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Date : 20070904

Dossier : IMM-682-07

Référence : 2007 CF 881

Ottawa (Ontario), le 4 septembre 2007

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE MOSLEY

 

ENTRE :

MUHAMMAD FAROOQ GHAURI

demandeur

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Le demandeur sollicite le contrôle judiciaire d’une décision de la Section de la protection des réfugiés (la SPR), rendue le 17 janvier 2007, dans laquelle la commissaire a conclu que le demandeur n’avait pas qualité de réfugié au sens de la Convention ni de personne à protéger. Pour les motifs qui suivent, je conclus qu’il n’y a rien qui justifie l’intervention de la Cour et que la demande sera rejetée.

 

[2]               M. Ghauri, un musulman sunnite, exerçait la profession de naturopathe à Okara, au Pakistan. Il comptait parmi ses clients des membres de la religion ahmadie, une secte non reconnue par certains adeptes de l’islam. Le demandeur allègue qu’il a été persécuté, en raison de ces clients, par des membres d’une organisation de sunnites extrémistes appelée Khatam-e-Nabuvat. Après avoir reçu des menaces de mort, le demandeur a quitté Okara et s’est rendu à Faisalabad où il affirme avoir été attaqué à deux reprises et, de ce fait, avoir dû être hospitalisé. Après s’être rétabli, il a déménagé à Lahore, où il dit avoir appris qu’une fatwa avait été émise contre lui à Okara et qu’un inconnu avait averti son père par téléphone que les extrémistes croyaient qu’il se trouvait peut-être à Lahore. Le 20 juin 2006, le demandeur est arrivé clandestinement au Canada où il a présenté une demande d’asile le jour suivant.

 

LA DÉCISION DU TRIBUNAL 

 

[3]               La commissaire a conclu que, bien qu’il existât un lien avec l’un des motifs énoncés dans la Convention, soit l’allégeance perçue du demandeur d’asile avec les ahmadis, il y avait plusieurs motifs justifiant la conclusion selon laquelle ce lien était insuffisant pour donner droit à sa demande de protection d’un pays autre que le Pakistan. 

 

[4]               Premièrement, la commissaire a conclu que le demandeur n’avait pas respecté l’article 7 des Règles de la Section de la protection des réfugiés au motif qu’il avait prétendu faussement qu’un exemplaire de la fatwa ne pouvait pas être expédié à l’extérieur du Pakistan. Le demandeur avait allégué qu’il ne pouvait donc pas en fournir un exemplaire à la SPR. La commissaire a conclu que la copie de la fatwa était fausse et qu’elle avait été déposée avec l’intention d’induire en erreur le tribunal.

 

[5]               Deuxièmement, la commissaire a jugé que M. Ghauri n’avait pas réfuté la présomption de protection de l’État. Elle a conclu que la police n’avait pas été en mesure d’offrir une protection au demandeur en ce qui a trait plus particulièrement aux deux attaques qu’il avait subies, en raison de son incapacité à identifier les agresseurs.

 

[6]               Troisièmement, la commissaire a aussi conclu qu’un affidavit du cousin de M. Ghauri était trop semblable à son FRP et n’était donc pas crédible. De plus, elle a jugé que la crédibilité du demandeur avait été minée par des contradictions entre son FRP, son témoignage et les rapports médicaux concernant les blessures qu’il avait subies à Faisalabad. L’absence d’une lettre d’appui de la collectivité ahmadie d’Okara, pour laquelle le demandeur aurait gravement souffert en raison de l’aide qu’il lui avait apportée, a également porté atteinte à sa crédibilité.

 

[7]               Enfin, la commissaire a conclu que le demandeur disposait d’une possibilité de refuge intérieur (la PRI) au Pakistan, en l’occurrence à Islamabad. Elle a jugé que, puisqu’il s’agissait d’une grande ville où il n’y avait pas une concentration importante de personnes de confession ahmadie, M. Ghauri pourrait y pratiquer la naturopathie sans courir le risque d’être persécuté.

 

LES QUESTIONS EN LITIGE 

 

[8]               Le demandeur allègue que le tribunal a commis une erreur en concluant qu’il n’avait pas qualité de réfugié au sens de la Convention ni de personne à protéger, plus particulièrement en :

a.       concluant à l’existence d’une PRI viable à Islamabad;

 

b.      tirant des conclusions manifestement déraisonnables relativement à la crédibilité;

 

c.       omettant de tenir compte de la preuve.

 

 

 

ANALYSE 

 

[9]               Il n’y avait aucun désaccord entre les parties quant à la norme de contrôle applicable. Les questions relatives à la crédibilité sont « essentiellement de nature factuelle » et la norme qui s’applique est la décision manifestement déraisonnable; voir Dr Q c. College of Physicians and Surgeons of British Columbia, [2003] 1 R.C.S. 226, au paragraphe 38; Chowdhury c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 139, au paragraphe 12. Il est aussi bien établi qu’il s’agit de la norme qu’il convient d’appliquer relativement à la question de l’existence d’une PRI viable; voir Ortiz c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 1365, [2006] A.C.F. no 1716, au paragraphe 35.

 

[10]           À mon avis, il était loisible à la commissaire de tirer les conclusions relatives à la crédibilité sur le fondement de la preuve. La commissaire avait plusieurs réserves qu’elle a manifestement liées à la preuve. Bien que je n’eusse peut-être pas conclu que la photocopie de la fatwa présentée en preuve fut un faux en raison de la confusion du demandeur quant à savoir si un exemplaire de la fatwa pouvait être expédié à l’extérieur du pays, il n’était pas manifestement déraisonnable pour la commissaire d’en arriver à une telle conclusion eu égard à la preuve dont elle disposait.

 

[11]           Compte tenu du fait que la demande reposait sur la persécution liée au traitement par le demandeur des membres de la minorité ahmadie, il n’était pas déraisonnable pour la commissaire de se demander pourquoi il n’y avait aucune preuve d’appui de la part de cette collectivité au Pakistan ou au Canada, malgré l’argument du demandeur selon lequel leurs intérêts n’étaient pas directement touchés.

 

[12]           Le demandeur prétend que la conclusion défavorable relative à la crédibilité, en ce qui a trait aux contradictions entre son témoignage et les rapports médicaux qu’il a présentés comme preuve, a été tirée suivant un examen microscopique de la preuve. Il cite l’arrêt Attakora c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1989] A.C.F. no 444 (C.A.F.) à l’appui de sa prétention. À mon avis, les appréhensions de la commissaire quant aux contradictions au sujet de la question de la paralysie ne sont pas microscopiques au point de pouvoir être comparées à l’examen de la preuve effectué par le tribunal dans l’arrêt Attakora. Les rapports présentés ne corroboraient pas le récit du demandeur quant aux conséquences de l’attaque qu’il avait subie, et la commissaire n’a pas commis d’erreur en s’y fiant.

 

[13]           Comme mon collègue le juge Phelan l’a dit au paragraphe 5 de la décision Uddin c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 287 :

La Cour reconnaît que cela constitue une tâche difficile d'équilibrer l'excès de zèle d'un côté et la diligence à obtenir la vérité d'un autre. Ce n'est que dans les cas où cette ligne est clairement franchie qu'une cour devrait intervenir.

 

[14]           Pour ce qui est de l’argument selon lequel la commissaire a commis une erreur en ne tenant pas compte de certains éléments de preuve ou en omettant d’en tenir compte, le demandeur n’a présenté aucune preuve pour réfuter la présomption voulant que les tribunaux tiennent compte de toute la preuve dont ils disposent en rendant leurs décisions, sans avoir à faire expressément mention de chaque élément présenté. Ayant conclu que l’affidavit d’un des cousins était étonnamment semblable au FRP du demandeur et que pour cette raison, entre autres, la demande n’était pas crédible, il n’était pas nécessaire que la commissaire examine chaque autre élément de preuve, y compris les affidavits du père et de l’autre cousin du demandeur.

 

[15]           Quoi qu’il en soit, la conclusion déterminante dans la présente affaire était que M. Ghauri avait une PRI viable à Islamabad. À défaut d’une preuve établissant que la fatwa avait été diffusée, ou qu’elle était connue à l’extérieur de la localité où vivait le demandeur, il n’était pas manifestement déraisonnable pour la commissaire de conclure que le demandeur n’avait pas satisfait aux exigences du fardeau de la preuve. À cet égard, la présente affaire est semblable à l’affaire Zia c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2007 CF 131, [2007] A.C.F. no 184, que le juge Noël a tranchée récemment.

 

[16]           La demande sera donc rejetée. Aucune question n’a été proposée aux fins de certification.


 

JUGEMENT

 

LA COUR STATUE que la demande est rejetée. Aucune question de portée générale n’est certifiée.

 

 

 

 

« Richard G. Mosley »

Juge

 

 

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

 

Jacques Deschênes, LL.B.


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                                                            IMM-682-07

 

INTITULÉ :                                                                           MUHAMMAD FAROOQ

                                                                                                GHAURI

                                                                                                c.

                                                                                                LE MINISTRE DE LA

                                                                                                CITOYENNETÉ ET DE

                                                                                                L’IMMIGRATION

 

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                                                     TORONTO

 

DATE DE L’AUDIENCE :                                                   LE 29 AOÛT 2007

 

MOTIFS DU JUGEMENT 

ET JUGEMENT:                                                                   LE JUGE MOSLEY

 

DATE DES MOTIFS :                                                          LE 4 SEPTEMBRE 2007

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

John Savaglio

 

                             POUR LE DEMANDEUR

Asha Gafar

 

                               POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

John Savaglio

Avocat

Pickering (Ontario)

 

                          POUR LE DEMANDEUR

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

                        POUR LE DÉFENDEUR

 

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