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Date : 20070503

 

Dossier : IMM-5524-06

 

Référence : 2007 CF 471

 

 

Ottawa (Ontario), le 3 mai 2007

 

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE MAURICE E. LAGACÉ

 

 

ENTRE :

SEGUN OGUNFOWORA & LAIDE OGUNFOWORA

 

demandeurs

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               La Cour est saisie d’une demande de contrôle judiciaire d’une décision par laquelle un agent des visas (l’agent) a refusé de délivrer, à Lagos, au Nigéria, un visa de résident temporaire aux demandeurs. L’agent a expliqué qu’il n’était pas convaincu que les demandeurs retourneraient au Nigéria à la fin de la période de séjour autorisée, comme l’exige l’alinéa 20(1)b) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (la LIPR).

 

LES FAITS

[2]               Les demandeurs sont des citoyens du Nigéria. Ils sont mari et femme. Ils ont trois enfants âgés respectivement de neuf ans, six ans et onze mois. Le demandeur principal, M. Segun Ogunfowora, a un frère, M. Oluwatoyin Ogunfowora, qui est citoyen canadien. M. Oluwatoyin Ogunfowora devait se marier le 31 décembre 2006 à Montréal et il avait invité les demandeurs à son mariage. Les demandeurs ont présenté une demande de visa de résident temporaire au haut‑commissariat du Canada à Lagos, au Nigéria, pour eux-mêmes et pour le plus jeune de leurs enfants, en vue d’obtenir l’autorisation de séjourner trois semaines au Canada pour assister au mariage. Ils n’avaient pas l’intention d’être accompagnés de leurs deux autres enfants.

 

[3]               L’agent a refusé la demande le 17 septembre 2006 au motif qu’il n’était pas convaincu que les demandeurs rentreraient au Nigéria à la fin de la période de séjour autorisée. L’agent n’a pas convoqué les demandeurs à une entrevue ou à un interrogatoire avant de refuser leur demande.

 

[4]               La décision est libellée sur un formulaire modèle standard. Pour rejeter la demande, l’agent a coché une case indiquant qu’il n’était pas convaincu que les demandeurs reviendraient dans leur pays d’origine à la fin de la période de séjour autorisée si on leur accordait un visa de résident temporaire. Il est indiqué sur ce formulaire que l’agent a tenu compte des liens que les demandeurs entretiennent avec leur pays de résidence/citoyenneté et que ce facteur a été mis en balance avec d’autres considérations qui pourraient les motiver à demeurer au Canada. Les demandeurs affirment dans leur réplique que le mariage a été reporté jusqu’à ce que la Cour rende sa décision. Ils ont tenté de déposer un affidavit pour confirmer ce report de date, mais le protonotaire a ordonné que l’affidavit soit retourné à son auteur et qu’il soit retiré du dossier parce qu’on ne peut déposer des affidavits en réplique.

 

[5]               Les motifs de la décision ont été consignés dans les notes versées au Système de traitement informatisé des données d'immigration (STIDI). L’agent note que le demandeur principal est marié, qu’il a trois enfants, et qu’il voyagerait avec sa femme et sa fille. Il signale que les demandeurs souhaitent assister au mariage de son frère. Il ajoute qu’aucun des demandeurs n’a jamais effectué de voyage auparavant et conclut qu’il est [traduction] « trop risqué de laisser trois membres d’une même famille voyager ensemble et ce, même si le demandeur principal a un bon emploi au Nigéria ». Il a par ailleurs déclaré qu’il doutait de leurs intentions et de leur retour.

 

QUESTIONS EN LITIGE

[6]               Les observations du demandeur et du défendeur soulèvent essentiellement quatre questions :

a.       La demande de contrôle judiciaire est-elle théorique?

b.      L’agent a-t-il commis une erreur en refusant de délivrer un visa de résident temporaire aux demandeurs?

c.       L’agent a-t-il manqué à l’équité procédurale en n’accordant pas aux demandeurs la possibilité d’une entrevue ou en ne leur reconnaissant pas le droit de répondre à ses préoccupations?

d.      Les motifs étaient-ils suffisants pour satisfaire aux exigences de l’équité procédurale?

 

DISPOSITIONS LÉGISLATIVES PERTINENTES

 

[7]               Il incombe à l’étranger de prouver qu’il aura quitté le Canada à la fin de la période de séjour autorisée conformément à l’alinéa 20(1)b) de la LIPR.

20.(1) L’étranger non visé à l’article 19 qui cherche à entrer au Canada ou à y séjourner est tenu de prouver :

 

[…]

 

b) pour devenir un résident temporaire, qu’il détient les visa ou autres documents requis par règlement et aura quitté le Canada à la fin de la période de séjour autorisée.

20(1) Every foreign national, other than a foreign national referred to in section 19, who seeks to enter or remain in Canada must establish,

[…]

(b) to become a temporary resident, that they hold the visa or other document required under the regulations and will leave Canada by the end of the period authorized for their stay.

 

[8]               L’agent peut s’inspirer de plusieurs facteurs pour déterminer si une personne satisfait ou non aux exigences de l’alinéa 20(1)b). Parmi ces facteurs, que l’on trouve dans le Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002-227 (le Règlement), il y a lieu de signaler ceux qui sont prévus à l’article 179 :

 

179. L’agent délivre un visa de résident temporaire à l’étranger si, à l’issue d’un contrôle, les éléments suivants sont établis :

 

 

[…]

 

b) il quittera le Canada à la fin de la période de séjour autorisée qui lui est applicable au titre de la section 2;

[…]

179 An officer shall issue a temporary resident visa to a foreign national if, following an examination, it is established that the foreign national

[…]

(b) will leave Canada by the end of the period authorized for their stay under Division 2;

[…]

 

[9]               Le paragraphe 22(2) précise bien que l’intention qu’il a de s’établir au Canada n’empêche pas l’étranger de devenir résident temporaire :

22.(2) L’intention qu’il a de s’établir au Canada n’empêche pas l’étranger de devenir résident temporaire sur preuve qu’il aura quitté le Canada à la fin de la période de séjour autorisée.

22(2) An intention by a foreign national to become a permanent resident does not preclude them from becoming a temporary resident if the officer is satisfied that they will leave Canada by the end of the period  authorized by their stay.

 

OBSERVATIONS DES DEMANDEURS

[10]           Suivant les demandeurs, plusieurs des conclusions de fait de l’agent étaient manifestement déraisonnables. Tout d’abord, il était manifestement déraisonnable de conclure que, parce qu’il s’agissait de leur premier voyage, les demandeurs ne reviendraient pas dans leur pays d’origine. Deuxièmement, bien que l’agent reconnaisse que le but de ce voyage est d’assister à un mariage, il exprime ensuite des doutes au sujet des intentions des demandeurs. De plus, comme les demandeurs ont trois enfants et ne voyagent qu’avec un seul, il est manifestement déraisonnable de penser qu’ils ne reviendraient pas au Nigéria.

 

[11]           Les demandeurs soutiennent que l’agent ne devait pas compléter ses motifs dans l’affidavit qu’il a soumis à la Cour et que les motifs exposés dans l’affidavit sont eux aussi manifestement déraisonnables. Le demandeur principal explique qu’il n’est pas en bons termes avec ses frères et sœurs, précisant qu’ils vivent dans une autre région du Nigéria où il n’enverrait pas ses enfants, de sorte que la supposition de l’agent selon laquelle ils garderaient ses enfants n’est pas raisonnable.

 

[12]           Les demandeurs signalent par ailleurs qu’aux termes du paragraphe 22(2) de la LIPR, l’existence d’une demande de résidence permanente en instance n’empêche pas d’obtenir un visa de résident temporaire et que l’agent n’était pas régulièrement saisi d’une demande de visa de résident permanent, ainsi qu’il a été décidé dans le jugement Moghaddam c. Canada (M.C.I.), 2004 CF 680. Enfin, l’assertion que l’agent fait dans son affidavit suivant laquelle les demandeurs se retrouveraient dans une situation financière meilleure au Canada ne résiste pas à une analyse comparée du coût de la vie. Les demandeurs affirment qu’ils ont offert des preuves abondantes au sujet des liens qu’ils ont avec leur pays.

 

[13]           Ils se fondent par ailleurs sur les jugements Yip c. Canada (M.E.I.) (1993), 70 F.T.R. 175 et Kandiah c. Canada (M.E.I.) (1994), 75 F.T.R. 166 (C.F. 1re inst.) à l’appui de leur argument que lorsqu’un tribunal applique un critère erroné lorsqu’il apprécie la preuve dont il dispose, la décision qui est résulte sera fatalement viciée.

 

[14]           Ils affirment par ailleurs que si, malgré les preuves contraires, l’agent avait des réserves au sujet de la crédibilité des demandeurs, il aurait dû réclamer des éclaircissements ou des explications ou même les convoquer à une entrevue. Les demandeurs insistent pour dire qu’une entrevue est une mesure appropriée lorsqu’elle est susceptible de conduire à une solution différente si les demandeurs avaient eu la possibilité de répondre aux conclusions tirées par l’agent, notamment au sujet du fait de laisser les enfants derrière eux (voir Wang c. Canada (M.C.I), 2003 CFPI 258).

 

[15]           Ils soutiennent enfin que la décision d’une page et les motifs contenus dans les notes versées au système STIDI ne constituent pas des motifs suffisants. Dans l’arrêt Armson (1989), 9 Imm. L.R. (2d) 150 (C.A.F.), la Cour d’appel fédérale a précisé que les motifs doivent se rapporter clairement à la conclusion tirée au sujet de la crédibilité et que le fait de se contenter de relater certains faits ne constitue pas une motivation suffisante. Des motifs ont été réclamés en vertu de l’article 9 des Règles des cours fédérales en matière d’immigration et de protection des réfugiés. Les demandeurs invoquent plusieurs décisions, dont l’arrêt Baker c. Canada (M.C.I.), [1999] 2 R.C.S. 817 et le jugement Aleman c. Canada (M.C.I.), 2004 CF 272, à l’appui de l’argument que les agents d’immigration sont tenus de par la loi de motiver leurs décisions, à peine de nullité de celles-ci.

 

[16]           En réplique, les demandeurs font remarquer que le mariage a été reporté jusqu’à ce que la Cour ait tranché la présente affaire, de sorte que la question n’est pas théorique. Elle n’est également pas théorique parce qu’il leur serait à l’avenir difficile de rendre visite au frère du demandeur principal. Dans leurs observations complémentaires, les demandeurs signalent aussi que toute autre demande de voyage à l’étranger doit être enregistrée en cas de refus de la demande de visa.

 

[17]           Le demandeur soutient que la norme de contrôle devrait être régie par l’arrêt Baker.

 

 

OBSERVATIONS DU DÉFENDEUR

 

[18]           Citant le jugement Skobrev c. Canada (M.C.I.), 2004 CF 485, le défendeur soutient que la demande est théorique parce que le mariage devait avoir lieu en décembre 2006.

 

[19]           Il ajoute que la norme de contrôle applicable aux conclusions de fait de l’agent est celle de la décision manifestement déraisonnable.

 

[20]           S’agissant de la suffisance des motifs, le défendeur signale que, bien que les motifs de l’agent des visas soient succincts, ils montrent clairement que l’agent a examiné la question pertinente de savoir si les demandeurs quitteraient le Canada à la fin de leur période de séjour autorisée. Ils répondent à l’objectif des motifs, en l’occurrence d’expliquer à l’intéressé les raisons pour lesquelles un résultat déterminé a été atteint. Le défendeur cite la décision Bhandal c. Canada (M.C.I.), 2006 CF 427.

 

[21]           Enfin, le défendeur soutient que la décision de l’agent des visas était raisonnable et ajoute que, bien que le demandeur principal soutienne que l’agent n’a pas précisé dans ses notes versées au système STIDI les raisons pour lesquelles il estimait qu’il était trop risqué de laisser la famille se rendre au Canada, le défendeur fait observer que le demandeur principal n’a pas dit dans son affidavit qu’il avait déjà présenté une demande en vue d’immigrer au Canada comme membre de la catégorie de la famille. Le demandeur a également présenté une autre demande de visa dans la catégorie des immigrants économiques. En conséquence, l’affidavit de l’agent des visas a été déposé en preuve pour appuyer l’argument qu’il était au courant des demandes antérieures et que ces demandes lui permettaient de penser que le demandeur songeait sérieusement à quitter le Nigéria pour immigrer au Canada.

 

[22]           Le défendeur regroupe ses arguments quant à la suffisance des motifs avec ceux suivant lesquels la décision elle-même n’était pas manifestement déraisonnable. Le défendeur fait valoir que, dans le jugement De la Cruz c. Canada (M.E.I.) (1989), 26 F.T.R. 285, la Cour a statué que l’agent des visas peut valablement refuser de délivrer un visa de résident temporaire au motif qu’il existe une demande de résidence permanente en instance.

 

[23]           Le défendeur souligne par ailleurs que, dans son affidavit, l’agent affirme qu’il est courant que le demandeur principal a un frère et une sœur au Nigéria pour s’occuper des enfants qui ont été laissés au Nigéria. L’agent explique aussi que les voyages précédents constituent un facteur pertinent parce qu’ils sont susceptibles de prouver un type de comportement. Qui plus est, l’agent explique dans son affidavit que le demandeur et sa femme pourraient améliorer leur situation matérielle au Canada. Il ressort des notes versées au système STIDI, de son affidavit et de sa décision que l’agent a tenu compte de facteurs pertinents, qu’il n’a pas ignoré d’éléments de preuve et que sa décision était raisonnable.

 

[24]           Enfin, le défendeur affirme que les demandeurs ne pouvaient revendiquer le droit à une entrevue, selon le Guide de l’immigration, OP-11, « Résidents temporaires », lorsqu’il ressort à l’évidence de l’examen du dossier que le demandeur n’est pas admissible et qu’aucun complément d’information ne modifierait la décision. La Cour a confirmé que la loi ne confère aucun droit à une entrevue lorsque la préoccupation découle directement des exigences de la loi ou de ses règlements d’application et que l’agent n’a tenu compte d’aucun élément de preuve extrinsèque.

 

[25]           Le défendeur soutient, dans son mémoire complémentaire, que l’agent ne disposait pas d’éléments de preuve sur le report du mariage ou sur les incidences de sa décision sur les perspectives d’emploi, de sorte que ces éléments de preuve ne sont pas admissibles. Le défendeur ajoute qu’aucun élément de preuve n’a été présenté pour appuyer les allégations de partialité et de mauvaise foi.

 

ANALYSE

NORME DE CONTRÔLE

[26]           Les décisions des agents des visas sont discrétionnaires. Suivant la jurisprudence, le contrôle des décisions discrétionnaires des agents des visas doit faire l’objet d’une très grande retenue judiciaire. L’arrêt de principe est l’arrêt Baker, dans laquelle la norme de la décision raisonnable a été appliquée à une décision d’un agent de l’immigration.

 

[27]           La Cour d’appel fédérale a toutefois reconnu, dans l’affaire Boni c. Canada (M.C.I.), 2006 CAF 68, aux paragraphes 4 à 8, en se fondant sur la décision Ouafae c. Canada (M.C.I.), 2005 CF 459, que malgré l’arrêt Baker, il n’existe pas de norme de contrôle immuable dans le cas des décisions des agents des visas. La norme applicable dépend de la nature de la question à résoudre.

 

[28]           La norme de contrôle applicable à la décision de l’agent des visas qui repose sur une appréciation des faits est celle de la décision manifestement déraisonnable. Lorsque la décision implique une question mixte de droit et de fait, la norme de contrôle applicable est celle de la décision raisonnable. Ainsi, dès lors que la question en litige dans la présente affaire porte sur l’appréciation de la preuve faite par l’agent, c’est la norme de la décision manifestement déraisonnable qui s’applique. Lorsque le contrôle implique une application des faits au droit, la norme appropriée est celle de la décision raisonnable.

 

[29]           Qui plus est, selon l’arrêt Sketchley c. Canada (Procureur général), 2005 CAF 404, c’est dans tous les cas la norme de la décision correcte qui s’applique aux questions d’équité procédurale.

 

Caractère théorique de la demande de contrôle judiciaire

[30]           Bien qu’il n’existe aucune preuve pour appuyer l’assertion des demandeurs suivant laquelle le mariage a été remis à plus tard, il y a lieu de signaler que les demandeurs ont tenté de déposer un affidavit pour confirmer ce report de date, mais que la Cour les a empêchés de le faire parce qu’on ne peut déposer d’affidavits à l’étape de la réplique.

 

[31]           Toutefois, même si le mariage avait déjà eu lieu, la Cour partage l’opinion des demandeurs selon laquelle il s’agit d’un de ces cas où la Cour devrait instruire l’affaire même si la question en litige est devenue théorique et ce, pour les raisons qui suivent.

 

[32]           Les défendeurs citent l’affaire Skobrev pour illustrer un cas dans lequel on affirmait qu’une demande de visa de résident temporaire était devenue théorique. Dans cette affaire, le demandeur avait sollicité un visa de résident temporaire en vue d’être admis au Canada pour participer à des compétitions de patinage de vitesse. Or, lorsque la demande de contrôle judiciaire a été instruite, le championnat avait déjà eu lieu.

 

[33]           Dans l’affaire Skobrev, la Cour a passé en revue les principes généraux énoncés dans l’arrêt Borowski c. Canada (Procureur général), [1989] 1 R.C.S. 342, au sujet des demandes théoriques. La Cour suprême explique, au paragraphe 16, que « une affaire est “théorique” si elle ne répond pas au critère du “litige actuel” » et qu’un tribunal peut de toute façon choisir de juger une affaire qui soulève une question hypothétique ou abstraite, comme lorsque l'objet du litige a disparu. Toutefois, dans l’arrêt Borowski, la Cour suprême reconnaît aussi que le tribunal a toute latitude pour juger des affaires théoriques et qu’il doit examiner plusieurs questions, dont celle de savoir s'il reste toujours un litige véritable. Quoi qu’il en soit, dans l’affaire Skobrev, la Cour a exercé son pouvoir discrétionnaire en décidant d’instruire la demande malgré le fait que l’objet du litige avait disparu. Ce faisant, la Cour a déclaré qu’on ignorait si le refus était susceptible de nuire aux tentatives futures du demandeur d'être admis au Canada.

 

[34]           Les mêmes considérations s’appliquent dans le cas qui nous occupe. Tout d’abord, les demandeurs souhaitent avoir la possibilité de rendre visite au frère du demandeur principal à l’avenir. De plus, le demandeur principal soutient que le fait qu’on lui a refusé un visa de résidence temporaire au Canada risque de nuire à sa capacité d’être admis dans d’autres pays, ce qui pourrait nuire aux voyages qu’il pourrait effectuer à l’avenir dans le cadre de son travail.

 

[35]           Le défendeur soutient que plusieurs des déclarations faites par les demandeurs au sujet du caractère théorique de la demande sont inadmissibles. Les demandeurs rétorquent en démontrant, tout d’abord, que la question n’est pas du tout théorique et, de surcroît, que même si elle l’était, il y aurait quand même une raison impérieuse justifiant de faire trancher la question par la Cour.

 

[36]           Ainsi, les demandeurs soulignent à juste titre que, si la question était soumise à un autre agent, il leur serait encore possible de participer au mariage. De toute évidence, ce fait n’a pas été porté à la connaissance de l’agent. Le mariage n’aurait jamais été remis à plus tard si la décision de l’agent avait été différente.

 

[37]           En somme, et même s’il n’y a pas d’éléments de preuve pour appuyer l’affirmation des demandeurs que le mariage a effectivement été remis à plus tard, la Cour conclut qu’il existe encore des raisons impérieuses qui la justifient de statuer sur l’affaire.

 

Caractère raisonnable de la décision de l’agent

[38]           Il ressort à l’évidence d’un simple examen des éléments de preuve soumis par les demandeurs que la décision de l’agent est manifestement déraisonnable. Le demandeur principal a soumis une lettre de son employeur démontrant qu’il exerce un emploi stable depuis longtemps (1992). Qui plus est, la demanderesse adulte exerce elle aussi un emploi au Nigéria et elle a reçu une  recommandation élogieuse de son employeur. Les deux demandeurs ont de toute évidence demandé et obtenu un congé pour pouvoir effectuer cette visite au Canada. Ils exercent un emploi rémunéré et leur emploi les attend à leur retour au Nigéria.

 

[39]           Bien que les parties se disputent sur la question de savoir si les demandeurs amélioreraient leur sort s’ils s’installaient au Canada, force est de reconnaître que, vu l’ampleur des revenus qu’ils gagnent au Nigéria, les arguments des demandeurs sont plus convaincants. Premièrement, l’agent n’a pas comparé le niveau de vie des deux pays. De toute évidence, les demandeurs sont très à l’aise au Nigéria, peu importe la norme appliquée. Ils sont propriétaires d’un immeuble de première qualité, ils paient les études de leurs enfants, qui sont inscrits à une école internationale, ils sont propriétaires d’une BMW, un véhicule de luxe au Nigéria, et, outre son compte bancaire en devises locales, le demandeur principal est titulaire d’un compte de banque en devises US dans un pays du Tiers-Monde. En second lieu, l’agent n’a pas tenu compte des incidences que le statut d’illégaux des demandeurs aurait sur leur capacité de gagner un revenu au Canada. L’argument des demandeurs suivant lequel il est préférable d’attendre l’issue de leur demande de résidence permanente est persuasif.

 

[40]           Les demandeurs ont également produit un itinéraire et fourni des détails au sujet de leur voyage de retour au Nigéria. Le frère du demandeur principal et sa conjointe de fait ont un revenu stable élevé (son frère a produit un avis de cotisation fiscale canadien faisant état de revenus de 104 000 $ et sa femme, de 46 057 $) et ils se sont montrés disposés à accueillir les membres de la famille pendant leur séjour au Canada. Le demandeur a joint une copie originale de l’invitation au mariage pour démontrer l’objet de leur visite.

 

[41]           Mais surtout, il était manifestement déraisonnable de la part de l’agent de conclure que les demandeurs laissaient au Nigéria leurs deux autres enfants et les confiaient en permanence à des proches sans informer les demandeurs de cette hypothèse. Il n’est pas raisonnable de supposer que des parents ne reviendraient pas s’occuper de leurs deux jeunes enfants et de présumer que les enfants seraient en mesure d’habiter chez leur tante ou leur oncle. Cette question est analysée plus loi dans le cadre de l’examen de la question du droit des demandeurs de répondre aux préoccupations de l’agent.

 

[42]           S’il n’y avait rien de mal à tenir compte des voyages précédents et à conclure que ce facteur n’aidait pas les demandeurs, en revanche, cet aspect ne nuit pas à leur demande, étant donné qu’ils n’ont aucun antécédent défavorable en matière de voyages. Ainsi, à lui seul, ce facteur ne pouvait être assez convaincant pour l’emporter sur les solides éléments de preuve contraires.

 

[43]           Ainsi que les demandeurs le font observer, il existe des similitudes entre la présente espèce et la situation qui existait dans l’affaire Yuan c. Canada (MCI), 2001 CFPI 1356. Dans l’affaire Yuan, après avoir examiné le dossier au complet ainsi que les brefs motifs énoncés à l’appui de son rejet, la Cour a conclu que l’agent des visas n’avait pas tenu compte des autres facteurs pertinents pour décider de rejeter la demande, notamment le fait que la demanderesse laissait dernière elle son mari et son enfant. Après avoir examiné le dossier au complet, la Cour a estimé qu’il n’était pas raisonnable de la part de l’agent des visas de conclure que l’intéressée ne reviendrait pas chez elle.

 

[44]           À titre de confirmation supplémentaire, citons la partie 9 du Guide OP-11, qui propose une liste de questions et de facteurs utiles pour déterminer si l’intéressé devrait se voir refuser ou accorder le visa de résident temporaire qu’il sollicite. Si l’on passe en revue la liste de questions et les explications correspondantes fournies en réponse, force est de constater que les demandeurs ont présenté en l’espèce des éléments de preuve qui satisfont aux conditions applicables.

 

[45]           L’agent a également commis des erreurs dans la façon dont il a appliqué la loi aux faits de l’espèce. Premièrement, contrairement à ce que prétend le défendeur, les demandeurs ont été d’une franchise absolue pour ce qui est de l’existence de leurs autres demandes de résidence permanente. Ils ont signalé les deux demandes de résidence permanente sur leur formule de demande de résidence temporaire. Les demandeurs ont joint une lettre explicative contenant des renseignements complémentaires au sujet de ces demandes.

 

[46]           Légalement, l’agent est obligé d’examiner chaque demande selon sa valeur intrinsèque. L’agent n’avait pas le droit d’invoquer le fait que les demandeurs ont une demande de résidence permanente en instance pour refuser de leur délivrer un visa de résident temporaire. C’est ce que la loi précise en toutes lettres. Le paragraphe 22(2) de la LIPR interdit explicitement à l’agent qui croit que l’intéressé retournera dans son pays d’origine de refuser sa demande de résidence temporaire au motif qu’il existe une demande de résidence permanente en instance. La loi semble donc obliger l’auteur de la décision à décider, sur le fondement d’éléments de preuve objectifs, si l’intéressé retournera dans son pays et ce, indépendamment de l’existence de toute demande de résident permanent en instance. En l’espèce, l’agent a écarté sans raison valable la plupart des éléments de preuve objectifs qui lui étaient soumis.

 

[47]           La jurisprudence appuie aussi la thèse des demandeurs, bien qu’il existe certaines décisions contradictoires à ce sujet. Dans l’affaire citée par le défendeur, l’affaire de la Cruz, un agent des visas avait refusé de délivrer un visa de visiteur en partie parce que le demandeur avait une demande de résidence permanente en instance. Le juge Jerome a conclu ce qui suit :

Aux termes du paragraphe 2(1) et de l’article 8 de la Loi, c’est au visiteur qu’il appartient de prouver que son admission au Canada ne contreviendrait ni à la Loi ni aux règlements. Cela est renforcé par le fait que le visiteur sera présumé être un immigrant qui sollicite le statut de résident permanent et qu’il lui faudra combattre cette présomption d’intention en prouvant que son admission ne vise qu’un but temporaire. En pareil cas, c’est à juste titre que l’intention du requérant est soumise à un examen de la part des agents des visas, qui tiendront compte de facteurs qui pourront démontrer que le requérant n’a pas l’intention de faire un séjour temporaire. Lorsqu’on envisage la question sous cet angle, c’est à bon droit que l’agent des visas a refusé de délivrer des visas de visiteurs au motif qu’une demande de résidence permanente au Canada était en instance.

 

[48]           Toutefois, des décisions plus récentes rendues sous le régime de la loi actuelle appuient la thèse des demandeurs. Dans l’affaire Moghaddam c. Canada (M.C.I.), 2004 CF 680, la Cour était saisie d’une demande de contrôle judiciaire d’une décision par laquelle l’agent des visas avait refusé de délivrer un visa d’étudiants à la demanderesse parce qu’il ne croyait pas qu’elle retournerait dans son pays d’origine. Pour rendre cette décision, l’agent des visas s’est fondé sur le fait que la demanderesse et sa famille avaient une demande de résidence permanente en instance. La Cour a conclu que, lorsque le décideur n’est pas saisi de la demande de résidence permanente, il ne peut en tenir compte pour se prononcer sur la demande de résidence temporaire.

 

[49]           Qui plus est, le Guide OP-11, dont les agents se servent pour décider les demandes de résidence temporaire, traite du principe de la double intention au paragraphe 5.4 en précisant que « le désir du demandeur de travailler, d’étudier ou de séjourner comme visiteur avant ou après le traitement d’une demande de résidence permanente peut être légitime ». Ainsi, l’intention qu’il a de s’établir au Canada n’empêche pas l’étranger de devenir résident temporaire sur preuve qu’il aura quitté le Canada à la fin de la période de séjour autorisée. Mais pour s’en convaincre, l’agent doit examiner objectivement la demande et tous les renseignements à l’appui; il ne doit pas, comme il l’a de toute évidence fait en l’espèce, décider la question subjectivement en faisant fi des éléments qui favorisent les demandeurs.

 

[50]           Pour tous ces motifs, la décision de l’agent semble, vu l’ensemble de la preuve dont il disposait, être manifestement déraisonnable.

 

Droit des demandeurs de répondre aux préoccupations de l’agent

[51]           La loi ne reconnaît aucun droit à une entrevue (Ali c. Canada (M.C.I.), (1998), 151 F.T.R. 1, au paragraphe 28). L’équité procédurale exige toutefois que le demandeur se voit accorder au moins la possibilité de dissiper les doutes de l’agent dans certains cas. Dans l’affaire Ali, la  Cour a également précisé, au paragraphe 20, que l’agent des visas qui obtient des éléments de preuve extrinsèques devrait faire part de ses préoccupations au demandeur, malgré le fait que la loi n’accorde à ce dernier aucun droit en ce sens. Dans l’affaire Ling c. Canada (M.C.I.), 2003 CF 1198, la Cour s’est fondée sur le jugement Ali pour conclure, au paragraphe 16, que « comme l’agent des visas n’a pas tenu compte de renseignements extrinsèques et qu’il n’est assujetti à aucune obligation générale de faire part de ses préoccupations au demandeur, ce dernier n’avait pas droit à une entrevue ou la possibilité de répondre ».

 

[52]           Lorsque l’agent des visas ne se fonde pas sur des éléments de preuve extrinsèques, on ne sait pas avec certitude s’il doit accorder au demandeur une entrevue ou le droit de répondre. La jurisprudence suggère toutefois qu’il existe un droit de réponse dans certains cas. Dans le contexte de l’évaluation d’une demande présentée dans la catégorie des travailleurs qualifiés dans l’affaire Hassani c. Canada (M.C.I.), 2006 CF 1283, la Cour a passé en revue la jurisprudence en en faisant ressortir l’incertitude. Dans certains cas, l’agent n’était pas tenu de porter à la connaissance du demandeur les conclusions provisoires qu’il pouvait tirer des éléments qui lui avaient été présentés. Dans d’autres, le tribunal avait conclu que, parfois, le demandeur doit avoir la chance d’apaiser les préoccupations de l’agent, même lorsque ces préoccupations découlent de la preuve qu’il a soumise. Toutefois, dans l’affaire Hassani, la Cour a conclu que lorsque les réserves découlent directement des exigences de l’ancienne loi ou de ses règlements d’application, l’agent des visas n’a pas l’obligation de donner au demandeur la possibilité d’y répondre.

 

[53]           Il est difficile dans le cas qui nous occupe de faire cadrer les conclusions de l’agent avec l’une des ces catégories, étant donné que ses préoccupations découlaient du fait qu’il croyait que les demandeurs ne retourneraient pas dans leur pays d’origine suivant les éléments de preuve présentés, ainsi que le prévoit la Loi. Toutefois, dans d’autres affaires, le droit de répondre a reçu une interprétation plus large. Dans le jugement Yuan, au paragraphe 12, la Cour reconnaît que l’agent des visas est tenu d’accorder au demandeur la possibilité de répondre à une préoccupation importante. Dans le même ordre d’idées, dans le jugement Wang, la Cour a conclu ce qui suit, au paragraphe 13 :

Bien que la jurisprudence accorde une portée restreinte à l’obligation d’équité à laquelle l’agent des visas est assujetti lorsqu’il examine une demande de visa étudiant, j’estime que les circonstances particulières en l’espèce font en sorte que l’agente des visas aurait dû, en plus d’aviser le demandeur qu’elle avait des réserves sur la sincérité de l’offre de soutien de sa cousine et sur son statut réel de visiteur temporaire au Canada, lui donner la possibilité de s’expliquer. C’est la conclusion à laquelle j’arrive, car on ne peut soutenir que les éléments de preuve qu’a produits le demandeur sont faibles. Qui plus est, rien dans sa demande ne laisse entendre qu’il a l’intention de demeurer au Canada de façon permanente. Au contraire, le demandeur écrit dans son plan d’étude : [TRADUCTION] « Dès que j’aurai terminé mes études, je retournerai dans mon pays pour contribuer au développement du tourisme en Chine. Je souhaite voir la Chine se mettre au niveau, le plus vite possible, des pays où l’industrie touristique est très développée ».

 

[54]           Cette situation s’apparente beaucoup est celle de la présente affaire, dans laquelle les éléments de preuve présentés par les demandeurs sont très solides. Il n’y a rien dans la demande présentée par les demandeurs, hormis la mention de la demande de résidence permanente, qui permette de penser que les demandeurs ont l’intention de demeurer en permanence au Canada.

 

[55]           Enfin, dans le jugement Bonilla c. Canada (M.C.I.), 2007 CF 20, la Cour a conclu :

[traduction] Il ne s’agit pas d’un cas dans lequel la demande présentée par la demanderesse était elle-même incomplète, mais bien d’une situation dans laquelle l’agent a subjectivement formé l’opinion que la demanderesse ne retournerait pas en Colombie après avoir terminé ses études. À mon avis, dans le cas qui nous occupe, l’agent aurait dû accorder à la demanderesse la possibilité de répondre à ses préoccupations. La demanderesse n’avait aucun moyen de savoir que l’agent des visas donnerait suite à son avis que ceux qui sont aux études ne peuvent étudier au Canada pendant une période de quatre ans, étant donné qu’ils ne quitteraient probablement pas le pays. Vu l’ensemble des faits de l’espèce, le défaut de l’agent des visas d’accorder à la demanderesse la possibilité de répondre à ses préoccupations constituait un manquement aux principes de justice naturelle.

 

 

[56]           Dans le cas qui nous occupe, les demandeurs n’avaient aucun moyen de savoir que l’agent se fonderait sur divers facteurs et notamment sur le fait qu’il croyait qu’ils laisseraient leurs enfants au Nigéria parce que leurs enfants ont un oncle et une tante qui peuvent s’en occuper au Nigéria.

 

[57]           Le Guide OP-11 énonce par ailleurs un critère différent, au chapitre 14 : « L’agent ne doit jamais demander à rencontrer le demandeur s’il est évident, après avoir examiné la demande écrite, que ce dernier est inéligible et que des renseignements supplémentaires n’auraient aucune répercussion sur la décision ». Dans le cas qui nous occupe, des renseignements supplémentaires auraient pu avoir des répercussions sur la décision de refuser la demande, en particulier en ce qui concerne la garde de leurs enfants que les demandeurs laisseraient au Nigéria pendant la durée de leur séjour au Canada.

 

Suffisance des motifs

[58]           La norme à appliquer pour déterminer si une décision est suffisamment motivée a été énoncée dans le jugement Mendoza c. Canada (M.C.I.), 2004 CF 687, au paragraphe 4, où la Cour s’est fondée sur l’arrêt rendu par la Cour d’appel fédérale dans l’affaire Mehterian c. Canada (M.E.I.), [1992] A.C.F. no 545 (C.A.F.) (QL). La Cour a déclaré qu’il faut que les motifs soient suffisamment clairs, précis et intelligibles pour que le demandeur puisse savoir pourquoi sa demande a été rejetée et décider s'il doit demander le contrôle judiciaire. De plus, suivant l’arrêt Hussain c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration) (1994), 174 N.R. 76, au paragraphe 3 (C.A.F.), une autre décision rendue par la Cour d’appel fédérale dans le contexte de l’immigration, si les motifs de la décision exposés par la Commission sont insuffisants au point où ils ne permettent pas de suivre le fil du raisonnement invoqué au soutien de la décision, cette dernière sera annulée. Finalement, dans le jugement Chen c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2001 CFPI 500, il a été jugé que le tribunal doit s'exprimer clairement quant aux questions essentielles soulevées par la demande d’asile, à défaut de quoi sa décision sera annulée.

 

[59]           S’agissant expressément des décisions des agents des visas, le défendeur cite le jugement Bhandal. Dans cette affaire, tout comme dans Bonilla c. Canada (M.C.I.), (2001), 12 Imm. L.R. (3d) 83, il a été jugé qu’une lettre et des notes versées au système STIDI constituaient des motifs suffisants. Il y a toutefois lieu de signaler que, dans l’affaire Bhandal, le demandeur avait eu droit à une entrevue et que, dans l’affaire Bonilla, une audience avait été tenue. Aucune de ces affaires ne portait sur des visas de résident temporaire.

 

[60]           Certes, les notes versées au système STIDI peuvent constituer des motifs suffisants, mais uniquement si elles renfermement assez de détails pour que l’intéressé puisse savoir pourquoi sa demande a été refusée. Or, suivant les critères susmentionnés, il semblerait que les notes versées au système STIDI par l’agent en l’espèce ne satisfont pas aux conditions nécessaires. En effet, bien qu’elles mentionnent la raison de la décision, les notes en question ne contiennent pas une analyse suffisamment approfondie des raisons pour lesquelles l’agent a estimé que les demandeurs ne retourneraient pas au Nigéria au terme de leur période de séjour autorisé. Cette constatation est renforcée par le fait que l’agent a jugé nécessaire d’expliquer plus en détail dans l’affidavit qu’il a déposé devant la Cour les raisons pour lesquelles il avait rendu cette décision. Il aurait dû exposer ce raisonnement dès le début.

 

[61]           Les demandeurs n’ont pas exigé de l’agent qu’il motive davantage sa décision avant d’introduire leur demande de contrôle judiciaire. Dans la demande de contrôle judiciaire, les demandeurs signalent qu’ils n’ont pas reçu de motifs écrits de l’agent, d’où la demande qu’ils ont adressée au greffe de la Cour en vertu de l’article 9 des Règles des cours fédérales en matière d’immigration et de protection des réfugiés en vue d’obtenir des motifs écrits. La demande de motifs prévus à l’article 9 est simplement une disposition qui oblige l’agent à produire les motifs qu’il a rédigés. Si aucun motif n’a été donné à l’appui de la décision, l’agent doit envoyer un avis écrit portant cette précision. Il ne s’agit pas d’une disposition qui oblige l’agent à rédiger des motifs. Cette demande était postérieure à l’introduction de la demande de contrôle judiciaire et ne reposait que sur une lettre vague et très floue adressée aux demandeurs qui n’expliquait pas pourquoi ils ne satisfaisaient pas aux dispositions de l’article 179 du Règlement qui les obligeaient à quitter le Canada à la fin de la période de séjour autorisée.

 

CONCLUSION

[62]           En fin de compte, la Cour conclut que la décision de l’agent des visas est manifestement déraisonnable. En conséquence, la présente demande de contrôle judiciaire est accueillie et l’affaire est renvoyée au défendeur pour être jugée de nouveau par un autre agent des visas. En l’espèce, les demandeurs ont droit à la possibilité de répondre en personne, par écrit ou au téléphone à la préoccupation majeure qui a été signalée. En conséquence, aucune question ne sera certifiée.

JUGEMENT

 

            La présente demande de contrôle judiciaire est accueillie et l’affaire est renvoyée au défendeur pour être jugée de nouveau par un autre agent des visas.

 

 

 

« Maurice E. Lagacé »

Juge suppléant

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Christiane Bélanger, LL.L.

 


 

COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

 

DOSSIER :                                        IMM-5524-06

 

INTITULÉ :                                       SEGUN OGUNFOWORA & LAIDE OGUNFOWORA c. LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 MONTRÉAL (QUÉBEC)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               LE 25 AVRIL 2007

 

MOTIFS DU JUGEMENT :            LE JUGE SUPPLÉANT MAURICE E. LAGACÉ

 

DATE DES MOTIFS :                      LE 3 MAI 2007

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Idorenyin E. Amana

 

POUR LES DEMANDEURS

Gretchen Timmins

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Idorenyin E. Amana

2015, rue Drummond, bureau 649

Montréal (Québec) H3G 1W7

 

POUR LES DEMANDEURS

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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