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Date : 20070424

Dossier : T-1588-06

Référence : 2007 CF 434

Ottawa (Ontario), le 24 avril 2007

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE HARRINGTON

 

ENTRE :

NORDEA BANK NORGE ASA

 

demanderesse

 

et

 

 

LES PROPRIÉTAIRES DU NAVIRE « KINGUK », LE NAVIRE « KINGUK »,

LES PROPRIÉTAIRES DU NAVIRE « AQVIQ », LE NAVIRE « AQVIQ »,

TOUTES LES AUTRES PERSONNES AYANT UN INTÉRÊT DANS LESDITS NAVIRES, ET FAROCAN INCORPORATED

 

défendeurs

 

 

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

[1]               Les navires défendeurs « KINGUK » et « AQVIQ » ont été vendus en bloc, pour la somme de 5 800 000 $, par la Cour, dans l’exercice de sa compétence en matière maritime. Le produit de la vente a été déposé auprès de la Cour et a généré des intérêts. Comme c’est habituellement le cas dans les affaires semblables, les créances approuvées dépassent le produit de la vente. J’expose ci-après les motifs des ordonnances que j’ai rendues le 8 mars et le 4 avril 2007, en vertu desquelles le produit était distribué, priorité étant accordée à certains créanciers, et la créance de l’un d’eux étant subordonnée à toutes les autres.

[2]               L’ordonnance de vente prononcée par la juge Gauthier prévoyait l’établissement de deux fonds distincts pour le cas où cela serait nécessaire, mais cela ne fut pas nécessaire. La somme a été distribuée comme si un seul navire avait été vendu.

 

[3]               Il n’existe aucune loi particulière, ni même aucun précédent particulier, établissant de manière exhaustive l’ordre précis des créances lorsque les fonds sont insuffisants. Des priorités ont été établies en droit maritime anglais, qui, aujourd’hui, font partie intégrante de notre droit maritime canadien (arrêt ITO – International Terminal Operators Ltd. c. Miida Electronics Inc., [1986] 1 R.C.S. 752 (Le Buenos Aires Maru)). Il y a eu entre les deux pays quelques divergences de vues dans la jurisprudence, qu’il n’est pas nécessaire de débattre ici, et, en outre, certaines lois canadiennes donnent préséance à des créances particulières. Sur l’état de la question, on peut se référer à l’ouvrage Admiralty Practice, de McGuffie, Fugeman et Gray, British Shipping Laws, Stevens & Sons Ltd., Londres, 1964, chapitre 39, à l’ouvrage de Gold et al., Maritime Law, Irwin Law Inc., Toronto, 2003, pages 795 et suivantes, et à l’ouvrage Maritime Liens and Claims, de Tetley, 2e édition, Montréal, 1998, chapitre 24. Le protonotaire Hargrave était une sommité en la matière, comme en témoignent des précédents tels que Scott Steel Ltd. c. L’Alarissa, [1996] 2 C.F. 883, jugement confirmé : (1997), 125 F.T.R. 284, et Fraser Shipyard and Industrial Centre Ltd. c. Expedient Maritime Co., [1999] 170 F.T.R. 1, jugement modifié : (1999), 170 F.T.R. 57 (1re inst.). Cependant, ce ne sont pas tous les genres imaginables de créances qui avaient été invoqués dans ces précédents, et il faut donc considérer dans ce contexte les propos d’application générale apparente.

 

[4]               La somme disponible a dicté le mode de distribution du fonds, plus exactement un mode en deux étapes. La demanderesse, Nordea Bank Norge ASA, avait obtenu jugement sur ses hypothèques. Une hypothèque a priorité sur les créances ordinaires, mais d’autres créances ont priorité sur elle, par exemple les honoraires et débours du prévôt et les privilèges maritimes. La somme disponible était plus que suffisante pour satisfaire la créance de la Banque, qui pour sa part était dix fois plus élevée que toutes les autres créances combinées. Il fallait donc uniquement se demander d’abord quelles créances pouvaient avoir priorité sur l’hypothèque de la Banque, puis déterminer ce qui était payable en vertu de l’hypothèque, et finalement examiner les autres créances et, le cas échéant, les priorités entre elles.

 

[5]               La Banque a demandé le 4 mars que soit rendue une ordonnance de recouvrement de son hypothèque, ainsi que de certaines créances dont elle reconnaissait qu’elles avaient priorité sur la sienne. J’ai fait droit en partie à cette requête. Les pièces attestant une des créances pour les salaires des équipages, laquelle était garantie par un privilège maritime, étaient incomplètes, et j’ai voulu m’assurer que toutes les parties avaient l’occasion de faire des observations sur tel ou tel aspect de la créance de la Banque. La Banque réclamait les honoraires et débours de ses avocats, pour la somme de 96 471,43 $, et d’autres débours se chiffrant à 58 168,36 $. Si tels débours avaient été engagés directement par l’armateur, ils auraient en principe été des créances pour nécessités, ou d’autres créances, qui ne sont pas prioritaires. J’ai donné ce jour-là des directives pour que ces affaires soient reportées aux sessions générales à Halifax le 4 avril, j’ai prié certains créanciers d’examiner des points particuliers et j’ai annoncé que le solde du fonds serait décaissé. Les parties étaient à même de déposer des conclusions additionnelles et, naturellement, de faire des observations à l’audience.

 

[6]               Il se trouve que la Banque et trois autres créanciers ont présenté des conclusions écrites. Cependant, seule la Banque s’est présentée à l’audience. Dans ces conditions, je crois devoir expliquer à tous les intéressés ce que j’ai fait, et pourquoi.

 

LA DISTRIBUTION DU PRINCIPAL

[7]               Les honoraires du prévôt, et autres honoraires et débours raisonnablement engagés pour la vente d’un navire, c’est-à-dire pour convertir une structure d’acier en espèces, bénéficient d’une priorité élevée. En l’espèce, tous les honoraires et débours du genre ont été acquittés par la Banque elle-même. Il se peut fort bien que lesdits honoraires et débours soient englobés dans les créances garanties par les hypothèques, et fassent partie desdites créances, mais, puisque tout créancier in rem aurait pu prendre l’initiative de faire vendre les navires, lesdits honoraires et débours devraient être recensés.

 

[8]               Sous cette rubrique, j’ai accordé à la Banque deux éléments, les frais de courtage de 92 800 $, et les honoraires et débours de ses avocats, pour la somme de 70 000 $.

 

[9]               Lorsqu’elle charge le prévôt de trouver des acheteurs pour un navire, la Cour ajoute souvent une clause particulière lui donnant le droit de s’adresser à des courtiers, lesquels reçoivent une commission qui fait partie des dépens du prévôt. Cela ne s’est pas produit ici.

 

[10]           Le prévôt n’a jamais été mis en possession des navires, qui sont donc restés, juridiquement, en la possession de leurs propriétaires. Il a été extrêmement difficile de susciter un intérêt pour leur achat. Finalement, la Banque s’est adressée à des courtiers et a demandé l’autorisation de faire vendre les deux navires « en bloc ». Il en a résulté un prix d’achat global plus élevé.

 

[11]           En n’obtenant pas l’approbation préalable de la Cour, la Banque courait un risque, en ce sens que la Cour devait se demander, après le fait, si cela était une dépense raisonnable. Je suis d’avis, au vu des circonstances de la présente affaire, que cette commission de courtage fut raisonnablement engagée.

 

[12]           Les hypothèques, comme cela est très courant, prévoyaient que tous les honoraires et débours des avocats de la Banque se rapportant aux hypothèques, ainsi qu’à leur exécution, faisaient partie desdites hypothèques. Cependant, comme je l’ai dit, même sans une telle disposition contractuelle, tout créancier qui a supporté des honoraires et frais pour la conversion des navires en espèces aurait eu droit à leur remboursement comme honoraires du prévôt, avec priorité élevée. Ces honoraires et débours englobaient des éléments tels que la préparation, le dépôt et la signification de la déclaration, de l’affidavit portant demande de mandat, du mandat de saisie et des autres pièces destinées à préserver le navire et à le rendre disponible pour un achat. Venaient ensuite la créance pour salaires des équipages et une portion de la créance de l’Agence du revenu du Canada. Aux fins de la présente affaire, il n’est pas nécessaire de déterminer laquelle a priorité sur l’autre.

 

[13]           La créance pour salaires des équipages et les éléments connexes bénéficient d’un privilège maritime. J’ai accordé aux membres suivants des équipages les sommes suivantes : Mark Hartery, 51 931,01 $; Joe Mitchell, 34 835,23 $; Jens Andrew Zackarissen, 36 723,42 $, Terry Glenjen, 15 000,00 $ et Henry Brenton, 40 811,00 $.

 

[14]           La créance de l’Agence du revenu du Canada totalisait 157 030,17 $, dont la somme de 57 202,94 $ a été adjugée à titre prioritaire parce qu’elle concernait les déductions à la source des employés, déductions que l’armateur aurait dû verser, mais qu’il n’avait pas versées. L’article 227 de la Loi de l'impôt sur le revenu établit une fiducie en faveur de Sa Majesté. Cette fiducie s’étend aux biens sujets à des sûretés en faveur d’autrui, et elle est considérée comme un bien dont Sa Majesté est le propriétaire bénéficiaire nonobstant telles sûretés. Cette disposition est assez large pour conférer à Sa Majesté un privilège légal sur les navires. Le solde de la créance sera examiné plus loin.

 

[15]           S’agissant de la créance hypothécaire, j’ai ordonné le 8 mars le paiement de 5 252 070,59 $, soit la somme accordée à la Banque par jugement. J’ai différé, pour argumentation ultérieure, l’examen des honoraires et débours de ses avocats, ainsi que de certaines autres dépenses qu’elle a engagées, ainsi que le taux d’après lequel les intérêts après jugement devraient être payés à même le fonds.

 

[16]           Le 4 avril, en marge de l’hypothèque, j’ai accordé la somme de 26 471,43 $ pour les autres frais de justice et honoraires engagés qui faisaient partie des éléments compris dans les hypothèques, ainsi que la somme de 58 168,36 $ pour les débours de saisie raisonnablement requis pour l’entretien des navires afin de les rendre aptes à la vente. Ces éléments étaient expressément compris dans l’hypothèque. Néanmoins, la Cour, dans l’exercice de sa compétence en equity, examine attentivement les éléments de cette nature pour savoir si un créancier hypothécaire a pu se rendre coupable de négligence en s’enfonçant déraisonnablement dans une mauvaise affaire ou en tirant un avantage indu de sa position garantie. Voir par exemple le jugement Fraser Shipyard, précité, du protonotaire Hargrave. Toutefois, en l’espèce, je suis d’avis que la Banque a en tout temps agi d’une manière responsable.

 

LES CRÉANCES SE CLASSANT APRÈS L’HYPOTHÈQUE

[17]           J’ai admis trois créances pour nécessités. Elles bénéficient d’un droit in rem, ainsi que le prévoit l’article 22 de la Loi sur les Cours fédérales. Elles ne bénéficient pas d’une priorité, mais sont plutôt traitées comme des créances ordinaires. La créance de Atlantic Marine Supply Services Inc. a été admise pour la somme de 23 305,28 $, celle de Atlantic Custom Brokers pour la somme de 7 321 $, et celle de Blue Water Greenland A/S pour la somme de 21 943,17 $. La société Blue Water Greenland a revendiqué un privilège maritime en vertu des lois du Danemark. Toutefois, elle n’a pas établi que la loi danoise était la loi applicable à sa créance et elle n’a pas prouvé que la loi danoise différait de la loi canadienne. Certains pays donnent effectivement aux créances pour nécessités le statut d’un privilège maritime, mais il faut prouver que la loi du pays concerné diffère de notre droit interne. Cela n’a pas été fait.

 

[18]           J’ai aussi admis le solde de la créance de l’Agence du revenu du Canada, à savoir 99 821,23 $, et la créance de la Commission des accidents du travail de la Nouvelle-Écosse, à savoir 88 284,60 $.

 

[19]           Il restait une autre créance, celle de Esperg Kjolbro, vice-président de la société propriétaire du navire. Il a personnellement supporté certaines dépenses afférentes aux équipages. Même en supposant que les membres des équipages auraient bénéficié d’un privilège maritime si leurs créances n’avaient pas été payées, il est bien établi que l’on ne peut, sans l’approbation préalable de la Cour, être subrogé dans une créance pour salaires garantie par un privilège maritime (jugement Finansbanken ASA c. GTS Katie (Le) (2002), 216 F.T.R. 176). Aucune approbation du genre n’a été obtenue. En outre, dans mes directives du 8 mars, je priais les avocats de M. Kjolbro d’expliquer pourquoi sa créance ne devrait pas être subordonnée à toutes les autres créances au motif qu’il ne traitait pas sans lien de dépendance avec l’armateur défendeur. Les avocats ont répondu qu’ils n’avaient pas d’observations à faire.

 

[20]           M’inspirant des principes du droit de la faillite, qui sont par nature des principes d’equity, j’ai subordonné la créance de M. Kjolbro aux autres créances. Puisque le fonds est épuisé, il n’obtient rien. Les créances qui prenaient rang après l’hypothèque ne peuvent être satisfaites intégralement sur le produit restant de la vente, et elles seront donc recouvrées proportionnellement.

 

[21]           Dans des précédents tels que L’Alarissa, précité, il a été jugé que les droits in rem prévus par une loi ont même rang entre eux, ainsi qu’avec les réclamations des créanciers ordinaires non maritimes. Cependant, il se peut fort bien que, dans un tel cas, comme ici, les parties n’aient pas invoqué tous les arguments possibles. Elles ont d’ailleurs été sans doute bien avisées de ne pas réagir car toute revendication d’un droit prioritaire par un créancier risque de se heurter à l’argument selon lequel la réclamation de ce créancier devrait en réalité être subordonnée aux autres. Les diverses permutations et combinaisons n’ont pas toutes été pleinement plaidées ici.

 

[22]           Par exemple, la Couronne aurait pu soutenir que, en tant que créancier ordinaire, elle a priorité sur les autres créanciers ordinaires en vertu de la prérogative de la Couronne. Les créanciers maritimes auraient pu quant à eux faire valoir que, même si la Cour fédérale a compétence pour délivrer un acte de procédure portant recouvrement d’une créance fiscale, l’Agence du revenu du Canada n’aurait pas pu faire mettre les navires en vente dans une action de droit maritime, c’est-à-dire une vente in rem conférant à l’acheteur un titre incontestable, et ayant donc pour effet d’accroître la valeur du navire. Si la Couronne ne pouvait pas faire vendre le navire, pourquoi devrait-elle avoir le même rang que ceux qui pouvaient le faire vendre? Qu’en est-il des créanciers qui avaient un droit in rem conféré par la loi parce que l’objet de leur action était l’un des deux navires, par opposition à d’autres qui auraient pu engager une action maritime in personam, mais qui n’avaient pas un droit in rem conféré par la loi? Pourrait-on faire valoir que ceux qui en droit maritime ont une cause d’action in personam devraient être payés avant ceux qui en droit maritime n’ont aucune cause d’action sur laquelle la Cour aurait par ailleurs compétence?

 

[23]           Quoi qu’il en soit, nul n’a prétendu que le jugement L’Alarissa, précité, confirmé par la Cour, fut une décision erronée ou qu’il a été modifié par une jurisprudence ultérieure, et donc, par courtoisie judiciaire, j’ai jugé que les créanciers ordinaires, à l’exception de M. Kjolbro, auraient rang égal.

 

LES INTÉRÊTS APRÈS JUGEMENT

[24]           Afin d’accélérer le processus, la Banque a négocié avec les créanciers dont elle avait reconnu qu’ils prenaient rang sur elle. Les compromis auxquels, sous réserve de l’approbation de la Cour, elle a consenti comprenaient le principal, les intérêts et les dépens. Les compromis confirmaient exactement l’état du droit. Je ne leur ai accordé aucune portion des intérêts courus sur les sommes déposées auprès de la Cour, mais, en revanche, l’ordonnance de paiement au titre desdits compromis a été prononcée un mois plus tôt que l’ordonnance portant sur le reste des créances.

 

[25]           Puisque les causes d’action qui ont conduit aux réclamations contre le fonds ne sont pas nées dans une seule province, l’article 37 de la Loi sur les Cours fédérales prévoit des intérêts après jugement au taux que la Cour estime raisonnable compte tenu des circonstances. En rendant son jugement l’an dernier, le protonotaire Morneau avait accordé à la Banque des intérêts après jugement « devant être taxés sur nouvelle requête ».

 

[26]           L’hypothèque prévoyait des intérêts après jugement. Il est difficile de fixer le taux contractuel exact avec certitude parce qu’il était rattaché à des taux d’emprunt en plusieurs monnaies. Les calculs de la Banque situaient à environ 5 pour 100 le taux contractuel après jugement. C’est là un taux éminemment raisonnable, qui correspond au taux légal prévu par la Loi sur l’intérêt. Cependant, les sommes en dépôt auprès de la Cour ont porté intérêt à un taux bien inférieur.

 

[27]           J’ai décidé que les intérêts après jugement devraient être calculés selon le taux auquel le produit de la vente a porté intérêt. Plusieurs facteurs ont influé sur ma manière de voir.

 

[28]           Un accord portant sur les intérêts après jugement est sans doute utile, mais il ne restreint pas le pouvoir discrétionnaire conféré à la Cour par l’article 37 de la Loi sur les Cours fédérales (Mount Royal/Walsh Inc. c. Jensen Star (Le) (1988), 17 F.T.R. 289, modifié en appel, mais non sur ce point, [1990] 1 C.F. 199, et Kirgan Holding S.A. c. Panamax Leader (Le) (2002), 225 F.T.R. 273. Voir aussi le jugement Governor and Company of the Bank of Scotland c. Nel (Le), [2001] 1 C.F. 408).

 

[29]           Souvent, la simple menace d’une saisie suffit à inciter le défendeur in personam à fournir une garantie. Parfois cette garantie prend la forme d’un dépôt en espèces auprès de la Cour. Même s’il s’agissait d’une affaire concernant des intérêts avant jugement, la Cour d'appel a estimé, dans des procédures de droit maritime, qu’un taux déterminable par référence au taux payable sur des sommes déposées auprès de la Cour peut être appliqué (Davie Shipbuilding Ltd. c. Canada, [1984] 1 C.F. 461).

 

[30]           L’attribution d’intérêts selon un taux contractuel pourrait dans certains cas avoir pour effet de conférer une certaine priorité à une créance qui en réalité est précédée par d’autres. Par exemple, une créance maritime découlant d’un quasi-délit, par exemple d’un abordage, a préséance sur une hypothèque. L’attribution d’intérêts contractuels entamerait le principal de la créance garantie par le privilège maritime. La Banque a préséance sur les créanciers ordinaires, qui recevront bien moins que 100 cents au dollar, mais je crois qu’il n’est pas équitable que leurs créances soient encore érodées par l’attribution d’un différentiel d’intérêt.

 

[31]           Par ailleurs, une action in rem a un effet rétroactif qui remonte à la date où la cause d’action a pris naissance, ou à une date plus récente, selon qu’il y a ou non privilège maritime. Dans un monde parfait, il n’y aurait pas d’intérêts après jugement, puisque le produit de la vente serait décaissé immédiatement. Il a fallu du temps pour que les créanciers produisent leurs réclamations, et pour donner à chacun la possibilité de contester celles des autres. Toutefois, cela n’enlève rien au principe exposé par lord Esher, M.R., dans l’arrêt The Cella (1888), 13 Probate 92, où, s’exprimant sur les droits à satisfaire à l’aide du produit de la vente du navire, il écrivait ce qui suit, aux pages 86 et 87 :

[TRADUCTION]

[…] Ces droits doivent exister avant que le navire n’ait été saisi, puisque la Cour, lorsqu’elle adjuge le navire, se fonde sur sa compétence pour le saisir et en remettre le produit de la vente au demandeur, pour satisfaire une créance née avant la saisie, c’est-à-dire, en l’espèce, l’obligation de le réparer. Indépendamment de la jurisprudence citée par le demandeur, et quel que soit le jugement de la Cour, il me semble évident qu’il doit prendre effet au moment de l’émission du bref. Le juge est chargé d’exécuter le bref, et de déterminer les droits des parties au moment où le bref est signifié. Ce principe demeure vrai, me semble-t-il, dans toutes les actions. Mais, dans toute action, nous pouvons avoir affaire à une faillite ou à je ne sais quoi d’autre, de telle sorte que, lorsque jugement est rendu, il ne peut pas être efficacement exécuté. Mais, si les sommes ont été déposées auprès de la Cour, ou si la Cour est en possession de la chose, elle peut donner effet à son jugement comme s’il avait été rendu dès qu’elle a pris possession de la chose. Il est contraire au principe de ces précédents, ainsi qu’à la justice, que les droits des parties puissent dépendre non pas d’un geste ou acte de leur part, mais de la quantité de dossiers que la Cour doit traiter. Par conséquent, le jugement se rapportant à une chose ou à une somme d’argent qui est entre les mains de la Cour doit être réputé avoir été rendu dès que la chose ou la somme d’argent est venue en la possession de la Cour.

 

 

DÉPENS

[32]           La Banque n’a pas sollicité de dépens, et il n’en a pas été adjugé, si ce n’est naturellement que certains des honoraires et débours accordés comme l’équivalent des frais du prévôt, ou comme partie de l’hypothèque, auraient pu également être qualifiés de dépens et débours taxables.

 

« Sean Harrington »

Juge

 

 

Traduction certifiée conforme

Alphonse Morissette, trad. a., LL.L.

COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        T-1588-06

 

INTITULÉ :                                       NORDEA BANK NORGE ASA c.

LES PROPRIÉTAIRES DU NAVIRE « KINGUK », LE NAVIRE « KINGUK », LES PROPRIÉTAIRES DU NAVIRE « AQVIQ », LE NAVIRE « AQVIQ », TOUTES LES AUTRES PERSONNES AYANT UN INTÉRÊT DANS LESDITS NAVIRES, ET FAROCAN INCORPORATED

 

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 HALIFAX (NOUVELLE-ÉCOSSE)

 

DATES DE L’AUDIENCE :             LES 8 MARS ET 4 AVRIL 2007

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE :  LE JUGE HARRINGTON

 

DATE DES MOTIFS :                      LE 24 AVRIL 2007

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Richard F. Southcott

 

POUR LA DEMANDERESSE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Stewart McKelvey

Avocats

Halifax (Nouvelle-Écosse)

 

POUR LA DEMANDERESSE

Metcalf & Co.

Avocats

Halifax (Nouvelle-Écosse)

 

POUR LE DÉFENDEUR, ESBERG KJOLBRO

Lewis Sinnott Shortall Hurley

Avocats

Saint-Jean (Terre-Neuve)

POUR LES DÉFENDEURS, HENRY BRENTON, MARK HARTERY, JOSEPH


 

 

 

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

POUR LE DÉFENDEUR, LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL

 

Huestis Ritch

Avocats

Halifax (Nouvelle-Écosse)

 

POUR LES DÉFENDEURS, TERRY GLENJEN ET BLUE WATER GREENLAND A/S

 

 

Commission des accidents du travail de la Nouvelle-Écosse

POUR LA DÉFENDERESSE, LA COMMISSION DES ACCIDENTS DU TRAVAIL DE LA NOUVELLE-ÉCOSSE

 

 

David A. Copp

Avocates

Halifax (Nouvelle-Écosse)

POUR LA DÉFENDERESSE, ATLANTIC CUSTOM BROKERS LTD.

 

 

O’Dea, Earle

Avocats

Saint-Jean (Terre-Neuve)

POUR LA DÉFENDERESSE, NORTH ATLANTIC MARINE SUPPLIES  AND SERVICES INC.

 

 

 

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