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Date : 20070501

Dossier : T‑1518‑05

Référence : 2007 CF 469

ENTRE :

DANA P. COUSINS, DONNA M. KEITH et

CHARLES M. MCNALLY

demandeurs

 

et

 

 

PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA et

MARINE ATLANTIQUE S.C.C.

défendeurs

 

 

 

Dossier : T‑1519‑05

 

ET ENTRE :

CHARLES M. MCNALLY

demandeur

et

 

PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA et

MARINE ATLANTIQUE S.C.C.

défendeurs

 

 

 

 

 

 

 

 

Dossier : T‑1520‑05

 

ET ENTRE :

DANA P. COUSINS

demanderesse

et

 

PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA et

MARINE ATLANTIQUE S.C.C.

défendeurs

 

DEMANDES FONDÉES SUR le paragraphe 18(1) de la Loi sur les Cours fédérales, L.C. 2002, ch. 8, art. 14.

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

LE JUGE HUGHES

 

[1]               La Cour est saisie de trois demandes de contrôle judiciaire visant à soulever, principalement, la question de savoir si le paragraphe 29(12) de la Loi de 1985 sur les normes de prestation de pension, L.R.C. 1985, ch. 32 (2e suppl.) et modifications (la LNPP), exige le versement de l’excédent proportionnel lors de la cessation partielle d’un régime de pension sous réglementation fédérale. Étant donné le rapport étroit existant entre les trois demandes, elles ont été entendues ensemble à partir d’éléments matériels communs. Un seul ensemble de motifs est fourni et, pour les motifs énoncés aux présentes, je conclus que deux des demandes seront rejetées parce qu’elles ont été présentées en dehors du délai prescrit, c’est‑à‑dire les demandes T‑1519‑05 et T‑1520‑05. L’autre demande, la demande T‑1518‑05, sera accueillie en partie, car j’estime que le paragraphe 29(12) de la LNPP exige le versement de l’excédent attribuable à la cessation partielle du régime de pension.

 

Les parties

[2]               Les demandeurs Cousins, Keith et McNally ont tous travaillé, à divers moments, pour la défenderesse Marine Atlantique S.C.C. Cette dernière assure des services de traversier entre diverses provinces de l’Atlantique et certains de ces services ont été supprimés, mettant ainsi fin à l’emploi des demandeurs et modifiant leur régime de pension en conséquence. La demanderesse a constitué le procureur général du Canada comme défendeur dans la présente procédure. Le procureur général affirme qu’il ne comparaît pas pour le compte d’un ministère ou d’une société d’État et qu’il ne représente pas non plus les intérêts du surintendant des institutions financières, une personne nommée en vertu des dispositions de l’article 5(1) de la Loi sur le Bureau du surintendant des institutions financières (BSIF), L.R. 1985, ch. 18, 3suppl., et à qui certaines tâches sont attribuées en vertu de la LLNP, lesquelles sont pertinentes aux questions en litige en l’espèce. Le procureur général décline tout intérêt dans l’existence, le montant ou le destinataire du versement de l’excédent, s’il y a lieu, du régime de pension.

 

[3]               Aucune des demandes n’est un recours collectif. Elles ne concernent que les demandeurs individuels, sauf si la Cour est convaincue qu’elle doit prononcer un jugement selon lequel l’approbation des rapports sera effectuée de façon à englober tous les participants touchés.

 

 

Les questions en litige

[4]               Les demandeurs ne soulèvent qu’une seule question, c’est‑à‑dire celle de savoir si le paragraphe 29(12) de la LNPP exige le versement de l’excédent attribuable à la partie résiliée d’un régime de pension à prestations déterminées. Les défendeurs soulèvent d’autres questions, notamment celles de savoir si les demandes ont été présentées en temps opportun, si le surintendant a le pouvoir de réexaminer une décision antérieure, la norme de contrôle que doit appliquer la Cour à cet examen et les réparations appropriées.

 

[5]               Afin d’exposer les questions en litige d’une façon plus formelle, voici les questions qui ont été soumises à la Cour pour examen :

·        Le délai de présentation : Les questions en litige dans les demandes T‑1519‑05 et T‑1520‑05 ont‑elles été soulevées en temps opportun compte tenu des dispositions du paragraphe 18.1(2) de la Loi sur les Cours fédérales, L.R.C. 1985, ch. F‑7, selon lesquelles une demande de contrôle judiciaire doit être présentée dans les 30 jours qui suivent la première communication de la décision, sauf si la Cour accorde un délai supplémentaire?

·        Le réexamen : Le surintendant a‑t‑il le pouvoir de réexaminer des décisions rendues plusieurs années plus tôt pour approuver la cessation partielle d’un régime qui ne prévoyait pas le versement de l’excédent dans le fonds?

·        La norme de contrôle : Quelle norme la Cour doit‑elle appliquer au contrôle judiciaire des décisions du surintendant qui sont en cause?

·        Le paragraphe 29(12) : Le paragraphe 29(12) de la LNPP exige‑t‑il la répartition d’un part proportionnelle de l’excédent actuariel lorsqu’il y a cessation ou liquidation partielles d’un régime de pension à prestations déterminées sous réglementation fédérale?

 

Historique des faits

[6]               Marine Atlantique est une société d’État fédérale et le successeur aux services de traversier qui étaient auparavant assurés par CN Marine dans le Canada atlantique. Ces services de traversier étaient notamment ceux assurés dans la baie de Fundy entre le Nouveau‑Brunswick et la Nouvelle‑Écosse (service pour la baie de Fundy), ceux entre le Nouveau‑Brunswick et l’Île‑du‑Prince‑Édouard (service pour l’Î.‑P.‑É.), et ceux reliant la Nouvelle‑Écosse et Terre‑Neuve‑et‑Labrador (service pour le Labrador). Certaines activités étaient effectuées au siège social de Moncton.

 

[7]               Pendant toute la période pertinente, Marine Atlantique avait un régime de pension en vigueur et, pour les fins de la LNPP, elle est désignée comme étant l’administrateur. L’administration d’une bonne partie du régime était assurée en collaboration avec un organisme privé d’experts‑conseils en actuariat, WMercer, dont les services avaient été retenus notamment au sujet de l’aspect « réduction des effectifs ». Le régime en cause est un régime de pension à prestations déterminées et il remplace le régime qui avait été instauré au départ par CN Marine. Les employés de Marine Atlantique versent un pourcentage de leurs revenus dans ce régime et l’employeur verse le solde du coût des prestations tel qu’établi par un calcul actuariel. À l’âge de la retraite, l’employé reçoit une pension calculée selon une certaine formule. Le fonds est actuellement détenu par un fiduciaire non lié, Guarantee Trust Company of Canada.

 

[8]               La pension est administrée conformément à un régime qui, en vertu des dispositions de la LNPP, doit être approuvé par le surintendant. Le surintendant doit également approuver les modifications apportées au régime, y compris celles effectuées lorsqu’une partie du régime prend fin, comme en l’espèce, parce que certaines activités de Marine Atlantique ont cessé et que les employés liés à ces activités ont été licenciés. Ces modifications sont approuvées une fois que le surintendant a approuvé un rapport présenté par l’administrateur.

 

a)         Î.‑P.‑É. – Demande T‑1520‑05

[9]               En 1997, Marine Atlantique a décidé de mettre fin au service pour la baie de Fundy. Entre autres conséquences, plusieurs centaines d’employés ont été licenciés et la partie du régime de pension correspondant à ces employés a pris fin. La cessation partielle du régime de pension devait être approuvée par le Bureau du surintendant des institutions financières (BSIF), qui devait approuver un rapport de cessation partielle daté d’octobre 1997. Pour ce faire, Wm Mercer a entamé des discussions avec le BSIF qui, dans une lettre datée du 8 décembre 1997 adressée à WMercer, a indiqué que le rapport de cessation partielle avait été approuvé. Dans ce rapport, il n’était pas question du remboursement proportionnel de l’excédent ni de la répartition d’un excédent entre les participants touchés par la liquidation partielle du régime. Puisque les discussions portaient également sur certaines activités du service pour le Labrador, il était aussi question de ces activités dans la lettre et il y était indiqué que la cessation partielle du régime n’était pas nécessaire pour le service du Labrador. En fait, Marine Atlantique a par la suite volontairement mis fin à une partie du régime pour le service du Labrador. Voici un extrait de la lettre du 8 décembre 1997 que le BSIF a envoyée à Wm Mercer :

[traduction] Le troisième motif pour lequel une cessation partielle est déclarée concerne la propriété de l’excédent. Même s’il n’est pas obligatoire de répartir l’excédent à la suite d’une cessation partielle, de futurs droits à l’excédent peuvent être établis lorsqu’un régime cesse partiellement. Dans le cas des participants du service pour le Labrador qui optent pour le transfert, l’administrateur a la responsabilité de leur faire prendre conscience qu’ils renoncent à tous leurs droits à un éventuel partage de l’excédent lors de la cessation totale du régime.

 

[10]           À aucun moment le BSIF n’a communiqué directement avec un employé participant au régime et ayant perdu son emploi.

 

[11]           Selon la preuve qu’elle a produite, Marine Atlantique a envoyé en janvier 1998 une lettre à Cousins, l’auteur de la demande dans le dossier T‑1520‑05, dans laquelle elle a déclaré que le BSIF avait approuvé le rapport de cessation partielle et qu’elle effectuait le remboursement des prestations de pension comme il l’avait choisi. Cousins avait choisi de recevoir un remboursement en argent qu’il placerait dans un compte de retraite immobilisé privé. Au moment de remettre les formulaires de sélection et dans les formulaires mêmes, aucune mention n’était faite d’un excédent du fonds de pension ni de ce qu’il adviendrait de cet excédent.

 

[12]           Il semble que Cousins aurait pris plus tard la peine de se rendre aux bureaux de Marine Atlantique pour consulter le rapport. Nous ne disposons d’aucun élément de preuve quant à ce que lui a apporté cette visite, le cas échéant.

 

 

b)         Î.‑P.‑É. – Demande T‑1519‑05

[13]           Similairement à ce qui s’est passé dans le cas du service de la baie de Fundy, Marine Atlantique a cessé d’assurer le service entre le Nouveau‑Brunswick et l’Île‑du‑Prince‑Édouard, ce service ayant été remplacé par le pont de la Confédération.

 

[14]           Une fois de plus, WMercer a présenté, au nom de Marine Atlantique, un rapport de cessation partielle au BSFI. Ce rapport était daté de février 1998. Là encore, le rapport ne prévoyait pas le remboursement de fonds excédentaires à la suite de la cessation partielle et ne proposait pas la répartition d’actifs parmi les participants touchés par la liquidation partielle du régime.

 

[15]           Le 8 avril 1998, le BSFI a écrit une courte lettre à Wm Mercer pour l’informer que le rapport de cessation partielle daté de février 1998 était approuvé. Encore une fois, le BSFI n’a pas communiqué directement avec les employés.

 

[16]           Dans ce cas, un des employés touchés était McNally, l’auteur de la demande dans le dossier T‑1519‑05. Tout comme dans le cas de la cessation du service pour la baie de Fundy, Marine Atlantique a offert plusieurs possibilités à McNally, qui a choisi de recevoir une somme globale pour la réinvestir dans un compte de retraite immobilisé. Dans les communications qu’il a reçues, McNally n’a jamais été informé de l’existence d’un excédent ni de ce qu’il en adviendrait.

 

La suite des événements

[17]           Il existe en vertu du régime de pension une entité appelée la Commission des pensions, qui est chargée de certaines tâches de réglementation du régime et qui est composée de représentants de Marine Atlantique ainsi que d’employés, anciens et actuels, participant au régime de pension. Il ressort du procès‑verbal d’une réunion de la Commission tenue le 24 septembre 1998 que M. Murphy, un représentant des employés, savait que le fonds présentait un excédent actuariel. Il semble n’y avoir eu aucune discussion au sujet du versement de l’excédent à la suite de la cessation partielle des services de la baie de Fundy ou pourt l’Î.‑P.‑É.

 

[18]           D’après certains éléments de preuve, c’est‑à‑dire des bulletins à l’intention de professionnels du secteur de l’assurance retraite au Canada, le traitement des excédents actuariels existant lors de la liquidation ou de la cessation partielles d’un régime constituait une question litigieuse dans les années 1990 et 2000. Rien n’indique toutefois que les demandeurs en l’espèce étaient au courant de cette question.

 

[19]           En Ontario, la question de la répartition des fonds excédentaires lors d’une liquidation partielle a été soulevée dans une affaire visant un régime de pension de Monsanto Canada Inc. Les faits à l’origine de l’affaire sont exposés dans la décision du Tribunal des services financiers, laquelle est annexée à la décision de la Cour supérieure de l’Ontario, Cour divisionnaire, publiée sous l’intitulé Monsanto Canada Inc. c. Ontario (Superintendent of Financial Services) (2001), 198 D.L.R. (4th) 105, à partir de la page 113. Essentiellement, en vertu des dispositions de la législation ontarienne en matière de pensions, le surintendant de l’Ontario avait refusé d’approuver un plan de liquidation partielle qui ne prévoyait pas le remboursement proportionnel de l’excédent actuariel. L’affaire a été portée devant le Tribunal des services financiers, qui a annulé le refus du surintendant. La Cour divisionnaire a accueilli un appel de la décision du Tribunal.

 

[20]           L’affaire a ensuite été soumise à la Cour d’appel de l’Ontario qui, dans une décision publiée à (2002), 62 OR (3d) 305, a rejeté l’appel.

 

[21]           La Cour suprême du Canada a autorisé une demande de pourvoi et a entendu l’affaire puis, dans un arrêt publié à [2004] 3 R.C.S. 152, a rejeté le pourvoi à l’unanimité, statuant notamment que le paragraphe 70(6) de la Loi sur les régimes de retraite de l’Ontario, L.R.O. 1980, ch. P. 8, exigeait que l’excédent actuariel d’un régime de pension à prestations déterminées soit réparti au moment de la liquidation partielle en proportion de la partie liquidée du régime.

 

[22]           Il semble que, plus tard, certains anciens employés de Marine Atlantique ont eu vent de l’arrêt Monsanto, car la preuve indique qu’en janvier 2003 environ, un certain Philip Mountain, un de ces anciens employés, a communiqué avec d’anciens employés pour les inviter à faire partie d’un comité officieux dont l’objectif était de faire valoir leurs droits dans l’excédent actuariel qui existait au moment de leur licenciement. Les demandeurs Cousins, McNally et Keith ont été informés des activités de Mountain et de l’existence de ce comité à un certain moment entre 2003 et 2005.

 

[23]           Nous disposons de peu d’éléments de preuve concernant les premiers efforts de ce comité, qui semblent toutefois s’être limités à des communications avec d’anciens employés et à la rédaction sporadique de lettres à des politiciens. Ce n’est qu’au début de 2005 que le comité a communiqué pour la première fois avec le BSIF. Dans ce qui semble être un courriel de Keith au BSFI, des renseignements ont été demandés au sujet de l’excédent et de l’intention du BSIF de « revoir sa position » dans des affaires comme celle dont il était question dans Monsanto. Keith a dit que son comité [traduction] « cherchait à obtenir des directives » et des « noms de personnes ou de sociétés pouvant leur venir en aide », notamment une « liste d’avocats ». Le 19 janvier 2005, le BSFI a envoyé un courriel dans lequel il a notamment répondu ce qui suit :

[traduction] Le Bureau du surintendant des institutions financières (BSIF) revoit actuellement sa position concernant les cessations partielles à la lumière de l’arrêt Monsanto. Tous les administrateurs de régimes de pension sous réglementation fédérale ont été informés que toutes les cessations partielles récentes peuvent toujours faire l’objet de nos commentaires concernant les questions d’excédent qui ont été soulevées à la suite de l’arrêt, et leurs répercussions sur les régimes sous réglementation fédérale.

 

En ce qui concerne votre demande de directives, sachez que vous devrez faire vos propres consultations juridiques à ce sujet. Notre bureau ne peut vous fournir une liste d’avocats.

 

[24]           Il convient de souligner que, dans sa réponse, le BSFI a indiqué que seules les cessations partielles récentes pouvant toujours faire l’objet de commentaires de sa part étaient en cause. En mars 2005, le comité d’anciens employés a retenu les services d’un avocat et l’échange de lettres a sérieusement commencé.

 

Nouvel examen Labrador/Moncton – T‑1518‑05

[25]           Le 5 mai 2004, Wm Mercer a transmis, pour le compte de Marine Atlantique, un rapport au BSIF concernant la cessation des services pour le Labrador et au siège social de Moncton (Labrador/Moncton). Ce rapport prévoyait le remboursement de l’excédent à Marine Atlantique à la suite de la liquidation totale du régime et de la libération totale des obligations du régime. Au moment où les présentes procédures ont été intentées, le BSIF n’avait ni approuvé ni désapprouvé ce rapport. Lors de l’instruction des présentes procédures judiciaires, on m’a informé que l’affaire était toujours en cours.

 

[26]           Le 8 mars 2005, l’avocat dont les services venaient d’être retenus par le comité des anciens employés a envoyé une lettre au BSFI, dans laquelle il a dit :

[traduction] Nous sommes l’avocat d’un comité d’anciens employés de Marine Atlantique S.C.C. ayant perdu leur emploi lors de la privatisation du service à la baie de Fundy, la cessation du service à l’Î.‑P.‑É. et la fermeture des bureaux de la société à Moncton (N.‑B.) aux environs de 1997. L’abandon de ces activités par la société a entraîné la cessation partielle du régime précité au sens de l’article 29 de la LNPP.

 

[27]           Plus loin dans cette lettre, l’avocat demande certains renseignements et donne son avis concernant l’arrêt récent de la Cour suprême du Canada dans l’affaire Monsanto. La lettre se termine par la demande suivante :

[traduction] Par conséquent, nous demandons que le surintendant rende immédiatement une ordonnance exigeant que l’excédent existant dans le régime lors de la cessation partielle en 1997 ou aux environs soit déclaré et réparti entre nos clients et les autres employés touchés par cette cessation.

 

[28]           Beaucoup d’autres lettres ont été échangées, notamment celles des avocats de Marine Atlantique. Dans une lettre datée du 8 août 2005, le BSIF a donné une réponse finale à la lettre de l’avocat des demandeurs en date du 8 mars 2005 :

[traduction] Dans votre lettre du 8 mars 2005 adressée à Mme Krista Johnson, vous affirmez être l’avocat d’un comité d’anciens employés de Marine Atlantique S.C.C. et vous demandez au BSIF de prendre certaines mesures concernant le régime de pension des employés de Marine Atlantique S.C.C. Je répondrai d’abord aux questions liées à la demande de votre cliente, Mme Donna Keith, qui sollicite des renseignements de la part de l’administrateur du régime de pension de Marine Atlantique, puis je répondrai aux questions concernant l’arrêt de la Cour suprême du Canada dans l’affaire Monsanto ainsi qu’aux observations formulées dans votre lettre datée du 11 mai 2005 et adressée à Mme Carol Taraschuk, conseillère juridique du BSIF.

 

 

[29]           Relativement au régime en vigueur à Marine Atlantique, le BSIF a dit ce qui suit :

[traduction] Dans votre lettre du 11 mai 2005 adressée à Mme Taraschuk, vous alléguez qu’en plus des droits que la LNPP confère aux participants au régime, les conditions du régime de pension de Marine Atlantique autorisent les participants touchés par une cessation partielle à recevoir une partie de l’excédent. En particulier, vous invoquez dans votre lettre une disposition relative au remboursement des actifs à la société une fois qu’elle s’est acquittée de toutes ses obligations à la suite de la cessation du régime et vous faites remarquer que « la détermination du bénéficiaire légitime de l’excédent n’a pas encore été faite par un tribunal compétent ». Compte tenu des renseignements dont nous disposons et à la lecture des documents du régime, il ne semble pas y avoir d’obligation claire pour l’administrateur du régime, ni de droit pour les participants, relativement à la répartition des actifs du régime à la suite d’une cessation partielle ou totale.

 

 

[30]           En ce qui concerne la demande de revoir les décisions antérieures concernant le service pour la baie de Fundy et le service pour l’Î.‑P.‑É., le BSIF a déclaré qu’il n’était pas autorisé à rouvrir ou à réexaminer ces affaires, sauf si de nouveaux éléments étaient présentés. L’arrêt Monsanto ne constituait pas un nouvel élément. Le BSIF a dit ce qui suit :

[traduction] Quant aux cessations partielles antérieures dont il a approuvé le rapport, le BSIF n’est pas légalement habilité à rouvrir ou à réexaminer une approbation une fois qu’elle a été accordée, sauf si de nouveaux éléments sont présentés et qu’ils sont essentiels à l’affaire. Qui plus est, l’arrêt Monsanto de la Cour suprême du Canada ne constitue pas un nouvel élément dans ce contexte. De plus, il n’y a aucune disposition législative permettant de rouvrir ou de réexaminer une approbation antérieure. Par conséquent, qu’il existe ou non un excédent à l’heure actuelle, nous ne sommes pas en mesure de rouvrir les approbations des rapports de cessation partielle relatifs au service pour la baie de Fundy et à celui pour l’Î.‑P.‑É.

 

[31]           Quant à l’attention à accorder aux situations, comme celle des services de Labrador/Moncton, qui font actuellement l’objet d’un examen de sa part, le BSIF a souligné qu’un document de consultation publique a récemment été publié et qu’il serait donc inopportun de prendre des mesures pour le moment. La lettre se terminait ainsi :

[traduction] Par conséquent, il serait inopportun pour le moment que le BSIF exige que les régimes de pension agréés en vertu de la LNPP prévoient la répartition d’une partie ou de la totalité des actifs excédentaires à la suite de la cessation partielle du régime.

 

Compte tenu des facteurs énoncés plus haut – concernant de façon générale les régimes de pension agréés en vertu de la LNPP et en particulier les cessations partielles du régime de pension des employés de Marine Atlantique S.C.C. – le BSIF n’a pas l’intention d’ordonner que l’excédent existant dans le régime de pension des employés de Marine Atlantique S.C.C. soit déclaré lors de la cessation partielle dont il est question dans votre lettre, ni que les actifs de ce régime soient répartis.

 

 

[32]           Ainsi, une des demandes de contrôle judiciaire dont est saisie la Cour, la demande T‑1518‑05, vise à contester deux décisions du BSIF. L’une est la décision de ne pas revoir les décisions antérieures concernant le service pour la baie de Fundy et celui pour l’Î.‑P.‑É. L’autre porte sur la situation pendante des services Labrador/Moncton et sollicite un mandamus obligeant le BSIF à n’approuver que les rapports prévoyant une répartition immédiate de l’excédent.

 

Terminologie

[33]           Comme pour d’autres domaines très complexes du droit sur lesquels la Cour doit se prononcer, le domaine du droit des pensions possède sa propre terminologie, parfois définie par la loi, parfois par la jurisprudence ou encore par l’usage. Les termes suivants sont utilisés dans l’analyse des circonstances des présentes procédures :

·        L’expression « excédent actuariel », parfois simplement appelé « excédent », a été définie par le juge Cory de la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Schmidt c. Air Products of Canada Ltd., [1994] 2 R.C.S. 64, (1994), 115 D.L.R. (4e) 631, 665, et par la juge Deschamps dans l’arrêt Monsanto, aux paragraphes 21 et 22. Il s’agit d’une somme qui n’est jamais certaine pendant l’existence du régime. Le surplus n’existe qu’en théorie. Il résulte de calculs actuariels et dépend des hypothèses utilisées par l’actuaire. À n’importe quel moment, par exemple lors d’une évaluation à des fins de financement, un calcul peut être effectué à partir de ces hypothèses afin de donner un aperçu de l’excédent actuariel existant à ce moment‑là.

·        Le terme « actif » est employé dans son sens ordinaire, c’est‑à‑dire la somme de ce qui représente une valeur dans le régime.

·        Quant au terme « prestations », tel qu’il est défini dans l’arrêt Schmidt à la page 665, il existe deux types de prestations, dont l’un vise les prestations auxquelles l’employé a droit en vertu des dispositions du régime. Il s’agit d’une somme établie selon une formule. Les autres prestations sont celles auxquelles les employés peuvent avoir droit à la suite de la cessation du régime.

·        L’expression « exonération de cotisations » est employée dans les arrêts Schmidt, aux pages 664 et 665, et Monsanto, aux paragraphes 45 et 46. Elle signifie que lorsqu’un employeur et/ou un employé est normalement tenu de verser des cotisations dans un régime selon une formule, si le régime affiche un « excédent », les cotisants (habituellement l’employeur) peuvent s’accorder une « exonération » de cotisations pendant une certaine période jusqu’à la diminution de l’excédent. Ainsi qu’il est indiqué dans l’arrêt Schmidt, à la page 665, sous réserve des conditions du régime, le fait de s’accorder une période d’exonération de cotisations ne représente ni un empiétement sur la fiducie, ni une réduction des prestations acquises.

·        Les expressions « régime à prestations déterminées » et « régime à cotisations déterminées » sont toutes les deux définies à l’article 2 de la LNPP. Les deux régimes s’excluent mutuellement : dans un régime à prestations déterminées, il y a des dispositions qui prévoient clairement certaines prestations pour les employés, alors qu’un régime à cotisations déterminées précise quelles cotisations doivent être faites. Ainsi qu’il est indiqué dans l’arrêt Monsanto, au paragraphe 21, seuls les régimes à prestations déterminées peuvent accumuler un excédent parce que, contrairement aux régimes à cotisations déterminées, les prestations, ou le passif du régime, ne varient pas en fonction des fonds provenant des cotisations ni du produit du placement des cotisations.

·        L’expression « régime de pension » est définie au paragraphe 4(2) de la LNPP. Sans reproduire tout le paragraphe, soulignons que cette expression s’entend d’un régime de retraite institué en vue d’assurer des prestations de pension aux salariés et auquel l’employeur est tenu de verser des cotisations. Ainsi que l’a dit la Cour d’appel de l’Ontario dans l’arrêt Huus c. Ontario (Superintendent of Pensions) (2002), 58 OR (3d) 380, au paragraphe 30, où elle cite une partie de l’arrêt Schmidt, précité, les pensions ne constituent pas un cadeau de l’employeur, elles sont acquises par l’employé; il s’agit d’une part d’un échange de salaires et de prestations et, d’autre part, d’un fonds de pension.

·        Le terme « cessation » est défini à l’article 2 de la LNPP. Il s’entend de la cessation d’un régime de pension dans le cas où il n’est plus porté de droits à prestation en faveur des participants et il comprend non seulement la cessation volontaire, mais aussi, comme le prévoient les paragraphes 29(1) et 29(2) de la Loi, la révocation du régime et sa cessation déclarée par le surintendant.

·        Le terme « liquidation » est défini à l’article 2 de la LNPP. Il s’entend de la répartition des actifs d’un régime de pension à la suite de sa cessation. La LNPP prévoit donc que la liquidation est une étape qui suit la cessation. Cette définition doit être comparée aux dispositions de la Loi sur les régimes de retraite de l’Ontario, précitée, qui ont été examinées par la Cour suprême dans l’arrêt Monsanto. Suivant l’alinéa 1c) de la Loi de l’Ontario, le terme « liquidation » s’entend de la « la cessation d’un régime de retraite et la répartition de l’actif de la caisse de retraite ». Ainsi, l’Ontario considère que la liquidation comprend la cessation.

 

Le rôle du surintendant

[34]           Le surintendant et le Bureau du surintendant des institutions financières (BSIF) sont des entités créées par la Loi sur le Bureau du surintendant des institutions financières, précitée. Le surintendant et le BSIF sont chargés de la supervision de plusieurs institutions financières sous réglementation fédérale, ainsi qu’il est énoncé à l’annexe de la partie 1 (article 6) de la Loi. Ces institutions comprennent des banques, des associations coopératives de crédit, l’organisme Bouclier vert, des sociétés d’assurances, des fonds de pension, ainsi que des sociétés de fiducie et de prêt.

 

[35]           Ainsi que l’a dit la Cour d’appel de l’Ontario dans l’arrêt Huus, précité, le surintendant a une obligation importante envers les employés participant à un régime de pension, similaire à l’obligation fiduciaire imposée aux fiduciaires. Même si la Cour d’appel faisait référence au surintendant de l’Ontario, cet arrêt a été examiné et approuvé par la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Buschau c. Rogers Communications Inc., 2006 CSC 28, aux paragraphes 55 et 56, lorsqu’elle a analysé le rôle du surintendant fédéral. Dans l’arrêt Buschau, la Cour suprême a dit, au paragraphe 56, que le pouvoir que confère l’alinéa 29(2)a) de la LNPP au surintendant fédéral devient presque une obligation lorsque des employés lui demandent d’agir.

 

[36]           Il convient maintenant d’examiner les questions soulevées dans les présentes procédures.

 

 

Question 1 – Le délai de présentation

[37]           La première question en litige est la suivante :

Les questions en litige dans les demandes T‑1519‑05 et T‑1520‑05 ont‑elles été soulevées en temps opportun compte tenu des dispositions du paragraphe 18.1(2) de la Loi sur les Cours fédérales, L.R.C. 1985, ch. F‑7, selon lesquelles une demande de contrôle judiciaire doit être présentée dans les 30 jours qui suivent la première communication de la décision, sauf si la Cour accorde un délai supplémentaire?

 

[38]           Cette question ne vise que les décisions du surintendant concernant la cessation partielle des régimes de pension de Marine Atlantique relatifs aux services pour la baie de Fundy et l’Î.‑P.‑É., soit les demandes T‑1519‑05 et T‑1520‑05. La demande de réexamen de ces décisions est analysée avec la question 2 dans le contexte de la demande T‑1518‑05.

 

[39]           Le paragraphe 18.1(2) de la Loi sur les Cours fédérales, précitée, prévoit qu’une demande de contrôle judiciaire d’une décision d’un office fédéral doit être présentée dans les 30 jours qui suivent la première communication par l’office fédéral de sa décision à la partie concernée, sauf si la Cour accorde un délai supplémentaire.

 

[40]           Les parties ne contestent pas que le surintendant et le BSIF sont visés par la définition d’un office fédéral au sens du paragraphe 18.1(2) de la Loi sur les Cours fédérales, précitée.

 

[41]           L’avocat des demandeurs fait valoir que ni le surintendant ni le BSIF n’ont communiqué aux participants concernés les décisions relatives à la cessation des régimes pour les services pour la baie de Fundy et pour l’Î.‑P.‑É. Ce qui s’est produit, selon l’avocat, c’est que le BSIF a envoyé une lettre dans laquelle il a annoncé ses décisions à WMercer seulement, qui agit à titre d’expert‑conseil en actuariat pour Marine Atlantique. Faisant référence à l’arrêt Huus, précité, l’avocat allègue que le surintendant avait une obligation plus grande, soit celle de communiquer directement avec les participants concernés. Le BSIF n’a transmis qu’une copie des lettres pertinentes aux participants concernés, par l’intermédiaire de leur avocat, le 8 août 2005, et les présentes procédures ont été engagées 30 jours plus tard. Par conséquent, l’avocat fait valoir, en invoquant les paragraphes 6 et 7 de l’arrêt Atlantic Coast Scallop Fisherman c. Canada (Ministère des Pêches et des Océans), [1995] A.C.F. no 1347 (CAF) (QL), que les procédures ont été introduites en temps opportun.

 

[42]           Les avocats des défendeurs font valoir que, même si le BSIF n’a pas communiqué directement avec les participants concernés en 1997 ou en 1998, l’administrateur du régime, Marine Atlantique, a communiqué plusieurs fois avec ceux‑ci et les a informés que le BSIF avait approuvé le rapport de cessation qui pouvait être consulté sur demande. Même s’ils n’ont pas consulté le rapport ou s’ils l’ont consulté et ne l’ont pas compris, les participants connaissaient les conséquences de ce rapport car on leur avait offert plusieurs possibilités, soit celle de continuer de participer ou d’encaisser. Il était clair qu’aucun remboursement de l’excédent actuariel n’était alors prévu. Invoquant la décision Peace Hills Trust Co. c. Première nation Saulteaux, 2005 CF 1364, aux paragraphes 43 et 44 en particulier, les avocats des défendeurs allèguent que l’avis transmis aux participants concernés était suffisant.

 

[43]           Je suis convaincu que les communications entre les participants concernés et Marine Atlantique ont été suffisantes pour informer les participants que le BSIF avait pris une décision qui avait eu pour conséquence implicite de ne pas accorder de remboursement proportionnel de l’excédent actuariel existant au moment de la cessation. Au paragraphe 7 de l’arrêt Atlantic Coast Scallop, précité, la Cour d’appel fédérale a conclu que, même si une décision semblait avoir été prise « à un moment donné », les renseignements transmis aux personnes concernées étaient ambigus. Dans la décision Peace Hills, précitée, il a été décidé, aux paragraphes 43 et 44, que les personnes concernées avaient été informées du contenu de la décision et de ses conséquences, et que cela était suffisant pour constituer une communication. Dans les demandes concernant le service pour la baie de Fundy et celui pour l’Î.‑P.‑É., la situation est similaire à celle qui existait dans Peace Hills, c’est‑à‑dire que les participants concernés étaient, en 1997 et 1998, manifestement au courant des prestations qu’ils allaient recevoir et, par conséquent, de celles qu’ils ne recevraient pas. Cela signifiait qu’il n’y aurait aucun remboursement d’excédent actuariel à ce moment‑là. Les deux demandes en litige en l’espèce, soit celles présentées en 2005 relativement au service pour la baie de Fundy et à celui pour l’Î ‑P.‑E., ont été présentées avec des années de retard.

 

[44]           Les avocats des demandeurs ont formulé un deuxième argument et ont demandé la permission de le présenter oralement, à savoir que la Cour devrait exercer son pouvoir discrétionnaire en vertu du paragraphe 18.1(2) et permettre l’instruction des demandes malgré le délai de 30 jours. Dans les actes introductifs d’instance déposés devant la Cour, les demandeurs n’ont pas demandé une réparation de ce genre. La question relative au délai de présentation a été soulevée pour la première fois par les défendeurs dans les mémoires qu’ils ont déposés avant la tenue de l’audience. Les demandeurs n’ont pas déposé de documents en réponse. Aucune requête concernant la question du délai de présentation n’a été présentée par l’une ou l’autre des parties avant l’audience. J’ai autorisé toutes les parties à présenter oralement à l’audience des arguments sur ce point.

 

[45]           Les facteurs que la Cour doit examiner relativement à la question de savoir si un délai de plus de 30 jours devrait être autorisé ont été clairement établis dans l’arrêt Grewal c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1985] 2 C.F. 263 (CAF), un arrêt fréquemment cité par la Cour dans des circonstances comme celles dont il est question en l’espèce. Ces facteurs sont les suivants :

1.      Y a‑t‑il une cause défendable?

2.      Les demandeurs ont‑ils démontré l’intention constante d’introduire des procédures en temps opportun?

3.      Existe‑t‑il une explication raisonnable pour le retard?

4.      Quel est le préjudice pour les autres parties?

À la page 282 de l’arrêt Grewal, un facteur prépondérant est énoncé, à savoir que la prorogation du délai imparti ne sera accordée que si la recherche ultime de la justice semble transcender la nécessité de mettre fin à l’incertitude relative aux droits des parties.

 

[46]           Le premier facteur n’a pas besoin d’être examiné davantage pour le moment, car la question sera examinée en profondeur plus loin dans les présents motifs.

 

[47]           Le deuxième facteur requiert un examen des mesures prises par les demandeurs Cousins et McNally. Il n’y a aucun élément de preuve indiquant que l’un d’eux, en 1997 ou en 1998, ou à n’importe quel moment avant 2003 au moins, a pris des mesures pouvant mener à une contestation de la décision du BSIF concernant l’excédent actuariel, et il n’y a aucun élément de preuve démontrant qu’ils avaient l’intention de contester cette décision. Rien ne semble s’être produit avant 2003 au moins lorsque Keith, l’épouse de Cousins et McNally se sont engagés dans un comité intéressé à la répartition de l’excédent actuariel. Cependant, ce comité semble avoir fait peu de choses avant que l’arrêt de la Cour suprême du Canada dans l’affaire Monsanto, annulant les décisions des tribunaux inférieurs, ne soit rendu en 2004. Cet arrêt favorisait les intérêts des participants touchés. On peut clairement en déduire que le comité attendait cet arrêt et que s’il n’avait pas été favorable, le comité n’aurait rien fait d’autre. Après la publication de cet arrêt favorable à la fin de juillet 2004, il se peut que le comité ait été encouragé à prendre d’autres mesures. Toutefois, ce n’est qu’en janvier 2005 que le comité a communiqué avec le BSIF et qu’il a fait une demande particulière, que le BSIF a rejetée à juste titre, soit une demande de conseils au BSIF quant aux mesures à prendre ainsi que de renseignements sur un bon avocat. C’est la première fois que la preuve montre une intention de s’adresser aux tribunaux pour protéger ou pour établir les droits du comité, dont faisaient partie McNally, Keith et l’épouse de Cousins.

 

[48]           Je conclus qu’il n’y avait aucune intention constante de la part de Cousins ou de McNally d’intenter une action mais seulement une intention tardive apparue en 2003 ou en 2004, plusieurs années après les événements pertinents, d’agir si l’issue de l’affaire Monsanto était considérée comme étant favorable.

 

[49]           Le troisième facteur nécessite un examen pour déterminer si la preuve comporte une explication raisonnable pour le retard. Aucune explication raisonnable n’a été fournie. Ainsi qu’il est indiqué pour le deuxième facteur, rien n’a été fait pendant plusieurs années. Les demandeurs ne présentent aucune preuve qui constituerait une explication satisfaisante du retard.

 

[50]           Le quatrième facteur nécessite l’examen du préjudice pour les autres parties. À cet égard, les observations qu’a faites la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt Canada c. Berhad, 2005 CAF 267, et qui ont été reprises et approuvées dans l’arrêt Canada (Procureur général) c. Trust Business Systems, 2007 CAF 89, au paragraphe 28, sont importantes :

Dans l’arrêt Canada c. Berhad, 2005 CAF 267, le juge Létourneau a écrit que le délai de trente jours pour présenter des demandes de contrôle judiciaire est dans l’intérêt public et vise à faire en sorte que les décisions administratives acquièrent un caractère définitif et apportent la tranquillité d’esprit à ceux qui observent la décision ou qui veillent à ce qu’elle soit observée. Au paragraphe 60, il a dit ceci :

L’importance de cet intérêt public est reflétée dans les délais relativement brefs qui sont imposés à quiconque veut contester une décision administrative - un délai de 30 jours à compter de la date à laquelle la décision est communiquée, ou tel autre délai que la Cour peut accorder sur requête en prorogation de délai. Ce délai n’est pas capricieux. Il existe dans l’intérêt public, afin que les décisions administratives acquièrent leur caractère définitif et puissent aussi être exécutées sans délai, apportant la tranquillité d’esprit à ceux qui observent la décision ou qui veillent à ce qu’elle soit observée, souvent à grands frais. [Je souligne] 

 

 

[51]           L’avocat des demandeurs invoque l’arrêt Grewal, précité, à la page 282, ainsi que la décision Huard c. Canada (Procureur général), 2007 CF 195, aux paragraphes 91 à 96, pour faire valoir que même un retard de plusieurs années ne devrait pas dissuader la Cour d’accorder un délai supplémentaire lorsqu’une grande injustice risque autrement de se produire. L’injustice, selon l’avocat, est que ceux qui sont touchés par la cessation du service pour le Labrador pourraient avoir la possibilité d’obtenir des fonds provenant d’un excédent actuariel tandis que ceux qui sont touchés par la cessation du service pour la baie de Fundy et de celui pour l’Î.‑P.‑É. n’auront pas cette possibilité. Cela pourrait se produire, mais je ne considère pas qu’il s’agit d’une injustice. Ceux qui ont été touchés par la cessation service pour la baie de Fundy et de celui pour l’Î.‑P.‑É ont eu plusieurs années pour porter devant les tribunaux une affaire qu’ils considéraient litigieuse. La Cour ne devrait pas tolérer qu’une partie demande réparation longtemps après un événement parce que la loi a été précisée ou modifiée dans une décision subséquente. Cela donnerait lieu à une procédure opportuniste. Une partie qui s’inquiète réellement d’une décision concernant sa situation devrait normalement prendre des mesures à ce moment‑là, même si la loi n’est pas claire, plutôt que d’attendre plusieurs années jusqu’à ce qu’il y ait une interprétation judiciaire favorable.

 

[52]           Par conséquent, je rejette la demande faite de vive voix afin d’obtenir un délai supplémentaire pour la présentation des demandes T‑1519‑05 et T‑1520‑05. Ces demandes sont donc rejetées. Toutefois, lorsque je statuerai sur la question 4, je tiendrai compte de la question soulevée dans ces demandes relativement à l’interprétation du paragraphe 29(12) de la LNPP.

 

Question 2 – Le réexamen

[53]           La deuxième question en litige est la suivante :

Le surintendant a‑t‑il le pouvoir de réexaminer des décisions rendues plusieurs années plus tôt pour approuver la cessation partielle d’un régime qui ne prévoyait pas le versement de l’excédent dans le fonds?

 

 

[54]           L’avocat des demandeurs a écrit au BSIF le 8 mars 2005 pour lui demander notamment de revenir sur ses décisions concernant le service pour la baie de Fundy et celui pour l’Î.‑P.‑É., rendues en 1997 et en 1998, qui ont eu pour conséquence de ne pas accorder le versement de l’excédent actuariel existant alors. Le 8 août 2005, le BSIF a répondu que la LNPP ne prévoyait pas de réexamen et qu’en l’absence d’un changement important dans les circonstances (Monsanto n’en était pas un), il ne reviendrait pas sur ses décisions.

 

[55]           Le BSIF a eu tout à fait raison de déclarer, et aucun des avocats de l’une ou l’autre des parties ne le conteste, que la LNPP ne prévoit pas le réexamen de telles décisions. L’intention du législateur de ne pas prévoir de réexamen ressort clairement du paragraphe 32(2) de la LNPP qui prévoit le réexamen de certaines autres décisions, comme le refus d’agréer un régime ou la révocation ou l’annulation de l’agrément.

 

[56]           Tout comme les décisions finales d’un tribunal ne sont pas réexaminées sauf dans des circonstances très limitées, on ne peut revenir sur les décisions d’un tribunal seulement parce qu’il y a eu un changement dans les circonstances, par exemple un changement dans la jurisprudence. Le juge Sopinka a dit ce qui suit dans l’arrêt Chandler c. Alberta Association of Architects, [1989] 2 R.C.S. 848, à la page 861 :

Si l’on fait abstraction de la pratique suivie en Angleterre, selon laquelle on doit hésiter à modifier ou à rouvrir des jugements officiels, la reconnaissance du caractère définitif des procédures devant les tribunaux administratifs se justifie par une bonne raison de principe. En règle générale, lorsqu’un tel tribunal a statué définitivement sur une question dont il était saisi conformément à sa loi habilitante, il ne peut revenir sur sa décision simplement parce qu’il a changé d’avis, parce qu’il a commis une erreur dans le cadre de sa compétence, ou parce que les circonstances ont changé. Il ne peut le faire que si la loi le lui permet ou s’il y a eu un lapsus ou une erreur au sens des exceptions énoncées dans l’arrêt Paper Machinery Ltd. c. J. O. Ross Engineering Corp., précité.

 

[57]           En conséquence, je conclus que le BSIF n’a commis aucune erreur susceptible de contrôle en refusant de réexaminer ses décisions dans les litiges concernant le service pour la baie de Fundy et celui pour l’Î.‑P.‑É.

 

Question 3 – La norme de contrôle

[58]           La troisième question en litige est la suivante :

Quelle norme la Cour doit‑elle appliquer au contrôle judiciaire des décisions du surintendant qui sont en cause?

 

[59]           Dans l’arrêt Monsanto, précité, aux paragraphes 6 à 16 de ses motifs, la Cour suprême du Canada a fait une analyse pragmatique et fonctionnelle approfondie de la situation entourant la décision du Tribunal des services financiers concernant une question quasi identique à celle qui a été examinée en l’espèce.

 

[60]           J’estime qu’il y peu de différences entre la situation en l’espèce et celle examinée dans l’arrêt Monsanto. Ni les lois ontariennes, ni les lois fédérales ne comportent de clause privative. La nature du problème est identique. L’expertise relative est la même : le surintendant fédéral est un organisme général ayant des obligations envers plusieurs institutions financières tout comme le surintendant de l’Ontario. Ainsi qu’il en a été question plus tôt, la Cour, dans l’arrêt Buschau, a établi un rapport d’égalité entre les fonctions remplies par le surintendant de l’Ontario et celles du surintendant fédéral. Le fait qu’un tribunal ontarien ait examiné la décision du surintendant avant qu’elle ne soit examinée par la Cour n’est pas important. L’objet de la loi est le même. Aux fins de la question portant sur le paragraphe 29(12) dont la Cour est saisie, il s’agit d’une question de droit.

 

[61]           Par conséquent, je conclus, en appliquant l’arrêt de la Cour suprême du Canada dans Monsanto, au paragraphe 16, qu’un degré moins élevé de retenue s’impose et que la norme de contrôle applicable en l’espèce devrait être celle de la décision correcte. Aucun motif convaincant ne permet à la Cour de faire preuve de retenue envers le surintendant concernant la pure question de droit dont est saisie la Cour en l’espèce.


 

Question 4 – Le paragraphe 29(12)

[62]           La quatrième question en litige est la suivante :

Le paragraphe 29(12) de la LNPP exige‑t‑il la répartition d’une part proportionnelle de l’excédent actuariel lorsqu’il y a cessation ou liquidation partielles d’un régime de pension à prestations déterminées sous réglementation fédérale?

 

 

[63]           Le paragraphe 29(12) de la LNPP prévoit :

Les droits des participants en cas de cessation partielle d’un régime doivent être au moins égaux à ceux qu’ils auraient eus si la cessation avait été totale.

 

[64]           L’avocat des demandeurs fait valoir que, tout comme l’a conclu la Cour suprême dans l’arrêt Monsanto, lorsqu’il y a cessation partielle et liquidation d’un régime de pension, il doit y avoir un remboursement proportionnel de l’excédent actuariel existant à ce moment‑là.

 

[65]           Les avocats des défendeurs font d’abord valoir que, prises dans leur ensemble, les dispositions de la LNPP prévoient un remboursement seulement à la suite de la cessation et de la liquidation totales de l’ensemble du régime. Subsidiairement, ils allèguent que le paragraphe 29(12) confère au surintendant le pouvoir discrétionnaire illimité d’approuver un rapport prévoyant, ou ne prévoyant pas, le remboursement proportionnel à la suite de la cessation partielle. Toutefois, il est évident qu’un tel pouvoir discrétionnaire n’existerait pas si l’interprétation juridique correcte du paragraphe 29(12) exigeait un remboursement à la suite de la cessation et de la liquidation partielles.

 

[66]           Toutes les parties s’entendent pour dire qu’il reste une autre question à trancher, celle de savoir quelle personne est admissible au remboursement, le cas échéant. Les parties s’entendent aussi pour dire que cette question ne devrait pas être tranchée dans le présent dossier pour le moment et qu’elle devrait être reportée à plus tard, si nécessaire.

 

[67]           L’analyse du paragraphe 29(12) de la LNPP doit commencer par l’examen de l’arrêt de la Cour suprême dans Monsanto et l’interprétation qu’elle a faite du paragraphe 70(6) de la Loi sur les régimes de retraite de l’Ontario, précitée. Le paragraphe 70(6) est libellé comme suit :

À la liquidation partielle d’un régime de retraite, les participants, les anciens participants et les autres personnes qui ont droit à des prestations en vertu du régime de retraite ont des droits et prestations qui ne sont pas inférieurs aux droits et prestations qu’ils auraient à la liquidation totale du régime de retraite à la date de prise d’effet de la liquidation partielle.

 

[68]           Dans l’arrêt Monsanto, la Cour suprême commence son analyse en déclarant ce qui est maintenant le principe essentiel de l’interprétation des lois au Canada en invoquant l’arrêt Bell ExpressVu Limited Partnership c. Rex, [2002] 2 R.C.S. 559, au paragraphe 26, citant Driedger, Construction of Statutes (2e éd. 1983), à la page 87 :

[traduction] Aujourd’hui, il n’y a qu’un seul principe ou solution : il faut lire les termes d’une loi dans leur contexte global en suivant le sens ordinaire et grammatical qui s’harmonise avec l’esprit de la loi, l’objet de la loi et l’intention du législateur.

 

[69]           Dans l’arrêt Monsanto, l’analyse par la Cour suprême du contexte historique et de l’objet de la loi ontarienne serait essentiellement la même si l’analyse portait sur la loi fédérale, la LNPP. La conclusion tirée par la Cour suprême au sujet du contexte historique, au paragraphe 24, est tout aussi pertinente en l’espèce :

Ce contexte historique, quoique non décisif, est révélateur de l’intention du législateur à l’égard de l’effet du par. 70(6). Par ses interventions législatives, il visait à clarifier certains aspects de la relation employeur‑employés en matière de régimes de retraite. Des mesures furent prises pour améliorer de nombreux droits accordés aux employés, mais l’importance de maintenir un juste et délicat équilibre entre les intérêts de l’employeur et ceux de l’employé de manière à favoriser les régimes de retraite complémentaires fut aussi un thème récurrent. Conformément à la méthode d’interprétation des lois reconnue, c’est à la lumière de ce contexte que le sens de la disposition doit être déterminé.

 

[70]           De la même façon, la conclusion tirée au paragraphe 47 de l’arrêt Monsanto au sujet de l’objet de la loi relativement au paragraphe 70(6) de la loi ontarienne s’applique également au paragraphe 29(12) de la loi fédérale :

Le paragraphe 70(6) a été adopté pour assurer aux participants touchés par une liquidation partielle un traitement aussi favorable que celui réservé aux groupes visés par une liquidation totale. Le paragraphe 70(6), qui exprime un souci d’équité, fait écho aux autres dispositions de la Loi. Pour ce qui est de la répartition de l’excédent, l’objet de la Loi et le par. 70(6) militent fortement en faveur d’une interprétation selon laquelle cette répartition doit avoir lieu lors de la liquidation partielle et non après.

 

[71]           L’examen du sens grammatical et ordinaire du paragraphe 29(12) et de l’économie de la LNPP nécessite une analyse plus approfondie.

 

Le sens grammatical et ordinaire

[72]           Le paragraphe 29(12) de la LNPP est rédigé comme suit :

(12) Les droits des participants en cas de cessation partielle d’un régime doivent être au moins égaux à ceux qu’ils auraient eus si la cessation avait été totale.

 

[73]           Ce paragraphe prévoit qu’à la « cessation » partielle du régime, les « droits » des participants touchés « doivent au moins être égaux » à ceux qu’ils auraient eus si la « cessation » avait été totale ». Ainsi, le sens grammatical et ordinaire du paragraphe 29(12) est que les participants touchés par une cessation partielle doivent se trouver dans la même situation relativement à la répartition de l’excédent que ceux touchés par une cessation totale, mais à la date de la cessation partielle.

 

L’économie de la Loi

[74]           Dans le cadre de l’examen de l’économie de la LNPP, le terme « cessation » est défini à l’article 2 de la LNPP comme étant une « cessation [...] dans le cas où il n’est plus porté de droits à prestation en faveur des participants [...] » et, contrairement à la loi ontarienne, il ne comprend pas la « liquidation », qui est définie à l’article 2 de la LNPP comme étant la « répartition des actifs » d’un régime « à la suite de sa cessation ». Il n’y a aucun doute qu’en vertu de la LNPP, la cessation et la liquidation sont deux concepts différents et que la cessation doit précéder la liquidation. Cependant, lors de l’examen du paragraphe 29(12), il convient d’examiner quels sont les « droits » d’un participant relativement à un régime ayant pris fin.

 

[75]           Dans le cadre de l’examen des « droits » d’un participant, l’alinéa 28(1)d) de la LNPP prévoit qu’à la suite de la cessation partielle ou totale d’un régime, l’administrateur doit transmettre aux participants touchés par la cessation un relevé indiquant les prestations de pension et autres prévues par le régime.

28(1) Un régime de pension doit prévoir que :

 

[…]

d) l’administrateur doit remettre au participant, dans le cas où celui‑ci prend sa retraite ou meurt, ou dans le cas où sa participation prend fin, ainsi qu’à son époux ou conjoint de fait et, dans le cas du décès du participant, à ses ayants droit, dans les trente jours de l’événement en cause, ou dans tout délai supplémentaire accordé par le surintendant, un relevé en la forme réglementaire indiquant les prestations de pension et autres prévues par le régime. En cas de cessation totale ou partielle d’un régime, l’administrateur a la même obligation à l’égard de tout participant au régime en cause, de son époux ou conjoint de fait et, en cas de décès du participant, de ses ayants droit.

 

[76]           De plus, dans le cadre de l’examen des « droits » d’un participant, le paragraphe 29(6) de la LNPP prévoit qu’à la cessation totale d’un régime, l’employeur doit combler tout manque à gagner dans les actifs du régime :

(6) Lors de la cessation totale d’un régime de pension, l’employeur est tenu de verser au régime tous les montants qu’il aurait fallu par ailleurs payer pour satisfaire aux critères et normes de solvabilité visés au paragraphe 9(1) et notamment […]

 

[77]           Les paragraphes 29(7) et (8) de la LNPP réservent les actifs du régime aux participants :

(7) Lors de la cessation ou liquidation totale d’un régime de pension, l’employeur n’a droit à aucun recouvrement d’actifs du régime avant que le consentement du surintendant n’ait été obtenu et que des mesures n’aient été prises pour le service des prestations acquises ou payables aux participants actuels ou anciens, à leurs époux ou conjoints de fait, à leurs bénéficiaires ou à leurs héritiers, relativement à la participation au régime jusqu’à la date de la cessation ou de la liquidation et, à cette fin, les prestations sont tenues pour acquises indépendamment de l’âge, de la durée de la participation ou de la période d’emploi.

 

(8) Lors de la cessation totale d’un régime de pension, tous les actifs de celui‑ci à utiliser pour le service des prestations de pension ou autres demeurent assujettis à la présente loi.

 

[78]           Le paragraphe 29(11) de la LNPP prévoit que, lorsqu’un régime a pris fin, le surintendant « peut » intervenir et enjoindre à l’administrateur d’agir si les mesures prises pour liquider le régime sont insuffisantes :

(11) Le surintendant peut, après la cessation totale d’un régime de pension, s’il est d’avis qu’aucune mesure n’a été prise en vue de sa liquidation ou que celles qui l’ont été sont insuffisantes à cette fin, enjoindre à l’administrateur de répartir les actifs du régime conformément aux règlements pris au titre de l’alinéa 39j) et ordonner que toutes dépenses afférentes à cette distribution soient payées sur le fonds de pension; l’administrateur doit se conformer sans délai à ces directives.

 

Cessation partielle

 

[79]           Les avocats des défendeurs font valoir que le terme « peut » apparaissant dans ce paragraphe signifie que le surintendant a le pouvoir discrétionnaire d’ordonner ou non une liquidation et quelques exemples en ont été donnés, lesquels ne montrent aucunement qu’il n’y aura jamais de liquidation, mais que celle‑ci serait retardée. Les avocats soutiennent également que cette disposition s’applique uniquement à une cessation définitive et, par conséquent, qu’il ne peut y avoir de liquidation que lorsque le surintendant l’ordonne lors de la cessation définitive.

 

[80]           Je ne suis pas d’accord. Premièrement, en ce qui concerne l’emploi du terme « peut », la Loi ne vise pas une situation dans laquelle les actifs demeureront dans un régime pour toujours. Il doit y avoir une liquidation à un certain moment. Le pouvoir discrétionnaire du surintendant se limite à déterminer à quel moment il est raisonnable de retarder la liquidation pendant une période raisonnable.

 

[81]           Deuxièmement, le paragraphe 29(11) ne peut être limité à la cessation définitive étant donné le paragraphe 29(12), qui prévoit que les droits d’un participant lors d’une cessation partielle sont les mêmes que lors d’une cessation totale. Ainsi, lors d’une cessation partielle, s’il est jugé que l’administrateur n’a pas pris les mesures raisonnables pour liquider la partie correspondante du régime, le surintendant doit intervenir et s’assurer que ces mesures sont prises de façon raisonnable.

 

[82]           Ainsi, l’économie de la Loi correspond à l’exigence qu’il y ait une répartition proportionnelle de l’excédent lors de la cessation partielle, ou peu de temps après.

 

Conclusion concernant le paragraphe 29(12)

[83]           Compte tenu de tous les facteurs pertinents, je conclus que le paragraphe 29(12) de la Loi sur les normes de prestation de pension, précitée, exige une répartition proportionnelle de l’excédent attribuable à la partie liquidée du régime. La liquidation doit être effectuée dans un délai raisonnable après la cessation, sinon, le surintendant doit intervenir et exiger que la liquidation soit effectuée.

 

Réparations

[84]           Compte tenu des présents motifs, mes conclusions sont les suivantes :

1.            Les demandes T‑1519‑05 et T‑1520‑05 sont rejetées au motif qu’elles ont été présentées trop tard.

2.               La partie de la demande T‑1518‑05 portant sur le refus du surintendant de réexaminer les décisions concernant le service pour la baie de Fundy et celui pour l’Î.‑P.‑É est rejetée car il n’y a dans la LNPP ou une autre loi aucune disposition prévoyant un tel réexamen.

3.               La partie de la demande T‑1518‑05 portant sur la situation des services Labrador/Moncton est accueillie pourvu que soit accordé un mandamus ordonnant au surintendant de ne pas approuver un rapport qui ne prévoit pas la liquidation de la partie touchée du régime et la répartition proportionnelle de l’excédent actuariel dans un délai raisonnable.

 

[85]           Pour ce qui est des dépens, les deux parties ont eu partiellement gain de cause et aucuns dépens ne seront adjugés aux parties.

 

    «  Roger T. Hughes »

Juge

 

 

Le 1er mai 2007

Toronto (Ontario)

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Suzanne Bolduc, LL.B.

 

 

 

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIERS :                                                                    T‑1518‑05, T‑1519‑05 et T‑1520‑05

 

INTITULÉ :                                                                      DANA P. COUSINS, DONNA M. KEITH et CHARLES M. MCNALLY

                                                                                          c.

                                                                                          PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA et MARINE ATLANTIQUE S.C.C.

 

                                                                                                                                               

LIEU DE L’AUDIENCE :                                               Toronto (Ontario)

 

DATES DE L’AUDIENCE :                                           Les 23, 24 et 25 avril 2007

 

MOTIFS DU JUGEMENT :                                          Le juge Hughes

 

DATE DES MOTIFS :                                                    Le 1er mai 2007

 

 

COMPARUTIONS :

 

Ari N. Kaplan

Clio M. Godkewitsch                                                         POUR LES DEMANDEURS

 

Richard A. Kramer                                                             POUR LE DÉFENDEUR ‑           

Michael H. Morris                                                              LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU            CANADA

 

David G. Stamp                                                                  POUR LA DÉFENDERESSE ‑

Jean‑Marc Leclerc                                                             MARINE ATLANTIQUE S.C.C.

 

 


AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Ari N. Kaplan / Clio M. Godkewitsch

Koskie Minsky, s.r.l.

Avocats

Toronto (Ontario)                                                               POUR LES DEMANDEURS

 

John H. Sims, c.r.                                                               POUR LE DÉFENDEUR ‑

Sous‑procureur général du Canada                                     LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU

Toronto (Ontario)                                                               CANADA

 

David A. Stamp / Jean‑Marc Leclerc

Osler Hoskin & Harcourt, s.r.l.

Avocats                                                                              POUR LA DÉFENDERESSE –

Toronto (Ontario)                                                               MARINE ATLANTIQUE S.C.C.

 

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