contrôle judiciaire est accueillie et la décision de la Section de la protection des réfugiés rendue le 26 janvier 2007 est annulée.

 

2.         L’affaire est renvoyée à la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié pour qu’un tribunal différemment constitué statue à nouveau sur elle.

 

 

« Eleanor R. Dawson »

Juge

 

Traduction certifiée conforme

 

Caroline Tardif, LL.B., trad.


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                                                            IMM-495-07

 

INTITULÉ :                                                                           AFZUL ABDUL KHA MIAH

                                                                                                c.

                                                            LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ  ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                                                     WINNIPEG (MANITOBA)

 

 

DATE DE L’AUDIENCE :                                                   LE 17 OCTOBRE 2007

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                                                                  LA JUGE DAWSON

 

DATE DES MOTIFS :                                                          LE 24 OCTOBRE 2007

 

COMPARUTIONS :

 

David Matas                                                                             POUR LE DEMANDEUR

 

Melissa Danish                                                                         POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

David Matas                                                                             POUR LE DEMANDEUR

Avocat

Winnipeg (Manitoba)

 

John H. Sims, c.r.                                                                     POUR LE DEMANDEUR

Sous-procureur général du Canada

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