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Date : 20070417

Dossier : IMM-1341-07

Référence : 2007 CF 402

Toronto (Ontario), le 17 avril 2007

En présence de Monsieur le juge Shore

 

 

ENTRE :

CURLAND ANY NATOO

demandeur

et

 

LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE

ET DE LA PROTECTION CIVILE

défendeur

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

APERÇU

[1]               Le demandeur sollicite un sursis à l’exécution d’une mesure de renvoi en attendant que l’on statue sur sa demande d’autorisation et de contrôle judiciaire. Il soulève de sérieuses questions concernant la décision de l’agente chargée du renvoi de ne pas reporter l’exécution de cette mesure, compte tenu de l’intérêt supérieur de ses deux neveux, citoyens canadiens, dont il est question dans une demande fondée sur des motifs d’ordre humanitaire qui est en instance. Le demandeur, ses neveux, sa famille, ses employés et ses clients subiront tous un préjudice irréparable s’il est renvoyé du Canada. Dans ces circonstances exceptionnelles, la prépondérance des inconvénients favorise le demandeur.

 

LE CONTEXTE

 

[2]               Le demandeur, âgé de 26 ans, est citoyen de la Grenade et d’aucun autre pays. Il est arrivé au Canada en septembre 1999, pour vivre chez sa soeur, Gillian Thorney. Il avait terminé ses études secondaires et il est venu au Canada pour étudier et travailler. Il vit au Canada depuis ce temps. (Dossier de requête, page 57.)

 

[3]               Il a retenu les services d’un avocat pour l’aider à obtenir un permis d’études et de travail. Il a obtenu un permis de travail et a travaillé au Canada. À son insu, l’avocat a présenté en son nom une demande d’asile. Le désistement de cette demande a été prononcé sans qu’il le sache. (Dossier de requête, pages 57 et 58.)

 

[4]               En 2002, il a retenu les services d’un avocat afin que celui-ci présente pour lui une demande fondée sur des motifs d’ordre humanitaire. Il a payé les frais de traitement qu’exigeait le gouvernement ainsi qu’une provision à l’avocat, et il a cru que la demande avait été déposée et était en instance, jusqu’en 2006, quand il a consulté son avocat actuel, qui lui a fait savoir après avoir fait des recherches qu’aucune demande n’avait été déposée. (Dossier de requête, pages 58 et 360.)

 

[5]               En octobre 2006, il a présenté une demande fondée sur des motifs d’ordre humanitaire. Citoyenneté et Immigration Canada (CIC) aurait renvoyé la demande en décembre 2002 parce que les frais de traitement n’avaient pas été payés; cependant, ni l’avocat ni le demandeur n’ont reçu cette demande. (Dossier de requête, pages 17 et 20.)

 

[6]               C’est lors d’une entrevue avant renvoi, tenue par l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC) le 13 mars 2007, que le demandeur et son avocat ont appris que la demande fondée sur des motifs d’ordre humanitaire n’était pas en cours de traitement et qu’elle avait censément été retournée. Le 14 mars 2007, le demandeur a payé les frais de traitement et il a envoyé à CIC par télécopieur et par service de messagerie la demande fondée sur des motifs d’ordre humanitaire, accompagnée de formulaires mis à jour et d’un reçu pour les frais de traitement. Cette demande est à l’étude. (Dossier de requête, pages 18, 247, 286 et 356.)

 

[7]               La demande fondée sur des motifs d’ordre humanitaire s’appuie en grande partie sur l’établissement du demandeur au Canada par l’intermédiaire de ses entreprises; plus précisément :

a)      il a appris la tenue de livres par lui-même, et il a travaillé de façon continue comme teneur de livres pour plusieurs entreprises;

b)      il a lancé deux entreprises qu’il exploite maintenant à titre de propriétaire unique : une entreprise de tenue de livres et une agence de placement temporaire;

c)      son agence de placement temporaire, Contract Staffing, lui a rapporté, entre le début des opérations en septembre 2005 et la fin de l’année 2005, un revenu net de 358 105 $, et pour l’année 2006, jusqu’en octobre, un revenu net de 155 380 $; en date d’octobre 2006, il avait placé 890 personnes; le demandeur employait un effectif de huit personnes à temps plein; il emploie toujours ces personnes et, par l’intermédiaire de son agence, il a placé 180 personnes;

d)      son entreprise de tenue de livres, Natoo’s Bookkeeping Services, a rapporté un revenu net de 24 077 $ en 2005; il fournit des services de déclarations de revenu à 60 clients, et des services de tenue de livres à 14 clients;

e)      il a payé de l’impôt sur le revenu sur tous les gains réalisés au Canada, et il n’a pas reçu d’aide sociale.

(Dossier de requête, pages 20, 21 et 22 à 26.)

 

[8]               La demande fondée sur des motifs d’ordre humanitaire du demandeur s’appuie en outre sur son établissement par l’intermédiaire de sa famille et de sa collectivité; plus précisément :

a)      il prend principalement soin de son neveu Trai Thorney, âgé de 11 ans et citoyen canadien, qu’il voit tous les jours; comme les parents de ce dernier vivent un divorce difficile, c’est lui qui assure le soutien affectif et la stabilité dont Trai a besoin, et il est pour ce dernier un modèle essentiel;

b)      il entretient une relation sérieuse avec sa fiancée, Jennifer Shearer, qui est citoyenne canadienne;

c)      il est très proche de sa soeur Gillian Thorney (la mère de Trai), qui est citoyenne canadienne et qui dépend de lui pour son soutien affectif;

d)      il est aussi fort proche de sa soeur Yolande Natoo, dont la demande de résidence permanente au Canada a été approuvée;

e)      il est la principale source de soutien financier pour sa mère, ainsi que pour son neveu Shemair Lewis, citoyen canadien, à la Grenade;

f)        il est capitaine et trésorier d’une équipe locale de cricket.

(Dossier de requête, pages 21 et 26 à 29.)

 

[9]               La demande fondée sur des motifs d’ordre humanitaire du demandeur s’appuie en outre sur les difficultés que lui-même et d’autres personnes subiraient s’il était renvoyé du Canada, dont la perte de ses entreprises et du revenu que celles-ci procurent à lui, à sa famille (en particulier à ses neveux canadiens) et à ses employés, de même que la perte du soutien affectif et social qu’il assure à sa famille, en particulier à ses neveux. (Dossier de requête, pages 30 à 33.)

 

[10]           En mars 2007, le demandeur a acheté son propre billet d’avion et a reçu instruction de se présenter en vue de son renvoi le 20 avril 2007. Le 22 mars 2007, il a présenté à l’agente chargée du renvoi une demande écrite en vue de faire reporter l’exécution de la mesure de renvoi. Le 27 mars 2007, l’agente a refusé par écrit d’accéder à sa demande.

(Dossier de requête, pages 11, 13, 347, 349 et 353.)

 

LES QUESTIONS EN LITIGE

            L’application du critère à trois volets

[11]           (1)        Le demandeur soulève-t-il une question sérieuse?

            (2)        Le demandeur ou quelqu’un d’autre subirait-il un préjudice irréparable s’il était renvoyé du Canada?

            (3)        La prépondérance des inconvénients favorise-t-elle le demandeur?

 

[12]           Pour décrire l’objet d’une injonction interlocutoire, la Cour d’appel a fait siens les propos de la Chambre des lords :

[traduction] L’objet d’une injonction interlocutoire est de protéger le demandeur contre le préjudice, résultant de la violation de son droit, qui ne pourrait être adéquatement réparé par des dommages-intérêts recouvrables dans l’action si l’affaire devait être tranchée en faveur dudit demandeur au moment de l’instruction; […]

 

(Turbo Resources Ltd. c. Petro Canada Inc, [1989] 2 C.F. 451 (C.A.F.), [1989] A.C.F. n14 (QL).)

 

[13]           Le critère à appliquer pour décider s’il convient ou non d’accorder un sursis à une mesure de renvoi a été clairement énoncé dans l’arrêt Toth, où la Cour d’appel fédérale a adopté la formulation suivante :

[traduction] Le critère à triples volets énoncé dans Cyanamid exige que, pour qu’une telle ordonnance soit accordée, le requérant prouve premièrement qu’il a soulevé une question sérieuse à trancher; deuxièmement qu’il subirait un préjudice irréparable si l’ordonnance n’était pas accordée; et troisièmement que la balance des inconvénients, compte tenu de la situation globale des deux parties, favorise l’octroi de l’ordonnance.

 

(Toth c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration) (1988), 86 N.R. 302 (C.A.F.), [1988] A.C.F. n587 (QL); American Cyanamide Co. v. Ethicon Ltd., [1975] A.C. 396 (Chambre des lords.)

 

LA QUESTION SÉRIEUSE À TRANCHER

[14]           Au sujet de la question sérieuse à trancher, la Cour a conclu que pour obtenir un sursis il est nécessaire d’établir que la demande qui lui est soumise n’est ni frivole ni vexatoire. Dans l’arrêt Turbo, précité, la Cour d’appel fédérale a souscrit au critère préliminaire qui est décrit dans la décision Eng Mee Yong and Others v. Letchomonon s/o Valcyothan, [1980] A.C. 331 :

[traduction] Le principe régissant l’octroi d’une injonction interlocutoire est celui de la répartition des inconvénients; celui qui demande le prononcé d’une injonction interlocutoire n’a pas à convaincre la cour de l’existence d’une « probabilité », ni à établir une « apparence de droit » ou une « forte apparence de droit » : il n’a pas à démontrer qu’il aura gain de cause si son action est instruite; avant cependant que ne puisse se poser la question de la répartition des inconvénients, la partie qui sollicite l’injonction doit convaincre la cour que sa demande n’est ni futile ni vexatoire; en d’autres termes, cette partie doit établir que les éléments de preuve présentés à la cour révèlent l’existence d’une question sérieuse à trancher […]

 

[15]           Dans l’affaire North American Gateway Inc. c. Canada (Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes), le juge McDonald a clairement énoncé le critère à appliquer lorsqu’on examine la question de savoir si le demandeur d’une injonction provisoire ou d’un sursis a établi l’existence d’une question sérieuse à juger :

[10]      Selon la jurisprudence, le seuil d’opposabilité d’une « question sérieuse à juger » est bas. Selon l’ancienne jurisprudence, la partie requérante devait établir une apparence de droit suffisante avant qu’une suspension d’instance ne pût être accordée. Depuis les décisions de la Cour suprême du Canada dans Manitoba (P.G.) c. Metropolitan Stores Limited, [1987] 1 R.C.S. 110, et R.J.R. MacDonald, précité, les tribunaux ont décidé que le seuil est beaucoup plus bas : il suffit pour la partie requérante de convaincre la Cour que la question de l’appel n’est ni futile ni vexatoire.

[11]      Je demeure conscient que ce seuil moins élevé est très souvent appliqué dans les affaires relatives à la Charte et où sont en jeu des questions fondamentales d’ordre public. Je fais remarquer, cependant, que la Cour a appliqué ce même seuil bas dans des affaires étrangères à la Charte : voir, par exemple, Toth c. M.E.I. (1988), 86 N.R. 302 (C.A.F.). De toute façon, je suis d’avis que s’il est demandé à la Cour de contrôler la décision d’une partie investie de l’intérêt public comme le CRTC, le seuil plus bas relatif au caractère « futile ou vexatoire » devrait s’appliquer. J’estime que la requérante est parvenue à ce seuil bas en l’espèce.

 

(North American Gateway Inc. c. Canada (Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes), [1997] A.C.F. no 628 (QL))

 

[16]           La Cour a établi qu’un agent chargé du renvoi est obligé d’examiner si des circonstances personnelles impérieuses, notamment dans le cas d’enfants, justifient qu’un sursis soit accordé au renvoi. C’est ce qu’a clairement déclaré le juge James O’Reilly dans la décision Ramada c. Canada (Solliciteur général), 2005 CF 1112, [2005] A.C.F. no 1384 (QL) :

            [3]        Les agents d’exécution disposent d’un pouvoir discrétionnaire limité pour surseoir au renvoi d’une personne faisant l’objet d’une ordonnance d’expulsion du Canada. De manière générale, les agents ont l’obligation de renvoyer ces personnes dès que les circonstances le permettent (paragraphe 48(2) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27; reproduit en annexe). Cependant, aux termes de cette obligation, les agents peuvent prendre en considération les motifs valables de retarder le renvoi, le cas échéant. Les motifs valables peuvent être liés à la capacité de voyager de la personne (maladie ou absence de documents de voyage appropriés), à la nécessité de satisfaire à d’autres engagements (obligations scolaires ou familiales) ou à des circonstances personnelles impérieuses (raisons d’ordre humanitaire). (Voir : Simoes c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2000] A.C.F. no 936 (1re inst.) (QL), Wang c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2001] 3 C.F. 682 (1re inst.) (QL), Prasad c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2003] A.C.F. no 805 (1re inst.) (QL); Padda c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2003] A.C.F. no 1353 (C.F.) (QL)). Il est clair, toutefois, que le simple fait qu’une personne ait déposé une demande fondée sur des raisons d’ordre humanitaire n’est pas suffisant pour justifier le sursis au renvoi. Par contre, l’agent doit examiner si des circonstances personnelles impératives, surtout lorsqu’elles concernent un enfant, justifient le sursis.

 

[17]           En faisant droit à cette demande de contrôle judiciaire concernant la décision de l’agente chargée du renvoi de ne pas reporter le renvoi, le juge O’Reilly, dans la décision Ramada, précitée, a conclu que dans cette affaire l’agente avait négligé d’évaluer convenablement l’intérêt supérieur de la demanderesse mineure, qui souffrait d’une affection médicale et qui serait défavorablement touchée par le renvoi :

[6]        Toutefois, la preuve au dossier indique que Ruthe, alors âgée de trois ans, souffrait de graves crises fébriles inexpliquées. Elle était traitée à l’Hôpital pour enfants de Toronto. On ne savait pas de manière sûre si elle pouvait obtenir un traitement approprié au Portugal. Pourtant, l’agente n’a pas tenu compte de la situation de Ruthe. À titre de citoyenne canadienne, Ruthe avait le droit de demeurer au Canada et de bénéficier de son assurance-santé. Elle n’avait pas les mêmes perspectives ni les mêmes avantages au Portugal. L’agente savait que les enfants de Mme Ramada étaient autorisés à rester au Canada, mais elle n’a pas tenu compte des répercussions d’un éventuel départ du Canada sur Ruthe. En effet, en tant que mère seul soutien de famille, Mme Ramada avait naturellement l’intention de rentrer au Portugal avec ses enfants.

[7]        J’éprouve quelques réticences à accueillir cette demande de contrôle judiciaire, soucieux de ne pas imposer aux agents d’exécution l’obligation de procéder à une analyse approfondie des circonstances personnelles des personnes visées par une mesure de renvoi. Évidemment, les agents ne sont pas en mesure d’évaluer tous les éléments de preuve qui pourraient être pertinents à une demande fondée sur des motifs d’ordre humanitaire. Leur rôle est important mais relativement limité. À mon avis, l’exercice de leur pouvoir discrétionnaire ne devrait être mis en question par la Cour que dans les cas où ils ont omis de tenir compte d’un facteur important ou commis une erreur grave dans l’évaluation de la situation de la personne visée par une mesure de renvoi.

 

[18]           La décision rendue dans l’affaire Ramada, précitée, a été suivie par la Cour, en particulier par la juge Eleanor Dawson dans Mateka c. Canada (Ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile), (ordonnance rendue le 20 décembre 2005, dans le dossier portant le nIMM‑7291‑05). Voici ce qu’on peut lire au paragraphe 3 de sa décision :

[traduction] Lorsque l’on soulève une question relative à l’intérêt supérieur d’un enfant, il est, je crois, bien établi en droit qu’un agent d’expulsion n’est pas tenu de procéder à un examen complet des motifs d’ordre humanitaire. Parallèlement, un agent est tenu de prendre en considération les intérêts d’un enfant dont la situation personnelle qui comporte des circonstances impératives lui est soumise. Comme l’a écrit mon collègue, le juge O’Reilly, dans Ramada c. Canada (Solliciteur général), [2005] A.C.F. noo1384, lorsqu’un agent omet un facteur important ou évalue erronément la situation de la personne visée par une mesure de renvoi, il survient une erreur susceptible de contrôle.

 

 

[19]           Dans la présente espèce, la preuve soumise à l’agente chargée du renvoi, et dans le cadre de la demande fondée sur des motifs d’ordre humanitaire du demandeur qui est en instance, est que ce dernier assure un soutien financier et affectif essentiel à son neveu canadien, âgé de 11 ans, qui se trouve au Canada, Trai Thorney, de même qu’un soutien financier essentiel à son neveu canadien, âgé de 14 ans, qui se trouve à la Grenade, Shemair Lewis. (Dossier de requête, pages 338 à 346.)

 

[20]           En ce qui concerne l’intérêt supérieur de Trai, l’agente chargée du renvoi disposait d’une évaluation psychologique de la Dre Rabie. Dans son évaluation, cette dernière a indiqué qu’elle s’inquiétait sérieusement de ce qu’il adviendrait du développement et du bien-être affectif de l’enfant s’il fallait que l’on renvoie le demandeur du Canada, car ce dernier joue un rôle de parent dans la vie de cet enfant :

[traduction] […] [Trai] bénéficierait sûrement beaucoup de la présence continue d’un oncle aimant et attentif comme M. Natoo, qui est un excellent modèle masculin et qui est capable de remplacer le père biologique, lequel a nettement moins accès que lui à l’enfant. De l’avis de la soussignée, s’il fallait que son oncle soit extradé, Trai en souffrirait beaucoup et, sur le plan du développement, il subirait peut-être un recul affectif.

 

(Dossier de requête, pages 342 et 343.)

 

[21]           L’évaluation a été fondée sur des entretiens avec le demandeur, avec Trai et avec la mère de ce dernier, ainsi que sur des séances d’observation et des tests. L’évaluation décrit en ces termes les inquiétudes que la mère de Trai a exprimées :

[traduction] La sœur de M. Natoo, Gillian, déclare que même s’il y a une différence d’âge de 10 ans entre elle et son frère cadet, elle chérit Andy parce que ce dernier est celui des quatre frères de la famille qui réussit et qu’il est une source indispensable de soutien pour eux tous, tandis que les autres frères ont accompli peu de choses ou vivent chacun de leur coté, et n’aident pas activement la famille […].

 

Gillian déclare qu’en plus de contribuer financièrement au bien-être de tous, son frère est une source irremplaçable de soutien pour elle et son fils. Elle ajoute qu’elle n’aurait rien pu faire sans lui pendant la période stressante de son divorce, et qu’il continue aujourd’hui à l’aider de toutes les manières possibles, surtout quand vient le temps de donner un coup de main à l’égard de Trai, et spécialement à cause de la proximité de leurs domiciles en ville. Gillian signale que comme elle-même ne conduit pas, Andy est toujours disponible pour l’aider en la conduisant partout où elle doit aller, et qu’il la soutient de façon générale sur le plan affectif, et parfois pécuniaire. Elle ajoute que s’il fallait qu’Andy soit forcé de quitter le Canada, son fils aurait beaucoup de chagrin et éprouverait sûrement un sentiment de perte et d’insécurité. À l’heure actuelle, les modalités de garde qu’elle a conclues avec son ex-époux ne sont pas officielles, mais Trai voit son père et ses grands-parents paternels toutes les deux fins de semaine, ainsi que pendant les congés et durant le camp de tennis, l’été. En larmes, elle a confirmé que si son frère était forcé de retourner dans leur pays d’origine, son fils subirait un recul marqué sur le plan affectif et qu’il ne pourrait pas poursuivre un grand nombre des activités ou jouir des privilèges dont son oncle aimant lui fait bénéficier aujourd’hui. S’il fallait qu’Andy parte, elle et son fils « seraient perdus sans lui ».

 

(Dossier de requête, page 341.)

 

 

[22]           En ce qui concerne l’intérêt supérieur de Shemair, le demandeur a fourni une preuve qu’il est, depuis le Canada, le principal soutien financier de ce garçon à la Grenade, où vit ce dernier. Cela a été confirmé par le demandeur dans son affidavit, ainsi que par sa sœur Gillian, que la Dre Rabie a citée dans son évaluation. Le demandeur a décrit l’appui qu’il fournit à Shemair dans l’affidavit accompagnant sa demande fondée sur des motifs d’ordre humanitaire (soumise à l’agente chargée du renvoi) :

[traduction] Shemair Lewis, le fils de mon frère. Il est citoyen canadien, car il est né au Canada. Il vit avec ma mère : mon frère est occupé par son travail et gagne fort peu d’argent; la mère de Shemair n’est pas très présente dans sa vie. À cause de cela, c’est à moi que revient la responsabilité d’être son principal soutien financier. En plus de l’argent que j’envoie à ma mère (qui est destiné au soin et à l’éducation de Shemair), j’envoie aussi des montants supplémentaires pour payer ses études. Cela inclut les livres, le transport et les fournitures scolaires. L’été dernier, j’ai envoyé 800 $ à cette fin. J’ai pris les dispositions nécessaires pour que ma sœur cadette, Shevon Natoo, fréquente le collège, et j’ai l’intention d’en faire de même pour Shemair. Il a de très bonnes notes à l’école. J’accorde une grande importance à l’instruction, et je crois qu’il est essentiel au développement de Shemair qu’il poursuive ses études. Il me sera difficile sinon impossible de payer ses frais de scolarité si je ne peux pas rester au Canada, à cause de la baisse inévitable de revenu. [Souligné dans l’original].

 

(Dossier de requête, pages 66 et 67.)

 

[23]           Dans la présente affaire, compte tenu de la preuve de l’intérêt supérieur de l’enfant, dont font foi l’évaluation psychologique et l’affidavit, qui ont établi que Trai perdrait le soutien affectif et financier que procure le demandeur comme le ferait un parent, et que Shemair perdrait sa principale source de soutien financier, et qu’ainsi son moyen de subsistance et ses études seraient en péril.

 

[24]           Selon la preuve soumise à l’agente chargée du renvoi, preuve qui était jointe à la demande fondée sur des motifs d’ordre humanitaire, le soutien financier des deux enfants dépend du revenu canadien du demandeur, et, par ailleurs, Trai dépend du soutien affectif et social du demandeur. (Dossier de requête, pages 7, 63 et 64, 66 et 67, et 338 à 343.)

 

[25]           Les « notes au dossier » que l’agente chargée du renvoi a transmises en réponse à la demande de motifs du demandeur ne traitent pas des préoccupations dont le demandeur a fait état au sujet des enfants, ni d’un aspect quelconque de la preuve servant à corroborer les affirmations, y compris l’évaluation psychologique de la Dre Rabie. La seule mention concrète de Trai dans les « notes au dossier » est la brève indication suivante : les [traduction] « questions soulevées » comprennent « l’intérêt supérieur de l’enfant (neveu canadien, 11 ans) ». (Dossier de requête, page 355.)

 

[26]           Comme il a été dit plus tôt, la Cour a établi que l’agent est tenu de prendre en compte l’intérêt supérieur de l’enfant quand la question est soulevée dans le contexte d’une demande de sursis à l’exécution d’une mesure de renvoi, ainsi que d’être attentif et sensible à cet intérêt. (Décision Mateka, précitée.)

 

[27]           Dans l’affaire Simoes c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2000] A.C.F. no 936 (QL), le juge Marc Nadon a déclaré que dans le cadre de l’examen d’une demande de sursis à l’exécution d’une mesure de renvoi : « l’agent chargé du renvoi peut tenir compte de divers facteurs comme la maladie, d’autres raisons à l’encontre du voyage et les demandes fondées sur des raisons d’ordre humanitaire qui ont été présentées en temps opportun et qui n’ont pas encore été réglées à cause de l’arriéré auquel le système fait face ».

 

[28]           Dans l’affaire Simoes, précitée, le juge Nadon s’est fondé sur la décision Paterson c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2000] A.C.F. no 139. Dans Paterson, la juge Barbara Reed a conclu à l’existence d’une question sérieuse et a accordé un sursis à la demanderesse en attendant l’issue de la contestation de cette dernière à l’égard du refus d’un agent de surseoir à l’exécution de la mesure de renvoi; la demanderesse avait présenté une demande fondée sur des motifs d’ordre humanitaire quatre mois avant la date du renvoi. Voici ce qu’a indiqué la juge Reed :

      [8]        Le ministre défendeur contrôle la rapidité avec laquelle la demande fondée sur des raisons d’ordre humanitaire de la demanderesse peut être traitée. Le défendeur décide du moment d’exécution de la mesure de renvoi (à condition bien entendu que la demanderesse ne « se cache » pas).  

 

[29]           Dans la décision Harry c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2000] A.C.F. no 1727, le juge Frederick Gibson s’est fondé sur les deux décisions Simoes et Paterson pour conclure à l’existence d’une question sérieuse et accorder un sursis aux demandeurs en attendant le contrôle judiciaire du refus d’un agent de surseoir à l’exécution de la mesure de renvoi; les demandeurs avaient présenté une demande fondée sur des motifs d’ordre humanitaire un an avant la date prévue du renvoi. Le juge Gibson a conclu ce qui suit :

[15]      […] Compte tenu du retard à traiter la demande fondée sur des raisons d’ordre humanitaire et de l’intérêt supérieur de l’enfant, je suis convaincu, d’après les faits particuliers de l’espèce et au regard d’un critère préliminaire relativement faible, qu’il y a une question sérieuse à instruire quant à savoir si la décision de l’agent chargé du renvoi de ne pas différer le renvoi était raisonnable au vu des engagements internationaux du Canada concernant les droits des enfants.

 

[30]           Dans les circonstances de l’espèce, le demandeur vit au Canada depuis environ 7 ans. Son établissement au Canada et les difficultés que lui-même et d’autres subiraient sont exposés dans sa demande fondée sur des motifs d’ordre humanitaire. En particulier, la demande soulève, comme nous l’avons vu plus tôt, des questions relatives à l’intérêt supérieur de deux enfants. Le demandeur tente de déposer une demande fondée sur des motifs d’ordre humanitaire depuis qu’il a acquitté les frais de traitement et retenu les services d’un avocat en 2002 pour le faire, et il croyait que sa demande avait été déposée. Quand il a appris en 2006 que cela n’avait pas été fait, il a immédiatement déposé une nouvelle demande fondée sur des motifs d’ordre humanitaire; cependant, le traitement de la demande a été retardé par des faits qui sont survenus dans l’intervalle : le fait de ne pas recevoir un reçu concernant le paiement des frais de traitement, ainsi que l’absence de la notification de l’affaire. Il semble qu’en raison de circonstances exceptionnelles et inusitées, il était nécessaire d’accorder un sursis en attendant que l’on examine la demande fondée sur des motifs d’ordre humanitaire. (Dossier de requête, pages 17 à 19, 247 et 286.)

 

LE PRÉJUDICE IRRÉPARABLE

[31]           Le critère relatif au préjudice irréparable à trait à la « nature du préjudice ». Il exige que le préjudice soit irréparable, et non réparable ou indemnisable par des dommages-intérêts. Voici ce qu’a indiqué la Cour suprême :

Le terme « irréparable » a trait à la nature du préjudice subi plutôt qu’à son étendue. C’est un préjudice qui ne peut être quantifié du point de vue monétaire ou un préjudice auquel il ne peut être remédié, en général parce qu’une partie ne peut être dédommagée par l’autre. Des exemples du premier type sont le cas où la décision du tribunal aura pour effet de faire perdre à une partie son entreprise […]; le cas où une partie peut subir une perte commerciale permanente ou un préjudice irrémédiable à sa réputation commerciale (American Cyanamid, précité); ou encore le cas où une partie peut subir une perte permanente de ressources naturelles lorsqu’une activité contestée n’est pas interdite […]. Le fait qu’une partie soit impécunieuse n’entraîne pas automatiquement l’acceptation de la requête de l’autre partie qui ne sera pas en mesure de percevoir ultérieurement des dommages‑intérêts, mais ce peut être une considération pertinente […].

 

(R.J.R.-MacDonald Limited c. Canada, [1995] 3 R.C.S. 199.)

 

[32]           Dans l’arrêt Toth, précité, la Cour d’appel fédérale a énoncé le seuil suivant : « Je pense qu’au moins une partie de ce préjudice éventuel est irréparable et ne peut être compensé par des dommages-intérêts ».

 

[33]           L’arrêt Toth, précité, illustre l’idée que ce n’est pas l’ampleur ou la gravité du préjudice qui est déterminante, mais plutôt la question de savoir si ce préjudice est irréparable et susceptible d’être compensé par des dommages-intérêts :

[…] [I]l résulte de la preuve que, si le requérant est expulsé maintenant, il y a des risques que l’entreprise familiale fasse faillite et que sa famille immédiate ainsi que d’autres personnes qui dépendent de cette entreprise pour gagner leur vie en souffrent. Je pense qu’au moins une partie de ce préjudice éventuel est irréparable et ne peut être compensé par des dommages-intérêts.

 

[34]           L’arrêt Toth, précité, sert également à illustrer que ces principes s’appliquent tout autant dans les affaires d’immigration que dans d’autres contextes juridiques. Par exemple, en matière d’immigration ainsi que dans d’autres contextes, les facteurs économiques peuvent constituer un préjudice irréparable.

 

[35]           Dans l’arrêt Toth, précité, la Cour a conclu de nouveau à l’existence d’un préjudice irréparable en considérant que l’entreprise du demandeur pouvait faire faillite si ce dernier était expulsé du Canada. C’est donc dire que des facteurs économiques peuvent constituer un préjudice irréparable dans une demande de sursis présentée dans un contexte d’immigration, et les mêmes principes s’appliqueront, que l’affaire se situe dans un contexte d’immigration ou dans un autre contexte.

 

[36]           Dans l’arrêt Toth, précité, la Cour a pris en considération l’effet du renvoi sur « sa famille immédiate ainsi que d’autres personnes qui dépendent de cette entreprise pour gagner leur vie ».

 

[37]           Il y a dans la présente affaire un préjudice irréparable, dû à la conjugaison d’une série de facteurs, à savoir :

a)      La perte de ses entreprises. Le demandeur exploite une agence de placement et une entreprise de tenue de livres qui sont prospères. À l’heure actuelle, plus de 180 personnes ont été placées par l’intermédiaire de son agence de placement. Cette dernière compte également un effectif de huit personnes à temps plein. Tous ces employés, de même que leurs familles, dépendent de l’exploitation continue de cette entreprise pour gagner leur vie. Les clients des deux entreprises comptent sur le demandeur pour qu’il continue de leur fournir les services de dotation en personnel et de tenue de livres dont ils ont besoin. Ces entreprises feront faillite s’il est contraint de quitter le Canada, car il n’a pas un associé ou quelqu’un d’autre qui puisse continuer d’exploiter ces entreprises en son absence, et il ne peut pas les exploiter adéquatement depuis l’étranger. (Dossier de requête, pages 7 à 9, 20 et 21, 22 à 25, et 294 à 337.)

b)      Difficultés affectives et financières causées à son neveu canadien, Trai Thorney. Le demandeur joue un rôle parental dans le soutien financier et affectif dont Trai bénéficie au quotidien. Il vit à proximité de ce dernier et le voit tous les jours. Trai dépend du demandeur d’une façon particulière car ses parents se sont séparés et c’est sa mère qui l’élève. Si le demandeur est renvoyé du pays, Trai perdra le bienfait de cet appui, à un stade critique dans son développement d’enfant. (Dossier de requête, pages 7, 21, 27 à 29, 32 et 338 à 346.)

c)      Difficultés financières pour sa famille à la Grenade, y compris son neveu canadien, Shemair Lewis. Le demandeur subvient aux besoins de sa mère et de son neveu canadien, Shemair, grâce au revenu qu’il gagne au Canada. Il perdra ce revenu s’il est renvoyé du pays. (Dossier de requête, pages 7, 21, 31 et 338 à 346.)

d)      Difficultés affectives et financières pour sa fiancée, Jennifer Shearer. Le demandeur et Mme Shearer entretiennent une relation étroite et ils ont l’intention de se marier. Mme Shearer subira des difficultés si le demandeur est renvoyé du pays : soit qu’elle demeurera au Canada pour garder son emploi et subvenir à leurs besoins, ce qui obligera donc le couple à se séparer, soit qu’elle l’accompagnera à la Grenade pour vivre dans un pays qu’elle connaît peu, loin de sa famille au Canada. Dans l’un ou l’autre cas, le renvoi imposerait aussi des difficultés financières considérables à ces deux personnes, à cause de la perte du revenu d’entreprise que touche actuellement le demandeur. (Dossier de requête, pages 7 et 8, 21, 28 et 29, 32 et 33, et 126 à 135.)

e)      Difficultés affectives et financières pour sa soeur canadienne, Gillian Thorney (la mère de Trai). Le demandeur et sa sœur sont fort proches. Ils se voient tous les jours et dépendent l’un de l’autre sur le plan affectif. Elle subirait des difficultés affectives du fait d’être séparée du demandeur si ce dernier était renvoyé du pays, et elle perdrait en outre le bienfait de son aide pour ce qui est de l’éducation de son fils Trai. Elle perdrait aussi le bienfait de l’appui financier dont elle bénéficie grâce au revenu canadien que gagne le demandeur. (Dossier de requête, pages 8, 21, 27 et 338 à 346.)

f)        La perte de sa demande fondée sur des motifs d’ordre humanitaire. Il est allégué que la demande fondée sur des motifs d’ordre humanitaire du demandeur serait futile si ce dernier était renvoyé, car cette demande est fondée sur son établissement au Canada par l’intermédiaire de ses entreprises, ainsi que sur le soutien financier qu’il assure à sa famille grâce au revenu qu’il gagne. S’il était renvoyé, les entreprises feraient faillite, et son établissement au Canada serait fondamentalement miné. (Dossier de requête, pages 8, 9 et 20; Owusu c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2003 CAF 470, [2003] A.C.F. 1976 (QL).)

 

LA PRÉPONDÉRANCE DES INCONVÉNIENTS

[38]           Il faudrait conclure que la prépondérance des inconvénients favorise le demandeur. Cette thèse a été clairement énoncée dans l’affaire Membreno-Garcia c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1992] A.C.F. no 535 (QL), dans laquelle la juge Reed a conclu qu’une fois que le demandeur a établi l’existence d’une cause défendable et d’un préjudice irréparable, la prépondérance des inconvénients ferait pencher la balance en sa faveur (Mahadeo c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration)), [1992] A.C.F. no 1077 (QL).)

 

[39]           Au moment d’examiner s’il convient ou non d’accorder un sursis, la Cour devrait prendre en compte la remarque incidente de la Cour dans l’arrêt Turbo, précité, dans lequel le juge Stone déclare ce qui suit :

      […] lorsque les autres facteurs en jeu tendent à s’équilibrer, il sera prudent de prendre des mesures qui préserveront le statu quo.

 

 

LA CONCLUSION

[40]           Au vu des circonstances inusitées et exceptionnelles, étant donné que la présente affaire repose sur un fondement distinct, le sursis à l’exécution de la mesure de renvoi du Canada est accordé jusqu’à ce que l’on ait tranché de façon définitive la demande d’autorisation et de contrôle judiciaire du demandeur.

 

JUGEMENT

 

LA COUR ORDONNE QUE le sursis à l’exécution de la mesure de renvoi du Canada soit accordé jusqu’à ce que l’on ait tranché de façon définitive la demande d’autorisation et de contrôle judiciaire du demandeur.

 

                                                                                                            « Michel M.J. Shore »

Juge

 

Traduction certifiée conforme

 

D. Laberge, LL.L.


 

COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        IMM-1341-07

 

INTITULÉ :                                       CURLAND ANDY NATOO

                                                            c.

                                                            LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE

                                                            ET DE LA PROTECTION CIVILE

 

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 TORONTO (ONTARIO)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               LE 16 AVRIL 2007

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                              LE JUGE SHORE

 

DATE DES MOTIFS :                      LE 17 AVRIL 2007

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Daniel Kingwell

 

POUR LE DEMANDEUR

Alexis Singer

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

MAMANN & ASSOCIATES

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DEMANDEUR

JOHN H. SIMS, c.r.

Sous-procureur général du Canada

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 

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