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Date : 20070813

 

Dossier : T-2194-06

 

Référence : 2007 CF 834

 

Ottawa (Ontario), le 13 août 2007

 

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE BLANCHARD

 

 

ENTRE :

 

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL

 

demandeur

 

et

 

757746 ALBERTA LTD. et PAUL MOREL

 

défendeurs

 

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE

 

 

[1]               Dans le cadre des présents motifs, j’explique pourquoi j’ai conclu que les défendeurs  sont coupables d’outrage au tribunal pour avoir désobéi à l’ordonnance de la Cour du 18 janvier 2007.

 

1.         Les principes juridiques applicables

[2]               Selon l’alinéa 466b) des Règles des Cours fédérales, DORS/98-106 (les Règles), une personne est coupable d’outrage au tribunal lorsqu’elle désobéit à une ordonnance de la Cour.

 

[3]               Pour décider si une personne est coupable d’outrage, la Cour doit appliquer les principes suivants :

1.         Le fardeau de prouver l’outrage incombe à la partie qui allègue cet outrage et la personne accusée d’outrage n’a pas à présenter de preuve à la Cour.

2.         Les éléments constitutifs de l’outrage doivent être démontrés hors de tout doute raisonnable.

3.         La désobéissance à une ordonnance de la Cour doit être établie par preuve de l’existence de l’ordonnance, de la connaissance de celle‑ci par la personne accusée d’outrage et de la désobéissance consciente à ladite ordonnance.

4.         Saufs directives contraires de la Cour, les témoignages permettant d’établir l’outrage seront donnés oralement. 

5.         Pour établir la culpabilité pour désobéissance à une injonction, il suffit de prouver que la personne accusée d’outrage était au courant de l’ordonnance puisqu’il n’est pas nécessaire de prouver l’intention pour conclure qu’il y a eu outrage au tribunal. Voir les articles 469 et 470 des Règles, ainsi que la décision Tele‑Direct (Publications) Inc. c. Canadian Business Online Inc. (1998), 151 F.T.R. 271.

 

[4]               La raison profonde justifiant le pouvoir que la Cour possède de condamner quelqu’un pour outrage au tribunal est d’assurer une bonne administration de la justice ainsi que le respect du processus judiciaire. Le fait de désobéir à une ordonnance de la Cour constitue une attaque portée contre son autorité et sa dignité. Par conséquent, l’obéissance aux ordonnances de la Cour est une nécessité absolue pour le maintien de la primauté du droit.  

 

 

 

2.         Conclusions de faits

[5]               Une preuve orale à l’appui de l’allégation d’outrage au tribunal a été présentée par William John Stevens, un huissier, et Jana Engelhardtova, une vérificatrice. Leurs témoignages étaient très clairs et ils ne comportaient ni incohérences ni invraisemblances. Les témoins ont répondu directement et sans hésitation aux questions qui leur ont été posées par l’avocat du demandeur et par la Cour. Je conclus que les témoins sont crédibles et j’accepte leurs témoignages.

 

[6]               De plus, des copies des ordonnances de la Cour du 18 janvier 2007 et du 4 avril 2007 ainsi que la preuve de leur signification aux défendeurs ont été présentées et reçues comme pièces.

 

[7]               Les défendeurs ne se sont pas présentés à l’audience et ils ne se sont pas non plus opposé d’une autre façon à la demande de les juger coupables d’outrage au tribunal. 

 

[8]               En me fondant sur les preuves susmentionnées, je suis convaincu hors de tout doute raisonnable de ce qui suit :   

 

1.                  Le 4 novembre 2005, Mme Engelhardtova a rencontré M. Morel et lui a demandé de lui fournir les livres et les registres de la société au motif qu’elle exécutait une vérification au titre de la TPS qui avait été ordonnée par l’Agence du revenu du Canada. Les défendeurs n’ont pas fourni les documents demandés.

2.                  Le 12 mars 2006, Mme Engelhardtova et son chef d’équipe ont rendu visite à M. Morel et lui ont demandé de leur fournir la documentation susmentionnée. Les défendeurs n’ont rien fourni au cours de cette visite non plus.

3.                  Le 13 juin 2006, une demande de fourniture de renseignements et de documents (la demande de renseignements) a été signifiée à personne aux défendeurs en vertu des alinéas 289(1)a) et b) de la Loi sur la taxe d’accise, L.R.C. 1985, ch. E‑15, et des alinéas 231.2(1)a) et b) de la Loi de l’impôt sur le revenu, L.R.C. 1985 (5e suppl.), ch. 1. Les défendeurs devaient fournir des renseignements pour ce qui concernait la période du 1er août 2002 au 31 janvier 2004 ainsi que six (6) catégories différentes de documents pour toutes les transactions effectuées au cours de la période vérifiée. La demande de renseignements précisait que les renseignements et les documents devaient être présentés dans les 30 jours suivant la date de réception de l’avis.

4.                  Le 11 octobre 2006, M. Morel a envoyé à Mme Engelhardtova, par télécopieur, une copie papier des relevés bancaires de la société, mais il a omis de fournir au demandeur les documents faisant partie des cinq autres catégories énoncées dans la demande de renseignements.

5.                  Le 28 décembre 2006, une copie du dossier du demandeur, déposé dans le cadre de la présente instance par le ministre du Revenu national (le ministre) dans lequel il sollicitait une ordonnance (la demande d’une ordonnance) enjoignant aux défendeurs de se conformer à la demande de renseignements, a été signifiée à personne aux défendeurs.

6.                  Le 11 janvier 2007, les défendeurs ne se sont pas présentés à l’audition de la demande sollicitant une ordonnance enjoignant aux défendeurs de se conformer à la demande de renseignements.

7.                  Le 18 janvier 2007, la Cour a accueilli la demande d’une ordonnance du ministre et a ordonné aux défendeurs de se conformer à la demande de renseignements dans les 30 jours suivant la signification de l’ordonnance.

8.                  Le 26 janvier 2007, l’ordonnance de la Cour du 18 janvier 2007 a été signifiée à personne aux défendeurs.

9.                  Les défendeurs ne se sont pas conformés à l’ordonnance du 18 janvier 2007. À ce jour, ils n’ont fourni ni les documents ni les renseignements requis.

10.              Le 4 avril 2007, une ordonnance a été rendue selon laquelle les défendeurs devaient se présenter devant la Cour le 7 juin 2007 et être prêts à répondre aux allégations d’outrage au tribunal pour désobéissance à l’ordonnance de la Cour du 18 janvier 2007 qui ont été portées contre eux.

11.              Le 12 avril 2007, l’ordonnance de la Cour du 4 avril 2007 a été signifiée à personne aux défendeurs.

12.              Le 7 juin 2007, les défendeurs ne se sont pas conformés à l’ordonnance de la Cour du 4 avril 2007 et ne se sont pas présentés devant la Cour pour répondre aux allégations d’outrage au tribunal portées contre eux.

 

[9]               Ces faits établissent indéniablement l’existence de l’ordonnance de la Cour du 18 janvier 2007, la connaissance de celle‑ci par les défendeurs et leur désobéissance à ladite ordonnance.  

 

3.         Jugement

[10]           Les défendeurs sont coupables d’outrage au tribunal parce qu’ils ont désobéi à l’ordonnance de la Cour du 18 janvier 2007.

 

[11]           Le demandeur sollicite une ordonnance enjoignant aux défendeurs de se présenter devant la Cour dès qu’elle pourra tenir séance et de débattre de la peine et de l’adjudication des dépens sur la base avocat‑client.

 

[12]           L’article 472 des Règles porte sur la peine pouvant être imposée en cas d’outrage au tribunal. Cet article prévoit ce qui suit :

 

472.  Lorsqu’une personne est reconnue coupable d’outrage au tribunal, le juge peut ordonner;

a) qu’elle soit incarcérée pour une période de moins de cinq ans ou jusqu’à ce qu’elle se conforme à l’ordonnance;

b) qu’elle soit incarcérée pour une période de moins de cinq ans si elle ne se conforme pas à l’ordonnance;

c) qu’elle paie une amende;

d) qu’elle accomplisse un acte ou s’abstienne de l’accomplir;

e) que les biens de la personne soient mis sous séquestre, dans le cas visé à la règle 429;

f) qu’elle soit condamnée aux dépens.

 

472. Where a person is found to be in contempt, a judge may order that

(a) the person be imprisoned for a period of less than five years or until the person complies with the order;

(b) the person be imprisoned for a period of less than five years if the person fails to comply with the order;

(c) the person pay a fine;

(d) the person do or refrain from doing any act;

(e) in respect of a person referred to in rule 429, the person’s property be sequestered; and

(f) the person pay costs.

 

 

[13]           Dans l’arrêt Winnicki c. Canada (Commission canadienne des droits de la personne), 2007 CAF 52, la Cour d’appel fédérale a conclu qu’une personne reconnue coupable d’outrage au tribunal devait se voir donner la possibilité de formuler des observations au sujet de la peine qu’il serait approprié d’imposer. À cette fin, je donnerai la possibilité aux défendeurs de présenter des observations au sujet de la peine et j’ordonnerai : 1) que les défendeurs formulent des observations écrites et qu’ils se présentent à l’audience de détermination de la peine; 2) qu’une copie de la présente ordonnance et des présents motifs de l’ordonnance soit signifiée à personne aux défendeurs; 3) que le demandeur dépose d’autres observations écrites au sujet de la peine.

 

[14]           Je trancherai la question relative aux dépens après la tenue de l’audience de détermination de la peine.


 

ORDONNANCE

 

LA COUR ORDONNE :

 

1.                  Les défendeurs sont reconnus coupables d’outrage au tribunal parce qu’ils ont désobéi à l’ordonnance de la Cour du 18 janvier 2007.

 

2.                  Les défendeurs signifieront et déposeront des observations écrites au sujet de la peine au plus tard le 31 août 2007.

 

3.                  Les défendeurs se présenteront à l’audience de détermination de la peine, qui sera tenue à 9 h 30, le 21 septembre 2007, à la Cour fédérale, 3e étage, 8e avenue S.‑O., Calgary (Alberta), et débattront de la peine appropriée à imposer.

 

4.                  Le demandeur signifiera et déposera d’autres observations écrites au plus tard le 7 septembre 2007, dans lesquelles il devra aborder, le cas échéant, les facteurs suivants :

(1)        toute violation passée de la Loi de l’impôt sur le revenu ou de la Loi sur la taxe d’accise par les défendeurs;

(2)        toute autre information au sujet des défendeurs qui aiderait la Cour à décider de la peine à imposer.

 

5.                  Le demandeur devra signifier à personne aux défendeurs une copie certifiée conforme de la présente ordonnance et des présents motifs de l’ordonnance au plus tard le 21 août 2007 et déposer une preuve de signification auprès du greffe de la Cour.

 

6.                  La question relative aux dépens sera tranchée après la tenue de l’audience de détermination de la peine.

 

 

 

 

« Edmond P. Blanchard »

Juge

 

 

Traduction certifiée conforme

Annie Beaulieu

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

DOSSIER :                                                    T-2194-06

 

INTITULÉ :                                                   Le ministre du Revenu national c. 757746 Alberta Ltd. et Paul Morel

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                             Calgary (Alberta)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                           Le 7 juin 2007

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE :              Le juge Blanchard

 

DATE DES MOTIFS :                                  Le 13 août 2007

 

 

COMPARUTIONS :

 

Mme Chang Du

 

POUR LE DEMANDEUR

Personne n’a comparu pour les défendeurs

 

POUR LES DÉFENDEURS

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

Edmonton (Alberta)

 

POUR LE DEMANDEUR

Personne n’a comparu pour les défendeurs

POUR LES DÉFENDEURS

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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