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Date : 20070328

Dossier : IMM-4625-06

Référence : 2007 CF 330

ENTRE :

CHEIKHNA DIAGANA

demandeur

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE

LE JUGE GIBSON

 

INTRODUCTION

[1]               Les présents motifs font suite à l’audition, le 6 mars 2007, à Calgary (Alberta), de la demande de contrôle judiciaire visant la décision rendue par la Section de la protection des réfugiés (la SPR) de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié, qui a jugé que le demandeur n’est pas un réfugié au sens de la Convention ni une personne à protéger. 

 

LE CONTEXTE

[2]               Le demandeur est un citoyen de la Mauritanie. Il est « noir », musulman et membre du groupe ethnique des Sarakolés. Il allègue avoir une crainte fondée de persécution du fait de sa race et de ses opinions politiques présumées, s’il devait retourner en Mauritanie. Il est né en Mauritanie le 31 décembre 1986 et avait dix-sept (17) ans à son arrivée au Canada et dix‑neuf (19) ans à la date de son audience devant la SPR. Il était donc mineur à l’époque des prétendus événements survenus en Mauritanie qui étayent sa demande. 

 

[3]               Le demandeur atteste que son père était actif en politique en Mauritanie. En 1989, la maison familiale du demandeur a été pillée et les effets personnels de la famille ainsi que la maison ont été brûlés. Deux frères plus âgés du demandeur ont été pendus. La famille a quitté l’endroit où elle vivait pour éviter d’autres problèmes. Malgré la réinstallation, le demandeur atteste qu’il a été arrêté à plusieurs reprises avant même d’être actif en politique.

 

[4]               À l’âge de quinze (15) ans, le demandeur est lui-même devenu actif en politique. Il a distribué de l’information et a entrepris de faire de la sensibilisation pour le parti politique auquel il avait adhéré. En octobre 2001, il a été arrêté au cours d’une réunion politique. Il a été conduit à un poste de police, battu, torturé et détenu pendant plusieurs jours. Après sa libération, il a passé deux jours à l’hôpital en observation.

 

[5]               Le demandeur atteste que, après son arrestation en octobre 2001, il a été abordé et détenu par la police à maintes reprises en raison de ses activités politiques.

 

[6]               En 2003, le demandeur a demandé à un oncle de l’aider à obtenir un passeport et un visa étudiant pour entrer au Canada. En août 2004, le demandeur a quitté la Mauritanie pour le Canada en passant par Paris (France). 

[7]               Le 14 septembre 2004, le demandeur a demandé le statut de réfugié au sens de la Convention au Canada.

 

LA DÉCISION CONTESTÉE

[8]               La SPR a établi, selon la prépondérance des probabilités et les éléments de preuve présentés, que le demandeur était bien la personne qu’il affirmait être et qu’il était citoyen de la Mauritanie. Cela étant, la SPR a jugé que les réponses que lui avait fournies le demandeur étaient vagues et contradictoires. Elle a rejeté les explications du demandeur quant à son défaut de fournir des éléments de preuve corroborants sous serment pour appuyer ses allégations. Elle a jugé que le demandeur a fait preuve « […] d’un manque de diligence [… ] » pour faire valoir ses prétentions. Elle s’est demandé pourquoi le demandeur n’avait pas quitté la Mauritanie plus tôt, même s’il était très jeune lorsqu’il a fini par prendre l’initiative de fuir. La SPR a trouvé que le témoignage du demandeur « […] était très vague quant à la connaissance d’un parti [politique] dont il prétend être membre actuellement ». Sur le même point, la SPR a écrit ce qui suit :

J’ai trouvé que le témoignage du demandeur d’asile était incompatible avec le profil qu’il prétendait avoir, en tant que personne membre de l’AC jusqu’à ce jour; j’ai aussi déterminé qu’il était encore en contact avec des partisans du parti depuis qu’il était au Canada. Je trouve invraisemblable qu’il n’ait pas été au fait du statut légal de l’APP. J’ai trouvé que son témoignage vague minait sa crédibilité.

 

[9]               La SPR a conclu que :

Après avoir examiné l’ensemble des éléments de preuve qui ont été présentés, je conclus que le demandeur d’asile n’a pas réussi à démontrer, selon la prépondérance des probabilités, au moyen d’éléments de preuve crédibles et dignes de foi, l’existence des faits qui sont au cœur de sa demande d’asile. Je ne crois pas que le demandeur d’asile a été arrêté dans son pays. Je ne crois pas qu’il a été victime de violence de la part de la police ni qu’il a été soumis à la torture par cette dernière, comme il l’a affirmé. Je ne crois pas que ses agissements dans ce pays sont compatibles avec la violence dont il prétend avoir été victime. Je ne crois pas qu’il a été un membre actif de l’AC ni qu’il avait le profil qu’il a prétendu avoir dans ce parti. En résumé, je ne crois pas qu’il a quitté son pays pour les raisons qu’il a invoquées.

 

LES POINTS LITIGIEUX

[10]           Dans le mémoire des arguments déposé au nom du demandeur, son avocat énonce de la façon suivante les points en litige dans le cadre de la présente demande de contrôle judiciaire :

[TRADUCTION]

1.        La Commission a‑t‑elle omis de tenir compte des Directives no 3 : Les enfants qui revendiquent le statut de réfugié – Questions relatives à la preuve et à la procédure, Directives données par la présidente de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié, dans l’examen du témoignage du demandeur et dans l’évaluation de sa crédibilité?

2.        La Commission a-t-elle l’obligation d’évaluer le cas particulier d’un demandeur d’asile mineur? La Commission a‑t‑elle omis d’examiner convenablement le cas particulier du demandeur?

3.        La Commission a‑t‑elle omis d’examiner des éléments de preuve pertinents et objectifs sur la situation d’une tierce personne au pays, qui corroborent la crainte du demandeur de retourner en Mauritanie?

4.        La Commission a‑t-elle mal interprété ou omis d’examiner convenablement la preuve qui lui a été présentée?

 

[11]           À l’audience, l’avocat du demandeur a essentiellement réduit les quatre points litigieux à deux, en combinant les deux premiers en un seul puis les troisième et quatrième en un autre. Lorsqu’on paraphrase les litiges reformulés, le premier découle du fait incontesté que le demandeur était mineur pendant qu’il était en Mauritanie et lorsqu’il est arrivé au Canada et a déposé sa demande d’asile et pourtant, soutient-il, la SPR a omis de tenir compte des Directives no 3 et de le traiter comme le prescrivent ces directives dans l’évaluation de la preuve qui lui a été présentée. Je traiterai cette affaire en deux parties : d’abord, le processus précédant l’audience et l’ouverture de l’audience, et ensuite, le déroulement de l’audience et, en particulier, la sensibilité de la SPR au témoignage du demandeur. Le deuxième point ouvrant droit à une erreur susceptible de révision, selon ce qui a été allégué, découle du fait que la SPR n’a pas examiné et évalué convenablement la totalité de preuve qui lui a été présentée et a mal interprété ou évalué la preuve qu’elle a en fait examinée.

 

[12]           Aucune question d’équité procédurale n’a été soulevée devant la Cour.

 

[13]           Bien qu’elle n’ait pas été soulevée par les avocats, la question de la norme de contrôle à appliquer se pose et a été soulevée par la Cour, comme c’est le cas pour toutes les demandes de contrôle judiciaire.

 

ARGUMENTS ET ANALYSE

Norme de contrôle

[14]           Lorsqu’ils ont été interrogés par la Cour, les avocats ont convenu que ce qui est en litige dans la présente demande de contrôle judiciaire est l’identification, l’examen et l’analyse de la totalité de la preuve présentée à la SPR et que la norme de contrôle à appliquer dans de telles circonstances est celle de la décision manifestement déraisonnable.

 

[15]           Dans la décision Nahimana c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration)[1], citée au nom du demandeur, mon collègue le juge Shore était saisi d’une demande de contrôle judiciaire d’une décision de la SPR, dans laquelle la demanderesse principale était mineure lorsqu’elle a fui son pays d’origine et, comme en l’espèce, était encore mineure lorsqu’elle est entrée au Canada. Citant l’arrêt Aguebor c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration)[2], mon collègue a écrit au paragraphe 16 de ses motifs :

Les motifs de la Commission reposent essentiellement sur son évaluation de la crédibilité de la preuve présentée par Mme Nahimana. Ses conclusions concernant la crédibilité doivent faire l’objet de la plus grande retenue. La norme de contrôle applicable est la décision manifestement déraisonnable […].

 

Mon collègue est arrivé à la conclusion précédente, malgré le fait que, comme en l’espèce, la demanderesse principale était mineure lorsqu’elle a fui son pays d’origine et était encore mineure lorsqu’elle est entrée au Canada.

 

[16]           Je ne trouve rien parmi les éléments de preuve présentés à la SPR dans cette affaire qui pourrait m’amener à une conclusion différente quant à la norme de contrôle applicable aux conclusions de fait de la SPR.

 

[17]           Dans l’arrêt Voice Construction Ltd. c. Construction & General Workers’ Union, Local 92[3], le juge Major, s’exprimant au nom des juges majoritaires, a écrit au paragraphe 18 de ses motifs :

[…] Lorsque la décision émane d’un tribunal spécialisé habilité par une loi solidement ancrée dans des politiques d’intérêt général et que la nature de la question relève clairement de l’expérience relative du tribunal, lequel bénéficie de la protection d’une clause privative absolue, il s’agit là de circonstances commandant l’application de la norme de la décision manifestement déraisonnable. En raison de sa nature même, cette norme est rarement appliquée. Il est difficile de définir l’expression « décision manifestement déraisonnable », mais on peut affirmer qu’il doit s’agir d’une décision frôlant l’absurde. […]

 

Compte tenu de ce qui précède, je suis convaincu qu’il est clair que la norme de la décision manifestement déraisonnable exige qu’une très grande déférence soit accordée à la décision, en l’occurrence celle de la SPR, un « […] tribunal spécialisé habilité par une loi solidement ancrée dans des politiques d’intérêt général […] ». Je suis convaincu que les points litigieux présentés ici devant la Cour, la « […] nature de la question […] » relèvent clairement de « […] l’expérience relative […] » de la SPR, malgré le fait que ses décisions ne sont pas protégées par une clause privative absolue.

 

[18]           Au paragraphe 41 de la même décision, le juge LeBel, s’exprimant au nom des juges minoritaires, a écrit, citant l’arrêt Syndicat canadien de la Fonction publique, section locale 963 c. Société des alcools du Nouveau-Brunswick[4],  « […] qu’une décision ne doit être qualifiée de manifestement déraisonnable que si elle "déraisonnable au point de ne pouvoir rationnellement s’appuyer sur la législation pertinente" ».   

 

[19]           Par conséquent, pour cette demande de contrôle judiciaire, le fardeau imposé au demandeur est très lourd.

 

Directives no 3 – Le processus précédant l’audience et l’ouverture de l’audience

[20]           Les Directives no 3, intitulées Les enfants qui revendiquent le statut de réfugié – Questions relatives à la preuve et à la procédure[5], prévoient ce qui suit sous les rubriques « Questions relatives à la procédure » et « Principe général » : 

En déterminant la procédure à suivre pour l’examen de la revendication du statut de réfugié d’un enfant, la SSR [maintenant la SPR] devrait d’abord tenir compte de l’intérêt supérieur de l’enfant.

 

Le principe de l’intérêt supérieur de l’enfant a été reconnu par la communauté internationale comme un droit fondamental. Dans le contexte des présentes directives, ce droit s’applique à la procédure que doit suivre la SSR. Lorsqu’on détermine la procédure à suivre pour l’examen de la revendication d’un enfant, il faut se demander : « Quelle procédure répond à l’intérêt supérieur de cet enfant? ».    Le bien-fondé de la revendication d’un enfant est évalué au regard de tous les éléments de la définition de réfugié au sens de la Convention.

 

Le principe de l’intérêt supérieur de l’enfant a un sens large, et la façon dont il est interprété dépend des circonstances de chaque affaire. De nombreux facteurs peuvent influer sur l’intérêt supérieur de l’enfant, par exemple son âge, son sexe, ses antécédents culturels et ses expériences passées, et cette multitude de facteurs rend difficile l’élaboration d’une définition précise du principe.

[renvois omis]

 

[21]           Les Directives traitent ensuite de la désignation d’un « représentant commis d’office ». La SPR a demandé à l’avocat du demandeur s’il serait approprié ou non de désigner un représentant pour le demandeur. L’avocat a répondu qu’il serait approprié de le faire et a indiqué un éventuel représentant commis d’office, une personne sans lien avec le demandeur. Rien d’autre n’a été fait à ce sujet. Aucune personne n’a été désignée comme représentant du demandeur et, selon le dossier du tribunal, l’avocat du demandeur n’a jamais assuré le suivi de cette question.

 

[22]           On n’a pas contesté devant la Cour le fait que le demandeur, à son arrivée au Canada, était un « enfant non accompagné » au sens des Directives. Les Directives prévoient que : de tels enfants devraient être repérés aussitôt que possible par le personnel du greffe de la SPR; un tribunal et un agent chargé de la revendication devraient être chargés de la demande et, dans la mesure du possible, ceux‑ci devraient en être chargés jusqu’à ce qu’une décision finale soit rendue; la revendication devrait être mise au rôle et traitée en priorité; un représentant de l’enfant devrait être commis d’office dans les plus brefs délais; une conférence préparatoire devrait être fixée peu après le dépôt du Formulaire de renseignements personnels; et enfin :

En déterminant quel témoignage l’enfant est capable de rendre et la meilleure façon d’obtenir celui‑ci, le tribunal devrait tenir compte, entre autres éléments importants, de l’âge et du développement mental de l’enfant au moment des événements sur lesquels portent les renseignements et au moment de l’audience; de la capacité de l’enfant de se rappeler d’événements passés et du laps de temps qui s’est écoulé depuis ces événements; et de la capacité de l’enfant de faire part de ses expériences.

 

[23]           Dans ce dossier, encore une fois, on n’a pas contesté le fait que le demandeur, à son arrivée au Canada, était raisonnablement bien instruit et allait avoir dix‑huit (18) ans dans quelques mois. Un examen de la transcription montre que, au cours de son audience, le demandeur s’exprimait avec une facilité raisonnable. On n’a pas non plus contesté le fait qu’il était représenté par un avocat pendant la plus grande partie de l’intervalle entre la date du dépôt de sa demande et la date de son audience. Il était bel et bien représenté par un avocat à son audience.

 

[24]           Bien qu’il soit certes malheureux, compte tenu des faits de l’espèce – notamment le fait que le demandeur était un enfant lorsque les prétendus incidents de persécution se sont produits en Mauritanie et le fait qu’il était un enfant non accompagné à son arrivée au Canada –, que les directives n’ont pas été pas appliquées à sa revendication, je suis convaincu que les propos suivants échangés à l’ouverture de l’audition de la demande de revendication du demandeur sont clairs à ce sujet :

[traduction]

…le président s’adressant au demandeur :

Q.  Monsieur, dites-moi si vous reconnaissez le document que votre avocat vous montre?

R.  Oui, bien sûr.

Q.  S’il vous plaît monsieur, dites-moi comment le document [le  Formulaire de renseignements personnels] a été rempli?

R.  J’ai essayé d’être le plus cohérent que possible.

Q. Donc vous l’avez rempli vous-même?

R.  Absolument.

- D’accord

Q.  Vous connaissez bien tout le contenu du document?

R.  Oui monsieur.

- D’accord

Q.  Et, si vous regardez à la page 13 du document, il y a une signature. Est‑ce la vôtre?

R.  Oui monsieur.

Q.  Le document mentionne que vous pouvez lire le français et que vous comprenez le document tel qu’il est écrit?

R.  Oui monsieur.

Q.  Que l’information est complète, véridique et exacte?

R.  Oui monsieur.

Q.  Et vous comprenez que l’information a valeur d’une déclaration faite sous serment?

R.  Oui monsieur.

- D’accord. Je vous remercie.

Q.  Monsieur, prenez-vous aujourd’hui des médicaments dont je dois être au courant?

R.  Non.

Q.  Avez-vous un problème médical qui pourrait nuire à votre capacité de témoigner et dont je dois être au courant?

R.   Non.

- D’accord. Donc, aujourd’hui, des questions vont vous être posées et il y a certaines choses que vous devez garder à l’esprit. Premièrement, vous devez parler fort, et je ne suis pas sûr que le microphone est placé au bon endroit, mais, de temps à autre, il … Si vous ne comprenez pas une question, il vous incombe de le dire tout de suite. Si vous ne dites pas que vous ne comprenez pas une question, j’assumerai que vous l’avez comprise et j’accepterai votre réponse telle qu’elle a été donnée. Et cela est important pour quelques … Je suis désolé. S’il y a quelque chose de particulier sur lequel vous n’êtes pas clair, vous devriez préciser le point sur lequel vous n’êtes pas clair. C’est important pour deux raisons.

 

Premièrement, étant donné que, aujourd’hui, mon rôle principal c’est de comprendre votre témoignage, si vous répondez à des questions que vous ne comprenez pas, nous aurons tous deux un problème. Et, deuxièmement, si une heure après vous répondez à une question qui ne semble pas être cohérente avec quelque chose que vous aviez dit plus tôt, je n’accepterai pas comme une explication satisfaisante que la différence vient du fait que vous n’aviez pas compris ce que je vous avais demandé plus tôt.

Q.  Avez-vous des questions sur ce que nous avons fait jusqu’ici monsieur?

R.  Non.

Q.  D’accord. Êtes-vous prêt à commencer votre témoignage?

R.  Oui monsieur.

- D’accord.

Le président (à l’avocat)

Q.  M. l’avocat, nous nous sommes acquittés des responsabilités administratives et nous sommes prêts à commencer. À votre avis, y a‑t‑il quelque chose que j’ai oublié et dont nous devrions parler avant de commencer le témoignage?

R.  Non Monsieur le juge. Nous sommes prêts à commencer[6].

[…

 

 

[25]           Le président de la SPR n’a ménagé aucun effort pour s’assurer que le demandeur et son avocat à l’audience étaient prêts à commencer et qu’ils n’avaient alors aucune objection à soulever quant à la procédure devant la SPR. En particulier, ils ont amplement eu l’occasion de soulever tout manquement aux directives. Compte tenu de ce qui précède, je suis convaincu que le demandeur et son avocat ont renoncé à tout vice de procédure dans le processus qui a conduit à l’audience devant la SPR, y compris la conformité aux Directives.

 

Directives no 3 – Présumé défaut de la SPR de ne pas avoir été, pendant le déroulement de l’audience tenue devant elle, sensible à l’âge du demandeur durant la période du prétendu traitement persécutoire en Mauritanie, au fait qu’il est arrivé au Canada comme enfant non accompagné et au fait qu’il avait dix‑neuf (19) ans au moment de l’audience.

 

[26]           Après avoir pris en considération les arguments de l’avocat du demandeur à l’audience et après avoir de nouveau examiné soigneusement la transcription à la suite de l’audience, je suis convaincu que le président a, pendant toute l’audition de la demande, fait preuve de sensibilité aux circonstances particulières du demandeur. De plus, après un second examen des motifs de la décision du président, j’estime qu’il n’existe pas de fondement permettant de conclure que le président était fort peu sensible aux réponses données au cours de l’audience du demandeur, lorsque ces réponses se rapportaient aux événements survenus pendant l’enfance du demandeur. Pendant l’audience, l’avocat du demandeur n’a soulevé aucune objection aux questions posées par le président. Je suis convaincu qu’aucune objection n’était justifiée.

 

[27]           Les principales préoccupations qu’a soulevées le président dans ses motifs concernaient l’imprécision du demandeur à l’audience, le témoignage contradictoire de celui-ci quant aux renseignements consignés dans son Formulaire de renseignements personnels ainsi que son manque de diligence, après son arrivée au Canada, à chercher des éléments de preuve corroborants fiables pour étayer sa demande. Je suis convaincu que les préoccupations du président étaient raisonnables, compte tenu du fait que le demandeur avait eu un avocat la plupart du temps depuis son arrivée au Canada jusqu’à l’audience et encore pendant toute l’audience, et particulièrement selon la norme de la décision manifestement déraisonnable.

 

Défaut de prendre en compte la totalité des éléments de preuve

[28]           Dans le troisième paragraphe des motifs de sa décision, le président de la SPR a écrit ce qui suit :

Après avoir examiné l’ensemble des éléments de preuve qui ont été présentés, je conclus que le demandeur d’asile n’a pas réussi à démontrer, selon la prépondérance des probabilités, au moyen d’éléments de preuve crédibles et dignes de foi, l’existence des faits qui sont au cœur de sa demande d’asile. Je ne crois pas que le demandeur d’asile a été arrêté dans son pays. Je ne crois pas qu’il a été victime de violence de la part de la police ni qu’il a été soumis à la torture par cette dernière, comme il l’a été affirmé. Je ne crois pas que ses agissements dans ce pays soient compatibles avec la violence dont il prétend avoir été victime. Je ne crois pas qu’il a été un membre actif de l’AC ni qu’il avait le profil qu’il a prétendu avoir dans ce parti. En résumé, je ne crois pas qu’il a quitté son pays pour les raisons qu’il a invoquées.

[Non souligné dans l’original.]

 

[29]           L’avocat du demandeur a fait valoir que la SPR a commis une erreur susceptible de révision en ne tenant pas compte des documents sur la situation au pays, en l’occurrence la Mauritanie, qui lui avaient été présentés. L’avocat soutient que ces documents étayaient suffisamment le récit des mauvais traitements que le demandeur avait subis, particulièrement aux mains de la police, en Mauritanie. Comme il est indiqué dans la citation précédente, le président déclare avoir examiné tous les éléments de preuve qui lui ont été présentés. Dans la dernière analyse, il dit ne pas croire les éléments de preuve soumis par le demandeur lui-même. Dans de telles circonstances, la preuve documentaire sur la situation au pays, malgré ce qu’elle pourrait démontrer au sujet des conditions défavorables dans l’ensemble de la Mauritanie, n’aurait pas pu aider le demandeur, à moins qu’on ne soit prêt à reconnaître que tous les jeunes Noirs musulmans de sexe masculin appartenant au groupe ethnique des Sarakolés en Mauritanie étaient, à l’époque en question, des réfugiés au sens de la Convention ou des personnes à protéger au Canada. Il n’y avait aucun fondement permettant à la SPR d’arriver à une telle conclusion.

 

[30]           Il m’est impossible de conclure que le fait pour la SPR de ne pas avoir résumé la preuve documentaire sur la situation au pays qui lui avait été présentée équivalait à une erreur susceptible de révision, particulièrement, encore une fois, selon la norme de contrôle de la décision manifestement déraisonnable.

 

CONCLUSION

[31]           Pour ces motifs, la demande de contrôle judiciaire sera rejetée.
CERTIFICATION D’UNE QUESTION

[32]           Lorsque l’avocat du demandeur a été informé à la fin de l’audience que la demande de contrôle judiciaire serait rejetée, il a recommandé la certification de la question suivante :

[TRADUCTION]

La Section de la protection des réfugiés a‑t‑elle commis une erreur de droit en ne tenant pas compte de l’intérêt supérieur de l’enfant tel qu’il est énoncé dans les Directives no 3 de la Section de la protection des réfugiés, ou en refusant de l’examiner ou de l’appliquer, vu que le demandeur a été victime de persécution pendant qu’il était mineur, est arrivé au Canada comme un mineur non accompagné et a demandé d’être protégé en tant que mineur, mais qu’il a atteint l’âge de la majorité avant la date de l’audience?

 

 

Reformulation de la question – Est-ce que les principes contenus dans les Directives no 3 relativement à la recherche des éléments de preuve et à l’évaluation de la crédibilité s’appliquent dans le cas des mineurs qui atteignent l’âge de la majorité avant la date de l’audience?

[texte soumis par écrit]

 

[33]           L’avocat du défendeur s’oppose à la certification de la question proposée par l’avocat du demandeur au motif que la question proposée ne serait pas déterminante d’un appel en l’espèce[7]. Comme l’a signalé l’avocat du défendeur, le demandeur était représenté par un avocat au moins depuis le 3 novembre 2004 et il est devenu adulte le 3 décembre 2004. La SPR est arrivée à sa conclusion en se fondant sur une évaluation selon laquelle le demandeur n’a pas réussi à établir le bien-fondé de sa revendication, selon la prépondérance des probabilités, au moyen d’éléments de preuve crédibles et dignes de foi. Aucun degré de sensibilité, quel qu’il soit, à l’égard des droits du demandeur et de son « meilleur intérêt » n’aurait modifié la conclusion de la SPR à cet égard. Par conséquent, la question proposée ne serait tout simplement pas déterminante d’un appel de cette décision.

 

[34]           Par conséquent, aucune question ne sera certifiée.

 

« Frederick E. Gibson »

                        Juge

 

Ottawa (Ontario)

Le 28 mars 2007

 

 

Traduction certifiée conforme

Lynne Davidson-Fournier, traductrice-conseil


 

 

COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        IMM-4625-06

 

INTITULÉ :                                       CHEIKHNA DIAGANA

                                                            c.

                                                            LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Calgary (Alberta)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               LE 6 MARS 2007

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE  : LE JUGE GIBSON

 

DATE DES MOTIFS :                      LE 28 MARS 2007

 

COMPARUTIONS :

 

Raj Sharma

 

POUR LE DEMANDEUR

Camille Audain

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Caron & Partners LLP

Calgary (Alberta)

 

POUR LE DEMANDEUR

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

Edmonton (Alberta)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 



[1] [2006] A.C.F. no  219 (QL), 14 février 2006.

[2] [1993] A.C.F. no.732 (QL), (1993), 160 N.R. 315 (C.A.F.).

[3] [2004] 1 R.C.S. 609 (pas cité devant la Cour).

[4] [1979] 2 R.C.S. 227, à la page 237.

[5] Directives données par la présidente de la SPR en application du paragraphe 65(3) de la Loi sur l’immigration et prenant effet le 30 septembre 1996.

[6] Dossier du tribunal, pages 491 à 493.

[7] Liyanagamage c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) (1994), 176 N.F. 4 (C. A. F.).

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