Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

 

 

Date : 20070829

Dossier : T-2195-06

Référence : 2007 CF 867

Ottawa (Ontario), le 29 août 2007

EN PRÉSENCE DE MADAME LA JUGE TREMBLAY-LAMER

 

 

ENTRE :

RONNIE LOUIS BOZZER

demandeur

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE DU CHEF DU CANANA

(représentée par le ministre du Revenu national

à titre de ministre responsable de la Loi de l’impôt sur le revenu)

 

et

 

L’AGENCE DU REVENU DU CANADA

 

et

 

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

 

défendeurs

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire, présentée en vertu du paragraphe 18.1(1) de la Loi sur les Cours fédérales, L.R.C. 1985, ch. F-7 (la Loi), d’une décision rendue le 21 août 2006 par une agente du fisc au nom du ministre du Revenu (le ministre), par laquelle a été rejetée la demande du demandeur d’une renonciation aux pénalités et aux intérêts du demandeur liés à l’impôt dû relativement à ses années d’imposition 1989 et 1990.  

 

[2]               Dans une lettre du 6 décembre 2005, le demandeur a demandé que le ministre renonce aux intérêts qu’il doit payer sur sa dette fiscale pour les années d’imposition 1989 et 1990, en application du paragraphe 220(3.1) de la Loi de l’impôt sur le revenu, L.R.C. 1985 (5e suppl.), ch. 1  (la LIR), communément appelé « disposition d’équité », en raison de ses difficultés financières et au motif que le ministre aurait tardé à donner suite à ses avis d’opposition déposés en réponse aux avis de cotisation du ministre pour ces années.

 

[3]               Dans une lettre datée du 19 décembre 2005, le demandeur a été informé par le défendeur que sa demande quant au retard ou à l’erreur imputable au ministère serait acheminée à la Division des appels du Bureau des services fiscaux. La lettre mentionnait également qu’on ne pourrait pas tenir compte de la partie de la demande concernant les difficultés financières en raison d’une politique de l’Agence du revenu du Canada (l’ARC) en vigueur depuis le 1er janvier 2005, selon laquelle les dettes qui avaient plus de 10 ans à la date de la demande ne pouvaient pas être prises en considération.

 

[4]               La demande, fondée sur la disposition d’équité et présentée au premier niveau, a été examinée par un agent de l’ARC, qui a recommandé que la demande soit rejetée.

 

[5]               La recommandation et le reste du dossier du demandeur ont alors été examinés par une chef d’équipe de la Division des appels (la chef d’équipe), qu’on a chargée de décider l’affaire. Elle a conclu que les demandes fondées sur la disposition d’équité concernant les années d’imposition 1989 et 1990 avaient été présentées après la limite de 10 ans et que chaque demande, prise séparément, aurait dû être présentée au plus tard les 31 décembre 1999 et 31 décembre 2000 respectivement pour être prises en considération. La chef d’équipe n’avait donc pas compétence pour exercer le pouvoir discrétionnaire conféré par la LIR qui permet la renonciation aux intérêts ou leur annulation. La décision de rejeter la demande fondée sur la disposition d’équité présentée au premier niveau a été communiquée au demandeur par lettre le 21 août 2006. Il a également été informé que la LIR ne prévoyait aucun droit d’appel, mais qu’il pouvait demander que le chef des appels du Bureau des services fiscaux examine l’affaire pour s’assurer que la chef d’équipe avait exercé son pouvoir discrétionnaire de façon juste et raisonnable.

 

[6]               Le demandeur a présenté une telle demande, fondée sur la disposition d’équité, au deuxième niveau, dans sa lettre du 8 septembre 2006. La demande a été acheminée à une autre agente de l’ARC (l’agente de l’ARC du deuxième niveau). Dans sa lettre du 14 novembre 2006, l’agente de l’ARC du deuxième niveau a informé le demandeur de l’avis préliminaire du ministre, selon lequel la demande semblait avoir été présentée en dehors du délai prescrit, et elle y a expliqué le fondement de son interprétation et son intention de recommander au chef des appels de rejeter la demande. Elle a informé néanmoins le demandeur qu’il pouvait lui faire part d’observations supplémentaires avant qu’elle achemine le dossier en vue d’une décision définitive. Dans une lettre datée du 4 décembre 2006, le demandeur a présenté des observations supplémentaires qui remettaient en question l’interprétation de l’agente de l’ARC du deuxième niveau concernant le délai prescrit et proposaient une autre interprétation de ce délai.

 

[7]               Le 10 décembre 2006, l’agente de l’ARC du deuxième niveau a terminé la version préliminaire de son rapport et de sa recommandation. Cependant, avant qu’elle puisse présenter son rapport au chef des appels du Bureau des services fiscaux, le demandeur a déposé la présente demande de contrôle judiciaire le 13 décembre 2006.

 

[8]               En ce qui concerne la question du respect des délais quant à la présente demande, le demandeur soutient essentiellement que la lettre de l’agente de l’ARC du deuxième niveau datée du 14 novembre 2006, qui se présentait comme étant un avis préliminaire sur sa demande fondée sur la disposition d’équité présentée au deuxième niveau, était une « décision ». En conséquence, son dépôt de l’avis relatif à la présente demande de contrôle judiciaire était dans le délai de 30 jours en conformité avec le paragraphe 18.2(2) de la Loi. Je ne partage pas cette opinion.

 

[9]               À mon avis, ni la lettre du 14 novembre 2006 envoyée au demandeur, ni la version préliminaire du rapport et de la recommandation de l’agente de l’ARC destinés au chef des appels étaient des décisions ou des ordonnances au sens de l’article 18.1 de la Loi. L’agente avait clairement fait savoir dans sa lettre que c’était un avis préliminaire de la position du ministre, et elle avait proposé au demandeur de présenter des observations supplémentaires. À mon avis, il n’y avait aucune ambiguïté quant à la nature de la lettre; à première vue, elle ne constituait clairement pas une décision définitive relativement à la demande fondée sur la disposition d’équité présentée au deuxième niveau.

 

[10]           La preuve par affidavit établit que même si l’agente de l’ARC avait terminé la version préliminaire de son rapport et de sa recommandation le 10 décembre 2006, étant donnée que le demandeur a déposé la présente demande, elle ne l’avait jamais remise chef des appels, lequel est responsable de prendre la décision concernant une demande fondée sur la disposition d’équité présentée au deuxième niveau. En conséquence, aucune décision n’a été prise par le représentant dûment autorisé du ministre, et une telle décision relative à la demande fondée sur la disposition d’équité présentée au deuxième niveau n’a jamais été communiquée au demandeur.

 

[11]           Bien qu’une grande gamme de procédures administratives soient assujetties au contrôle judiciaire de la Cour, la recommandation de l’agente de l’ARC du deuxième niveau ne tranchait pas la demande de réexamen du demandeur et elle ne liait pas le chef des appels, qui avait la responsabilité de prendre la décision. À mon avis, ces documents préliminaires ne constituaient pas des « decision[s] ou [des] ordonnance[s] » au sens des alinéas 18.1(4)c) ou 18.1(4)d), ils n’avaient donc aucun effet direct sur les droits du demandeur et, de façon similaire, ils ne constituaient pas un « objet » qui aurait pu donner ouverture à un recours offert à l’article 18 ou au paragraphe 18.1(3) de la Loi.

 

[12]           Je conclus donc que la dernière « décision » prise qui soit pertinente quant à la présente demande et qui a été communiquée par lettre au demandeur le 21 août 2006, est le rejet de la demande fondée sur la disposition d’équité présentée au premier niveau alléguant un retard ou une erreur imputable au ministère.

 

[13]           Selon le paragraphe 18.1(2) de la Loi,  une demande de contrôle judiciaire d’une décision ou d’une ordonnance doit être présentée « dans les trente jours qui suivent la première communication […] de [la] décision ou de [l’]ordonnance ». Ce délai existe dans l'intérêt public, afin que les décisions administratives acquièrent leur caractère définitif et puissent être exécutées le plus tôt possible (Berhad c. Canada (2005), 338 N.R. 75, 2005 CAF 267). Il incombe à la partie demandant une prorogation de délai de prouver les éléments nécessaires à son obtention, en règle générale au moyen d’une preuve par affidavit pouvant faire l’objet d’un contre‑interrogatoire. (Virdi c. Canada (Ministre du Revenu national), 2006 CAF 38). Le demandeur d’une prorogation de délai doit établir qu’il a eu continuellement l’intention de poursuivre sa demande, qu’il a une cause défendable, que le défendeur ne subira aucun préjudice et qu’il a une bonne raison justifiant son retard (Neis c. Baksa, 2002 CAF 230). Le fait qu’un décideur soit disposé, à l’occasion, à réexaminer sa décision à la lumière de nouveaux renseignements ne proroge pas le délai de 30 jours prescrit pour la présentation d’une demande de contrôle judiciaire d’une décision (Didone c. Sakno, 2003 CF 1530, [2003] A.C.F. no 1945 (QL), confirmée par 2005 CAF 62).

 

[14]           Dans la présente affaire, le demandeur n’a pas déposé de requête en prorogation de délai avant l’audience, et il n’a fourni aucune explication raisonnable justifiant le retard même si la présente demande a été déposée près de 90 jours après l’expiration du délai de prescription de 30 jours qui avait commencé à courir le 21 août 2006. Je conclus donc que la présente demande doit être rejetée.

 

[15]           Malheureusement et en dépit de l’habile argumentation du demandeur, vu la conclusion que je viens de tirer et qui tranche la présente demande de contrôle judiciaire, il n’est ni nécessaire ni approprié pour la Cour d’examiner la question de savoir si le ministre a commis une erreur dans l’exercice de son pouvoir discrétionnaire lorsqu’il a rejeté la demande de renonciation aux intérêts présentée par le demandeur.

 

[16]           Pour les motifs susmentionnés, la présente demande de contrôle judiciaire sera rejetée avec dépends.

 

 


JUGEMENT

 

LA COUR ORDONNE que la présente demande de contrôle judiciaire soit rejetée avec dépens.

 

 

« Danièle Tremblay-Lamer »

Juge

 

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

 

Jacques Deschênes, LL.B.


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                                    T-2195-06

 

INTITULÉ :                                                   RONNIE LOUIS BOZZER c. SA MAJESTÉ LA REINE ET AL.      

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                             VANCOUVER (COLOMBIE-BRITANNIQUE)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                           LE 21 AOÛT 2007

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE :              LA JUGE TREMBLAY-LAMER

 

DATE DES MOTIFS :                                  LE 29 AOÛT 2007

 

 

COMPARUTIONS :

 

Ronnie Louis Bozzer

 

LE DEMANDEUR POUR SON PROPRE COMPTE

 

 

Karen Truscott

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Vancouver (Colombie-Britannique)

 

 

LE DEMANDEUR POUR SON PROPRE COMPTE

 

John Sims, c.r.

Ministère de la Justice

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.