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Date : 20070501

Dossier : IMM-574-06

Référence : 2007 CF 440

ENTRE :

PLACIDO PASCUA GAOAT JUNIOR

demandeur

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

 

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

 

Le juge Pinard

 

 

[1]               Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire d’une décision rendue le 23 décembre 2005 par Charles Godfrey (l’agent), chargé du programme d’immigration, dans laquelle celui-ci a rejeté la requête fondée sur des motifs d’ordre humanitaire, présentée par le demandeur en vertu du paragraphe 25(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27.

 

[2]               Le demandeur, Placido Pascua Gaoat Jr., a présenté une demande de statut de résident permanent après que son épouse, Merrylyn Agabao, eut obtenu le sien.

[3]               M. Gaoat et Mme Agabao se sont mariés le 24 avril 2005. Peu de temps après, Mme Agabao a obtenu le statut de résidente permanente. Elle n’a pas déclaré à Citoyenneté et Immigration Canada qu’elle s’était mariée et, en conséquence, la demande de M. Gaoat a été rejetée au motif que ce dernier n’appartenait pas à la catégorie du regroupement familial aux termes de l’article 117 du Règlements sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002-227.

 

[4]               Dans une lettre du 26 octobre 2005, M. Gaoat a été informé qu’il n’appartenait pas à la catégorie du regroupement familial et on lui a conseillé de faire, quoi qu’il en soit, une demande fondée sur des motifs d’ordre humanitaire qui justifierait le traitement de sa demande.

 

[5]               Dans une lettre du 23 décembre 2005, le demandeur a reçu un avis formel confirmant le rejet de sa demande du fait qu’il n’appartenait pas à la catégorie du regroupement familial. Dans une lettre datée du même jour, il a été informé de la décision de l’agent selon laquelle il n’y avait aucun motif d’ordre humanitaire lui permettant d’obtenir une réparation à l’égard de la décision selon laquelle il n’appartenait pas à la catégorie du regroupement familial.

 

[6]               M. Gaoat a présenté des demandes d’autorisation de contrôle judiciaire à l’encontre des deux décisions, celle rejetant sa demande fondée sur des motifs d’ordre humanitaire et celle rejetant sa demande de résident permanent du fait qu’il n’appartenait pas à la catégorie du regroupement familial. En ce qui concerne cette dernière, la demande d’autorisation a été rejetée le 29 mai 2006 par le juge Teitlebaum.

[7]               La seule question soulevée par le demandeur est celle du caractère suffisant des motifs. Étant donné que c’est une question d’équité procédurale, la norme de contrôle appropriée est celle de la décision correcte (Sketchley c. Attorney General, 2005 CAF 404).

 

[8]               Le défendeur soutient que le demandeur ne peut se plaindre de motifs insuffisants parce qu’il n’a jamais demandé d’explications supplémentaires au sujet de la décision. Je suis du même avis. 

 

[9]               Dans l’arrêt Marine Atlantic Inc. c. Guilde de la marine marchande du Canada (2000), 258 N.R. 112, la Cour d’appel fédérale a fait sien le raisonnement du juge Evans (maintenant juge à la Cour d’appel fédérale) dans la décision Liang c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1999] A.C.F. no 1301 (QL), selon lequel « l’obligation d’équité exige simplement que des motifs soient fournis à la demande de la personne à laquelle cette obligation est due et, en l’absence d’une telle demande, il n’y a aucun manquement à l’obligation d’équité » et elle a indiqué que :

[5]     [. . .] Nous sommes d’accord avec le juge Evans. Avant de demander le contrôle judiciaire d’une ordonnance rendue par un tribunal administratif au motif que celui-ci n’a pas motivé sa décision, l’intéressé doit d’abord demander au tribunal en question de motiver sa décision. Si le tribunal administratif refuse de motiver sa décision ou fournit des motifs insuffisants, la personne visée peut recourir à notre Cour. On compliquerait toutefois inutilement l’administration de la justice si l’on permettait à l’intéressé de s’adresser à la Cour pour obtenir l’annulation d’une ordonnance rendue par un tribunal administratif au motif que celui-ci n’a pas motivé sa décision, sans avoir d’abord demandé à celui-ci de motiver sa décision.

 

[6]        Le Conseil peut répondre à cette demande en motivant sa décision ou en exposant les raisons pour lesquelles il estime qu’il n’est pas nécessaire de le faire, compte tenu des circonstances de l’espèce. À notre avis, le fait d’obliger une partie à demander au tribunal administratif de motiver sa décision avant d’introduire une instance en contrôle judiciaire devant notre Cour ne la lèse aucunement.

 

[7]        Nous tenons à préciser que, bien qu’habituellement, la partie visée doive d’abord demander au tribunal administratif de motiver sa décision, il peut exister des situations dans lesquelles l’obligation du tribunal administratif de motiver sa décision est tellement évidente que l’intéressé peut recourir à la Cour sans devoir d’abord demander au tribunal administratif de motiver sa décision. Il existe peut-être aussi des circonstances dans lesquelles une partie se trouve dans l’impossibilité de demander au Conseil de motiver sa décision. Ces circonstances seraient, à notre avis, extrêmement rares.

 

[8]        En l’espèce, le défaut de la demanderesse de demander au Conseil de motiver sa décision entraîne nécessairement le rejet de cet aspect de sa demande de contrôle judiciaire. Bien que la question revête peut-être beaucoup d’importance pour elle, la demanderesse n’a invoqué aucune raison satisfaisante pour expliquer pourquoi elle n’avait pas demandé au Conseil de motiver sa décision. Ce moyen de la demande de contrôle judiciaire de la demanderesse est mal fondé.

 

[10]           Dans l’arrêt Marine Atlantic, aucun motif n’avait été fourni. Dans des jugements subséquents, la Cour fédérale a établi que la règle énoncée dans l’arrêt Marine Atlantic s’appliquait même dans les cas où des motifs étaient fournis.

 

[11]           Par exemple, dans la décision Gardner c. Procureur général, 2004 CF 493, le juge Gibson a conclu que la règle formulée dans l’arrêt Marine Atlantic s’applique de telle façon que même si des motifs sont fournis initialement, le demandeur doit tout de même solliciter des motifs supplémentaires avant de présenter une demande à la Cour fondée sur des motifs insuffisants.

 

[12]           Le juge Blanchard en est venu à la même conclusion dans la décision Hayama c. Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration, 2003 CF 1305. Dans cette affaire, l’agent d’immigration avait envoyé une simple lettre de refus, tout comme dans la présente affaire, et la Cour avait jugé que cette lettre et le STIDI faisaient office de motifs :

[13]     . . . Le demandeur affirme en outre qu'il n'a pas demandé de motifs parce qu'il avait déjà les motifs du responsable de programme. Il prétend que la Cour a décidé qu'une lettre de refus et les notes du STIDI pouvaient constituer des motifs et qu'il avait déjà ces documents. Le demandeur affirme que, étant donné que ces documents n'exposent aucune analyse ou « motifs » pour la décision, le responsable de programme ne peut pas subséquemment déposer un affidavit comme motifs additionnels dans une demande de contrôle judiciaire.   

[14]            Dans l'arrêt Marine Atlantic Inc. c. Guilde de la marine marchande du Canada (2000), 258 N.R. 112 (C.A.F.), un arrêt postérieur à l'arrêt Baker, le juge Rothstein a dit :

 

            [. . .]

 

[15]     Les commentaires du juge Rothstein sont décisifs en ce qui a trait à l'omission par le défendeur de motiver sa décision. Le demandeur n'a pas demandé des motifs. Son argument selon lequel il avait les motifs et qu'en conséquence rien d'autre ne restait à demander est sans fondement. Si le demandeur n'était pas convaincu par la lettre de décision et estimait qu'elle n'expliquait pas suffisamment la décision, il aurait dû faire une demande pour d'autres éclaircissements. Il n'existe aucun élément de preuve qu'une telle demande aurait été refusée. En conséquence, je conclus que, dans les circonstances de la présente affaire, il n'y a aucun manquement à l'obligation d'équité, manquement qui serait dû à une absence de motifs ou à l'insuffisance des motifs.

 

 

 

[13]           À mon avis, le fait que le demandeur n’a pas sollicité, en l’espèce, de motifs supplémentaires ne lui permet pas d’alléguer, dans le cadre d’un contrôle judiciaire, qu’il y a manquement à l’obligation d’équité à laquelle il avait droit du fait que les motifs fournis étaient insuffisants.

 

[14]           La demande de contrôle judiciaire est donc rejetée.

 

[15]           Après avoir entendu les avocats des parties quant à la possibilité de proposer une question aux fins de certification relativement au moment où les motifs ont été fournis ou au caractère suffisant de ceux-ci dans la présente affaire, je suis d’avis qu’étant donné ce qu’établit clairement l’arrêt Marine Atlantic, précitée, aucune certification n’est nécessaire.

 

 

« Yvon Pinard »

Juge

 

Ottawa (Ontario)

le 1er mai 2007

 

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

 

Caroline Tardif, LL.B, trad.


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                                    IMM-574-06

 

INTITULÉ :                                                   PLACIDO PASCUA GAOAT JUNIOR c. LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                             Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                           LE 19 MARS 2007

 

MOTIFS DES JUGEMENTS :                    LE JUGE PINARD

 

DATE DES MOTIFS :                                  LE 1ER MAI 2007

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Wennie Lee                                                      POUR LE DEMANDEUR

 

Martin Anderson                                              POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Lee & Company                                               POUR LE DEMANDEUR

Avocats

Toronto (Ontario)

 

John H. Sims, c.r.                                             POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

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