Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

 

Date : 20070605

Dossier : IMM-5146-06

Référence : 2007 CF 594

Ottawa (Ontario), le 5 juin 2007

En présence de Monsieur le juge Martineau

 

ENTRE :

OLUSHOLA OLAYIN AJAYI

Partie demanderesse

et

 

MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION

Partie défenderesse

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE

[1]               Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire d’une décision de la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (la CISR ou le tribunal), rendue le 21 août 2006, statuant que la demanderesse n’est pas une réfugiée au sens de la Convention, ni une « personne à protéger » selon les définitions données aux articles 96 et 97 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, c. 27 (la Loi).

[2]               Olushola Olayin Ajayi, la demanderesse, est citoyenne du Nigéria. Elle allègue craindre sa belle-mère qui voudrait l’exciser, et son père qui voudrait la forcer à participer à un grand rituel initiatique (Obitum) au cours duquel elle devra monter une haute colline. La demanderesse allègue aussi craindre des puissances ou des êtres surnaturels. Elle allègue que son refus de participer au rituel en question fait en sorte qu’elle a eu des cauchemars et des saignements menstruels abondants. Elle et son ami de cœur sont alors déménagés à Port Harcourt. En juillet 2005, la demanderesse est devenue enceinte. Les saignements ont repris et la demanderesse et son ami ont quitté le Nigéria pour le Bénin. En décembre 2005, la demanderesse est arrivée au Canada.

[3]               Le tribunal a déterminé que la demanderesse n’avait pas établi son identité, non plus que sa résidence au Nigéria et son itinéraire de voyage du Nigéria au Canada. De plus, le tribunal a trouvé que le témoignage de la demanderesse n’était pas crédible. Le tribunal a aussi noté que la demanderesse n’avait pas une crainte objective de persécution. Bien que la demanderesse, dans son Formulaire de renseignements personnels (FRP), ait dit qu’elle craignait son père et sa belle-mère, à l’audience, elle a témoigné qu’elle ne craignait pas son père quand elle a refusé de participer au rituel et ne craignait pas sa belle-mère, car celle-ci n’a jamais tenté de la forcer à se soumettre à l’excision. Restait sa crainte subjective à l’égard de puissances ou d’êtres surnaturels. Le tribunal a conclu que le témoignage de la demanderesse sur ce point n’était pas crédible, et même si celui-ci était crédible, objectivement, aucune protection étatique ne peut être offerte par le Canada dans ce dernier cas.

[4]               La demanderesse désire que la décision en cause soit annulée et l’affaire retournée à une nouvelle formation de la CISR. La demanderesse soutient que le tribunal n’avait aucune raison valable pour conclure qu’elle n’avait pas établi son identité et que sa revendication n’était pas fondée, vu l’étrangeté de sa crainte de persécution. La demanderesse soutient à cet égard que la preuve documentaire confirme l’existence de coutumes tribales au Nigéria. La demanderesse reconnait à cet égard qu’aucun État ne peut la protéger des forces de l’au-delà, mais prétend que le Canada peut la protéger de l’obligation de participer à des rites initiatiques où des puissances surnaturelles sont invoquées par les participants.

[5]               En l’espèce, que la norme applicable soit celle de la décision manifestement déraisonnable ou celle de la décision raisonnable simpliciter, je suis convaincu que la présente demande doit échouer.

Questions relatives à l’identité de la demanderesse

[6]               En général, lorsque les conclusions de la Commission relatives à l’identité reposent sur la crédibilité du demandeur, la norme de contrôle applicable est celle de la décision manifestement déraisonnable. D’autre part, lorsqu’il s’agit d’évaluer l’authenticité des documents ou la validité des documents étrangers, deux normes ont été appliquées par la Cour : celle de la décision manifestement déraisonnable et celle de la décision raisonnable simpliciter. Pour un aperçu des circonstances particulières ayant donné lieu à l’application de ces normes, voir notamment : Wu c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 513 au para. 16; Li c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 296 au para. 5; Bouyaya c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 1042 aux paras. 6-7; Rasheed c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CF 587; Umba c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CF 25).

Le permis de conduire

 

[7]               Le tribunal pouvait écarter le permis de conduire. En effet, la demanderesse a témoigné à l’audience qu’elle a obtenu celui-ci à un bureau gouvernemental local, sans passer un examen pratique de conduite. Or, ceci contredit la preuve documentaire qui indique qu’il faut passer un examen écrit et pratique pour obtenir un permis, et que les permis sont émis par le « Nigerian Road Safety Commission », et non par un bureau gouvernemental local. En l’espèce, le tribunal pouvait préférer la preuve documentaire au témoignage de la demanderesse et sa conclusion n’est pas manifestement déraisonnable. De plus, je note que l’expertise non-contredite effectuée par l’analyste de la contrefaçon de l’Agence des services frontaliers du Canada a conclu qu’il s’agissait d’un document apocryphe en raison de plusieurs anomalies.

Le certificat de naissance

[8]               Le tribunal pouvait également écarter le certificat de naissance parce qu’il y avait des contradictions dans le témoignage de la demanderesse quant au fait qu’elle aurait habité avec sa belle-mère, qu’elle appelle sa mère, depuis qu’elle est toute petite. Encore plus important est l’absence d’explication valable sur la présence du nom de la belle-mère, et non de la mère biologique, sur le certificat de naissance en question qui aurait été émis par la maternité de l’hôpital où la demanderesse est née. En outre, le certificat en question n’est pas un original et diverses anomalies sont également mentionnées dans l’expertise non contredite effectuée par l’analyste de la contrefaçon. La conclusion du tribunal n’est pas manifestement déraisonnable.

Le certificat d’origine

 

[9]               La détermination du tribunal à l’effet que le certificat d’origine n’avait aucune valeur probante n’est pas manifestement déraisonnable. En effet, il appert que le certificat d’origine porte également le nom de la belle-mère de la demanderesse et non celui de sa mère biologique. En outre, l’expertise non contredite au dossier soulève également diverses anomalies concernant la confection de ce document dont l’authenticité ne peut être établie.

La carte d’identité universitaire

[10]           Le tribunal pouvait écarter la carte d’identité universitaire comme preuve d’identité parce qu’il y avait des contradictions importantes dans le témoignage de la demanderesse concernant les années où elle dit avoir étudié à l’université. En effet, le témoignage, le FRP, et les documents d’immigration indiquent tous une année différente et la carte d’identité universitaire elle-même indique encore une année différente. La conclusion du tribunal de n’accorder aucune force probante à ce document et de conclure à une fabrication, est fondée sur la preuve et n’est pas manifestement déraisonnable.

 

 

Le certificat de police

[11]           En dernier lieu, le tribunal pouvait écarter le certificat de police parce qu’on y retrouve une adresse où la demanderesse n’a jamais vécu, mais celle du pasteur qui l’a soit disant aidée. Le tribunal pouvait donc conclure que le document en question n’avait aucune valeur probante.

[12]           Le fardeau de démontrer son identité à l’aide d’une preuve crédible et digne de foi, en déposant des documents d’identité acceptables, revenait entièrement à la demanderesse. Le fait que la demanderesse ait été détenue pour fin d’identification, puis libérée à la suite d’une décision de la Section de l’immigration de la CISR à l’occasion de la révision de la légalité de sa détention, n’est pas concluant en l’espèce. D’autre part, l’assertion qu’on aurait pu établir l’identité de la demanderesse à l’aide d’empreintes digitales envoyées au Haut-commissariat du Nigéria est purement spéculative et n’a pas été débattue devant le tribunal. J’estime donc que les conclusions du tribunal quant à l’identité de la demanderesse peuvent raisonnablement s’appuyer sur la preuve au dossier et ne sont pas manifestement déraisonnables.

Questions de crédibilité et de protection étatique

[13]           Le tribunal n’était pas obligé de poursuivre son analyse de la preuve après avoir conclu que l’identité de la demanderesse n’avait pas été établie (Husein c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1998] A.C.F. No 726 au para. 13 (QL)). Ceci étant dit, le tribunal a néanmoins examiné les allégations de crainte de persécution et de risque en vertu des articles 96 et 97 de la Loi, et les a rejetées. La conclusion générale de non crédibilité du tribunal s’appuie sur la preuve et n’est pas manifestement déraisonnable.

[14]           En particulier, le tribunal pouvait conclure que la demanderesse n’avait pas établi sa résidence au Nigéria à l’époque de la survenance des faits allégués au soutien de sa demande d’asile. À l’audience, la demanderesse a eu l’opportunité de clarifier les contradictions dans son FRP relativement à ses diverses périodes de séjour à Port Harcourt et les personnes avec qui elle a demeuré. Son témoignage est demeuré des plus confus.

[15]           Le tribunal pouvait également conclure que la demanderesse n’avait pas établi son itinéraire de voyage du Nigéria au Canada. En effet, la demanderesse a d’abord soutenu qu’elle avait quitté le Nigéria le 8 décembre 2005 et avait transité à Amsterdam puis vers Londres avant d’arriver à Montréal. Or, il n’y avait aucun tampon néerlandais, britannique ou nigérian sur le passeport qu’elle a utilisé. Lorsque la demanderesse a été confrontée à cette contradiction, elle a témoigné qu’elle n’avait jamais été à Amsterdam et qu’elle n’avait transité que quelques heures à Londres. Le tribunal a trouvé que l’explication de la demanderesse n’était pas raisonnable. Le tribunal n’a tout simplement pas cru que la demanderesse vivait au Nigéria avant de venir au Canada. La conclusion du tribunal que la demanderesse n’a pas établi son itinéraire n'est pas manifestement déraisonnable.

[16]           Enfin, je reconnais que la crainte d’une personne à l’égard de la magie ou de la sorcellerie peut être réelle sur le plan subjectif, mais objectivement parlant, l’État ne peut accorder une protection efficace contre la magie ou la sorcellerie, ni contre des puissances surnaturelles ou des êtres de l’au-delà. Il faut donc que la protection accordée par l’État à une personne soit à l’égard des agissements des membres d’une secte ou d’une tribu participant à de tels rituels où les puissances surnaturelles ou des êtres de l’au-delà sont invoqués ou peuvent se manifester. Or, la demanderesse a témoigné à ce sujet qu’elle ne craignait pas son père quand elle a refusé de participer au rituel et qu’elle ne craignait pas non plus sa belle-mère, car elle n’avait jamais tenté de la forcer à se soumettre à l’excision.

[17]           Il n’était donc pas manifestement déraisonnable de conclure que la demanderesse n’avait aucune crainte objective de persécution et que la demanderesse n’est pas une réfugiée au sens de la Convention ni une « personne à protéger » en vertu des articles 96 et 97 de la Loi.

Conclusion

 

[18]           Pour tous ces motifs, la présente demande de contrôle judiciaire doit échouer. Aucune question d’importance générale n’a été soulevée et ne se soulève en l’espèce.

 

 

 

 

 

 

ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE que la demande de contrôle judiciaire soit rejetée. Aucune question n’est certifiée.

 

« Luc Martineau »

Juge

 


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        IMM-5146-06

 

INTITULÉ :               OLUSHOLA OLAYIN AJAYI, demanderesse

- et -

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION, défendeur

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Montréal (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               le 30 mai 2007

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                     L’honorable juge Luc Martineau

 

DATE DES MOTIFS :                      le 5 juin 2007

 

COMPARUTIONS :

 

Me Éveline Fiset

 

POUR LE(S) DEMANDEUR(ERESSE)(S)

Me Patricia G. Nobl

 

POUR LE(S) DÉFENDEUR(ERESSE)(S)

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Me Éveline Fiset

477, rue St-François-Xavier,

Bureau 308

Montréal, Québec

H2Y 2T2

POUR LE(S) DEMANDEUR(ERESSE)(S)

John H. Sims, c.r.

Sous-Procureur général du Canada

Complexe Guy-Favreau

200, boul. René-Lévesque Ouest

Tour Est, 12e étage

Montréal (Québec)

H2Z 1X4

POUR LE(S) DÉFENDEUR(ERESSE)(S)

 

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.