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Date: 20070724

Dossier: T-1721-06

Référence: 2007 CF 769

Ottawa (Ontario) le 24 juillet 2007

Présent :         L’honorable juge Harrington

ENTRE:

BERNARD DESROSIERS

Demandeur

et

 

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

Défendeur

MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE

 

[1]               Depuis plus d’une dizaine d’années maintenant, Bernard Desrosiers conteste la position des autorités gouvernementales en regard des sommes d’argent dont il a été le bénéficiaire à titre d’assurance-emploi pour des prestations de travail exécutées au cours des années 1993, 1994 et 1995. À ce temps-là, il occupait un emploi saisonnier pour le compte de l’entreprise Les Cultures de l’Est Inc., une entreprise dont il était actionnaire. Depuis, deux décisions défavorables ont été rendues à son endroit et lui ordonnent aujourd’hui de rembourser le trop-perçu, soit les prestations d’assurance-emploi qui lui ont été versées en trop et qui correspondent aux périodes pour lesquelles il a réclamé cette forme d’aide financière alors qu’il était à l’emploi de Les Cultures de l’Est Inc.

[2]               En janvier 1997, suite à une demande de décision par la Commission de l’assurance-emploi relative à l’assurabilité relativement à l’emploi de M. Desrosiers auprès de Les Cultures de l’Est Inc. de 1993 à 1995, Revenu Canada concluait que l’emploi de ce dernier au sein de cette entreprise était effectivement non assurable comme l’avait présumé la Commission en raison du fait que M. Desrosiers contrôlait de façon directe et indirecte un trop grand nombre de parts dans l’entreprise Les Cultures de l’Est Inc. Par conséquent, l’assurabilité de son emploi pour les périodes du 17 mai au 30 octobre 1993, du 23 mai au 10 septembre 1994 et du 12 juin au 4 novembre 1995 était compromise et ce, de façon rétroactive, puisque le versement d’une telle aide financière allait à l’encontre de ce qu’énonce l’article 5 de la Loi sur l’assurance emploi.

 

[3]               De ce fait, la Commission annulait le mois suivant les trois demandes de prestation qui avaient été accordées à M. Desrosiers pour les périodes d’assurabilité où il avait été déclaré être bénéficiaire du programme d’assurance-emploi et pour lesquelles il avait reçu les prestations correspondantes. Dans un deuxième temps, la Commission ordonnait que ce dernier rembourse les sommes qui lui avaient été erronément versées. Toutefois, à ce jour, M. Desrosiers refuse de rembourser les sommes dues.

 

[4]               M. Desrosiers en a appelé de ces deux décisions, soient celles de Revenu Canada et de la Commission, mais sans succès. Toutefois, il est important de souligner ici que M. Desrosiers a retiré de son propre chef l’avis d’appel déposé à la Cour canadienne de l’impôt à l’encontre de la décision de Revenu Canada et que pour cause, seules les décisions de la Commission sont pertinentes pour les fins du présent litige. De plus, faut-il le préciser, la procédure quant à la contestation de telles décisions n’est pas sans importance et c’est pourquoi il en sera discuté plus loin en ces lignes.

 

[5]               Essentiellement, après avoir essuyé plusieurs revers, soit le rejet de l’appel des trois décisions devant le Conseil arbitral en date du 24 janvier 2002 et, par la suite, le rejet de l’appel de cette décision du Conseil arbitral par le juge-arbitre en date du 17 septembre 2003, M. Desrosiers devenait par le fait même débiteur d’une somme de 11 223,00$ redevable à l’État. D’ailleurs, dans un espoir de dernier recours, c’est en cette qualité qu’en octobre 2003, M. Desrosiers présentait une demande de défalcation du trop-payé à la Commission.

 

[6]               En d’autres mots, il s’adressait alors à la Commission dans l’espoir que cette dernière exerce son pouvoir discrétionnaire et décide de retrancher la somme due. Toutefois, il en a été autrement. En février 2006, la Commission décidait que M. Desrosiers n’avait pas droit à la défalcation de la somme correspondant au trop-payé et qu’en cela, l’État canadien était toujours la créancière de cette somme. Dans le cadre de la présente demande de contrôle judiciaire, il n’est pas inutile de rappeler qu’il s’agit de l’examen de cette décision de nature discrétionnaire de la Commission et non de celle s’étant prononcée sur le fond de la question à savoir si M. Desrosiers était en droit de recevoir ou non des prestations d’assurance-emploi pour les périodes en cause.

 

 

 

 

LES QUESTIONS EN LITIGE

[7]               Il s’agit en l’espèce d’une affaire où il est plus simple de s’attarder en premier lieu aux questions en litige soulevées de façon à y regrouper les faits pertinents qui s’y rapportent que de suivre de façon chronologique les faits du dossier menant à leur examen.

 

[8]               Dans le cadre d’une demande de contrôle judiciaire, la première question évoquée, fondamentale il va sans dire, est celle de déterminer, sur la base de chacune des questions en litige soulevées, la norme de contrôle judiciaire applicable correspondante, soit celle de la décision correcte, raisonnable simpliciter ou manifestement déraisonnable.

 

[9]               Dans un deuxième temps, en regard du cas en l’espèce, il y a lieu de déterminer si la présente demande a été déposée dans les délais requis. Cette question a fait l’objet de discussions à l’audience et a été résolue sur le banc. En fait, suivant le paragraphe 18.1(2) de la Loi sur les Cours fédérales, un juge peut de façon discrétionnaire accorder un délai supplémentaire à la partie concernée par une telle requête. M. Desrosiers avait demandé une prolongation de délai qui n’avait pas été contestée et qui avait été accueillie.

 

[10]           Dans un troisième temps, il s’agit plutôt d’examiner l’application et l’interprétation du texte de la Loi sur l’assurance-emploi et de son règlement affairant. Le paragraphe 47(3) de la Loi énonce ce qui suit :

 


47(3) Le recouvrement des créances visées au présent article se prescrit par soixante-douze mois à compter de la date où elles ont pris naissance.

 

47(3) No amount due under this section may be recovered more than 72 months after the day on which the liability arose.

 

En l’instance, M. Desrosiers allègue que son obligation de rembourser les sommes reçues en trop, ce qu’il conteste toujours d’ailleurs, a été décidé il y a plus de six ans déjà et que par conséquent, le délai de recouvrement des créances visées est désormais prescrit, donc irrécouvrables. Bien qu’il ait été établi qu’il devait verser aux autorités gouvernementales la totalité du trop-perçu il y a effectivement plus de six ans, d’autres dispositions prévoient que, dans certaines circonstances, la prescription doit être suspendue et en ces cas là, l’application d’un tel régime d’exception ne peut être ignorée.

 

[11]           L’article 56 du Règlement sur l’assurance-emploi prévoit que la Commission peut défalquer une somme due si les faits d’une affaire satisfont l’un des critères qui y ait énoncé. Ce qui est ici contesté est que M. Desrosiers aurait fait une déclaration fausse et trompeuse au moment où il a produit ses demandes relatives aux prestations d’assistance-emploi, que la dette que représente le trop-perçu est irrécouvrable et que le remboursement de cette dette imposerait à M. Desrosiers un préjudice abusif. Ce dernier soutient qu’il y a eu déni de justice quant à l’équité procédurale en raison du fait qu’il est le seul à avoir déposé un affidavit faisant en sorte que la Commission, qui avait pris les décisions se rapportant au présent litige, ne pouvait pas être contre-interrogé par lui. De plus, M. Desrosiers allègue que l’exercice des pouvoirs discrétionnaires dans le présent dossier n’a pas été fait selon les règles de l’art, soit à l’intérieur des limites des principes de droit applicables.


LA NORME DE CONTRÔLE JUDICIAIRE APPLICABLE

[12]           Il n’est pas nécessaire en l’espèce de faire un exposé détaillé des principes généraux applicables en cette matière puisqu’ils sont couramment repris et puisque la Cour suprême du Canada les a bien définis dans plusieurs des arrêts qu’elle a rendus, dont Dr. Q c. College of Physicians and Surgeons of British Columbia, [2003] 1 R.C.S. 226 et Barreau du Nouveau Brunswick c. Ryan, [2003] 1 R.C.S. 247.

 

[13]           En matière d’assurance-emploi, le défendeur renvoie la Cour à une décision de madame la juge Tremblay-Lamer dans Côté  c. Canada (Développement des ressources humaines), [2001] A.C.F. no 1273 (QL). Dans cette affaire, madame la juge soutient que la norme de contrôle judiciaire applicable aux questions relatives au pouvoir discrétionnaire de la Commission d’accorder la défalcation d’une somme due est celle de la décision manifestement déraisonnable. Il est possible que cette opinion ait fait l’objet d’avis contraires par la suite. Dans Sketchley c. Canada (Procureur général), 2005 CAF 404, la Cour d’appel fédérale a établi que chaque décision d’un décideur faisant l’objet d’un même contrôle judiciaire doit respectivement être examinée de façon indépendante et que pour cause, chacune d’elle pourra faire l’objet d’un contrôle judiciaire sous la loupe d’une norme de contrôle différente. Les dispositions légales ici en cause ne sont pas étrangères aux principes d’équité suivant la Loi de l’impôt sur le revenu. Dans la décision Lanno c. Canada (Agence des Douanes et du Revenu), 2005 CAF 153, la Cour d’appel fédérale a établi qu’en pareilles circonstances, la norme de contrôle judiciaire applicable est celle de la décision raisonnable simpliciter.

[14]           En l’espèce, il n’est toutefois pas nécessaire que je me prononce sur cette question puisque, suite à l’examen de la décision de la Commission ici contestée suivant la norme de contrôle judiciaire la plus favorable à M. Desrosiers, soit celle de la décision raisonnable simpliciter, je suis d’avis que l’intervention de la Cour serait malvenue.

 

LE DÉLAI DU MINISTRE POUR AGIR EST-IL PRESCRIT?

[15]           Aux termes du paragraphe 47(3) de la Loi, le recouvrement des créances se prescrit par 72 mois à compter de la date où elles ont pris naissance. Cependant, en vertu du paragraphe 47(4) de cette même loi, le délai de prescription de telles créances est suspendu advenant tout appel ou autre voie de recours formé contre la décision qui est à l’origine de la créance à recouvrer. Autrement dit, le délai de prescription est suspendu durant les appels portés par un prestataire ou la Commission elle-même.

 

[16]           En l’instance, la créance a pris naissance le 18 février 1997, soit au moment où la Commission a annulé les trois demandes de prestations de M. Desrosiers. Dès lors, ce dernier en devenait le débiteur. Par la suite, en logeant un avis d’appel de cette décision au Conseil arbitral près d’un mois plus tard, soit le 19 mars 1997, M. Desrosiers procédait, bien qu’involontairement, à la suspension du délai de prescription de la créance comme le prévoit la Loi. Par la suite, insatisfait de la conclusion à laquelle en était arrivée le Conseil arbitral en date du 24 janvier 2002, M. Desrosiers déposait un avis d’appel de cette décision au juge-arbitre et c’est en vertu duquel, le 17 septembre 2003, que ce dernier rejetait une fois de plus la demande de M. Desrosiers et réaffirmait le bien-fondé de la créance.

[17]           Enfin, compte tenu des appels formés par M. Desrosiers ayant pour objet de contester la décision à l’origine de la créance en cause, le délai de prescription n’est pas expiré et la créance est toujours valide.

 

LA QUESTION DE L’ÉQUITÉ PROCÉDURALE

[18]           Comme il en a été question un peu plus tôt en ces lignes, M. Desrosiers allègue que la Commission avait le devoir de déposer un affidavit et que cela n’a pas été fait. Vu les circonstances du présent dossier, M. Desrosiers est d’avis qu’il n’est pas suffisant que seul le dossier du tribunal ait été déposé comme pièce conformément à la règle 317 des Règles des Cours fédérales dans la présente affaire. De plus, il fait valoir que le seul élément de preuve véritable, mis à part les éléments de preuve purement matériels, est son propre affidavit qui n’a d’ailleurs pas fait l’objet d’un contre-interrogatoire et que pour cause, il devrait faire preuve de son contenu, que ce qui y est affirmé devrait être tenu pour avéré.

 

[19]           D’un point de vue strictement procédural, une demande de contrôle judiciaire est une demande produite selon les règles 300 et suivantes des Règles. Il ne s’agit pas d’une demande en justice donnant naissance à la production d’affidavits par la partie défenderesse ouvrant la porte au droit d’interroger l’autre partie sur la base de ce qu’elle a déposé en preuve au dossier. En l’instance, il était loisible au défendeur de déposer un affidavit ou non. Il ne l’a pas fait et c’est son droit.

 

[20]           Les motifs sont ce qu’ils sont. S’ils s’avèrent être inadéquats lors d’un examen dans le cadre d’une demande de contrôle judiciaire, la décision doit alors être cassée. Par ailleurs, il serait définitivement trop tard si le défendeur voulait changer d’avis à ce moment-ci. De plus, faut-il le rappeler, à la lumière de la jurisprudence, il est présumé que l’instance administrative décisionnelle en cause fonde sa décision sur l’ensemble des éléments de preuve devant lui au moment de la prise de décision, bien que cette dernière ne les ait pas tous mentionnés explicitement. Tout récemment, monsieur le juge Blais réaffirmait cette présomption établie par la jurisprudence dans une décision en matière d’immigration intitulée Buttar c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2006 CF 1281 :

[29] Je conclus que je ne peux accueillir la présente demande. Puisqu’il a déjà été établi que cet avis juridique n’était qu’un élément de preuve parmi d’autres, il serait déraisonnable d’exiger que les motifs du tribunal fassent mention de chaque élément de preuve pris en compte.

 

[30] En outre, la présomption établie par la jurisprudence depuis de nombreuses années voulant que le tribunal ait tenu compte de toute la preuve devant lui pour rendre sa décision s’applique.

 

LA DÉFALCATION

[21]           L’article 56 du Règlement énonce que la Commission peut défalquer de façon discrétionnaire une pénalité à payer ou une somme due aux termes de certains articles de la Loi si l’un des critères réglementaires qui y sont énumérés est satisfait. En d’autres mots, la Commission ne peut exercer sa discrétion que si les faits d’une affaire donnée s’appliquent à l’un des critères que prévoit cet article de règlement. Enfin, si l’un d’eux est satisfait, la défalcation peut être accordée.

 

[22]           En l’instance, la Commission a conclu qu’aucun des six critères n’avait été satisfait et par conséquent, l’exercice de sa discrétion ne pouvait s’exercer judiciairement, donc en toute légalité. À la lecture du dossier, il appert que les quatre premiers critères réglementaires tels qu’une dette ne dépassant pas vingt dollars, le décès ou la qualité de failli libéré du débiteur ne peuvent trouver application

 

[23]           Par conséquent, les critères sur lesquels repose la contestation en l’instance se limitent à ce qui est énoncé au sous-alinéa 56(1)e)(i) et à l’alinéa 56(1)(f) du Règlement et qui se lisent comme suit :

56(1)e) le versement excédentaire ne résulte pas d’une erreur du débiteur ni d’une déclaration fausse ou trompeuse de celui-ci, qu’il ait ou non su que la déclaration était fausse ou trompeuse, mais découle :

 

(i) soit d’une décision rétrospective rendue en vertu de la partie IV de la Loi,

56(1)f) elle estime, compte tenu des circonstances, que :

 

(i) soit la pénalité ou la somme, y compris les intérêts courus, est irrécouvrable,

(ii) soit le remboursement de la pénalité ou de la somme, y compris les intérêts courus, imposerait au débiteur un préjudice abusif.

 

56(1)(e) the overpayment does not arise from an error made by the debtor or as a result of a false or misleading declaration or representation made by the debtor, whether the debtor knew it to be false or misleading or not, but arises from

(i) a retrospective decision or ruling made under Part IV of the Act, or

56(1)(f) the Commission considers that, having regard to all the circumstances,

(i) the penalty or amount, or the interest accrued on it, is uncollectable, or

(ii) the repayment of the penalty or amount, or the interest accrued on it, would result in undue hardship to the debtor.

 

[24]           La question que soulève le sous-alinéa 56(1)e)(i) du Règlement est à savoir si M. Desrosiers a fait une déclaration fausse et trompeuse ou de la fausse représentation lorsqu’il a produit ses trois demandes de prestation d’assurance-emploi dans les années 1990 et ce, sans égard au caractère intentionnel derrière la commission d’un acte.

 

[25]           L’affidavit de M. Desrosiers a été déposé à l’appui de la présente demande dans lequel ce dernier a solennellement affirmé qu’il n’a jamais détenu plus de 21,8% des actions votantes dans l’entreprise Les Cultures de L’Est Inc. au moment où il était à son emploi et au moment où il a produit ses demandes de prestations d’assistance-emploi. Toutefois, tous ne sont pas du même avis à cet égard puisque, ce sur quoi repose la demande de remboursement des autorités gouvernementales, obligeant M. Desrosiers à rembourser l’aide financière obtenue sans droit, se fonde sur le fait que ce dernier détenait plutôt, directement et indirectement, un nombre de parts dans l’entreprise beaucoup plus important que ce qui avait été déclaré par lui et ce, par le biais d’un stratagème relatif au capital-actions de diverses compagnies au moment où il était à l’emploi de Les Cultures de l’Est Inc. Par conséquent, M. Desrosiers était inadmissible au régime de prestation d’assurance-emploi conformément à la Loi en vigueur pour motif de non assurabilité.

 

[26]           Le dossier du tribunal met en lumière les activités de M. Desrosiers liés au monde des affaires et l’analyse qui en est faite mène à la conclusion que ce dernier contrôlait effectivement, par le jeu de la représentation relatif au capital-actions de plusieurs entreprises, plus de 40% des actions votantes de son employeur de l’époque Les Cultures de l’Est Inc.

 

[27]           De l’avis de M. Desrosiers, il n’en est rien puisque seulement son affidavit devrait être pris en considération dans l’appréciation de la preuve par la Cour. Il fait valoir qu’il s’agit du seul élément de preuve véritable en l’instance et que la décision concluant que les sommes reçues à titre de prestations d’assurance-emploi assimilées à un trop-perçu ne s’appuie sur aucune analyse officielle et qu’à tout événement, il n’a pas eu l’occasion de contre-interroger le décideur quant aux conclusions négatives auxquelles il en est arrivé.

 

[28]           En l’instance, il est malvenu pour M. Desrosiers de contester la question du contrôle des parts qu’il a pu détenir dans l’entreprise Les Cultures de l’Est Inc. à un moment précis dans le temps. Cette question a déjà fait l’objet d’examens sur le fond par diverses instances administratives et toutes les demandes qui s’y rapportent ont été rejetées. Une fois de plus, je réitère qu’il s’agit ici d’une demande de contrôle judiciaire ayant pour objet l’examen de la décision discrétionnaire de la Commission de rejeter la demande de défalcation de M. Desrosiers.

 

[29]           À tout événement, la compétence de la Cour se limite à exercer son rôle de gardien de la décision administrative rendue. Il en va de la préservation de l’intégrité du processus décisionnel judiciaire comme fonction de l’administration de la justice.

 

[30]           S’il en était autrement, la confiance du public dans le système de justice qui le régit serait grandement ébranlée. En bref, ce que soutient M. Desrosiers s’assimile à de l’abus de procédure suivant la définition à laquelle fait référence madame la juge Arbour au paragraphe 40 de la décision Toronto (Ville) c. S.C.F.P., section locale 79, [2003] 3 R.C.S. 77 :

[TRADUCTION]  L’abus de procédure illustré en l’espèce est l’introduction d’une instance devant un tribunal judiciaire dans le but d’attaquer indirectement une décision définitive rendue contre le demandeur par un autre tribunal compétent dans une instance antérieure, où le demandeur a eu l’entière possibilité de contester la décision devant le tribunal qui l’a rendue.

 

[31]           Quant à la question que soulève l’alinéa 56(1)f) du Règlement, la décision de la Commission, statuant que la somme due est recouvrable et que pour ce faire, elle n’impose en rien à M. Desrosiers de préjudice abusif, est raisonnable. Il faut mentionner que M. Desrosiers a un emploi saisonnier et jouit d’un patrimoine qui n’est pas sans actif. De plus, la Commission a prévu que la somme recouvrable peut être payée sous forme de versements échelonnés.

 

[32]           Suivant la trame factuelle, M. Desrosiers est dans la cinquantaine, il est divorcé et il est le principal soutien financier de son fils toujours aux études. Combien de gens se retrouvent aujourd’hui dans cette situation? Poser la question c’est d’y répondre. En tout état de cause, il n’était pas déraisonnable pour la Commission de conclure comme elle l’a fait.

 

[33]           Sur une note finale, je tiens à rappeler que le mécanisme d’exception que constitue la défalcation vise des cas d’espèce très particuliers considérant que les créances en cause appartiennent au bien commun.

 

 

 

 

ORDONNANCE

            LA COUR ORDONNE que la demande de contrôle judiciaire soit rejetée, le tout avec dépens.

 

 

 

     « Sean Harrington »

 

Juge


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        T-1721-06

 

INTITULÉ :                                       BERNARD DESROSIERS c.

                                                            LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Québec (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 7 juin 2007

 

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE:                        LE JUGE HARRINGTON

 

DATE DES MOTIFS :                      Le 24 juillet 2007

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Me. Frédéric St-Jean

 

POUR LE DEMANDEUR

Me. Dominique Guimond

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Frédéric St-Jean

Québec (Québec)

 

POUR LE DEMANDEUR

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

 

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

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