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Date : 20070419

Dossier : IMM-2113-06

Référence : 2007 CF 423

Toronto (Ontario), le 19 avril 2007

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE HUGHES

 

ENTRE :

PACO JESUS GARCIA ALDANA

demandeur

et

 

LE MINISTRE DE L’IMMIGRATION

ET DE LA CITOYENNETÉ

défendeur

 

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Le demandeur est un adulte citoyen du Mexique qui cherchait à obtenir l’asile au Canada en qualité de réfugié au sens de la Convention. Dans une décision rendue le 31 mars 2006, la Commission de l’immigration et du statut de réfugié a jugé qu’il n’avait pas la qualité de réfugié au sens de la Convention. Cette décision fait l’objet du présent contrôle judiciaire.

 

[2]               Pour les motifs qui suivent, la demande sera accueillie et l’affaire sera renvoyée à un autre commissaire de la Commission pour que celui-ci statue à nouveau sur elle.

[3]               Le dossier montre que le demandeur a grandi dans une famille dysfonctionnelle. Les parents de ce dernier sont divorcés et de nombreux incidents liés à la situation du demandeur ont eu lieu pendant et après l’éclatement de la famille. Une femme prénommée Laura est venue compliquer l’affaire, car non seulement elle entretenait une relation avec le demandeur mais aussi avec le père de celui-ci, qui a été, du moins pour un temps, son employeur.

 

[4]               La preuve non contredite déposée au dossier révèle que le demandeur a été battu et harcelé par la police à plus d’une occasion. La preuve médicale montre qu’il a été battu à au moins une reprise. Le demandeur a déposé auprès de la police une « dénonciation » qui, en gros, semble être l’équivalent d’une plainte, dans laquelle il a allégué que son père avait été complice, jusqu’à un certain point, dans le harcèlement qu’il avait subi. Cependant, la dénonciation a été déposée deux ans environ après l’incident et le demandeur n’a fait aucun suivi.

 

[5]               Il ressort aussi de la preuve que le demandeur a communiqué avec une organisation, laquelle encourage la dénonciation des cas de corruption policière, et que celle-ci lui avait conseillé de signaler un cas de harcèlement par la police au poste de police local. Le père du demandeur et son avocat était déjà sur place lorsque le demandeur s’est présenté au poste de police. Le demandeur a été accusé d’entrée sans autorisation et a ensuite été libéré de cette accusation, laquelle semble avoir été liée au divorce de ses parents et au litige en découlant, qui visait à déterminer qui détenait la propriété ou pouvait obtenir la possession de certains biens.

 

[6]               En résumé, le dossier indique que le demandeur a été victime à quelques reprises de harcèlement et de violence par la police, que celui-ci a tenté, au moins à deux occasions, de le signaler à la police, sans succès, et que lors d’une de ces occasions, il a été accusé d’entrée sans autorisation.

 

[7]               Le demandeur s’est enfui au Canada, mais il n’a pas fait de demande d’asile à ce moment. Il est retourné au Mexique pendant environ quatre mois en 2004 où il a trouvé un emploi, pour encore une fois être aux prises avec son père et son amie Laura. Le demandeur est revenu au Canada et, peu de temps après son arrivée, il a fait une demande d’asile en qualité de réfugié.

 

[8]               La Commission a rejeté la demande du demandeur pour deux motifs. Dans son premier motif, la Commission a jugé que le demandeur n’avait pas « vraiment cherché » à se réclamer de la protection de l’État. Le second motif de la Commission se rapportait à ce qu’elle décrit comme la possibilité de « se réclamer de nouveau de la protection du pays ». 

 

[9]               En ce qui concerne le deuxième motif, l’avocat du ministre a reconnu que celui-ci ne s’appliquait pas en l’espèce, et que la Commission avait commis une erreur en qualifiant cette situation de cas où le demandeur pouvait réclamer de nouveau de la protection du pays. Il a soutenu que le fait que le demandeur soit retourné au Mexique pour travailler pendant quelques mois indiquait seulement que celui‑ci pouvait bénéficier de la protection de l’État. Peu importe si cet argument est fondé ou non, le fait que la Commission ait commis une erreur de droit montre qu’elle n’a pas tenu compte du fondement juridique sur lequel la demande devait être jugée.

 

[10]           Concernant le premier motif relatif à la protection d’État, la Commission a ainsi exposé ses conclusions :

Comme le tribunal conclut que le demandeur d’asile n’a pas vraiment cherché à se réclamer de la protection de l’État qui existe au Mexique avant de s’enfuir au Canada, il conclut aussi qu’il ne serait pas déraisonnable pour lui de rentrer au Mexique et d’y demander à être protégé. Il reconnaît qu’un demandeur d’asile n’a pas droit à une protection parfaite[1]. Ce qu’il faut, c’est que l’État soit prêt à s’efforcer sérieusement de protéger la personne. Il n’est pas nécessaire que le Canada protège le demandeur d’asile[2] parce que le tribunal est convaincu, selon la prépondérance des probabilités[3], que l’État du Mexique serait prêt à s’efforcer sérieusement de le protéger, s’il rentrait au Mexique et qu’il demandait la protection de l’État.

 

 

[11]            En exigeant que le demandeur ait « vraiment cherché », la Commission a commis une erreur de droit qui appelle l’annulation de sa décision.

 

[12]           La Commission aurait dû tenir compte des mesures effectivement prises par le demandeur en fonction de la situation du pays et des interactions que celui­‑ci a eu avec les autorités policières. Tel qu’il a été énoncé au paragraphe 10 de la décision Peralta c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration.), 2002 C.F.P.I. 989 :

[18]     À mon avis, les demanderesses ont réussi à démontrer que la Commission n’a pas appliqué le critère approprié pour déterminer si elles pouvaient obtenir la protection de l’État. Il ressort des motifs de la Commission que celle-ci a exigé des demanderesses qu’elles démontrent qu’elles avaient épuisé tous les recours offerts en matière de protection. Le juge Rothstein a statué que ce critère était erroné dans l’affaire Madame Untel, demanderesse du statut de réfugiée c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) (21 novembre 1996), dossier : IMM-1514-95 (C.F. 1re inst.) :


Je ne suis pas convaincu que le tribunal de la S.S.R. ait appliqué le critère approprié pour traiter la demande de la requérante qui réclame la protection de l’État, en l’espèce. Il ressort des termes employés par le tribunal et des renvois de celui-ci à la preuve qu’il a exigé de la requérante qu’elle épuise absolument tous les recours disponibles pour assurer sa protection et non qu’elle prenne toutes les mesures raisonnables, compte tenu de sa situation, pour obtenir une protection dans son pays d’origine. En l’espèce, la recherche de protection devait être considérée non seulement en fonction de la situation générale qui avait cours dans le pays d’origine mais également en tenant compte de toutes les mesures que la requérante a effectivement prises et de la relation de la requérante avec les autorités, compte tenu des circonstances très exceptionnelles de la présente cause. La demande de contrôle judiciaire est accueillie et l’affaire renvoyée à une formation différente de la S.S.R. composée différemment pour qu’elle statue à nouveau sur celle-ci, mais uniquement en ce qui concerne la question de la protection de l’État.

 

[13]           Par conséquent, je conclus que la Commission a commis une erreur de droit relativement aux deux questions dont elle était saisie. Un autre commissaire doit statuer à nouveau sur l’affaire. Aucune question n’a été proposée à des fins de certification.


JUGEMENT

 

            Pour les motifs exposés ci-dessus;

 

LA COUR STATUE :

1.                  que la demande est accueillie;

2.                  que l’affaire est renvoyée à un autre commissaire de la Commission pour que celui‑ci statue à nouveau sur elle;

3.                  qu’aucune question n’a été proposée à des fins de certification;

4.                  qu’aucuns dépens ne sont adjugés.

 

« Roger T. Hughes »

Juge

 

 

 

Traduction certifiée conforme

 

Caroline Tardif, LL.B, trad.


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                                                            IMM-2113-06

                                                           

 

INTITULÉ :                                                                           PACO DE JESUS GARCIA ALDANA c. LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

                                                           

LIEU DE L’AUDIENCE :                                                     TORONTO (ONTARIO)

 

 

DATE DE L’AUDIENCE :                                                   LE 19 AVRIL 2007

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                                                                  LE JUGE HUGHES

 

 

DATE DES MOTIFS :                                                          LE 19 AVRIL 2007

 

 

COMPARUTIONS :

 

Alesha A. Green                                                                       POUR LE DEMANDEUR

 

A. Leena Jaakkimainen                                                 POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Green, Willard LLP

Avocats

Toronto (Ontario)                                                                     POUR LE DEMANDEUR

 

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada                                          

Toronto (Ontario)                                                                     POUR LE DÉFENDEUR

 



[1] Pièce R/A-1, Trousse de documentation nationale - Mexique, 27 mai 2005; et Trousse de documentation nationale - Mexique, 7 décembre 2005, p. 132-133.

 

[2] Szorenyi, Gabor c. Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration (C.F., IMM-2817-02), O’Keefe, 25 novembre 2003.

 

[3] Xue, Jian Fei c. Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration (C.F. 1re inst., IMM-4477-99), Rothstein, 23 octobre 2000.

 

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