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Date : 20071022

Dossier : T-818-07

Référence : 2007 CF 1094

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Toronto (Ontario), le 22 octobre 2007

EN PRÉSENCE DE MADAME LA PROTONOTAIRE MILCZYNSKI

 

ENTRE :

DENNIS BOISSONNEAULT

et RODNEY LLOYD HOFF

 

demandeurs

et

 

 

LA SOCIÉTÉ CANADIENNE DES POSTES,

L’ASSOCIATION DES OFFICIERS DES POSTES DU CANADA,

LES SERVICES DE RÈGLEMENT ALTERNATIF DES DIFFÉRENDS

et (LA COMMISSION CANADIENNE DES DROITS DE LA PERSONNE)

 

défendeurs

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE

 

[1]               La présente requête en radiation de la déclaration et en rejet de l’action est présentée par la Société canadienne des postes (Postes Canada) et par l’Association des officiers des postes du Canada (l’AOPC). La Commission canadienne des droits de la personne (la Commission) ou les Services de règlement alternatif des différends de la Commission n’ont pas déposé de requête distincte. La Commission a toutefois déposé des observations dans lesquelles elle consent à une ordonnance qui radierait toute l’action.

[2]               Il ressort clairement de la déclaration qu’une grande partie des prétentions du demandeur Dennis Boissonneault découlent de son emploi à Postes Canada et de l’interprétation ou de l’application des dispositions de la convention collective qui régissaient les conditions de cet emploi. Les prétentions relèvent exclusivement de la procédure de grief et d’arbitrage prévue par une convention collective. Celles qui n’entrent pas dans le champ d’application de la convention collective conclue entre Postes Canada et l’AOPC entrent dans celui de la convention collective conclue entre Postes Canada et le Syndicat des travailleurs et travailleuses des postes (le STTP) – (les prétentions selon lesquelles M. Boissonneault n’aurait pas reçu la rémunération à laquelle il avait droit entre 1998 et 2000).

 

[3]               Les prétentions du demandeur Rodney Lloyd Hoff sont des prétentions accessoires qui découlent toutes de la relation d’emploi entre M. Boissonneault et Postes Canada. Les allégations ne révèlent aucune cause d’action valable qui pourrait être invoquée par M. Hoff contre l’un ou l’autre des défendeurs.

 

[4]               Pour les motifs exposés ci‑dessous, je conclus que toutes les prétentions devraient être radiées, et l’action rejetée dans son intégralité. L’essence du différend entre dans le champ d’application de la convention collective et ne peut être réglée au moyen de la présente action, que ce soit à l’encontre de Postes Canada ou de l’AOPC. En ce qui concerne la Commission, toute décision qu’elle a rendue relativement aux demandeurs ne peut être contestée qu’au moyen d’une demande de contrôle judiciaire, conformément à l’article 18.1 de la Loi sur les Cours fédérales (voir l’arrêt Canada c. Grenier, 2005 CAF 348).

 

Le contexte factuel

[5]               Comme Postes Canada l’a écrit dans ses observations, M. Boissonneault a commencé à travailler pour elle le 9 novembre 1998. Il a d’abord occupé un poste temporaire de facteur, avant de devenir livreur de service postal à temps partiel le 5 mars 2001. Il a occupé ce poste jusqu’au 26 septembre 2001.

 

[6]               À l’époque, M. Boissonneault était représenté par le STTP et était assujetti à la convention collective conclue entre Postes Canada et le STTP. Cette convention collective régissait les conditions d’emploi, notamment les taux de rémunération et les pensions applicables. Elle prévoyait en outre une procédure de grief et d’arbitrage pour les différends découlant de son application et ayant trait notamment à un licenciement, à la modification des conditions de travail, au paiement de primes, d’indemnité ou d’autres avantages et l’application discriminatoire de ces primes, indemnités ou avantages financiers.

 

[7]               M. Boissonneault est devenu superviseur à Postes Canada en 2001. Par suite de cette nomination, il était représenté par l’AOPC et assujetti à la convention collective conclue entre Postes Canada et l’AOPC. Deux conventions collectives se sont donc appliquées pendant la période pertinente en l’espèce : l’une a été en vigueur du 7 juin 2001 au 31 mars 2005 et l’autre est entrée en vigueur le 1er avril 2005 et s’appliquera jusqu’au 31 mars 2009.

 

[8]               Les dispositions de la convention collective conclue entre Postes Canada et l’AOPC régissent les conditions d’emploi, notamment les cessations d’emploi, la rémunération et les avantages, la procédure de dotation, le harcèlement et la discrimination. La convention collective prévoit également une procédure de grief et d’arbitrage en cas de différends entre les parties concernant son interprétation, son application, son administration ou sa prétendue violation.

 

[9]               Ainsi, à tous les moments pertinents en l’espèce, M. Boissonneault était représenté par un syndicat – le STTP ou l’AOPC – et son emploi était en tout temps régi par les dispositions d’une convention collective.

 

[10]           Néanmoins, M. Boissonneault a intenté la présente action en mai 2007 afin d’obtenir plus de 17 millions de dollars en dommages‑intérêts pour harcèlement professionnel, discrimination, congédiement et divers délits. Il allègue également dans sa déclaration ne pas avoir reçu la rémunération à laquelle il avait droit lorsqu’il était facteur. Le conjoint de M. Boissonneault, M. Hoff, réclame pour sa part des dommages‑intérêts pour ce qui est essentiellement le préjudice qu’il aurait subi à cause de la façon dont M. Boissonneault aurait été traité.

 

[11]           Certaines des allégations ont trait au travail des Services de règlement alternatif des différends de la Commission, notamment lors de la médiation à laquelle ont participé M. Boissonneault et Postes Canada en vue d’un règlement. D’autres allégations concernent le défaut de l’AOPC de prendre les mesures appropriées pour représenter M. Boissonneault.

 

Analyse

[12]           Le paragraphe 221(1) des Règles des Cours fédérales prévoit que la Cour peut radier des actes de procédure, avec ou sans autorisation de les modifier, si elle est convaincue, selon le cas :

(i)                 qu’ils ne révèlent aucune cause d’action ou de défense valable;

(ii)               qu’ils ne sont pas pertinents ou qu’ils sont redondants;

(iii)             qu’ils sont scandaleux, frivoles ou vexatoires;

(iv)             qu’ils risquent de nuire à l’instruction équitable de l’action ou de la retarder;

(v)               qu’ils divergent d’un acte de procédure antérieur;

(vi)             qu’ils constituent autrement un abus de procédure.

 

[13]           Il est bien établi que les tribunaux n’ont aucune compétence pour connaître de questions qui découlent de l’interprétation, de l’application, de l’administration ou d’une prétendue violation d’une convention collective qui renferme une clause d’arbitrage exécutoire. La Cour suprême du Canada a statué dans l’arrêt Weber c. Ontario Hydro (1995), 125 D.L.R. (4th) 583 (CSC), aux pages 603 et 604 :

[…] les litiges qui résultent expressément ou implicitement de la convention collective échappent aux tribunaux […] En résumé, le modèle de la compétence exclusive est tout à fait conforme au libellé du par. 45(1) de la Loi sur les relations de travail […] En outre, il exauce le souhait que la procédure de règlement de litige établie par les diverses lois sur les relations du travail au pays ne soit pas doublée ou minée par des actions concomitantes. Il obéit à une tendance de plus en plus forte à faire preuve de retenue judiciaire à l’égard de la procédure d’arbitrage et de grief et à reconnaître des restrictions corrélatives aux droits des parties d’intenter des actions en justice qui sont parallèles ou se chevauchent […]

 

 

[14]           Il faut tenir compte des principes suivants lorsqu’on détermine si la Cour est dépossédée de sa compétence :

 

1.         l’arbitre des griefs a compétence exclusive sur les litiges qui résultent directement ou indirectement d’une convention collective;

 

            2.         les tribunaux font preuve de retenue lorsqu’ils évaluent si un litige particulier résulte de la convention collective;

 

            3.         l’analyse permettant de savoir si un différend relève, dans son essence, de la convention collective, se fait en deux étapes :

(i)         les tribunaux déterminent l’essence du litige en examinant l’ensemble des faits l’entourant plutôt que sa nature juridique;

(ii)        ils vérifient ensuite si le contexte factuel entre implicitement ou explicitement dans le champ d’application de la convention collective. (Lavigne c. Société canadienne des postes, [2006] A.C.F. no 1689; Bisaillon c. Université Concordia, [2006] 1 R.C.S. 666).

 

[15]           J’estime que l’essence du litige qui oppose les demandeurs à Postes Canada soulève des questions relatives à un prétendu congédiement injustifié, à la rémunération, au paiement d’avantages, à la promotion, à la mutation et à un traitement inapproprié. Ces questions découlent de la relation d’emploi et de l’interprétation, de l’application ou de l’administration de la convention collective conclue entre Postes Canada et le STTP ou entre Postes Canada et l’AOPC. Chacune des conventions collectives prévoit une procédure de grief et d’arbitrage. Par conséquent, c’est cette procédure qui doit être utilisée pour régler ces questions.

 

[16]           Les demandeurs ont plus particulièrement fait les allégations suivantes :

-                      harcèlement sexuel – il en est explicitement question à l’article 49 de la convention collective entre Postes Canada et l’AOPC;

-                      discrimination – il en est expressément question aux articles 43 et 49 de la même convention collective;

-                      congédiement grave ou déguisé – il en est expressément question à l’article 14.10 de la convention collective;

-                      définition de paye injuste – les taux de rémunération et les salaires sont prévus à la partie IV et à l’annexe A de la convention collective entre Postes Canada et l’AOPC, ainsi qu’à l’article 35 et à l’annexe A de la convention collective entre Postes Canada et le STTP;

-                      refus injuste d’accorder une protection en matière de santé et d’avantages sociaux à M. Boissonneault – cette question est visée à l’article 26 de la convention collective entre Postes Canada et l’AOPC;

-                      perte de salaire subie par M. Boissonneault pendant qu’il recevait des prestations d’invalidité de longue durée. Le régime d’assurance‑invalidité, notamment le droit à des prestations d’invalidité de longue durée, est incorporé par renvoi à l’article 26 de la convention collective entre Postes Canada et l’AOPC. Les salaires et les taux de rémunération sont prévus à l’annexe A de la convention collective entre Postes Canada et l’AOPC;

-                      perte d’une possibilité de promotion ou mutation inappropriée subie par M. Boissonneault. Il est question des promotions et des mutations à l’article 43 de la convention collective de l’AOPC.

 

[17]           En ce qui concerne l’AOPC, toute plainte ou tout différend fondé sur le fait qu’elle n’aurait pas utilisé la procédure de grief ou d’arbitrage pour soutenir de façon appropriée ses réclamations ou qu’elle aurait d’une autre façon refusé d’apporter l’aide qu’elle devait fournir peut seulement prendre la forme d’une allégation de manquement au devoir de juste représentation.

 

[18]           En ce qui concerne la Commission, toute plainte ou tout différend fondé sur le fait que sa décision ou ses décisions n’auraient pas été valablement rendues ou seraient erronées ou inopportunes peut seulement faire l’objet d’une demande de contrôle judiciaire (Canada c. Grenier, 2005 CAF 348).

 

[19]           Pour ce qui est des prétentions de M. Hoff, il ressort clairement de l’acte de procédure que, peu importe le montant des dommages‑intérêts qu’il réclame, ceux‑ci découlent des différends qui opposent M. Boissonneault et Postes Canada, M. Boissonneault et ses syndicats, actuel et ancien, ainsi que M. Boissonneault et la Commission ou ses Services de règlement alternatif des différends. M. Hoff n’a jamais été un employé de Postes Canada, ni un membre de l’AOPC. La déclaration ne révèle aucune cause d’action indépendante ou raisonnable que M. Hoff pourrait faire valoir contre l’un ou l’autre des défendeurs.

 

ORDONNANCE

 

            LA COUR ORDONNE :

 

1.                  La déclaration est radiée, sans autorisation de la modifier.

 

2.                  L’action est rejetée.

 

3.                  Si l’un des défendeurs réclame les dépens et que les parties sont incapables de s’entendre, elles peuvent déposer des observations écrites ne dépassant pas trois (3) pages, dans les vingt (20) jours suivant la date de la présente ordonnance.

 

                                                                                                              « Martha Milczynski »

Protonotaire

 

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

 

Christian Laroche


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

DOSSIER :                                              T-818-07

 

INTITULÉ :                                            DENNIS BOISSONNEAULT

                                                                  et RODNEY LLOYD HOFF

                                                                  c.

LA SOCIÉTÉ CANADIENNE DES POSTES, L’ASSOCIATION DES OFFICIERS DES POSTES DU CANADA, LES SERVICES DE RÈGLEMENT ALTERNATIF DES DIFFÉRENDS et (LA COMMISSION CANADIENNE DES DROITS DE LA PERSONNE)

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                    TORONTO (ONTARIO)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                   LE 25 JUIN 2007

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE :       LA PROTONOTAIRE MILCZYNSKI

 

DATE DES MOTIFS :                           LE 22 OCTOBRE 2007

 

COMPARUTIONS :

 

Dennis Boissonneault

Rodney Lloyd Hoff

 

        POUR LES DEMANDEURS

Reuben East

 

 

Paul Marshall

 

Natash Savoline

        POUR LE DÉFENDEUR

        (Les Services de règlement alternatif des différends (La CCDP))

        POUR LA DÉFENDERESSE

        (L’Association des officiers des postes du Canada)

        POUR LA DÉFENDERESSE

        (La Société canadienne des postes)

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Pour leur propre compte

 

          POUR LES DEMANDEURS

Filion Wakely Thorup Angeletti LLP

Toronto (Ontario)

Daniel Pagowski

Toronto (Ontario)

 

Emond Harnden LLP

Ottawa (Ontario)

Toronto (Ontario)

         POUR LA DÉFENDERESSE

         (La Société canadienne des postes)

        

         POUR LE DÉFENDEUR

         (Les Services de règlement alternatif des          différends (La CCDP))

         POUR LA DÉFENDERESSE

          (L’Association des officiers des postes du           Canada)

 

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