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Date : 20070614

Dossier : T-798-06

Référence : 2007 CF 633

Toronto (Ontario), le 14 juin 2007

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE HARRINGTON                              

 

ENTRE :

BASHEER IBRAHIM

demandeur

 

 

et

 

 

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

            défendeur

 

 

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE

 

[1]               Une personne a le droit à la citoyenneté canadienne s’il naît au pays ou s’il obtient la citoyenneté par la suite. L’article 5 de la Loi sur la citoyenneté (la Loi) précise comment les non‑Canadiens peuvent obtenir la citoyenneté. L’une des conditions qui s’appliquent, c’est que le demandeur doit être un résident permanent, et avoir, « dans les quatre ans qui ont précédé la date de sa demande, résidé au Canada pendant au moins trois ans en tout […] ». Depuis de nombreuses années, la Cour s’emploie à donner un sens au terme résidence dans le contexte de la Loi.    

 

[2]               M. Ibrahim a présenté une demande de citoyenneté le 18 décembre 2002. Au cours des quatre années précédentes, il s’est absenté pendant 498 jours. Selon le juge de la citoyenneté, il lui manquait 133 jours pour remplir la condition minimale. Par conséquent, il a rejeté sa demande.  

 

[3]               Il s’agit du contrôle judiciaire de cette décision.

 

Les faits

[4]               Les faits sur lesquels est fondée la décision sont très clairs. Outre les 18 jours pendant lesquels M. Ibrahim s’était absenté du Canada pour faire un voyage personnel, les 480 autres jours d’absence au cours de la période de quatre ans étaient attribuables à son travail auprès d’un employeur canadien. À l’exception d’un voyage rapide en France, il a passé ces jours-là en Jordanie.

 

[5]               Comme le soutient M. Ibrahim, les documents versés au dossier ont sûrement permis d’établir qu’il réside au Canada et nul part ailleurs. Sa famille est au Canada, il paye des impôts au Canada, il réalise ses opérations bancaires au Canada, il fait partie de la collectivité et il passe la majorité de son temps au Canada. Néanmoins, même après avoir examiné les documents, le juge de la citoyenneté a conclu qu’il ne remplissait pas la condition de résidence.

 

[6]               M. Ibrahim a fait remarquer que la Loi permet à une personne sollicitant la citoyenneté de résider à l’extérieur du Canada pour une durée d’un an pendant les quatre années qui précèdent sa demande. Il a également affirmé que selon la jurisprudence de la Cour fédérale, [traduction] « lorsqu’il existe des circonstances particulières ou exceptionnelles », un demandeur peut remplir les conditions de résidence même s’il n’a pas résidé physiquement au Canada pendant au moins 1 095 jours au cours de la période de quatre ans. Le juge a conclu qu’il n’y avait pas de telles circonstances en l’espèce.

 

Les questions en litige

[7]               La question primordiale est la norme de contrôle applicable à la révision de la décision. Il a été clairement établi que la norme de contrôle applicable est la décision raisonnable simpliciter. Dans la mesure où un juge a démontré qu’il a compris la jurisprudence et qu’il a apprécié les faits et la façon dont la loi s’applique à ces faits, une décision ne devrait pas être modifiée (voir notamment la décision Chen c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 85, [2006] A.C.F. no 119). 

 

[8]               Est-ce que le juge de la citoyenneté a démontré qu’il comprenait la jurisprudence dans cette question mixte de fait et de droit?  

 

Analyse

[9]               La situation malencontreuse dans laquelle se trouve M. Ibrahim, qui, selon le juge de la citoyenneté, ferait par ailleurs un bon citoyen, c’est qu’il existe trois courants jurisprudentiels ayant trait à la condition de résidence aux fins de l’obtention de la citoyenneté.

 

[10]           Dans la décision Re Papadogiorgakis, [1978] 2 C.F. 208, 88 D.L.R. (3rd) 243, le juge en chef adjoint Thurlow était d’avis qu’une personne est généralement résidente du Canada seulement si elle y est physiquement présente. Cependant, à titre exceptionnel, si une personne y a établi sa résidence permanente, les jours où elle se trouve temporairement à l’étranger comptent comme des jours de résidence au Canada. L’établissement de la résidence est néanmoins une condition principale (Goudimenko c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2002 CFPI 447, [2002] A.C.F. no 581, et Ahmed c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 225 F.T.R. 215, 2002 CFPI 1067.)

 

[11]           Cependant, dans la décision Re Koo, [1993] 1 C.F. 286, 59 F.T.R. 27, la juge Reed a conclu que le critère en matière de résidence devrait être axé sur la question à savoir si le Canada est le lieu où un demandeur « vit régulièrement, normalement ou habituellement ». En d’autres mots, il s’agit de savoir si le Canada est le pays dans lequel un demandeur à centralisé son mode d’existence. La juge Reed a dressé une liste non exhaustive de six questions pour aider à trancher la question.

 

[12]           Par contre, le juge Muldoon a appliqué le critère strict de présence physique dans la décision Re Pourghasemi (1993), 62 F.T.R. 22. 

 

[13]           Ce désaccord dans la jurisprudence a été commentée par le juge Lutfy (maintenant juge en chef de la Cour fédérale) dans la décision Lam c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) (1999), 164 F.T.R. 177. Il a conclu qu’il était loisible à un juge de la citoyenneté d’adhérer à quelconque des trois courants jurisprudentiels divergents, et que si les principes de l’approche choisie étaient correctement appliqués aux faits de la cause, la décision du juge ne devait pas être modifiée. Malheureusement, la Loi ne permet pas d’interjeter appel auprès de la Cour d’appel fédérale et la condition de résidence n’a pas été clarifiée par voie législative. Ainsi, il y a adhésion déférente à la décision Lam.

 

[14]           Il est clair que le juge de la citoyenneté a appliqué la décision rendue par le juge Muldoon dans l’affaire Re Pourghasemi, susmentionnée.

 

[15]           M. Ibrahim a choisi de passer plus d’une des quatre années en question à l’étranger en raison de son travail. Il n’était pas déraisonnable pour le juge de la citoyenneté de conclure que cela avait, par conséquent, un effet négatif sur sa demande de citoyenneté (Alibhal c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2003] A.C.F. no 248, 2003 CFPI 169, et Re Leung (1991), 42 F.T.R. 149.)

 

[16]           Essentiellement, M. Ibrahim soutient que le critère approprié en matière de résidence est celui énoncé dans la décision Re Koo. Cependant, pour les motifs précités, tant et aussi longtemps que l’un des trois courants jurisprudentiels a été choisi et appliqué correctement, la décision ne doit pas être modifiée. Le juge de la citoyenneté n’a pas fait d’erreur susceptible de contrôle.

 

[17]           La présente affaire se différencie de la décision Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c. Wall, 2005 C.F. 110, [2005] A.C.F. no 146. Dans cette affaire, la décision du juge de la citoyenneté avait été écrite sur un document imprimé qui reflétait les principes établis dans Re Koo, précitée. J’ai conclu qu’à moins que des parties du document imprimé soient rayées par lui, il y avait une présomption que l’intention du juge avait été de suivre la décision Re Koo. En l’espèce, le juge n’a pas utilisé ce document et par conséquent, il n’avait pas l’obligation d’établir qu’il ne se fondait pas sur la décision Re Koo.           

 


ORDONNANCE

 

LA COUR ORDONNE que la demande de contrôle judicaire de la décision rendue le 3 mai 2006 par le juge de la citoyenneté soit rejetée.   

 

                                                                                                            « Sean Harrington »

Juge

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Annie Beaulieu


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        T-798-06

 

INTITULÉ :                                       BASHEER IBRAHIM c. LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Toronto (Ontario)

 

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 12 juin 2007

 

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                       Le juge Harrington

 

 

DATE DES MOTIFS :                      Le 14 juin 2007                       

 

 

COMPARUTIONS :

                                                           

Krassina Kostadinov                                        POUR LE DEMANDEUR

 

 

Brad Gotkin                                                     POUR LE DÉFENDEUR

FOR APPLICAN

r. John Pro

FOR RESPONDENT

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :     

 

Waldman & Associates

Toronto (Ontario)                                             POUR LE DEMANDEUR

 

 

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada                   POUR LE DÉFENDEUR

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