Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

 

 

 

Date : 20070226

Dossier : IMM-1372-06

Référence : 2007 CF 216

 

Ottawa (Ontario), le 26 février 2007

EN PRÉSENCE DE MADAME LA JUGE DAWSON

 

 

ENTRE :

 

OFELIA ROSA GOMEZ POSADA de UPEGUI

demanderesse

 

 

et

 

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

 

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

 

 

[1]        Mme Ofelia Rosa Gomez de Upegui est une citoyenne de la Colombie âgée de 73 ans qui travaillait dans une maison de retraite à Medellin, en Colombie, en qualité d’infirmière et de préposée aux bénéficiaires. Devant la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié du Canada (la Commission), elle a affirmé dans son témoignage qu’elle s’est enfuie de la Colombie parce qu’elle craignait les Forces armées révolutionnaires de Colombie (les FARC).  Un jour, un homme s’est présenté comme faisant partie de la guérilla des FARC et il lui a demandé de transmettre aux FARC la liste des résidents de la maison de retraite. Un autre jour, le même homme, accompagné de deux autres hommes, a abordé Mme Gomez en lui faisant remarquer qu’il était temps qu’elle coopère avec les FARC et qu’elle fournisse la liste des résidents, ainsi que les codes électroniques qui permettent l’ouverture des portes de la maison de retraite.  On l’a avertie que si elle faisait quoi que ce soit de stupide elle serait tuée.

 

[2]        Bien qu’elle était convaincue que Mme Gomez est citoyenne de la Colombie, la Commission n’a pas jugé son témoignage crédible. Dans ses motifs, la Commission a décrit Mme Gomez comme étant confuse et celle-ci a souvent modifié son témoignage. La demande d’asile de Mme Gomez a donc été rejetée.

 

[3]        Les conclusions de la Commission quant à la crédibilité ne peuvent être modifiées que si elles sont manifestement déraisonnables. Pour les motifs suivants, je suis d’avis qu’un certain nombre de conclusions relatives à la crédibilité étaient manifestement déraisonnables. La présente demande de contrôle judiciaire est accueillie en raison d’un certain nombre d’erreurs qui touche à l’essence même de la demande de Mme Gomez et de la conclusion de la Commission selon laquelle les modifications apportées par Mme Gomez lors de son témoignage montrent qu’elle n’était pas crédible.

 

[4]        Voici des exemples de conclusions relatives à la crédibilité qui sont manifestement déraisonnables :

1.      La Commission a indiqué que Mme Gomez ne pouvait donner l’adresse de la maison de retraite où elle avait travaillé. Selon la Commission : « Elle a mentionné que la résidence était située dans le quartier de Buenos Aires, mais ne pouvait pas en fournir l’adresse. » En fait, la demanderesse a affirmé dans son témoignage que la maison de retraite se trouvait sur la rue [traduction] « Ayacoucho (phonétique) qui aboutissait dans une partie nommée Las Mellizas » [dossier du tribunal, p. 93].

 

2.       La Commission a tiré une conclusion défavorable du fait que Mme Gomez a tout d’abord affirmé que son superviseur était administrateur et infirmier pour ensuite affirmer qu’il était seulement gestionnaire. Cette conclusion est manifestement déraisonnable car, à la lecture en contexte du témoignage de Mme Gomez, rien de ce qu’elle a raconté n’empêche son superviseur d’être à la fois infirmier et cadre.

 

3.      La Commission n’a accordé aucune valeur à une lettre dans laquelle on confirmait l’expérience de travail de Mme Gomez parce que le contenu contredisait son témoignage selon lequel elle affirmait croire que la maison de retraite avait fermée en raison des actions des FARC. La lettre mentionnait seulement que les nouveaux propriétaires de l’immeuble ne connaissait pas le motif de la fermeture de la maison de retraite, ce qui ne contredit pas le témoignage de Mme Gomez. 

 

[5]        Dans ses motifs, la Commission a décrit Mme Gomez comme étant « visiblement nerveuse » pendant son témoignage et elle « a trouvé son comportement déconcertant ». L’examen de la transcription montre que Mme Gomez était confuse et agitée pendant qu’elle témoignait. Le fait que l’audience se soit tenue par vidéoconférence n’a pas aidé. Les interpellations fréquentes de l’interprète n’ont pas facilité le déroulement de l’audience non plus; celui-ci, en plus de demander différentes précisions des avocats et à la présidente de l’audience, a cru nécessaire de faire un commentaire en simultané à la présidente de l’audience, soulignant à un moment donné que la demanderesse était en larme et ajoutant, plus tard, sans qu’on lui demande :

[traduction] Je dois dire, pour les besoins de la Cour, Madame la Commissaire, que parfois la demanderesse fait des mimiques comme si elle prenait pour acquis que nous, je ne sais pas si c’est l’interprète ou nous tous, devrions comprendre ce qu’elle dit sans qu’elle n’ait besoin de le dire. Je ne sais pas comment expliquer ça exactement, mais je devais, selon moi, en faire part à la Cour. Même moi je perçois de la surprise de la part de la demanderesse lorsqu’elle se fait questionner, comme si tout était tellement évident et qu’aucune question ne devrait lui être posée. Quelque chose comme ça, Madame la Commissaire.

 

[6]        En l’espèce, je suis d’avis qu’il était déraisonnable de la part de la Commission, pour les motifs qu’elle a prononcés, de conclure que si Mme Gomez avait modifié son témoignage, c’était parce qu’elle mentait. Il est tout aussi probable que des facteurs tels que la nervosité de Mme Gomez, son âge, la dynamique de l’audience, la présence de l’interprète et les interventions fréquentes de celui-ci et de la présidente de l’audience pendant que son avocat lui posait des questions expliquent son témoignage confus, souvent décousu, qu’elle a parfois modifié.

 

[7]        Pour ces motifs, la demande de contrôle judiciaire sera accueillie. Les avocats n’ont proposé aucune question aux fins de certification et je conviens que la présente affaire n'en soulève aucune.

 

[8]        Dans les circonstances très particulières de la présente affaire, la Cour demande que la Commission fasse tout en son pouvoir pour veiller à ce que la nouvelle audience ne se déroule pas par vidéoconférence.

JUGEMENT

 

LA COUR STATUE que :

1.      La demande de contrôle judiciaire est accueillie et la décision de la Section de la protection des réfugiés rendue le 20 février 2006 est annulée.

 

2.      L’affaire est renvoyée à un tribunal différemment constitué de la Section de la protection des réfugiés qui n’a jamais présidé une audience concernant la demanderesse.

 

3.       Dans les circonstances très particulières de la présente affaire, la Cour demande que la Commission fasse tout en son pouvoir pour veiller à ce que la nouvelle audience ne se déroule pas par vidéoconférence.

 

4.      En raison des erreurs qu’ils contiennent, les motifs prononcés par la Section de la protection des réfugiés à l’appui de sa décision rendue le 20 février 2006 ne devront pas être transmis au tribunal différemment constitué qui statuera à nouveau sur l’affaire.

 

 

« Eleanor R. Dawson »

Juge

 

 

 

Traduction certifiée conforme

 

Caroline Tardif, LL.B, trad.


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                                    IMM-1372-06

 

INTITULÉ :                                                   OFELIA ROSA GOMEZ POSADA DE UPEGUI

                                                                        c. LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                             TORONTO (ONTARIO)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                           LE 31 JANVIER 2007

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                                          LE JUGE DAWSON

 

DATE DES MOTIFS :                                  LE 26 FÉVRIER 2007

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Terry Guerriero

 

POUR LA DEMANDERESSE

Vanita Goela

 

POUR DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Terry Guerriero

Avocat

London (Ontario)

 

POUR LA DEMANDERESSE

John H. Simms, c.r.

Sous-procureur général du Canada

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.