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Date : 20070501

Dossier : IMM-2561-06

Référence : 2007 CF 441

ENTRE :

MAHENDRAKUMAR MANILAL PATEL

demandeur

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

 

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

 

Le juge Pinard

 

 

[1]               Il s’agit du contrôle judiciaire d’une décision rendue le 2 mars 2006 par une agente d’immigration (l’agente), Jyotsana Sethi, dans laquelle celle-ci a rejeté la demande de résidence permanente de Mahendrakumar Manilal Patel au titre de la catégorie des travailleurs qualifiés au motif que celui-ci ne satisfaisait pas aux exigences prévues au paragraphe 11(2) du Règlement sur l’immigration de 1978, DORS/78-172 (l’ancien Règlement) ou à celles prévues aux alinéas 75(2)a), b) et c) du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002-227 (le RIPR).

[2]               Le 12 juillet 2000, le demandeur, Mahendrakumar Manilal Patel, a déposé une demande de résidence permanente au titre de la catégorie des travailleurs qualifiés en y indiquant qu’il voulait exercer le métier de bibliothécaire, code 5111 de la Classification nationale des professions (la CNP).

 

[3]               Dans une lettre du 5 décembre 2003, le demandeur a été informé que sa demande serait évaluée suivant les exigences de l’ancien Règlement ou du RIPR, selon ce qui était le plus avantageux pour lui.

 

[4]               Le 1er mars 2006, le demandeur s’est présenté à une entrevue au Haut-Commissariat du Canada à New Delhi en Inde. Il avait apporté divers documents dont une lettre du directeur de l’école où il avait travaillé en tant que bibliothécaire du 15 décembre 1994 au 9 juin 2002. Il avait aussi apporté une lettre de son employeur actuel laquelle confirmait qu’il travaillait comme bibliothécaire dans une école secondaire.

 

[5]               Dans une lettre du 2 mars 2006, le demandeur a été informé que l’agent avait conclu qu’il ne satisfaisait ni aux exigences de l’ancien Règlement et ni à celles du RIPR.

 

* * * * * * * *

[6]               Les dispositions pertinentes de l’ancien Règlement sont les suivantes :

 

  11. (2) Sous réserve des paragraphes (3) and (4), l’agent des visas ne délivre un visa en vertu de l’article 9 ou 10 à un immigrant autre qu’un entrepreneur, un investisseur, un candidat d’une province, un retraité ou un travailleur autonome, que si l’immigrant :

 

a) a obtenu au moins un point d’appréciation pour le facteur visé à l’article 4 de la colonne I de l’annexe I;

 

  11. (2) Subject to subsections (3) and (4), a visa officer shall not issue an immigrant visa pursuant to section 9 or 19 to an immigrant other than an entrepreneur, an investor, a provincial nominee, a retired person or a self-employed person unless

 

(a) the units of assessment awarded to that immigrant include at least one unit of assessment for the factor set out in item 4 of column I of Schedule I; 

 

Voici le texte de l’article 4 de la colonne 1 de l’annexe I :

 

(1) Des points d'appréciation sont attribués en fonction des possibilités d'emploi au Canada dans la profession :

 

a) à l'égard de laquelle le requérant satisfait aux conditions d'accès, pour le Canada, établies dans la Classification nationale des professions;

 

[7]               Les dispositions législatives pertinentes du RIPR sont les suivantes :

75. (2) Est un travailleur qualifié l’étranger qui satisfait aux exigences suivantes :

a) il a accumulé au moins une année continue d’expérience de travail à temps plein au sens du paragraphe 80(7), ou l’équivalent s’il travaille à temps partiel de façon continue, au cours des dix années qui ont précédé la date de présentation de la demande de visa de résident permanent, dans au moins une des professions appartenant aux genre de compétence 0 Gestion ou niveaux de compétences A ou B de la matrice de la Classification nationale des professions — exception faite des professions d’accès limité;

b) pendant cette période d’emploi, il a accompli l’ensemble des tâches figurant dans l’énoncé principal établi pour la profession dans les descriptions des professions de cette classification;

c) pendant cette période d’emploi, il a exercé une partie appréciable des fonctions principales de la profession figurant dans les descriptions des professions de cette classification, notamment toutes les fonctions essentielles.

(3) Si l’étranger ne satisfait pas aux exigences prévues au paragraphe (2), l’agent met fin à l’examen de la demande de visa de résident permanent et la refuse.

 

  80. (1) Un maximum de 21 points d’appréciation sont attribués au travailleur qualifié en fonction du nombre d’années d’expérience de travail à temps plein, ou l’équivalent temps plein du nombre d’années d’expérience de travail à temps partiel, au cours des dix années qui ont précédé la date de présentation de la demande, selon la grille suivante :

a) pour une année de travail, 15 points;

b) pour deux années de travail, 17 points;

c) pour trois années de travail, 19 points;

d) pour quatre années de travail, 21 points.

 (3) Pour l’application du paragraphe (1), le travailleur qualifié, indépendamment du fait qu’il satisfait ou non aux conditions d’accès établies à l’égard d’une profession ou d’un métier dans la Classification nationale des professions est considéré comme ayant acquis de l’expérience dans la profession ou le métier :

 

a) s’il a accompli l’ensemble des tâches figurant dans l’énoncé principal établi pour la profession ou le métier dans les descriptions des professions de cette classification;

     b) s’il a exercé une partie appréciable des fonctions principales de la profession ou du métier figurant dans les descriptions des professions de cette classification, notamment toutes les fonctions essentielles.

 

75. (2) A foreign national is a skilled worker if

(a) within the 10 years preceding the date of their application for a permanent resident visa, they have at least one year of continuous full-time employment experience, as described in subsection 80(7), or the equivalent in continuous part-time employment in one or more occupations, other than a restricted occupation, that are listed in Skill Type 0 Management Occupations or Skill Level A or B of the National Occupational Classification matrix;

(b) during that period of employment they performed the actions described in the lead statement for the occupation as set out in the occupational descriptions of the National Occupational Classification; and

(c) during that period of employment they performed a substantial number of the main duties of the occupation as set out in the occupational descriptions of the National Occupational Classification, including all of the essential duties.

(3) If the foreign national fails to meet the requirements of subsection (2), the application for a permanent resident visa shall be refused and no further assessment is required.

 

  80. (1) Up to a maximum of 21 points shall be awarded to a skilled worker for full-time work experience, or the full-time equivalent for part-time work experience, within the 10 years preceding the date of their application, as follows:

(a) for one year of work experience, 15 points;

(b) for two years of work experience, 17 points;

(c) for three years of work experience, 19 points; and

(d) for four or more years of work experience, 21 points.

  (3) For the purposes of subsection (1), a skilled worker is considered to have experience in an occupation, regardless of whether they meet the occupation's employment requirements of the occupation as set out in the occupational descriptions of the National Occupational Classification, if they performed

 

(a) the actions described in the lead statement for the occupation as set out in the National Occupational Classification; and

(b) at least a substantial number of the main duties of the occupation as set out in the occupational descriptions of the National Occupational Classification, including all the essential duties.

 

 

[8]               En ce qui concerne le code 5111 – les bibliothécaires, la Classification nationale des professions établit que la condition d’accès à l’égard de ce métier est de détenir une maîtrise en bibliothéconomie.

 

* * * * * * * *

[9]               L’argument principal du demandeur est que l’agente a commis une erreur dans son analyse au regard du RIPR en omettant de lui accorder des points pour son expérience professionnelle au motif qu’il ne pouvait en recevoir à moins de répondre aux conditions d’accès à la profession de bibliothécaires établies dans la CNP.

 

[10]           À mon avis, l’erreur reprochée à l’agente réside dans le fait qu’elle a terminé prématurément son analyse au regard du RIPR en ajoutant par erreur un facteur de l’ancien Règlement au RIPR, bien que cela n’ait pas été formulé d’une telle façon par le demandeur.

 

[11]           Appliquer un facteur étranger constitue une erreur susceptible de contrôle (Maple Lodge Farms Limited c. Gouvernement du Canada et autres., [1982] 2 R.C.S. 2).

 

[12]           Pour être en mesure d’immigrer au Canada au titre de la catégorie des travailleurs qualifiés, un demandeur doit satisfaire à la définition de travailleur qualifié énoncée au paragraphe 75(2) du RIPR et recevoir le nombre de points requis. Si l’on conclut que le demandeur ne satisfait pas à la définition de travailleur qualifié, l’agent met fin à l’examen de la demande et la refuse.

 

[13]           Le demandeur soutient que l’agente a commis une erreur en appliquant un facteur étranger dans son évaluation visant à attribuer des points pour l’expérience professionnelle en application du paragraphe 80(1) et que, par conséquent, cette dernière a par erreur omis de lui accorder des points conformément au paragraphe 81(3). 

 

[14]           Il ressort clairement des notes du Système de traitement automatisé des dossiers d’immigration (STIDI) que l’agente n’a même pas envisagé la possibilité d’accorder des points pour l’expérience étant donné qu’elle a mis un terme à son analyse au regard du RIPR dès qu’elle a conclu que le demandeur ne satisfaisait pas à la définition de travailleur qualifié énoncée au paragraphe 72(2) du Règlement. Les notes du STIDI indiquent que [traduction] « le demandeur principal ne satisfait pas aux conditions d’accès à la profession de bibliothécaire, code 5111 de la CNP, du fait qu’il n’est pas titulaire d’une maîtrise en bibliothéconomie. Je ne peux évaluer le demandeur principal en tant que bibliothécaire. »

 

[15]           L’affidavit de l’agente appuie cette conclusion. Elle affirme au paragraphe 21 : [traduction] « À la fin de l’entrevue, j’ai informé le demandeur qu’il ne satisfaisait pas aux exigences requises pour immigrer au Canada étant donné qu’il n’avait pas réussi à obtenir la note de passage établie par la Loi sur l’immigration et qu’il ne satisfait pas à la définition de travailleur qualifié prévue dans la LIPR. »

 

[16]           La Cour est donc saisie de la question de savoir si la conclusion de l’agente, selon laquelle le demandeur n’est pas visé par la définition de travailleur qualifié, était fondée sur un facteur étranger.

 

[17]           Les parties s’entendent pour dire que le fait qu’un demandeur réponde ou non aux conditions d’accès à la profession de la CNP n’est pas pertinent dans le cadre de l’examen au regard du RIPR, mais que sous le régime de l’ancien Règlement on devait en tenir compte.

 

[18]           La lettre de l’agente par laquelle le demandeur a été informé de la décision fait référence au paragraphe 75(2) et elle fait état de la conclusion suivante :

[traduction] Je ne suis pas convaincue que vous satisfassiez aux parties a), b) et c) des exigences puisque vous ne répondez pas aux conditions d’accès relatives aux bibliothécaires, code 5111 de la CNP, du fait que vous ne détenez pas de maîtrise en bibliothéconomie, vous ne pouvez donc pas être évalué en fonction de ce code de la CNP.

 

[19]           Dans la partie des notes du STIDI sur l’évaluation du demandeur au regard du RIPR, l’agente a écrit que :

[traduction] Le demandeur principal ne répondait pas aux conditions d’accès à la profession en tant que bibliothécaire, code 5111 de la CNP, étant donné qu’il ne détient pas de maîtrise en bibliothéconomie. Je ne peux donc pas évaluer le demandeur principal en tant que bibliothécaire.

 

 

[20]           À mon avis, la lettre informant le demandeur de la décision et les notes du STIDI indiquent que l’agente a conclu qu’elle ne pouvait pas non plus évaluer le demandeur au regard du RIPR puisqu’il ne répondait pas aux conditions d’accès à la profession fixées à l’égard de la catégorie professionnelle des bibliothécaires, c’est‑à‑dire d’être titulaire d’une maîtrise en bibliothéconomie.

 

[21]           De plus, l’affidavit de l’agente corrobore cette conclusion. L’agente affirme aux paragraphes 19 et 20 ce qui suit :

[traduction] En plus de ce qui précède, j’ai indiqué dans les notes du STIDI que le demandeur ne répond pas aux conditions d’accès à la profession, code 5111 de la CNP, du fait qu’il ne possède pas de maîtrise en bibliothéconomie.

 

J’ai tenu compte des deux facteurs susmentionnés dans mon évaluation de l’admissibilité du demandeur selon la LIPR. Je souligne que le fait que le demandeur ne répond pas aux conditions d’accès à la profession n’est pas pertinent dans le cadre de l’évaluation selon la LIPR, cependant, en plus de ne pas satisfaire aux conditions d’accès à la profession, le demandeur ne m’a pas convaincu qu’il avait effectué un nombre important de fonctions principales énumérées au code 5111 de la CNP. [Non souligné dans l’original.]

 

 

 

[22]           Le défendeur soutient que le fait que l’agente a mentionné que le demandeur n’était pas titulaire d’une maîtrise ne constitue pas un motif suffisant pour annuler la décision étant donné que, dans une autre partie des notes du STIDI, l’agente a conclu que le demandeur ne satisfaisait pas aux exigences de l’alinéa 75(2)a) au motif qu’il n’était pas un travailleur qualifié au sens de la LIPR du fait qu’il n’avait pas accumulé au moins une année d’expérience dans une profession appartenant aux genres de compétence 0 ou niveaux de compétences A ou B et qu’il n’avait pas effectué un nombre important de fonctions principales du code 5111 de la CNP.

 

[23]           À mon avis, ces conclusions ne sont pas suffisantes pour maintenir la décision de l’agente. La conclusion de cette dernière selon laquelle le demandeur n’a pas accumulé au moins une année d’expérience n’est aucunement justifiée dans les motifs. Une telle conclusion de la part de l’agente nécessite une explication étant donné que le demandeur a déposé des éléments de preuve montrant qu’il travaille en tant que bibliothécaire depuis 1994.

 

[24]           Je suis d’avis que l’erreur commise par l’agente, qui a conclu que le demandeur ne pouvait pas être évalué selon le RIPR en tant que travailleur qualifié dans la profession de bibliothécaire au motif qu’il ne répondait pas à un facteur des conditions d’accès à la profession du CNP, est susceptible de contrôle.

 


[25]           La demande de contrôle judiciaire est donc accueillie et l’affaire est renvoyée à un autre agent d’immigration pour nouvel examen.

 

« Yvon Pinard »

Juge

 

Ottawa (Ontario)

Le 1er mai 2007

 

 

 

Traduction certifiée conforme

 

Caroline Tardif, LL.B, trad.


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCAT INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                                    IMM-2561-06

 

INTITULÉ :                                                   MAHENDRAKUMAR MANILAL PATEL c.

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                             TORONTO (ONTARIO)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                           LE 19 MARS 2007

 

MOTIFS DE JUGEMENT :                         LE JUGE PINARD

 

DATE DES MOTIFS :                                  LE 1ER MAI 2007

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Karen Kwan Anderson                                     POUR LE DEMANDEUR

 

Negar Hashemi                                     POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Pace Law Firm                                                 POUR LE DEMANDEUR

Avocats

Toronto (Ontario)

 

John H. Sims, c.r.                                             POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

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