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Date : 20071026

Dossier : T-484-06

Référence : 2007 CF 1112

[TRADUCTION FRANÇAISE]

ENTRE :

BANK OF THE WEST,

personne morale ayant son siège social à Walnut Creek, en Californie, aux États-Unis

 

demanderesse

et

 

LE NAVIRE SCARAB DE 26 PI DE WELLCRAFT

 WELDGA281596 et DARRIN GOODALL, et

LES SOUSCRIPTEURS DU LLOYD'S et LES PROPRIÉTAIRES ainsi que

TOUTES LES AUTRES PERSONNES AYANT UN DROIT SUR LE NAVIRE WELDGA281596

 

défendeurs

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE

LA JUGE MACTAVISH

 

  • [1] Il s’agit d’un appel d'une décision d’un protonotaire refusant à l’assureur des défendeurs l’autorisation de modifier sa défense pour invoquer un délai de prescription contenu dans une police d’assurance maritime.

 

  • [2] À la fin de l'audition de l’appel, j'ai informé les avocats que l’appel serait accueilli. Voici mes motifs à l'appui de cette décision.

 

Norme de contrôle

  • [3] Dans la mesure où la norme de contrôle relative au bien-fondé de la décision du protonotaire est concernée, lorsqu'une ordonnance discrétionnaire d'un protonotaire est déterminante pour l’issue d’une affaire, la décision doit être révisée de novo : voir Merck & Co. Inc. c. Apotex Inc., [2003] ACF no 1925, 2003 CAF 488, aux paragraphes 18 et 19.

 

  • [4] Toutefois, lorsque la décision faisant l’objet du contrôle n’est pas déterminante pour l’issue de l’affaire, elle ne doit pas être modifiée en appel à moins que l’ordonnance soit entachée d’une erreur flagrante, en ce sens que le protonotaire a exercé son pouvoir discrétionnaire en vertu d’un mauvais principe ou d’une mauvaise appréciation des faits : Merck, au paragraphe 19.

 

  • [5] Quant au genre de questions qui sont déterminantes pour l’issue d'une l'affaire, Merck indique que le critère est strict. Dans la décision James River Corporation of Virginia v. Hallmark Cards (1997), 72 C.P.R. (3d) 157 (F.C.T.D.), la juge Reed a donné des exemples de questions qui sont considérées comme déterminantes. Cette liste comprend une décision refusant qu’une modification soit apportée à un acte de procédure [à la page 160].

 

  • [6] En l'espèce, la modification proposée ajoute un moyen de défense entièrement nouveau, lequel est directement lié à la question en litige dans le cas en l'espèce, soit la responsabilité de l’assureur des défendeurs envers l’appelante, en vertu de la police d’assurance. En conséquence, je suis d'avis que la décision du protonotaire devrait être révisée de novo.

 

  • [7] Quoi qu’il en soit, le défaut du protonotaire de motiver sa décision demande également que j’exerce mon pouvoir discrétionnaire de novo. Bien qu’une seule absence de motifs ne donne pas automatiquement ouverture à une audition de novo d’un appel interjeté contre la décision d’un protonotaire (voir Anchor Brewing Co. c. Sleeman Brewing & Malting Co. Ltd., 2001 CFPI 1066), en l’espèce, je ne suis pas en mesure de déterminer, à partir du dossier qui m’a été présenté, si le protonotaire a agi en vertu d’un mauvais principe ou d’une mauvaise appréciation des faits.

 

  • [8] Enfin, je suis consciente du fait que le protonotaire agissait à titre de gestionnaire de l’instance en rendant la décision en litige, ce qui imposerait habituellement davantage de retenue : voir Apotex inc. c. Merck & Co. inc., 2007 CF 250. Toutefois, il ne s’agit pas d’une affaire pour laquelle le protonotaire gérait le dossier depuis longtemps, puisqu’il venait d’être nommé comme gestionnaire de cette instance, et il s’était produit très peu de choses au dossier jusqu’à ce qu’il rende la décision en cause.

 

  • [9] En conséquence, j’entends examiner de novo la requête en autorisation de modification de l’assureur des défendeurs.

 

Analyse

  • [10] Pour pouvoir autoriser la modification de la défense de l’assureur des défendeurs, la Cour doit avant tout être convaincue que la modification proposée soulève une question à instruire : se reporter à l’arrêt Merck & Co. Inc. c. Apotex inc., précité, au paragraphe 39. En l'espèce, il est reconnu que le moyen de défense proposé relatif au délai de prescription soulève une question à instruire.

  • [11] Les principes généraux régissant la modification des actes de procédure sont établis dans l’arrêt Canderel Ltd v. Canada, [1994] 1 F.C. 3 (F.C.A.), où le juge Décary a observé ce qui suit :
    [traduction]

[M]ême s'il est impossible d'énumérer tous les facteurs dont un juge doit tenir compte en décidant s'il est juste, dans une situation donnée, d'autoriser une modification, la règle générale est qu'une modification devrait être autorisée à tout stade de l'action aux fins de déterminer les véritables questions litigieuses entre les parties, pourvu, notamment, que cette autorisation ne cause pas d'injustice à l'autre partie que des dépens ne pourraient réparer, et qu'elle serve les intérêts de la justice. [Non en gras dans l’original.]

 

 

  • [12] Les facteurs pertinents à prendre en compte pour déterminer si un préjudice non indemnisable serait subi par l’autre partie, en raison d’une modification, sont notamment le stade auquel en est l’instance lorsque la modification est demandée, la mesure dans laquelle la modification retarde la tenue rapide de l’instruction, la mesure dans laquelle la thèse adoptée à l’origine par la partie cherchant à obtenir l’autorisation de modification a amené l’autre partie à suivre une ligne de conduite qu'il serait difficile de modifier et, enfin, la question de savoir si la modification facilitera l'examen par la Cour du fond de l’action : voir Valentino Gennarini SRL c. Andromeda Navigation Inc. (2003), 232 F.T.R. 256, et à Scannar Industries Inc. (Receiver of) v. Canada (Minister of National Revenue) (1994), 172 N.R. 313 (F.C.A.).

 

  • [13] Bien qu’environ 14 mois se soient écoulés depuis que l’assureur des défendeurs a déposé sa défense originale, l’instance n’a pas avancé de manière importante depuis ce temps. Il y a eu échange d’affidavits de documents, mais les interrogatoires préalables n’ont pas encore commencé. En conséquence, je ne suis pas convaincue que la thèse adoptée à l'origine par l’assureur des défendeurs, en l'espèce, a amené la demanderesse à suivre une ligne de conduite qu'il serait difficile de modifier.

  • [14] En outre, l’avocat de la demanderesse n’a pas indiqué que sa cliente subirait un préjudice que des dépens ne pourraient réparer, si la modification est autorisée.

 

  • [15] La demanderesse prétend que l’autorisation de modification retardera vraisemblablement le procès dans le cas en l'espèce, puisqu’il est probable que l’assureur des défendeurs déposera une requête en vue d’obtenir un jugement sommaire, à la suite de la modification. Bien entendu, la réponse à cette prétention veut qu’une requête en vue d’obtenir un jugement sommaire puisse entraîner la résolution rapide et plus économique de l’ensemble de l’affaire.

 

  • [16] Dans ces circonstances, les intérêts de la justice sont mieux servis par l’autorisation de la modification. En conséquence, l’appel est accueilli, et l’assureur des défendeurs est autorisé à déposer sa défense modifiée.

 

  • [17] La demanderesse aura droit à ses dépens engagés inutilement, calculés selon les principes établis de l'adjudication. Les parties disposeront d’un délai de 10 jours pour parvenir à un accord sur la question des dépens. Si les parties ne parviennent pas à un accord, chacune d’entre elles disposera alors d’un délai d’une semaine pour signifier et déposer des observations écrites concernant les dépens. Ensuite, chacune des parties disposera d’une autre semaine pour signifier et déposer des observations en réponse.

 

 

   

« Anne Mactavish »

Juge

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :  T-484-06

 

INTITULÉ :  BANK OF THE WEST c.

  LE NAVIRE SCARAB DE 26 PI DE WELLCRAFT ET AL.

 

LIEU DE L'AUDIENCE :  ST. JOHN’S (TERRE-NEUVE-ET-LABRADOR)

 

DATE DE L’AUDIENCE :  LE 25 OCTOBRE 2007

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE :  LA JUGE MACTAVISH

 

DATE DES MOTIFS :  LE 26 OCTOBRE 2007

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

James D. Youden   POUR LA DEMANDERESSE

 

Douglas B. Skinner   POUR LES DÉFENDEURS

SOUSCRIPTEURS DU LLOYD'S

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

METCALF & COMPANY  POUR LA DEMANDERESSE

Halifax (Nouvelle-Écosse)

 

MCINNES COOPER  POUR LES DÉFENDEURS

St. John’s (Terre-Neuve-et-Labrador)  SOUSCRIPTEURS DU LLOYD'S

 

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