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Date : 20071017

Dossier : IMM-3001-06

Référence : 2007 CF 1060

Toronto (Ontario), le 17 octobre 2007

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE O'REILLY

 

 

ENTRE :

MD ABUL BASHAR

et SHAHEDA AKHTER

demandeurs

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               En 2006, un tribunal de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié a rejeté les demandes d’asile présentées par M. Bashar et par MmeAkther. Étant donné qu’ils sont mariés, leurs demandes ont été examinées lors d’une audience conjointe; leur mariage a eu lieu au Canada peu de temps après qu’ils furent arrivés séparément du Bengladesh en 2003. Ils ont plaidé des moyens semblables pour justifier leur crainte de persécutions politiques au Bengladesh, et ce, même s’ils avaient affirmé qu’ils ne se connaissaient pas avant de faire connaissance au Canada.

 

[2]               Lors d’une audience tenue le 5 décembre 2005, parmi les éléments de preuve dont disposait la Commission se trouvaient des documents qui avaient été saisis au centre de courrier des Douanes du Canada en 2004 et communiqués aux demandeurs plusieurs mois avant l’audience. En réponse à cette preuve, les demandeurs ont déposé un affidavit signé par le père de Mme Akhter. Lors de l’audience, ils ont invoqué un privilège relatif à la preuve et la violation de leurs droits garantis par la Charte canadienne des droits et libertés pour contester le dépôt de la preuve qui avait été saisie. La Commission a ajourné l’audience pour que le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration puisse recevoir un avis écrit adéquat concernant les questions en litige et pour qu’un avis de question constitutionnelle puisse être signifié. L’avocat des demandeurs s’est engagé à fournir les documents nécessaires au plus tard le 12 décembre 2005. L’audience a été reportée au mercredi 22 mars 2006.

 

[3]               Malgré les lettres de rappel, l’avocat des demandeurs n’a signifié l’avis de question constitutionnelle que le lundi 13 mars 2006. Il a déposé des documents supplémentaires à l’appui de sa requête le vendredi 17 mars 2006. L’avocat du ministre a demandé un autre ajournement de l’audience pour pouvoir préparer une réponse adéquate. La Commission a convoqué les parties à la date qui avait été prévue pour l’audience et elle a procédé à l’audition des arguments concernant la question de savoir si elle devait prendre en considération les arguments des demandeurs relativement à la preuve contestée. La Commission a conclu que l’audition de ces arguments n’aurait pas lieu, au motif que les demandeurs ne s’étaient pas conformés aux Règles de la Section de la protection des réfugiés (DORS/2002‑228) (les Règles) sans en expliquer la raison. La Commission a ensuite procédé à l’audition des moyens relatifs à la demande d’asile des demandeurs et, en l’absence d’éléments de preuve crédibles, elle les a rejetés. Pour rendre sa décision, elle a apprécié la preuve contestée déposée par le ministre et celle déposée en réponse par les demandeurs.

 

[4]               Les demandeurs soutiennent qu’ils ont été traités injustement par la Commission et qu’elle a omis de prendre en considération des éléments de preuve importants qui étayent leurs demandes. Cependant, je ne peux trouver de fondement pour infirmer la décision de la Commission et je devrai donc rejeter la demande de contrôle judiciaire. 

 

I.       Les questions en litige

1.                  La Commission a‑t‑elle traité injustement les demandeurs?

2.                  La Commission a-t-elle commis une erreur dans l’appréciation de la preuve?

 

II.    Analyse

 

1.      La Commission a‑t‑elle traité injustement les demandeurs?

 

[5]               Les demandeurs soutiennent que la Commission a injustement refusé de prendre en considération leurs arguments, faisant ainsi preuve de partialité.

 

[6]               La décision de la Commission de ne pas procéder à l’audition de la question constitutionnelle soulevée par les demandeurs est fondée sur l’article 59 des Règles. Le paragraphe 59(4) prescrit que l’avis de question constitutionnelle doit être reçu par ses destinataires au plus tard dix jours avant la date à laquelle la question constitutionnelle doit être débattue. Les demandeurs ont signifié leur avis neuf jours avant l’audience. Leurs observations écrites ont été signifiées un vendredi, cinq jours avant l’audience, trois mois après la date à laquelle ils s’étaient engagés à le faire.

 

[7]               Dans les circonstances, je ne constate aucune injustice dans la décision de la Commission. Pour être en mesure de bien analyser les questions en litige, la Commission aurait dû suspendre l’audience de nouveau, laquelle avait déjà été reportée de trois mois pour rendre service aux demandeurs. En vertu de l’article 69 des Règles, la Commission a le pouvoir de proroger ou d’abréger un délai. Dans la présente affaire, la Commission a accepté l’échéancier proposé par l’avocat des demandeurs. Il n’était donc pas injuste de conclure que les demandeurs n’avaient pas fourni à temps l’avis relatif aux questions dont ils souhaitaient débattre.

 

[8]               Les demandeurs soutiennent également que la Commission aurait dû leur permettre de présenter un argument fondé sur la common law. Le dossier révèle que la Commission souhaitait que le ministre reçoive un avis des questions que les demandeurs voulaient soulever, que ce soit ou non des questions constitutionnelles. Bien qu’il fût une partie à l’instance, le ministre n’était pas représenté lors de l’audience de décembre 2005 lorsque les demandeurs ont soulevé ces questions pour la première fois. La Commission était d’opinion qu’elle ne pouvait pas poursuivre l’audience sans que le ministre ait reçu un avis et qu’il ait eu l’occasion de présenter des observations adéquates. C’est sur ce fondement et en raison de l’engagement pris par l’avocat des demandeurs que la Commission a accordé l’ajournement de l’audience. La Commission a fait remarquer à l’avocat des demandeurs qu’il aurait dû fournir un avis écrit de la demande, comme l’exige les Règles, et ce, même si elle n’avait pas un fondement constitutionnel (les articles 43 et 44). Encore une fois, dans les circonstances, il n’y avait rien d’injuste dans la décision de la Commission.

 

[9]               Enfin, les demandeurs ont allégué que la conduite de la Commission soulève une crainte raisonnable de partialité. J’ai examiné la transcription de l’audience et je n’ai pu déceler aucun fondement à l’appui de cette allégation. À une occasion, l’avocat des demandeurs a affirmé qu’il n’aimait pas le « ton » employé par la Commission, ce qui ne constitue pas un fondement adéquat permettant d’appliquer le critère de crainte raisonnable de partialité.

 

2.      La Commission a-t-elle commis une erreur dans l’appréciation de la preuve?

 

[10]           La Commission a énoncé de nombreux motifs pour lesquels elle ne croyait pas la version des faits des demandeurs. Cependant, elle a affirmé que le motif principal pour lequel elle rejetait leurs demandes découlait des documents saisis.

[11]           La Commission a noté qu’en décembre 2004 les demandeurs avaient fourni un certain nombre de documents à l’appui de leurs demandes. Parmi ces documents se trouvaient des lettres d’appui de la Ligue Awani (la Ligue) et de l’avocat de Mme Akhter au Bengladesh. Plus tôt cette année‑là, le ministre avait saisi des documents envoyés aux demandeurs par le père de Mme Akhter parmi lesquels il avait trouvé une lettre et quelques articles de papeterie de la Ligue, ainsi qu’une feuille blanche à en‑tête de l’avocat de Mme Akhter comportant une date manuscrite de même que sa signature au bas de la page. Une lettre d’accompagnement du père de Mme Akhter donnait des instructions concernant l’utilisation des documents qu’il leur avait fournis pour renforcer leurs demandes.

[12]           La Commission a comparé les documents saisis aux autres éléments de preuve déposés par les demandeurs et conclu qu’ils avaient clairement eu l’intention de présenter des documents frauduleux à l’appui de leurs demandes. Elle n’a donc accordé aucune valeur aux documents sur lesquels se fondaient les demandeurs. Je ne peux déceler aucune erreur dans l’évaluation qu’a effectuée la Commission de la preuve dont elle disposait.

 

[13]           Les demandeurs soutiennent qu’il y avait quelques documents supplémentaires à l’appui de leurs demandes dont la Commission aurait dû tenir compte malgré le rejet des autres documents. De nouveau, je ne relève aucune erreur dans la conclusion de la Commission selon laquelle la crédibilité des demandeurs avait été minée de façon tellement grave qu’elle ne pouvait accorder de valeur au reste de la preuve.

[14]           Je devrai donc rejeter la présente demande de contrôle judiciaire. Je prendrai en considération toute demande relative à une question certifiée déposée dans les dix jours du prononcé du jugement. 


JUGEMENT

 

LA COUR ORDONNE que :

 

1.                  la demande de contrôle judiciaire soit rejetée;

 

2.                  toute demande relative à une question certifiée soit déposée dans les dix jours du prononcé du présent jugement.

 

« James W. O’Reilly »

Juge

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

 

Jacques Deschênes, LL.B.


Annexe

 

Règles de la Section de la protection des réfugiés, DORS/2002-228

DEMANDES

Disposition générale

  43. Sauf indication contraire des présentes règles :

a) la partie qui veut que la Section statue sur toute question soulevée dans le cadre d'une procédure, notamment sur le déroulement de celle-ci, lui en fait la demande selon la règle 44;

b) celle qui veut répondre à la demande le fait selon la règle 45;

c) celle qui veut répliquer à la réponse le fait selon la règle 46.

Comment faire une demande

Forme de la demande et délai

  44. (1) Sauf indication contraire des présentes règles, toute demande est faite sans délai par écrit. La Section peut permettre que la demande soit faite oralement pendant une procédure si la partie n'aurait pu, malgré des efforts raisonnables, le faire par écrit avant la procédure.

 

Contenu de la demande

(2) Dans sa demande écrite, sauf indication contraire des présentes règles, la partie :

a) énonce la décision recherchée;

b) énonce les raisons pour lesquelles la Section devrait rendre cette décision;

c) indique si l'autre partie, le cas échéant, consent à la demande, dans le cas où elle connaît l'opinion de cette autre partie.

 

Affidavit ou déclaration solennelle

(3) Sauf indication contraire des présentes règles, la partie énonce dans un affidavit ou une déclaration solennelle qu'elle joint à sa demande écrite tout élément de preuve qu'elle veut soumettre à l'examen de la Section.

 

Transmission de la demande

(4) La partie qui fait une demande par écrit transmet :

a) à l'autre partie, le cas échéant, une copie de la demande et, selon le cas, de l'affidavit ou de la déclaration solennelle;

b) à la Section, l'original de la demande et, selon le cas, de l'affidavit ou de la déclaration solennelle, ainsi qu'une déclaration écrite indiquant à quel moment et de quelle façon une copie de ces documents a été transmise à l'autre partie, le cas échéant.

Avis de question constitutionnelle

  59. (1) La partie qui veut contester la validité, l'applicabilité ou l'effet, sur le plan constitutionnel, d'une disposition législative établit un avis de question constitutionnelle.

 

Forme et contenu de l'avis

(2) La partie établit son avis soit selon la formule 69 des Règles de la Cour fédérale (1998) intitulée « Avis de question constitutionnelle », soit selon toute autre formule comportant :

a) le nom de la partie;

b) le numéro du dossier de la Section;

c) les date, heure et lieu de l'audience;

d) la disposition législative contestée;

e) les faits pertinents à l'appui de la contestation;

f) un résumé du fondement juridique de la contestation.

 

 

Transmission de l'avis

(3) La partie transmet :

a) au procureur général du Canada et au procureur général de chaque province et territoire du Canada, en conformité avec l'article 57 de la Loi sur la Cour fédérale, une copie de l'avis;

b) au ministre une copie de l'avis;

c) à toute autre partie une copie de l'avis;

d) à la Section l'original de l'avis, ainsi qu'une déclaration écrite indiquant à quel moment et de quelle façon une copie de l'avis a été transmise aux destinataires visés aux alinéas a) à c).

 

 

 

Délai

(4) Les documents transmis selon la présente règle doivent être reçus par leurs destinataires au plus tard dix jours avant la date à laquelle la question constitutionnelle doit être débattue.

 

 

Pouvoirs de la Section

  69. La Section peut :

a) agir de sa propre initiative sans qu'une partie n'ait à lui présenter une demande;

b) modifier une exigence d'une règle;

c) permettre à une partie de ne pas suivre une règle;

d) proroger ou abréger un délai avant ou après son expiration.

 

 

 

Refugee Protection Division Rules, SOR/2002-228

 

APPLICATIONS

General provision

  43. Unless these Rules provide otherwise

(a) a party who wants the Division to make a decision on any matter in a proceeding, including the procedure to be followed, must make an application to the Division under rule 44;

(b) a party who wants to respond to the application must respond under rule 45; and

(c) a party who wants to reply to a response must reply under rule 46.

 

How to Make an Application

Form of application and time limit

  44. (1) Unless these Rules provide otherwise, an application must be made in writing and without delay. The Division may allow a party to make an application orally at a proceeding if the party with reasonable effort could not have made a written application before the proceeding.

 

Content of application

(2) Unless these Rules provide otherwise, in a written application the party must

(a) state what decision the party wants the Division to make;

(b) give reasons why the Division should make that decision; and

(c) if there is another party and the views of that party are known, state whether the other party agrees to the application.

 

Affidavit or statutory declaration

(3) Unless these Rules provide otherwise, any evidence that the party wants the Division to consider with a written application must be given in an affidavit or statutory declaration that accompanies the application.

 

Providing the application to another party and the Division

(4) A party who makes a written application must provide

(a) to any other party, a copy of the application and any affidavit or statutory declaration; and

(b) to the Division, the original application and any affidavit or statutory declaration, together with a written statement of how and when the party provided the copy to any other party.

 

Notice of constitutional question

  59. (1) A party who wants to challenge the constitutional validity, applicability or operability of a legislative provision must complete a notice of constitutional question.

Form and content of notice

(2) The party must provide notice using either Form 69, "Notice of Constitutional Question", set out in the Federal Court Rules, 1998, or any other form that includes

(a) the name of the party;

(b) the Division file number;

(c) the date, time and place of the hearing;

(d) the specific legislative provision that is being challenged;

(e) the relevant facts relied on to support the constitutional challenge; and

(f) a summary of the legal argument to be made in support of the constitutional challenge.

 

Providing the notice

(3) The party must provide

(a) a copy of the notice of constitutional question to the Attorney General of Canada and to the attorney general of every province and territory of Canada, in accordance with section 57 of the Federal Court Act;

(b) a copy of the notice to the Minister;

(c) a copy of the notice to any other party; and

(d) the original notice to the Division, together with a written statement of how and when a copy of the notice was provided under paragraphs (a) to (c).

 

Time limit

(4) Documents provided under this rule must be received by their recipients no later than 10 days before the day the constitutional argument will be made.

 

Powers of the Division

  69. The Division may

(a) act on its own initiative, without a party having to make an application or request to the Division;

(b) change a requirement of a rule;

(c) excuse a person from a requirement of a rule; and

(d) extend or shorten a time limit, before or after the time limit has passed.

 

 

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                                    IMM-3001-06

 

INTITULÉ :                                                   MD ABUL BASHAR, ET AL. c. LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                             TORONTO (ONTARIO)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                           LE 12 JUIN 2007

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                                          LE JUGE O’REILLY

 

DATE DES MOTIFS :                                  LE 17 OCTOBRE 2007

 

COMPARUTIONS :

 

Amina Sherazee

 

POUR LES DEMANDEURS

 

 

Alexis Singer

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Rocco Galati cabinet d’avocats

Professional Corporation

Toronto (Ontario)

 

POUR LES DEMANDEURS

 

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

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