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Date : 20070425

Dossier : IMM‑2005‑06

Référence : 2007 CF 438

Montréal (Québec), le 25 avril 2007

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE MARTINEAU

 

ENTRE :

CARLOS MARIO GONZALEZ‑RUBIO SUESCAN

demandeur

 

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

 

 

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE

 

 

[1]               Le demandeur est un citoyen de la Colombie qui soutient qu’il serait exposé à un risque de torture, à un risque de persécution, à une menace pour sa vie ou à un risque de subir des peines cruelles et inusitées s’il était renvoyé dans son pays. Cependant, le 30 mars 2006, un agent d’immigration a décidé que le demandeur n’était pas admissible à présenter une demande d’asile.

 

[2]               La légalité de la décision contestée dépend de l’application de l’alinéa 101(1)c) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (la Loi), qui prévoit qu’une demande d’asile est irrecevable pour examen par la Section de la protection des réfugiés (la SPR) de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (la CISR) s’il y a déjà eu une décision prononçant l’irrecevabilité, le désistement ou le retrait d’une demande antérieure, ce qui est le cas ici.

 

CONTEXTE

 

[3]               Le demandeur a été admis aux États‑Unis à la faveur d’un visa de visiteur le 21 octobre 2004 et était autorisé à y demeurer jusqu’au 20 avril 2005. Il n’a pas présenté de demande d’asile dans ce pays. Le 20 février 2006, il s’est présenté au point d’entrée de Saint‑Bernard de Lacolle, à la frontière entre le Québec et l’État de New York, et c’est à ce moment qu’il a présenté une demande d’asile en affirmant qu’il craignait la persécution en Colombie parce qu’il serait persécuté, recruté ou éliminé par les membres des groupes appelés Autodefensa Unidas de Colombia (AUC) et Convivir, ainsi que par un homme portant le nom de Jose Ulises Barrios.

 

[4]               Le 21 février 2006, un agent d’immigration a déterminé que cette demande d’asile était irrecevable en application de l’alinéa 101(1)e) de la Loi, puisque le demandeur était arrivé directement ou indirectement au Canada depuis les États‑Unis, un pays désigné par le Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002‑227 (le Règlement), en application de  l’alinéa 102(1)a) de la Loi (la première décision d’irrecevabilité). Par ailleurs, le demandeur était réputé interdit de territoire au titre de l’alinéa 41a) du Règlement et de l’alinéa 20(1)a) de la Loi. Une mesure d’exclusion a donc été prononcée contre lui le 21 février 2006. La mesure prévoyait que le demandeur ne pouvait pas être admis au Canada sans le consentement écrit du ministre, et ce durant un an après la mise à exécution de la mesure d’exclusion.

 

[5]               Le demandeur a été renvoyé du Canada et retourné aux États‑Unis. Il importe de noter que ce dernier n’a jamais contesté la légalité de la première décision d’irrecevabilité ni celle de la mesure d’exclusion prononcée contre lui le 21 février 2006.

 

[6]               Le 21 février 2006, le demandeur a été retourné aux États‑Unis, depuis le Canada, conformément à l’Entente sur les tiers pays sûrs. Le même jour, lui était signifié un avis de comparution où il était déclaré passible d’expulsion en vertu du sous‑alinéa 237(a)(1)(B) de la loi  intitulée Immigration and National Act, parce qu’il était resté aux États‑Unis au‑delà de la période de séjour autorisée, et il a été soumis à une procédure de renvoi présentée devant un juge de l’immigration conformément à l’article 240 de cette loi. Le demandeur a par la suite été relâché, sur promesse de sa part, jusqu’à ce que le juge de l’immigration statue définitivement sur son cas. Le demandeur a alors déclaré son intention de présenter une demande d’asile aux États‑Unis. Cependant, il ne s’est pas présenté à l’audience prévue devant le juge de l’immigration le 13 juin 2006 et son renvoi a été ordonné le même jour.

 

[7]               Entre‑temps, le 26 février 2006, le demandeur est revenu au Canada. Il a demandé l’asile le lendemain dans les bureaux de Citoyenneté et Immigration Canada, à Montréal. Le 30 mars 2006, un agent d’immigration a rendu la décision contestée. Cette fois, l’agent d’immigration a conclu que la demande d’asile était irrecevable, en vertu de l’alinéa 101(1)c) de la Loi, parce que le demandeur avait déjà présenté une demande antérieure jugée irrecevable. L’agent d’immigration a aussi conclu que le demandeur était entré au Canada illégalement, car il n’avait pas obtenu l’autorisation d’un agent comme l’exige le paragraphe 52(1) de la Loi. Une mesure d’expulsion a été prononcée contre lui le même jour. Ici encore, il importe de noter que le demandeur n’a pas contesté la légalité de la mesure d’expulsion.

 

[8]               Le 8 avril 2006, le demandeur a demandé à l’agent de renvoi de l’autoriser à rester au Canada. Selon lui, les États‑Unis ne pouvaient plus être considérés comme un tiers pays sûr (puisqu’il ne pouvait plus présenter une demande d’asile dans ce pays), et il disait craindre pour sa vie en cas d’expulsion vers la Colombie. Le demandeur voulait que, avant tout renvoi, il soit autorisé à déposer une demande d’examen des risques avant renvoi (ERAR) puisque [traduction] « l’objectif du programme de l’examen des risques avant renvoi est fondé sur une politique en place et ancré dans les engagements intérieurs et internationaux du Canada envers le principe de non‑refoulement » (lettre du 8 avril 2006 adressée par l’avocat du demandeur à l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC)). La requête en report d’exécution de la mesure de renvoi a été rejetée, mais aucune demande n’a été présentée à l’encontre de la décision de l’agent de renvoi. Le demandeur ne s’est pas présenté pour son renvoi, à la date prévue, et un mandat d’arrêt a été lancé contre lui le 6 avril 2006.

 

[9]               Le 13 avril 2006, le demandeur a déposé un avis de demande d’autorisation et de contrôle judiciaire à l’égard de la décision contestée. Le demandeur n’a pas prié la Cour de surseoir à l’exécution de la mesure d’expulsion jusqu’à ce que soit rendue la décision finale sur la présente demande. Il est plutôt entré dans la clandestinité.

 

[10]           Le demandeur a été arrêté le 19 octobre 2006, puis libéré à cette date moyennant certaines conditions. Le 28 novembre 2006, le demandeur était informé qu’il pouvait présenter au ministre une demande de protection au motif que, dans son pays, il serait exposé à un risque de persécution, à un risque de torture, à une menace pour sa vie ou à un risque de subir des traitements ou peines cruels et inusités. Comme il était expliqué dans les affidavits de Raymond Dubrule et John R. Butt, soumis par le défendeur, le demandeur devenait admissible à un ERAR parce que plus de six mois s’étaient écoulés depuis qu’il avait quitté le Canada après que sa première demande d’asile avait été jugée irrecevable.

 

[11]           La demande de contrôle judiciaire présentée dans la présente affaire a été soumise la première fois à la Cour le 6 décembre 2006, mais a été reportée, avec le consentement des avocats, afin que le demandeur et le défendeur puissent déposer des éléments de preuve additionnels et des exposés du droit supplémentaires portant sur la question constitutionnelle soulevée par le demandeur dans son avis de question constitutionnelle déposé le 27 novembre 2006. Par ailleurs, l’avocat du demandeur a indiqué que son client présenterait aussi une demande d’ERAR.

 

[12]           En effet, le demandeur a déposé une demande d’ERAR au cours du mois de décembre 2006. Le 13 février 2007, l’agent d’ERAR, S. Saliba, rejetait la demande d’ERAR parce que selon lui le demandeur ne serait pas exposé à un risque de persécution, à un risque de torture, à une menace pour sa vie ou à un risque de subir des peines ou traitements cruels et inusités s’il était renvoyé en Colombie (la décision ERAR). La légalité de la décision ERAR fait maintenant l’objet d’une demande distincte d’autorisation et de contrôle judiciaire, qui a été signifiée et déposée le 12 mars 2007 (n° du greffe IMM‑1073‑07).

 

[13]           La présente demande a été soumise à la Cour une deuxième fois le 3 avril 2007. Dans l’intervalle, le demandeur n’avait pas déposé d’éléments de preuve additionnels sur la question constitutionnelle et n’avait pas soumis un exposé du droit supplémentaire. Le défendeur avait, quant à lui, produit des éléments de preuve additionnels ainsi qu’un exposé du droit supplémentaire dans lequel il priait la Cour, entre autres choses, de rejeter la présente demande en raison du caractère théorique de l’instance.

 

POINTS SOULEVÉS DANS LA PRÉSENTE INSTANCE

 

[14]           D’abord, le demandeur reconnaît que l’agent d’immigration qui a pris la décision contestée le 30 mars 2006 a correctement appliqué l’alinéa 101(1)c) de la Loi. Cependant, il fait valoir que l’alinéa 101(1)c) n’a aucun effet en ce qui le concerne, parce que l’application de cette disposition entraînerait son expulsion vers la Colombie sans que soit jugée sa demande d’asile, ce qui contreviendrait à l’article 7 de la Charte canadienne des droits et libertés, qui constitue la partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, annexe B, Loi de 1982 sur le Canada (R.-U.), 1982, ch. 11 (la Charte). Le demandeur voudrait que la décision contestée soit annulée et que son dossier soit renvoyé à un agent d’immigration pour une nouvelle décision conforme au jugement déclaratoire de la Cour portant que la disposition contestée est sans effet en ce qui le concerne personnellement. La Cour devrait aussi ordonner à l’agent d’immigration de déférer sa demande d’asile à la SPR et de prononcer une mesure de renvoi conditionnelle (lettre signée par l’avocat du demandeur en date du 7 décembre 2006).

 

[15]           Le demandeur fait valoir dans son exposé du droit daté du 2 juin 2006 que son droit constitutionnel de ne pas être renvoyé et de rester au Canada jusqu’à ce que la SPR statue sur sa demande d’asile s’accorde avec les obligations internationales du Canada. Le Canada est en effet lié par le principe de non‑refoulement. Le demandeur soutient que, dans l’arrêt Singh c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1985] 1 R.C.S. 177, la Cour suprême du Canada avait jugé que les demandeurs d’asile au Canada avaient droit à la protection conférée par la Convention des Nations Unies relative au statut des réfugiés. Selon le demandeur, l’interdiction du refoulement s’applique donc non seulement aux personnes qui ont été officiellement reconnues, mais à tous les demandeurs d’asile. Il indique dans son affidavit du 1er juin 2006 qu’on lui a refusé l’avantage d’un ERAR en raison des alinéas 112(2)b) et d) de la Loi, c’est‑à‑dire, en premier lieu, à cause de la première décision d’irrecevabilité et, en second lieu, parce qu’il a été « renvoyé » du Canada le 21 février 2006 et que moins de six mois s’étaient écoulés depuis lors. Dans son exposé du droit du 2 juin 2006, le demandeur affirme qu’il [traduction] « est donc devenu à jamais privé du droit de demander l’asile au Canada parce qu’il s’est présenté une fois à un point d’entrée terrestre Canada–États‑Unis pour demander l’asile ». Par conséquent, l’alinéa 101(1)c) de la Loi contrevient à l’article 7 de la Charte parce qu’il autorise le « refoulement par présomption » des demandeurs d’asile (voir l’exposé des arguments en date du 2 juin 2006, au paragraphe 55).

 

[16]           Pour sa part, le défendeur indique, dans ses divers exposés du droit, que les droits reconnus au demandeur par l’article 7 ne sont pas mis en cause. Au soutien de sa position, le défendeur se réfère à plusieurs précédents où fut examinée la constitutionnalité des dispositions d’irrecevabilité et où l’on jugea que ces dispositions ne font pas intervenir l’article 7 de la Charte (Berrahama c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration) (1991), 132 N.R. 202 (C.A.F.); Nguyen c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1993] 1 R.C.F. 696 (C.A.F.); Kaberuka c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1995] 3 R.C.F. 252 (C.F. 1re inst.); Jekula c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1999] 1 R.C.F. 266, conf. par (2000), 266 N.R. 355 (C.A.F.). Cependant, à titre d’argument préliminaire, le défendeur soutient que la présente demande de contrôle judiciaire est de nature théorique. Il n’est pas nécessaire de décider aujourd’hui si le demandeur devrait ou non être constitutionnellement soustrait à l’application de la disposition contestée. Si le demandeur sollicite une nouvelle protection, il doit contester la décision ERAR par contrôle judiciaire, ce qui est précisément ce qu’il a fait le 13 mars 2007.

 

[17]           Le demandeur rétorque qu’il n’a pas eu l’occasion de faire trancher sa demande d’asile par la CISR, laquelle aurait convoqué une audience. Il prétend que le processus d’ERAR est vicié car les droits procéduraux accordés à ceux qui demandent une protection conformément au paragraphe 112(1) de la Loi ne respectent pas les exigences procédurales applicables aux demandeurs d’asile qui sont établies dans l’arrêt Singh, précité.

 

[18]           Les avocats reconnaissent que je devrais statuer sur la question du caractère théorique de l’instance avant de trancher la question constitutionnelle, laquelle exigera, le cas échéant, que soit fixée une autre date d’audience.

 

CARACTÈRE THÉORIQUE DE L’INSTANCE

[19]           Dans l’arrêt Borowski c. Canada (Procureur général), [1989] 1 R.C.S. 342, la Cour suprême du Canada expliquait les principes juridiques régissant l’application de la doctrine du caractère théorique d’une instance :

La doctrine relative au caractère théorique est un des aspects du principe ou de la pratique générale voulant qu’un tribunal peut refuser de juger une affaire qui ne soulève qu’une question hypothétique ou abstraite. Le principe général s’applique quand la décision du tribunal n’aura pas pour effet de résoudre un litige qui a, ou peut avoir, des conséquences sur les droits des parties. Si la décision du tribunal ne doit avoir aucun effet pratique sur ces droits, le tribunal refuse de juger l’affaire. Cet élément essentiel doit être présent non seulement quand l’action ou les procédures sont engagées, mais aussi au moment où le tribunal doit rendre une décision. En conséquence, si, après l’introduction de l’action ou des procédures, surviennent des événements qui modifient les rapports des parties entre elles de sorte qu’il ne reste plus de litige actuel qui puisse modifier les droits des parties, la cause est considérée comme théorique. Le principe ou la pratique général s’applique aux litiges devenus théoriques à moins que le tribunal n’exerce son pouvoir discrétionnaire de ne pas l’appliquer.

 

[20]           La méthode requiert une analyse en deux étapes. La première étape, également appelée critère du « litige actuel », consiste à déterminer si le différend concret et tangible a disparu et si la question est devenue théorique. Dans l’affirmative, la seconde étape consiste à décider si la Cour doit exercer son pouvoir discrétionnaire afin de juger l’affaire. La Cour prendra alors en compte plusieurs facteurs, à savoir l’existence d’un contexte contradictoire, l’économie des ressources judiciaires et le rôle qu’elle exerce en matière d’élaboration du droit. Ces trois facteurs sont des directives générales et, dans l’exercice de son pouvoir discrétionnaire, la Cour peut accorder plus ou moins de poids à chacun d’eux et prendre aussi en considération tout autre facteur pertinent, compte tenu des circonstances particulières de l’affaire en cause.

 

[21]           À mon avis, la demande est théorique, et il ne s’agit pas d’un cas où la Cour doit exercer son pouvoir discrétionnaire afin de décider si le demandeur devrait être constitutionnellement soustrait à l’application de l’alinéa 101(1)c) de la Loi.

 

[22]           Le fait est que, en dépit de la décision contestée, un examen des risques a été effectué par un agent d’ERAR en février 2007.

 

[23]           Le processus d’ERAR a été institué à la suite d’une jurisprudence qui exigeait un examen rapide des risques pour assurer le respect de l’article 7 de la Charte (Figurado c. Canada (Solliciteur général), 2005 CF 347, au paragraphe 40). L’article 112 de la Loi prévoit en effet que, sous réserve de certaines conditions, une personne qui n’a pas de statut légal au Canada et qui est l’objet d’une mesure de renvoi – comme c’est le cas pour le demandeur – peut présenter une demande de protection au ministre au motif qu’elle est exposée à un risque de persécution, à un risque de torture, à une menace pour sa vie ou à un risque de subir des peines ou traitements cruels et inusités dans le pays dont elle a la nationalité. L’alinéa 113c) de la Loi prévoit que, pour arriver à sa décision, l’agent d’ERAR doit étudier la demande de protection en se référant aux articles 96 à 98 de la Loi. Il s’agit là des articles mêmes qui sont pris en compte par la CISR lors de l’examen d’une demande d’asile.

 

[24]           Dans ses conclusions écrites initiales, comme dans sa réponse, le demandeur faisait valoir qu’il était exposé à un renvoi immédiat du Canada sans que soient examinés au préalable les risques qu’il courait en Colombie. Dans son cas, une décision ERAR favorable lui conférerait le droit d’asile. Par conséquent, il serait alors admissible, conformément au paragraphe 21(2) de la Loi, à demander la résidence permanente.

 

[25]           Dans la présente espèce, le demandeur a sollicité une audience devant l’agent d’ERAR mais, puisque ce dernier ne mettait pas en doute sa crédibilité, aucune audience n’a eu lieu, en application de l’article 167 du Règlement. Puisque la présente affaire découle de la possibilité que l’absence d’un examen des risques soit contraire à la Charte, tout litige actuel entre les parties a été vidé par l’effet de la décision ERAR.

 

[26]           La Cour hésitera en général à trancher une affaire en se fondant sur un motif constitutionnel lorsque le différend pourrait être résolu autrement (Adviento c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2003 CF 1430, au paragraphe 53; Phillips c. Nouvelle‑Écosse (Commission d’enquête sur la tragédie de la mine Westray), [1995] 2 R.C.S. 97, aux paragraphes 6 à 11; Baker c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1999] 2 R.C.S. 817, au paragraphe 11).

 

[27]           Le demandeur ne peut plus être renvoyé aux États‑Unis. Le défendeur, quant à lui, par l’entremise de son avocat, a pris l’engagement devant la Cour de ne prendre aucune mesure pour renvoyer le demandeur du Canada ou l’expulser vers la Colombie tant qu’une décision définitive n’aura pas été rendue à l’égard de la demande d’autorisation et de contrôle judiciaire déposée par le demandeur à l’encontre de la décision ERAR défavorable.

 

[28]           Par conséquent, l’instruction de cette affaire ne présenterait aucun intérêt pratique. Si le demandeur a des doutes sur la pertinence du processus d’ERAR, comme l’a donné à entendre le défendeur, il pourra les exprimer dans le cadre de sa toute dernière demande d’autorisation et de contrôle judiciaire (dossier IMM‑1073‑07). Par souci d’économie des ressources judiciaires, c’est là une solution procédurale bien supérieure à celle qui consisterait à maintenir artificiellement le présent litige, sans oublier non plus le risque de décisions contradictoires.

 

[29]           En arrivant à cette conclusion, la Cour est également consciente de sa fonction juridictionnelle dans notre structure politique. Je prends aussi en compte la conduite passée du demandeur. Il n’a pas contesté la légalité de la première décision d’irrecevabilité, ni celle de la mesure d’exclusion, ni celle de la mesure ultérieure d’expulsion, et cela a entraîné des obstacles juridiques à la pleine évaluation de la question constitutionnelle qu’il a soulevée. Il faut également se rappeler que, en l’espèce, le demandeur n’a pas sollicité un jugement déclaratoire général concluant à l’invalidité de la disposition contestée. Il n’a sollicité qu’une dispense constitutionnelle, dans son cas, de l’application de la disposition contestée.

 

CONCLUSION

 

[30]           La demande doit être rejetée en raison de son caractère théorique. Une ordonnance en ce sens sera rendue après que j’aurai décidé si une question d’importance générale devrait ou non être certifiée par la Cour. Par conséquent, j’ordonne que, dans un délai de sept (7) jours après la communication des présents motifs, le demandeur signifie et dépose une lettre proposant une question à certifier, assortie de ses observations. Le défendeur pourra signifier et déposer une réponse dans les sept (7) jours suivant la signification de la proposition du demandeur concernant la question à certifier et de ses observations.

 

« Luc Martineau »

Juge

 

Montréal (Québec)

Le 25 avril 2007

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Lynne Davidson-Fournier, traductrice-conseil


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                         IMM‑2005‑06

 

 

INTITULÉ :                                       Carlos Mario Gonzalez‑Rubio Suescan c. Le Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 MONTRÉAL (QUÉBEC)

 

 

DATE DE L’AUDIENCE :               LE 3 AVRIL 2007

 

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE :   LE JUGE MARTINEAU

 

 

DATE DES MOTIFS :                      LE 25 AVRIL 2007

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

William Sloan

 

POUR LE DEMANDEUR

François Joyal

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

William Sloan

Montréal (Québec)

 

POUR LE DEMANDEUR

John H. Sims, c.r.

Sous‑procureur général du Canada

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

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