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Date : 20070601

Dossier : IMM-6222-06

Référence : 2007 CF 583

Ottawa (Ontario), le 1er juin 2007

EN PRÉSENCE DE MADAME LA JUGE TREMBLAY-LAMER

 

 

ENTRE :

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

demandeur

et

 

AKASH DEEP SINGH MAAN

défendeur

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Il s’agit d’une demande présentée en vertu du paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (la Loi), en vue du contrôle judiciaire d’une décision de la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (la Commission), datée du 2 novembre 2006, accordant la qualité de réfugié au sens de la Convention à M. Maan (le défendeur).

 

[2]               Comme la première langue du défendeur est l’anglais et comme la décision du juge Martineau ainsi que celle de la Commission étaient en anglais, la Cour a choisi de rédiger la présente décision en anglais.

 

CONTEXTE

[3]               Les faits les plus pertinents relatifs à la présente instance sont les suivants : le 9 décembre 2005, le juge Martineau dans Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c. Maan, [2005] A.C.F. nº 2078, a renvoyé l’affaire au même commissaire avec instruction conformément à l’alinéa 18.1(3)b) de la Loi sur les Cours fédérales, L.R.C. 1985, ch F-7, de déterminer s’il existait des « raisons sérieuses de penser » que le défendeur avait commis les actes visés par les dispositions d’exclusion de la section F de l’article premier de la Convention. En outre, la Commission devait analyser la recevabilité de la défense de contrainte et déterminer s’il existait une possibilité de refuge intérieur (PRI). Le juge Martineau a dit clairement qu’il ne s’agissait pas de tenir une nouvelle audience, mais plutôt de rectifier les erreurs de droit présentes dans les premiers motifs. Ce sont ces motifs supplémentaires qui, lus conjointement avec les premiers motifs font l’objet du présent contrôle judiciaire.

 

[4]               Par souci de commodité, je reprends le bref exposé contexte que le juge Martineau a brossé dans le premier contrôle judiciaire aux paragraphes 2 à 8 de la décision Maan, précitée.

2.   Le défendeur est un citoyen de l’Inde. Le 10 septembre 2000, le Babbar Khalsa (BK), un groupe de militants, lui a demandé de transporter des colis que des sympathisants du groupe lui remettraient et d’apporter ces colis à son école. Le défendeur a témoigné qu’il croyait que les colis contenaient de la drogue.

3.   Le défendeur a allégué qu’il avait reçu des menaces de mort après avoir d’abord refusé d’obéir à cette demande. À cause de ces menaces, il aurait accepté de transporter les colis à cinq reprises.

4.   Le défendeur a transporté les colis pour la dernière fois le 10 janvier 2001. Ce jour-là, il aurait été intercepté par la police, arrêté et détenu pendant quatre jours. Pendant sa détention, il aurait été torturé par la police qui voulait lui faire dire le nom des personnes qui avaient obtenu sa collaboration.

5.   Lorsqu’il a été relâché, le défendeur aurait été soigné pour les blessures causées par la torture infligée par la police.

6.   La police s’est présentée chez lui le 10 juillet 2001. Il a été emmené au poste de police, où on lui a demandé d’identifier une personne soupçonnée d’être un membre du BK. Il a été détenu et torturé pendant trois jours, avant d’être relâché. Il a de nouveau été soigné pour ses blessures.

7.   Le défendeur est arrivé au Canada avec un visa d’étudiant le 6 septembre 2002. Il a étudié à Brampton, en Ontario, jusqu’en novembre 2003. Il a alors demandé l’asile.

8.   La Commission a considéré que le défendeur était crédible et a conclu qu’il est un réfugié au sens de la Convention selon l’article 96 de la Loi et une personne à protéger suivant les alinéas 97(1)a) et b) de la Loi. […]

 

[5]               L’article 98 de la Loi incorpore l’article 1F de la Convention dans le droit canadien. Il est ainsi rédigé :

 

98.

 

La personne visée aux sections E ou F de l’article premier de la Convention sur les réfugiés ne peut avoir la qualité de réfugié ni de personne à protéger.

 

 

 

1F. Les dispositions de cette Convention ne seront pas applicables aux personnes dont on aura des raisons sérieuses de penser :

 

 

a)

 

Qu’elles ont commis un crime contre la paix, un crime de guerre ou un crime contre l’humanité, au sens des instruments internationaux élaborés pour prévoir des dispositions relatives à ces crimes;

 

b)

 

Qu’elles ont commis un crime grave de droit commun en dehors du pays d’accueil avant d’y être admises comme réfugiés;

 

c)

 

Qu’elles se sont rendues coupables d’agissements contraires aux buts et aux principes des Nations Unies.

 

98.

 

A person referred to in section E or F of Article 1 of the Refugee Convention is not a Convention refugee or a person in need of protection.

 

 

 

1F. The provisions of this Convention shall not apply to any person with respect to whom there are serious reasons for considering that:

 

 

(a)

 

he has committed a crime against peace, a war crime, or a crime against humanity, as defined in the international instruments drawn up to make provision in respect of such crimes;

 

 

(b)

 

he has committed a serious non-political crime outside the country of refuge prior to his admission to that country as a refugee;

 

(c)

 

he has been guilty of acts contrary to the purposes and principles of the United Nations.

 

 

Décision de la Commission, motifs supplémentaires :

[6]               La Commission a suivi de manière séquentielle les instructions du juge Martineau, données au paragraphe 25 de la décision Maan, précitée.

25 a)  appliquer le critère approprié qui est énoncé dans la jurisprudence mentionnée dans les présents motifs de l’ordonnance pour déterminer s’il existe des « raisons sérieuses de penser » que le défendeur a commis les actes visés par les dispositions d’exclusion de la section 1F de la Convention;

 

[7]               La Commission a rappelé qu’elle reconnaissait que le défendeur était crédible. Elle a reconnu que le défendeur a commis un crime lorsqu’il a transporté des drogues illicites. Toutefois, la Commission a reconnu qu’il a agi sous la contrainte, car sa vie, celle de ses parents et de ses frères était en danger. La Commission a accordé de l’importance au fait que le défendeur avait seulement 17 ans au moment où des militants du Babbar Khalsa (BK) lui ont demandé de transporter des drogues illicites.

25. b)  effectuer une analyse suffisante concernant la nature du BK afin de déterminer le degré de participation du défendeur aux activités de cette organisation ou son degré de complicité à l’égard de ces activités. Les facteurs suivants, qui ont été établis par la Cour dans le passé, devront être adaptés à la présente situation : (1) la nature de l’organisation; (2) le mode de recrutement; (3) le poste ou le grade de l’individu au sein de l’organisation; (4) la connaissance qu’avait l’individu des atrocités commises par l’organisation; (5) la durée du temps passé par l’individu au sein de l’organisation; (6) la possibilité que l’individu a eue de quitter l’organisation (voir Ali c. Solliciteur général, 2005 CF 1306, [2005] A.C.F. no 1590, et la jurisprudence mentionnée dans les présents motifs);

 

[8]               La Commission a conclu que le défendeur ne détenait pas de grade au sein de l’organisation qui, selon la preuve documentaire était un groupe de subversif. La Commission a estimé que la preuve documentaire faisant état du mode de recrutement des passeurs de drogue du BK concordait avec le témoignage du défendeur. La Commission n’a aucune raison de croire que le défendeur était complice de l’organisation ou qu’il jouait un rôle autre que celui de passeur de drogue involontaire. La Commission reconnaît que le défendeur avait entendu parler du BK, mais qu’il n’avait jamais, en dehors des actes commis sous contrainte, collaboré avec l’organisation. La première rencontre avec le BK a eu lieu en septembre 2000 et il n’y a eu que quatre rencontres par la suite, à environ un mois d’intervalle chaque fois, jusqu’en janvier 2001. La Commission a également reconnu que le défendeur ne pouvait pas quitter l’organisation parce qu’il craignait pour sa vie et celle de sa famille.

 

25. c) traiter en particulier des alinéas 1Fa) et 1Fc) de la Convention;

 

[9]               La Commission a conclu qu’il n’y avait pas de « raisons sérieuses de penser » que le défendeur avait commis un crime, étant donné l’existence de contrainte et l’absence de mens rea, et donc que l’exclusion prévue dans la Convention ne s’appliquait pas.

 

25. d) déterminer si les actes que le défendeur a admis avoir commis peuvent être considérés comme un crime grave de droit commun au sens de l’alinéa 1Fb) de la Convention;

 

[10]           La Commission a accepté le témoignage du défendeur selon lequel il n’a pas commis de crime grave de droit commun au sens de la Convention. La Commission a reconnu que le défendeur a été torturé et qu’il a été victime de circonstances regrettables.

25. e) procéder au réexamen de la présente affaire sans porter atteinte au droit du demandeur de démontrer que la défense de contrainte ne s’applique pas ou qu’il existe une PRI viable;

 

[11]           La Commission était d’avis que le représentant du ministre souhaitait tenir une nouvelle audience, produire des éléments de preuve supplémentaires et interroger le défendeur sur la question de la PRI. La Commission a rejeté cette demande au motif que l’ordonnance du juge Martineau lui enjoignait de se fonder sur le dossier du tribunal existant pour apporter les clarifications demandées.

25. f) fournir par écrit des motifs supplémentaires justifiant sa décision de reconnaître que le défendeur est un réfugié au sens de la Convention, ou encore de l’exclure en vertu de la section 1F de la Convention et/ou de conclure qu’il a une PRI viable, selon le cas.

 

[12]           La Commission a estimé que le défendeur n’avait pas de PRI. Elle a conclu que le défendeur s’est acquitté de son fardeau de produire une preuve crédible selon laquelle sa vie et son bien-être sont en danger en Inde et qu’il a la qualité de réfugié au sens de la Convention suivant l’article 96. La Commission a en outre conclu que s’il devait retourner en Inde, le défendeur serait, par son retour exposé à une menace à sa vie ou au risque de traitements ou peines cruels et inusités au sens de l’article 97 de la Loi et qu’il n’y avait donc pas lieu de l’exclure en application de l’article 1F.

 

QUESTIONS EN LITIGE

[13]           La demande soulève les deux questions suivantes :

a)      La Commission a-t-elle commis une erreur lorsqu’elle n’a pas tenu compte des éléments essentiels de la défense de contrainte?

b)      La Commission a-t-elle omis d’examiner la possibilité de refuge intérieur?

 

[14]           Pour les motifs qui suivent, la réponse à chacune des questions est négative. Par conséquent, la demande sera rejetée.

 

ANALYSE

Défense de contrainte

[15]           L’application de la défense de contrainte est entièrement fondée sur les faits et est donc susceptible d’être révisée suivant la norme de la décision manifestement déraisonnable (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration c. Hussain), 2002 (CFPI) 209.

 

[16]           La recevabilité de la défense de contrainte est subordonnée aux conditions précises que le juge en chef Lamer a ainsi définies au paragraphe 62 de l’arrêt R. c. Hibbert, [1995] 2 R.C.S. 973 (suivi dans l’arrêt R. c. Latimer, [2001] 1 R.C.S. 3, 2001 CSC 1, aux paragraphes 32 et 33, et également dans l’arrêt R. c. Ruzic, [2001] 1 R.C.S. 687, 2001 CSC 24, au paragraphe 96) :

[. . .] En outre, je crois que la logique interne du moyen de défense fondé sur une excuse, qui a une assise théorique directement analogue à celle du moyen de défense fondé sur la nécessité (tel qu’énoncé dans l’arrêt Perka, précité), porte à croire que la question de l’existence d’un moyen de s’en sortir sans danger doit être tranchée selon une norme objective.  Toutefois, dans l’examen des perceptions d’une « personne raisonnable », la situation personnelle de l’accusé est pertinente et importante, et devrait être prise en considération.

 

 

[17]           Pour invoquer la défense de contrainte, la personne doit prouver (1) qu’il existe une situation urgente de danger imminent et évident (2) que la conformité à la loi est manifestement impossible et (3) que le mal infligé est moindre que le mal qu’elle tentait d’éviter, (R. c. Perka, [1984] 2 R.C.S. 232, p. 248 et suivants; Latimer, précité, aux paragraphes 28 à 31). Le fardeau de la preuve incombe à la partie qui invoque la défense de contrainte et c’est le ministère public qui assume le fardeau d’établir l’absence de contrainte (Ruzic, précité, au paragraphe 71).

 

[18]           Les mêmes principes s’appliquent à l’égard de l’exclusion et de la défense de contrainte en matière d’immigration (Ramirez c. Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1992] 2 C.F. 306, aux p. 327 et 328 (C.A.); Kathiravel c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2003] A.C.F. nº 882 (QL), 2003 CFPI 680, aux paragraphes 45 à 47).

 

[19]           Le premier élément du critère exige la preuve que l’accusé croyait raisonnablement que les menaces seraient mises à exécution s’il ne commettait pas le crime et qu’il existe un lien temporel étroit entre les menaces et le préjudice. En d’autres termes, « [s]ans qu’il soit nécessaire de démontrer qu’elles peuvent être mises à exécution immédiatement, les menaces doivent avoir pour effet de créer une incitation immédiate à agir » (Ruzic, précité, paragraphes 71 et 72).

 

[20]           Deuxièmement, l’exigence qu’il y ait solution légale autre que d’agir comme elle l’a fait suppose que la personne qui invoque la défense de contrainte doit prouver qu’elle n’avait aucune autre solution que celle de contrevenir à la loi pour éviter ou prévenir le préjudice. Dans le cas contraire, la défense de contrainte est irrecevable. On peut lire ce qui suit dans Latimer, précité, au paragraphe 30 :

[...] [o]n peut remarquer que l’exigence comporte une appréciation réaliste des choix dont dispose une personne; l’accusé ne doit pas être placé devant le dernier recours imaginable, mais il ne doit avoir aucune solution raisonnable et légale. S’il existe une solution autre que celle de contrevenir à la loi, le moyen de défense fondé sur la nécessité échoue à cet égard.

 

[21]           Pour satisfaire au troisième élément du critère, il faut établir que le mal évité était plus grave que le mal infligé par le crime commis sous la contrainte.

 

[22]           Le demandeur fait valoir que la Commission n’a pas fait référence à ces éléments fondamentaux de la défense de contrainte ni ne les a appliqués. Au contraire, elle s’est fondée sur des éléments purement subjectifs pour conclure que le défendeur transportait des drogues illicites sous l’effet de la contrainte. La Commission a accordé une trop grande importance au fait que le défendeur avait 17 ans. Il s’agit là d’un facteur subjectif, et non d’une appréciation de la menace du point de vue de la personne raisonnable placée dans une situation similaire.

 

[23]           De plus, le demandeur fait observer que les éléments de preuve dont disposait la Commission n’indiquaient pas qu’il y avait une proximité dans le temps entre le mal et le crime commis par le défendeur. Celui-ci a dit avoir transporté de la drogue à cinq reprises entre le 10 septembre 2000 et le 10 janvier 2001 sur la base d’un modus operandi relativement simple : deux à trois jours avant la date prévue du transport, quelqu’un le rencontrait après l’école et lui donnait des instructions. Bien qu’il ait témoigné qu’il avait été kidnappé après la première livraison, il n’a rien affirmé de tel à l’égard des autres crimes qu’il a commis; le comportement du défendeur n’était certainement pas celui d’une personne raisonnable. Une personne raisonnable aurait pris les mesures appropriées pour ne plus commettre de crimes. En outre, le défendeur avait un choix légal, celui de signaler le premier incident à la police indienne, mais il ne l’a pas fait.

 

[24]           Le défendeur fait valoir que la Commission a appliqué les bons principes de droit en concluant qu’il n’était ni membre du BK, ni complice de ses activités illégales. Il n’était pas manifestement déraisonnable pour la Commission de conclure que le défendeur pouvait se prévaloir de la défense de contrainte dans les circonstances de l’espèce. Je suis convaincue que la Commission n’a pas commis d’erreur dans son appréciation du critère tripartite et son application à la défense de contrainte. Même si je suis d’accord avec le demandeur que la Commission aurait pu être plus explicite dans ses motifs supplémentaires, plus particulièrement au sujet de la PRI, ces motifs doivent être lus conjointement avec les premiers motifs. Le demandeur peut ne pas être d’accord en ce qui concerne l’importance accordée à la preuve, mais il ne revient pas à la Cour de modifier les conclusions de fait tirées par la Commission.

 

[25]           Premièrement, la Commission a conclu qu’il y avait un danger clair et imminent étant donné la crainte du défendeur de se faire kidnapper ou tuer par le BK. Deuxièmement, le défendeur n’avait pas d’autre choix légal raisonnable que de livrer la drogue pour le BK. Il n’était pas membre du BK, il n’avait jamais participé de son plein gré à ses activités illégales et n’avait pas de PRI. De plus, la Commission a accepté son témoignage selon lequel il avait été détenu et torturé à deux reprises par la police qui essayait de lui faire admettre qu’il collaborait avec le BK. Il est improbable qu’une personne raisonnable se trouvant dans la même situation aurait sollicité la protection de la police.

 

[26]           Troisièmement, le mal causé n’était pas disproportionné par rapport au mal évité vu que le refus d’agir aurait entraîné son assassinat ainsi que celui de sa famille par le BK. À la lumière de la norme de contrôle applicable, on ne peut pas dire que la décision est « clairement irrationnelle » ou qu’elle « est à ce point viciée qu’aucun degré de déférence judiciaire ne peut justifier de la maintenir », Barreau du Nouveau‑Brunswick c. Ryan, [2003] 1 R.C.S. 247, p. 269-270.

 

Possibilité de refuge intérieur :

[27]           Bien qu’il soit vrai que la Cour a spécifiquement ordonné qu’il soit procédé au réexamen de la demande d’asile sur le seul fondement du dossier du tribunal existant, le demandeur soutient que la Commission était néanmoins tenue de déterminer s’il existait une PRI, vu que cet élément fait partie de la définition de personne à protéger. (Sous-alinéa 97(1)b)(ii) de la Loi; Rasaratnam c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1992] 1 C.F.706, à la p. 710 (C.A.); Thirunavukkarasu c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1994] 1  C.F. 589, aux p. 592 et 593 (C.A.).

 

[28]           Le demandeur reproche à la Commission d’avoir simplement mentionné que le défendeur avait prouvé l’inexistence d’une PRI.

 

[29]           Le demandeur fait valoir que la conclusion de la Commission n’était pas appuyée par la preuve. En particulier, la preuve établissait que les citoyens de l’Inde ont le droit de circuler librement et de s’établir n’importe où dans le pays. En outre, il n’y a pas de contrôle d’identité des individus et les nouveaux arrivants ne sont pas tenus de se faire enregistrer pour s’établir n’importe où en Inde. De plus, les individus qui ne présentent aucun intérêt pour les autorités indiennes s’établissent généralement sans difficulté partout ailleurs en Inde.

 

[30]           Le demandeur ajoute que la preuve dont disposait la Commission étayait la possibilité de refuge intérieur, le défendeur ayant témoigné que la police indienne n’a pas porté d’accusations contre lui, que sa famille s’est installée à Ramidi, village de ses grands-parents maternels où ses frères étudient à présent et que son père retourne régulièrement dans leur village pour surveiller la ferme familiale.

 

[31]           L’allégation du défendeur selon laquelle il craint que le BK ne le retrouve où qu’il aille en Inde, pays de plus d’un milliard d’habitants, est à peine crédible. Non seulement les groupes terroristes ont cessé leurs activités au Punjab, mais la taille réduite du BK en Inde rend improbable que l’organisation puisse le retracer.

 

[32]           Compte tenu de ces circonstances, le demandeur est d’avis que la Commission devait expliquer pourquoi elle a considéré que le défendeur avait établi qu’il n’existait pas de PRI.

 

[33]           D’abord, bien qu’il soit vrai que la Commission n’a pas expliqué dans les motifs supplémentaires pourquoi il n’y avait pas de refuge intérieur possible, elle a examiné cette question dans sa première décision datée du 8 mars 2005 et a alors conclu, comme elle le fait maintenant, que le défendeur n’avait pas une PRI viable. Le passage suivant est pertinent :

e)         Dans les observations du ministre, on a demandé au défendeur pourquoi il n’avait pas réinstallé sa famille dans une autre région de l’Inde, trouvant ainsi une possibilité de refuge intérieur (PRI) dans/à la situation qui prévalait. Le tribunal conclut que le demandeur d’asile âgé de dix-sept ans à dix-huit lorsque les incidents se seraient produits ne pouvait pas, dans une société aussi patriarcale que l’Inde, demander à son père de réinstaller sa famille dans un lieu comme New Delhi, tel que suggéré. Dans l’arrêt Zhi Bing Ye la Cour d’appel fédérale a en partie décidé ce qui suit : « Nous pouvons bien nous demander si cette opinion n’implique pas le fait d'imposer des concepts occidentaux à un totalitarisme oriental subtil, et s’il est juste d'interpréter la façon dont la loi chinoise est exécutée à la lumière du modèle occidental plus linéaire, […] ». Le demandeur a répondu aux questions en disant que son père ne pouvait pas déménager pour s’installer à New Delhi sans revenu pour la famille, car il laisserait derrière lui sa ferme qui est son unique gagne-pain.

 

[...]

 

En ce qui a trait à la PRI pour ce demandeur en Inde, le tribunal accepte les arguments et l’information contenus dans la pièce R‑10, qui montre que des personnes qui ont eu des problèmes avec la police dans d’autres parties de l’Inde peuvent faire l’objet de vérifications dans d’autres parties de l’Inde. Il a pu obtenir un passeport parce qu’il n’est pas « recherché » en Inde. La police aimerait qu’il identifie de présumés criminels des BK. Le tribunal ne croit pas que cette coopération qu’espère la police nuirait à la délivrance d’un passeport par les autorités de l’État. Même si les détails de la pièce R‑10 ne portent pas précisément sur la situation du demandeur, le tribunal en apprécie la pertinence. En outre, le jeune âge du demandeur peut bien avoir contribué à la décision du père de faire fuir son fils au Canada plutôt que de fuir dans une autre partie de l’Inde. Une fois que le père ou la famille a décidé que le fils aîné devait quitter la maison pour chercher la sécurité ailleurs, le Canada représentait un refuge sûr pour toutes les personnes concernées. La preuve montre que le demandeur ne peut pas raisonnablement trouver une PRI en Inde.

 

[34]           Compte tenu du fait que le réexamen devait se faire uniquement sur le fondement du dossier existant, je suis convaincue que la Commission s’est effectivement préoccupée de la PRI et a correctement conclu dans sa décision antérieure que le défendeur n’avait pas de PRI raisonnable. Selon moi, bien que l’analyse ne soit pas parfaite, le demandeur n’a pas démontré que la décision de la Commission à l’égard de la PRI était manifestement déraisonnable. Encore une fois, cette décision n’est pas « clairement irrationnelle ou de toute évidence non conforme à la raison ». Par conséquent, l’intervention de la Cour ne serait pas justifiée en l’espèce.

 

[35]           Pour les motifs qui précèdent, la demande de contrôle judiciaire est rejetée.

 

JUGEMENT

[36]      La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

 

 

                                                                                                      « Danièle Tremblay-Lamer »

Juge

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Aude Megouo

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

DOSSIER :                                        IMM-6222-06

 

INTITULÉ :

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE l’IMMIGRATION

demandeur

et

 

AKASH DEEP SINGH MAAN

défendeur

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 MONTRÉAL (QUÉBEC)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               22 MAI 2007

 

MOTIFS DU JUGEMENT :            LA JUGE TREMBLAY-LAMER

 

DATE DES MOTIFS :                      LE 1er JUIN 2007

 

COMPARUTIONS :

 

Me Ian Demers

POUR LE DEMANDEUR

Marie Josée Blain

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

Complexe Guy-Favreau

200, boulevard René-Lévesque

Tour Est, 5e étage

Montréal (Québec) H2Z 1X4

 

 

 

 

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Marie Josée Blain

4, rue Notre-Dame Est, Bureau 601

Montréal (Québec) H2Y 1B8

 

 

 

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

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