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Date : 20070924

Dossier : IMM-4502-06

Référence : 2007 CF 952

Ottawa (Ontario), le 24 septembre 2007

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE BARNES :

 

 

ENTRE :

JOSIAH OSALADE

demandeur

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

défendeur

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               J’ai exposé oralement les présents motifs du jugement à l’audience, à Toronto, le 13 septembre 2007.

 

[2]               Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire présentée par Josiah Osalade d’une décision de la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (la Commission) rendue le 25 juillet 2006.

 

[3]               M. Osalade est un citoyen du Nigeria. Il a présenté une demande d’asile au Canada sur le fondement qu’il craignait d’être persécuté du fait de ses opinions politiques en raison d’une fausse perception de la part des autorités nigérianes selon laquelle il était membre du Ooduwa People's Congress (le OPC).

 

[4]               M. Osalade a affirmé dans son témoignage et dans son formulaire de renseignements personnels (le FRP) qu’il était un homme d’affaires exploitant un magasin près du Century Hotel à Lagos, au Nigeria. Il a indiqué que le 3 novembre 2005, il avait entendu un bruit et était sorti de son magasin. Une fois à l’extérieur, trois policiers l’avaient mis en état d’arrestation au motif qu’il était membre du OPC. M. Osalade a affirmé avoir été apporté à un poste de police où il a été torturé et battu. Cependant, aucune accusation n’a jamais été portée contre lui. Il a affirmé qu’après quelques jours, il a rencontré un policier compatissant dont son oncle avait réussi à acheter le silence, ce qui a mené à sa mise en liberté le 4 décembre 2005. Il a alors fui au Canada. Il allègue que tous ses documents ont été saisis à la frontière.

 

[5]               Le dossier contient de la preuve médiatique et documentaire selon laquelle une descente de police a en effet eu lieu au Century Hotel, le 2 novembre 2005, et un nombre de présumés membres du OPC y ont été arrêtés. Dans son témoignage, M. Osalade a affirmé qu’il avait été mis en état d’arrestation le jour même de cette descente et que la police pensait manifestement qu’il s’était enfui de l’hôtel.

 

[6]               M. Osalade a eu l’occasion, lors de son témoignage devant la Commission, de rectifier la date indiquée dans son récit, mais il a soutenu avoir été arrêté le 3 novembre 2005. Il a affirmé que la date mentionnée dans les journaux était fausse.

 

[7]               M. Osalade allègue dans la présente demande que la Commission a tiré des conclusions de fait manifestement déraisonnables en rejetant son témoignage. Il soutient que la Commission aurait dû tenir compte de la possibilité qu’il y ait eu deux descentes de police, mais qu’une seule ait été rapportée par les médias.

 

[8]               Je ne partage pas l’avis voulant que la Commission ait commis des erreurs de fait manifestement déraisonnables dans sa décision.

 

[9]               Il est manifeste des circonstances entourant la preuve présentée par M. Osalade qu’il alléguait s’être trouvé au milieu d’une descente de police, au Century Hotel, visant les membres de l’OPC étant considérés comme des suspects dans le meurtre d’un policier. Comme M. Osalade se trouvait à proximité de l’hôtel au moment de la descente, il alléguait avoir été arrêté au motif qu’on le soupçonnait d’être un membre de l’OPC. Dans le dossier de l’interrogatoire au point d’entrée, M. Osalade a décrit l’événement comme suit :

[traduction]

 

J’ai été détenu par la police qui me soupçonne d’être un membre de l’OPC. Mon magasin se situe près du Century Hotel et pendant que ce dernier faisait l’objet d’une descente de police le 3 novembre 2005, j’ai été arrêté et détenu pendant un mois.

 

 

[10]           L’événement en question a été décrit plus amplement dans le passage suivant tiré du FRP de M. Osalade :

 

[traduction]

 

Jeudi le 3e jour de novembre 2005, je venais d’ouvrir mon magasin où je vends des matériaux de construction, lorsque j’ai entendu plusieurs coups de feu et diverses personnes courant dans tous les sens. En sortant de mon magasin pour voir ce qui se passait, j’ai été abordé par les hommes de la police nigériane qui m’ont arrêté et m’ont demandé d’où j’arrivais, qu’elle était ma profession et où j’habitais. Je leur ai poliment répondu que j’étais un commerçant vendant des matériaux de construction et je leur ai montré du doigt l’endroit où se trouvait mon magasin. Je leur ai aussi dit que j’ouvrais le magasin pour les affaires quotidiennes. À mon étonnement, on m’a répliqué par une série de gifles et mes mains ont immédiatement été menottées par les policiers affirmant qu’ils étaient dans ma région afin d’arrêter les membres de l’OPC qui étaient responsables de nombreux actes de violence et atrocités, comme le meurtre récent d’un policier et la participation dans le grabuge récent lyana-Ipaja. Je les ai suppliés, leur affirmant que j’étais une personne respectueuse des lois qui accomplissait ses tâches quotidiennes de façon respectueuse et diligente, mais en vain. J’ai été battu, maltraité et on m’a détenu. En raison du taux de criminalité à la hausse au pays, les gens de différentes régions et communautés ont mis leur argent en commun et ont acheté des armes pour des groupes de justiciers, afin qu’ils les protègent des vols à main armée et d’autres types de crimes répandus dans la société nigériane, étant donné que la police nigériane n’avait pas été en mesure de protéger le pays à cet égard. D’autres commerçants et moi, vendeurs dans la région, ont été mis en état d’arrestation par la police et emmenés au poste où nous avons ensuite été détenus et emprisonnés dans différentes cellules dans des conditions inhumaines. J’ai supplié les policiers, leur expliquant que je n’avais pas été présent au Century Hotel et que je n’étais ni un membre de l’OPC, ni un membre des groupes de justiciers mis sur pied pour protéger la région, mais en vain, car j’ai été gravement battu et torturé par la police.

 

[Cité du texte original.]

 

 

[11]           À l’audience tenue par la Commission, M. Osalade a été interrogé en détail au sujet des circonstances entourant sa prétendue détention et, de nouveau, il a affirmé que cette dernière était liée à la descente de police ayant eu lieu au Century Hotel, le 3 novembre 2005. Cependant, lorsqu’on lui a montré deux articles de journal déclarant que la descente à l’hôtel et les arrestations y étant liées avaient eu lieu le 2 novembre 2005, il a répliqué que les reportages étaient erronés. Voici le témoignage en question :

[traduction]

 

Demandeur :  Non, non - - Je suis à ce point certain du moment où j’ai été arrêté, car cela a été un des événements les plus importants de ma vie. Alors, il y a eu une descente au Century Hotel le 3e jour de novembre et c’est alors que j’ai été arrêté. Il n’est pas possible que cela se soit passé autrement, car c’est précisément le moment où j’ai été détenu. Si The Vanguard a commis une erreur, je ne veux pas le défendre, mais je suis entièrement certain d’avoir été détenu le 3e jour de novembre.

 

[…]

 

Demandeur :  Ce n’est pas mon explication; ce n’est pas comment je vois la situation. La descente s’est produite et les gens ont fui l’hôtel - - les gens ont fui l’hôtel et la police se doutait qu’ils agiraient ainsi, mais croyait qu’ils s’étaient cachés dans différentes maisons. Comme mon magasin se situait près du Century Hotel, j’imagine que c’est pourquoi j’ai été une victime des circonstances.

 

 

On allègue maintenant que l’arrestation de M. Osalade aurait eu lieu lors d’une deuxième descente de police le jour suivant celle au Century Hotel et que la Commission a commis une erreur en omettant de tenir compte de ce fait comme une explication raisonnable des dates contradictoires. Cet argument n’est fondé sur aucune preuve et est en fait entièrement incompatible avec la preuve présentée par M. Osalade. À l’audience devant la Commission, en affirmant que son arrestation avait eu lieu le jour suivant la descente à l’hôtel, le demandeur n’a pas tenté d’expliquer les contradictions entre les dates en question. Il a affirmé être une victime innocente qui a été prise dans un événement ayant eu lieu le 3 novembre 2005. Les reportages des journaux indiquent qu’il s’agissait d’un incident notoire, et M. Osalade allègue y avoir été mêlé. Si la police avait procédé à deux descentes au Century Hotel deux jours de suite, il est raisonnable de s’attendre à ce que M. Osalade en aurait été au courant. Toutefois, il a parlé d’un événement qui s’était produit un jour précis. Il était également entièrement raisonnable pour la Commission de rejeter la suggestion de M. Osalade, tirée de son témoignage, selon laquelle deux différents journaux auraient commis la même erreur quant à la date de l’événement.

 

[12]           De plus, la Commission n’a pas commis d’erreur en omettant de tenir compte de la possibilité maintenant présentée selon laquelle il y aurait eu deux descentes de police. Comme souligné ci-dessus, cet argument est entièrement incompatible avec la preuve de M. Osalade et en discuter même de façon hypothétique équivaudrait à en tenir compte sans raison valable.

 

[13]           Certaines des autres contestations de M. Osalade, visant les conclusions de fait de la Commission et celles qu’elle a tirées relativement à la crédibilité, étaient fondées sur la même affirmation injustifiée voulant que la police ait procédé à deux descentes distinctes. M. Osalade dit que cela expliquerait par exemple les contradictions entre son récit et les reportages de journaux en ce qui concerne le lieu de sa détention et l’heure des arrestations. De toute évidence, ces contestations ne peuvent pas être retenues pour les motifs susmentionnés.

 

[14]           Les explications offertes par M. Osalade pour tenter de justifier les contradictions soulevées par la Commission à l’égard de la preuve qu’il a présentée ne constituent qu’une nouvelle plaidoirie de son dossier. Il était loisible à la Commission de critiquer les contradictions dans la preuve du demandeur et son omission de présenter de la preuve fiable établissant l’existence du magasin qu’il aurait exploité. Il s’agit de questions qui portent sur le poids à accorder à la preuve et qui ne peuvent pas être contestées lors d’un contrôle judiciaire.

 

[15]           Pour tous les motifs susmentionnés, la présente demande de contrôle judiciaire est rejetée.

 

[16]           Ni l’une ni l’autre des parties n’a proposé de question aux fins de certification et aucune question de portée générale n’est soulevée en l’espèce. 

 


 

JUGEMENT

 

            LA COUR STATUE que la présente demande de contrôle judiciaire est rejetée.

 

 

 

« R. L. Barnes »

Juge

 

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Jacques Deschênes, LL.B.

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                                                              IMM-4502-06

 

INTITULÉ :                                                                             JOSIAH OSALADE

                                                                                                  c.

                                                            LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                                                      TORONTO

 

DATE DE L’AUDIENCE :                                                     LE 13 SEPTEMBRE 2007

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                                                                   LE JUGE BARNES

 

DATE DES MOTIFS :                                                           LE 24 SEPTEMBRE 2007

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Kingsley Jesuorobo

 

POUR LE DEMANDEUR

Ladan Shahrooz

                               POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Kingsley Jesuorobo

Avocat

Toronto (Ontario)

 

                                POUR LE DEMANDEUR

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

 

                             POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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