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Date : 20070511

Dossiers : IMM‑2696‑06

IMM‑2699‑06

 

Référence : 2007 CF 509

Ottawa (Ontario), le 11 mai 2007

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE BLAIS

 

 

ENTRE :

 

SHAHRAM GOLESTANEH

demandeur

 

et

 

LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE

 

défendeur

 

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               En application du paragraphe 44(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (la Loi), un agent d’exécution de l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC) a établi un rapport daté du 20 janvier 2006, dans lequel il écrit que le demandeur est interdit de territoire, au titre des alinéas 34(1)f) et 35(1)a) de la Loi, à cause de son rôle dans le Mujahideen‑E Khalq (MEK), une organisation répertoriée comme entité terroriste au Canada. Conformément au paragraphe 44(2) de la Loi, le rapport établi par l’agent d’exécution a ensuite été soumis par le ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile (le ministre) à la Section de l’immigration de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (la Section de l’immigration) en vue de la tenue d’une audience d’admissibilité. Le demandeur sollicite maintenant le contrôle judiciaire des décisions prises en vertu du paragraphe 44(1) (dossier IMM‑2696‑06) et du paragraphe 44(2) (dossier IMM‑2699‑06) de la Loi.

 

[2]               Le défendeur a ensuite présenté une demande conformément à l’article 87 de la Loi afin de faire interdire la divulgation des renseignements confidentiels examinés et invoqués par l’agent d’exécution, notamment le Rapport sur les renseignements de sécurité (RRS) rédigé par le Service canadien du renseignement de sécurité (SCRS) à la suite de son enquête sur le demandeur, rapport qui était appuyé d’une série de documents énumérés dans les notes de bas de page y figurant.

 

[3]               Au cours d’une audience tenue à huis clos avec l’avocat du défendeur, il m’a informé que l’agent d’exécution n’avait pas eu accès, avant de rendre sa décision, aux documents étayant le RRS, mais avait été limité à la seule lecture du rapport. Cela en soi suffit à constituer une sérieuse erreur de droit qui justifie l’annulation de la décision de l’agent d’exécution, comme je l’ai moi‑même affirmé dans la décision Sogi c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 692, [2006] A.C.F. n° 863 (QL), où je me référais aux paragraphes suivants du jugement rendu par le juge Andrew MacKay dans l’affaire Re Jaballah, 2005 CF 399, [2005] A.C.F. n° 500 (QL) :

 34      Dans le cas qui nous occupe, il est devenu évident que le dossier dont disposait le représentant du ministre contenait le Rapport sur les renseignements de sécurité (RRS), à savoir un rapport circonstancié du SCRS faisant état des motifs portant à croire que M. Jaballah doit être interdit de territoire, sans les documents de référence et les annexes à l’appui mentionnés dans les notes en bas de page du rapport. Le rapport contient les résumés publics du 14 août 2001 et du 5 février 2002, fondés sur le RRS et le témoignage public de l’agent du SCRS, résumés qui ont été remis à M. Jaballah à titre de documents publics sur ordonnance de la Cour lors d’une instance précédente relative au caractère raisonnable du certificat du ministre. Je souligne qu’apparemment aucun des documents et annexes de référence mentionnés dans les notes en bas de page de ces résumés n’ont été remis au représentant du ministre, bien qu’une copie de ces documents ait été communiquée à l’avocat de M. Jaballah le 14 août 2001.

 

 35     La décision Mahjoub a depuis été appliquée par le juge Blanchard à l’égard de la même question de preuve dans Almrei c. Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration (2005), 262 F.T.R. 7 (C.F.) (voir les paragraphes 14 et 86).

 

 36     Je remarque que dans les décisions Mahjoub et Almrei la Cour examinait une décision rendue en vertu du paragraphe 115(2) de la Loi, qui s’applique aux réfugiés au sens de la Convention, puisque MM. Mahjoub et Almrei étaient tous deux des réfugiés et qu’à ce titre ils étaient déjà reconnus comme des personnes ayant besoin de la protection prévue dans la Loi. Dans la présente instance, la décision en cause a été rendue en vertu du sous-alinéa 113d)(ii) de la Loi, s’agissant de l’examen d’une demande de protection déposée par un ressortissant étranger, le statut que possède M. Jaballah. Bien que les deux dispositions visent des personnes possédant un statut différent, l’essence même des deux décisions mentionnées est la même, à mon avis. Les irrégularités de procédure à l’égard d’une décision prise en vertu du paragraphe 115(2) revêtent la même importance que pour la procédure en vertu du sous-alinéa 113d)(ii). Je suis d’accord avec l’argument de M. Jaballah lorsqu’il soutient que dans Mahjoub et Almrei, la procédure a été jugée insuffisante pour garantir l’indépendance de l’évaluation faite par le représentant du ministre, en ce qui concerne le danger que représentait la personne en cause pour la sécurité du Canada. Dans le cas qui nous occupe, la procédure serait donc insuffisante pour garantir une évaluation indépendante.

 

[4]               En l’espèce, nous avons affaire à une décision prise en vertu du paragraphe 44(1) de la Loi et non en vertu des articles 113 ou 115, mais le raisonnement suivi dans les précédents susmentionnés demeure tout aussi valide. Sans doute le document du SCRS expose‑t‑il précisément les motifs de l’interdiction de territoire du demandeur, mais l’agent qui doit décider s’il convient ou non d’établir un rapport selon le paragraphe 44(1) a l’obligation, lorsqu’il examine le dossier pour la première fois, de consulter, avant de rendre une décision, tous les documents de référence, y compris les annexes du rapport du SCRS et les renseignements sur les sources sur lesquelles ce rapport s’appuie. Cela s’impose pour faire en sorte que la procédure suivie assure adéquatement l’indépendance du décideur et protège ainsi les droits de la personne concernée.

 

[5]               Par conséquent, la décision de l’agent d’exécution d’établir un rapport à l’intention du ministre en vertu du paragraphe 44(1) de la Loi et la décision ultérieure du ministre, prise en vertu du paragraphe 44(2) de la Loi, de soumettre le rapport à la Section de l’immigration en vue de la tenue d’une audience d’admissibilité seront annulées, et le dossier sera renvoyé à un autre agent d’exécution pour une nouvelle décision, conforme aux présents motifs.

 

JUGEMENT

 

1.                  La demande de contrôle judiciaire visant la décision de l’agent d’exécution d’établir un rapport en vertu du paragraphe 44(1) (dossier IMM‑2696‑06) et la décision du ministre de déférer l’affaire à la Section de l’immigration en application du paragraphe 44(2) (dossier IMM‑2699‑06) est accueillie.

2.                  Les décisions en cause sont annulées et le dossier est renvoyé à un autre agent d’exécution pour une nouvelle décision.

 

« Pierre Blais »

Juge

 

Traduction certifiée conforme

Lynne Davidson-Fournier, traductrice-conseil


COUR FÉDÉRALE

 

                                        AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIERS :                               IMM‑2696‑06 et IMM‑2699‑06

 

INTITULÉ :                                SHAHRAM GOLESTANEH c. MSPPC

 

LIEU DE L’AUDIENCE :         OTTAWA (ONTARIO)

 

DATE DE L’AUDIENCE :        LE VENDREDI 11 MAI 2007

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                      LE JUGE BLAIS

 

DATE DES MOTIFS :              LE VENDREDI 11 MAI 2007

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

David Matas                                                                       POUR LE DEMANDEUR

 

Aliyah Rahaman                                                                  POUR LE DÉFENDEUR

 

Toby Hoffman                                                                    POUR LE DÉFENDEUR (SCRS)

 

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

David Matas                                                                       POUR LE DEMANDEUR

Winnipeg (Manitoba)

 

John H. Sims, c.r.                                                               POUR LES DÉFENDEURS

Sous‑procureur général du Canada

 

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