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Date : 20070730

Dossier : IMM-3592-06

Référence : 2007 CF 802

Ottawa (Ontario), le 30 juillet 2007

EN PRÉSENCE DE MADAME LA JUGE SNIDER

 

ENTRE :

ANTHONY BAHEERATHAN

 

demandeur

 

et

 

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

défendeur

 

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE

 

[1]          Le demandeur, citoyen du Sri Lanka, a fondé sa demande d’asile sur une allégation de crainte de persécution du fait de sa race par les Tigres de libération de l’Eelam tamoul (les TLET), l’armée sri‑lankaise et le Parti démocratique populaire de l’Eelam (le PDPE). Il est un jeune tamoul qui a affirmé avoir vécu la plus grande partie de sa vie, dont la période entre 1996 et 2004, à Jaffna dans le Nord du Sri Lanka. Il a quitté ce pays en 2004 à destination de la France, où on lui a refusé une demande d’asile. Plutôt que de retourner au Sri Lanka, il est alors venu au Canada où il a présenté une demande d’asile. 

 

[2]          Le demandeur sollicite le contrôle judiciaire d’une décision rendue le 15 juin 2006 par laquelle un tribunal de la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (la Commission) a conclu que le demandeur n’avait la qualité ni de réfugié au sens de la Convention, ni de personne à protéger.

 

[3]          En résumé, la décision de la Commission était fondée sur deux conclusions :

 

  1. La Commission n’était pas convaincue que le demandeur avait vécu à Jaffna pendant la période où il aurait été persécuté (de 1996 à 2004);

 

  1. Le demandeur ne serait pas exposé à plus qu’une simple possibilité de persécution ou à une menace à sa vie s’il retournait au Sri Lanka et qu’il vivait dans les zones contrôlées par le gouvernement.

 

[4]          Le demandeur soutient que la Commission a commis une erreur dans ces deux conclusions.

 

[5]          La Commission a fondé sa décision sur des conclusions de fait qui relèvent directement de sa compétence. Par conséquent, la norme de contrôle applicable à de telles conclusions est celle de la décision manifestement déraisonnable, c’est‑à‑dire que la décision sera annulée si les conclusions sont tirées de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte de la preuve (De (Da) Li Chen c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) (1999), 49 Imm. L.R. (2d) 161, au paragraphe 5 (C.A.F.); Brar c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1986] A.C.F. no 346 (C.A.F.); Tekin c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2003 CFPI 357, au paragraphe 10). 

 

[6]          Il incombait au demandeur de convaincre la Commission de la crédibilité de son récit. Pour ce faire, le demandeur avait le fardeau de convaincre la Commission qu’il se trouvait dans la zone où il aurait été persécuté. La Commission a relevé quelques problèmes dans le témoignage du demandeur à ce sujet, ce qui a semé des doutes quant à ses allées et venues pendant la période pertinente allant de 1996 à 2004.

 

[7]          Aux fins d’interprétation, il est important de faire une lecture complète de la décision et d’examiner le caractère raisonnable de la conclusion générale selon laquelle le demandeur n’a pas établi qu’il vivait à Jaffna pendant la période où il allègue avoir été persécuté. Toutes les questions, prises isolément, qui ont été examinées par la Commission, doivent être interprétées en fonction de cette conclusion. Voici deux exemples :

 

  • La Commission n’a pas conclu que tous les citoyens de Jaffna étaient munis d’une carte d’identité de l’armée. Elle a plutôt souligné que le demandeur ne possédait pas cette carte que la loi lui exigeait d’avoir sur lui et qu’il ne semblait pas au courant de cette exigence. Il n’était pas déraisonnable de la part de la Commission de se fonder sur ces faits pour étayer sa conclusion selon laquelle le demandeur n’avait pas vécu à Jaffna.

 

  • Lorsqu’elle a interrogé le demandeur pour savoir pourquoi il ne connaissait le gérant de l’endroit où il aurait travaillé que par un seul nom, la Commission n’a pas omis de prendre en considération le fait que la plupart du temps les personnes au Sri Lanka ne se connaissent que par un seul nom. Elle a plutôt indiqué, à juste titre, que lorsqu’une personne a travaillé avec le même gérant pendant dix années, il est raisonnable de s’attendre à ce qu’elle le connaisse par plus d’un nom. Encore une fois, cette omission, combinée avec des réponses évasives et hésitantes du demandeur dans son témoignage à propos de son emploi, a semé des doutes quant à savoir si ce dernier avait été honnête au sujet de son travail.

 

[8]          D’autres erreurs reprochées peuvent être remises dans le contexte de la décision dans son ensemble. Malgré les efforts déployés par le demandeur pour établir que la Commission avait commis des erreurs dans certaines parties de sa décision, je suis convaincue que celle-ci pouvait tirer cette conclusion générale d’après la preuve dont elle disposait. La combinaison des contradictions, des incohérences, des réponses évasives ou vagues, ainsi que le manque de détails précis sur la situation à Jaffna au moment des faits appuient la conclusion de la Commission selon laquelle il n’était pas à Jaffna pendant la période pertinente. Plus simplement, en raison de l’effet cumulatif des nombreux problèmes dans son témoignage et dans la preuve, le demandeur n’a pas été en mesure de tisser une version des faits qui répondait au critère applicable à une demande d’asile. Certaines parties de la décision portant sur des aspects particuliers du témoignage et de la preuve n’ont peut-être pas été écrites aussi soigneusement qu’elles auraient dû l’être, mais ce n’est pas un motif qui justifie l’intervention de la Cour.

 

[9]          Même si elle a conclu que le récit du demandeur manquait de crédibilité, la Commission a examiné la question de savoir si le demandeur pouvait objectivement être exposé à un risque. La Commission a analysé très brièvement cette question et conclu que, de fait, le demandeur pourrait être en mesure de vivre relativement en sécurité s’il demeurait « dans les zones contrôlées par le gouvernement ». Le demandeur soutient que la Commission a omis de tenir compte de la preuve selon laquelle les tamouls sont exposés à des risques dans les zones contrôlées par le gouvernement.

 

[10]   Il est de droit constant qu’un tribunal n’est pas tenu de mentionner dans ses motifs chacun des éléments de preuve qu’il a considérés (Hassan c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration) (1993), 147 N.R. 317 (C.A.F.); Zhou c. Ministre de l’Emploi et de l’Immigration, [1994] A.C.F. no 1087 (C.A.F.) (QL); Martinez c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2005] A.C.F. no 1615 (C.F.) (QL)). Il existe une présomption voulant que le tribunal a considéré l'ensemble de la preuve avant d'en arriver à une décision (Woolaston c. Ministre de la main-d’œuvre et de l’immigration, [1973] R.C.S. 102; Hassan, précitée).

 

[11]   À mon avis, la Commission a tenu compte du contexte et de l’ensemble de la preuve en ce qui concerne la crainte du demandeur. Elle a reconnu que, depuis l’accord de cessez‑le‑feu intervenu en février 2002, une foule de problèmes ont fait surface. La Commission a souligné qu’il y avait toujours des incidents isolés bien que le cessez‑le‑feu soit en vigueur, mais elle a conclu qu’il n’y avait pas plus qu’une simple possibilité que le demandeur soit exposé à un risque dans les zones contrôlées par le gouvernement du Sri Lanka. Après examen de la preuve, je suis convaincue que la Commission pouvait tirer cette conclusion. Bien que le demandeur puisse faire ressortir certains éléments de preuve qui indiquent que les Tamouls sont toujours exposés à un risque, et ce, même dans les zones contrôlées par le gouvernement, il n’y a aucune indication selon laquelle la Commission n’en a pas tenu compte. Je ne trouve aucune erreur susceptible de contrôle. 

 

[12]   Les parties n’ont proposé aucune question aux fins de certification. Je suis d’avis que les questions en l’espèce ne soulèvent pas une question de portée générale et je n’en certifierai aucune.

 

 

 

 

 

 

 


ORDONNANCE

 

LA COUR ORDONNE :

 

  1. que la demande de contrôle soit rejetée;

 

  1. qu’aucune question de portée générale ne soit certifiée.

 

  « Judith A. Snider »

_____________________________

                         Juge

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

 

Caroline Tardif, LL.B, trad.


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                                    IMM-3592-06

 

INTITULÉ :                                                   ANTHONY BAHEERATHAN

                                                                        c.

                                                                        LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

                                                                        ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                             Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                           LE 24 JUILLET 2007

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                                   LA JUGE SNIDER

 

DATE DES MOTIFS :                                  LE 30 JUILLET 2007

 

 

COMPARUTIONS :

 

 

Krassina Kostadinov

 

 

POUR LE DEMANDEUR

Ian Hicks

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

 

Waldman and Associates

Avocats

Toronto (Ontario)

 

 

POUR LE DEMANDEUR

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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