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Date : 20070130

Dossier : IMM-3600-06

Référence : 2007 CF 88

ENTRE :

REN KUN ZUO

demandeur

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

 

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

 

Le juge Pinard

 

[1]               Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire relative à une décision en date du 18 avril 2006 par laquelle une agente des visas (l’agente) a refusé la demande de permis d’études du demandeur au motif que celui-ci ne l’avait pas convaincue qu’il était un véritable visiteur qui quittera le Canada à la fin de la période de séjour autorisée.

 

[2]               Ren Kun Zuo, le demandeur, est citoyen de la République populaire de Chine (RPC). Le 24 mars 2006, il a présenté une demande de permis d’études afin d’étudier l’anglais pendant un an à Vancouver. Il souhaitait s’inscrire à un programme d’études supérieures à la University of British Columbia (UBC) après avoir terminé une année d’études linguistiques intensives.

 

[3]               Le père du demandeur est le juge en chef du tribunal populaire de Jimo, dans la province de Shandong (RPC). Selon les affidavits que le demandeur et son père ont déposés, la famille fait partie depuis longtemps de la fonction publique. Le père du demandeur s’attend à ce que celui-ci se joigne à la fonction publique de la Chine et le demandeur nourrit également cet espoir.

 

[4]               La famille du demandeur jouit d’un niveau de vie élevé en Chine. Les parents du demandeur ont économisé plus de 80 000 $ et étaient disposés à se servir de cette somme pour permettre à leur fils d’étudier à l’étranger.

 

[5]               Le demandeur a obtenu un diplôme en journalisme sportif au Collège d’éducation physique de Wuhan en juin 2006. Au cours du dernier semestre qu’il a passé au collège, il a demandé un permis d’études et mentionné qu’il avait l’intention d’étudier l’anglais au UBC English Language Institute situé à Vancouver.

 

[6]               Un plan d’études (le plan d’études) était joint à la demande. Dans ce plan, le demandeur décrit son intérêt pour le journalisme sportif et son désir de parfaire ses connaissances dans ce domaine en étudiant à l’étranger. Il y précise également qu’il devra, à cette fin, améliorer sa connaissance de l’anglais et qu’il souhaite pouvoir s’inscrire à un programme d’études supérieures à la School of Journalism ou à la Saunder School of Business de la UBC après avoir amélioré son anglais pendant un an.

 

[7]               Les dispositions pertinentes de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (la Loi), sont ainsi libellées :

 

20. (1) L’étranger non visé à l’article 19 qui cherche à entrer au Canada ou à y séjourner est tenu de prouver :

 

 

20. (1) Every foreign national, other than a foreign national referred to in section 19, who seeks to enter or remain in Canada must establish,

 

b) pour devenir un résident temporaire, qu’il détient les visa ou autres documents requis par règlement et aura quitté le Canada à la fin de la période de séjour autorisée.

(b) to become a temporary resident, that they hold the visa or other document required under the regulations and will leave Canada by the end of the period authorized for their stay.

22. (1) Devient résident temporaire l’étranger dont l’agent constate qu’il a demandé ce statut, s’est déchargé des obligations prévues à l’alinéa 20(1)b) et n’est pas interdit de territoire.

22. (1) A foreign national becomes a temporary resident if an officer is satisfied that the foreign national has applied for that status, has met the obligations set out in paragraph 20(1)(b) and is not inadmissible.

(2) L’intention qu’il a de s’établir au Canada n’empêche pas l’étranger de devenir résident temporaire sur preuve qu’il aura quitté le Canada à la fin de la période de séjour autorisée.

(2) An intention by a foreign national to become a permanent resident does not preclude them from becoming a temporary resident if the officer is satisfied that they will leave Canada by the end of the period authorized for their stay.

 

[8]               Voici les dispositions pertinentes du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002-227 (le Règlement) :

 

216. (1) Sous réserve des paragraphes (2) et (3), l’agent délivre un permis d’études à l’étranger si, à l’issue d’un contrôle, les éléments suivants sont établis :

216. (1) Subject to subsections (2) and (3), an officer shall issue a study permit to a foreign national if, following an examination, it is established that the foreign national

a) …

(a) …

b) il quittera le Canada à la fin de la période de séjour qui lui est applicable au titre de la section 2 de la partie 9;

(b) will leave Canada by the end of the period authorized for their stay under Division 2 of Part 9;

219. (1) Le permis d’études ne peut être délivré à l’étranger que si celui-ci produit une attestation écrite de son acceptation émanant de l’établissement d’enseignement où il a l’intention d’étudier.

219. (1) Subject to subsection (2), a study permit shall not be issued to a foreign national unless they have written documentation from the educational institution at which they intend to study that states that they have been accepted to study there.

 

 

[9]               Dans une décision rendue le 18 avril 2006, l’agente a conclu que le demandeur n’avait pas respecté l’exigence de la Loi selon laquelle la personne désirant obtenir un permis d’études doit établir qu’elle veut rester au Canada uniquement sur une base temporaire.

 

[10]           L’agente a souscrit un affidavit dans lequel elle a confirmé l’exactitude et la véracité des notes qu’elle a consignées dans le Système de traitement informatisé des dossiers d’immigration (STIDI). Voici le texte des notes en question :

[traduction] LE DEMANDEUR TERMINE ACTUELLEMENT LE DERNIER SEMESTRE D’UN PROGRAMME UNIVERSITAIRE DE QUATRE ANS EN CHINE. IL A ÉTÉ ACCEPTÉ DANS UN PROGRAMME DE LANGUE ANGLAISE D’UN AN AU CANADA. DANS SON PLAN D’ÉTUDES, LE DEMANDEUR MENTIONNE QU’IL DÉSIRE SE SPÉCIALISER DANS LE JOURNALISME SPORTIF ET FAIRE UNE MAÎTRISE EN ADMINISTRATION DES AFFAIRES AU CANADA. CEPENDANT, LE DOSSIER NE COMPORTE AUCUNE LETTRE D’ACCEPTATION CONDITIONNELLE DANS UN PROGRAMME D’ÉTUDES SUPÉRIEURES. DE PLUS, IL N’Y A AUCUNE GARANTIE QUE LE DEMANDEUR SERA ADMIS DANS UN PROGRAMME DE CETTE NATURE DANS UNE UNIVERSITÉ DU CANADA PLUS TARD. PAR AILLEURS, DES PROGRAMMES D’APPRENTISSAGE DE L’ANGLAIS DISPENSÉS PAR DES ENSEIGNANTS DONT C’EST LA LANGUE MATERNELLE SONT FACILEMENT ACCESSIBLES MAINTENANT EN CHINE À UN COÛT BEAUCOUP MOINS ÉLEVÉ.

 

JE NE SUIS PAS CONVAINCUE QU’UN INVESTISSEMENT DE CETTE AMPLEUR EST LOGIQUE. LES POSSIBILITÉS ÉCONOMIQUES ET LE NIVEAU DE VIE SUPÉRIEUR QUI EXISTENT AU CANADA CONSTITUENT DES AVANTAGES POUVANT INCITER FORTEMENT LE DEMANDEUR À CHERCHER À RESTER AU CANADA. JE NE SUIS PAS CONVAINCUE QUE LE DEMANDEUR NE TENTE PAS D’OBTENIR UN PERMIS D’ÉTUDES OU DE VOYAGE AFIN D’ENTRER PLUS FACILEMENT AU CANADA ET DE S’ÉTABLIR ICI PAR TOUS LES MOYENS DISPONIBLES.

 

 

[11]           Il est bien reconnu en droit qu’il appartient au demandeur de fournir à l’agent des visas tous les renseignements pertinents afin de le convaincre qu’il respecte les exigences de la Loi et du Règlement. Selon l’alinéa 216(1)b) du Règlement, le demandeur doit prouver qu’il quittera le Canada à la fin de la période de séjour qui lui est applicable. L’agente a refusé la demande de permis d’études du demandeur au motif que cette exigence n’avait pas été respectée.

 

[12]           Bien que le fardeau de la preuve incombe au demandeur, la décision de l’agente selon laquelle le demandeur ne pouvait pas être considéré comme un véritable visiteur doit être fondée sur certains éléments de preuve, faute de quoi elle sera manifestement déraisonnable. Selon les motifs figurant dans les notes du STIDI, pour décider que le demandeur n’avait pas prouvé qu’il était un véritable visiteur, l’agente s’est fondée sur les quatre conclusions de fait suivantes :

1)      le demandeur n’a pas fourni de lettre d’acceptation conditionnelle dans un programme d’études supérieures au Canada;

2)      des programmes d’apprentissage de l’anglais répondant aux besoins du demandeur sont accessibles en Chine;

3)      il était illogique pour les parents du demandeur de dépenser une grande partie de leurs économies pour permettre à leur fils d’étudier l’anglais à l’étranger;

4)      le demandeur pouvait être fortement tenté de rester au Canada en raison du niveau de vie élevé et des possibilités économiques qui existent ici.

 

 

A.  Lettre d’acceptation conditionnelle dans un programme d’études supérieures

 

[13]           Dans ses notes du STIDI, l’agente souligne ce qui suit :

[traduction] . . . DANS SON PLAN D’ÉTUDES, LE DEMANDEUR MENTIONNE QU’IL DÉSIRE SE SPÉCIALISER DANS LE JOURNALISME SPORTIF ET FAIRE UNE MAÎTRISE EN ADMINISTRATION DES AFFAIRES AU CANADA. CEPENDANT, LE DOSSIER NE COMPORTE AUCUNE LETTRE D’ACCEPTATION CONDITIONNELLE DANS UN PROGRAMME D’ÉTUDES SUPÉRIEURES. DE PLUS, IL N’Y A AUCUNE GARANTIE QUE LE DEMANDEUR SERA ADMIS DANS UN PROGRAMME DE CETTE NATURE DANS UNE UNIVERSITÉ DU CANADA PLUS TARD.

 

 

[14]           Le demandeur soutient que l’agente n’aurait pas dû tenir compte de l’absence de lettre d’acceptation conditionnelle pour en arriver à sa décision, étant donné que le demandeur avait déjà satisfait à l’exigence énoncée au paragraphe 219(1) en fournissant une lettre du UBC Language Institute.

 

[15]           Il appert manifestement des notes de l’agente que celle-ci n’a pas refusé la demande de permis d’études du demandeur parce qu’elle estimait que l’exigence énoncée au paragraphe 219(1) n’avait pas été respectée. L’agente était plutôt préoccupée par la lettre d’acceptation conditionnelle parce que, à son avis, cette lettre appuierait le plan d’études du demandeur, de sorte qu’en l’absence de lettre de cette nature, le plan en question n’était peut-être pas raisonnable.

 

[16]           Le défendeur a cité l’arrêt de la Cour d’appel fédérale Wong (Tuteur à instance) c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1999] A.C.F. n° 1049 (QL), pour soutenir que les objectifs à long terme constituent un facteur valide et pertinent à prendre en compte pour chercher à savoir si une personne qui sollicite un permis d’études est « un visiteur authentique au sens du paragraphe 2(1) de la Loi, à savoir une personne qui cherche à entrer au Canada à titre temporaire ».

 

[17]           Dans l’arrêt Wong, la Cour d’appel fédérale est arrivée à la conclusion suivante :

[13]     Nous sommes fermement convaincus que l'agent des visas a compétence, même dès la première demande d'un tel visa, pour examiner l'ensemble des circonstances, y compris l'objectif à long terme du demandeur. Un tel objectif est un élément pertinent, bien que non concluant, qu'il faut soupeser avec tous les autres faits et facteurs pour déterminer si le demandeur est un visiteur au sens de la Loi.

 

 

[18]           La conclusion tirée dans l’arrêt Wong montre clairement que l’agent des visas a le droit de tenir compte des objectifs à long terme du demandeur; toutefois, dans cet arrêt, l’objectif à long terme dont l’agent des visas a tenu compte était l’espoir de la mère du demandeur que celui-ci poursuive des études au Canada de la 5e année jusqu’à l’université. L’agent des visas a conclu dans cette affaire que, si le demandeur restait au Canada de la 5e année jusqu’à la fin de ses études universitaires, il n’aurait plus de liens avec Hong Kong et voudrait vraisemblablement vivre en permanence au Canada, puisqu’il aurait des liens plus forts avec le Canada qu’avec Hong Kong. Dans l’arrêt Wong, l’objectif à long terme de la mère du demandeur était directement lié à la question de savoir si celui-ci quitterait vraisemblablement le Canada à la fin de la période de séjour autorisée. Dans la présente affaire, aucun lien de cette nature n’existe. L’objectif à long terme du demandeur, soit poursuivre des études supérieures au Canada, ne permet pas de savoir d’une façon ou d’une autre si le demandeur quittera probablement ou non le Canada à l’expiration de la période de séjour autorisée. L’agente avait le droit d’examiner les objectifs à long terme du demandeur; cependant, la conclusion de l’agente selon laquelle celui-ci resterait peut-être au Canada après la période de séjour autorisée parce que l’objectif qu’il visait, soit poursuivre des études supérieures, n’était pas réaliste est une conclusion illogique qui ne repose sur aucun fondement.

 

[19]           Le défendeur ajoute que la preuve de la compétence du demandeur en anglais était pertinente quant à l’évaluation du caractère raisonnable du plan d’études qu’il a présenté. Étant donné que la décision et les notes du STIDI de l’agente ne montrent nullement qu’elle a tenu compte de ce facteur pour en arriver à sa décision, je ne vois aucune raison d’examiner cet argument.

 

B.  L’existence de programmes d’anglais appropriés en Chine

[20]           Les notes du STIDI de l’agente donnent à penser que, de l’avis de celle-ci, il n’était pas nécessaire que le demandeur étudie l’anglais au Canada pour atteindre les objectifs énoncés dans son plan d’études :

DANS SON PLAN D’ÉTUDES, LE DEMANDEUR MENTIONNE QU’IL DÉSIRE SE SPÉCIALISER DANS LE JOURNALISME SPORTIF ET FAIRE UNE MAÎTRISE EN ADMINISTRATION DES AFFAIRES AU CANADA. CEPENDANT, LE DOSSIER NE COMPORTE AUCUNE LETTRE D’ACCEPTATION CONDITIONNELLE DANS UN PROGRAMME D’ÉTUDES SUPÉRIEURES. DE PLUS, IL N’Y A AUCUNE GARANTIE QUE LE DEMANDEUR SERA ADMIS DANS UN PROGRAMME DE CETTE NATURE DANS UNE UNIVERSITÉ DU CANADA PLUS TARD. PAR AILLEURS, DES PROGRAMMES D’APPRENTISSAGE DE L’ANGLAIS DISPENSÉS PAR DES ENSEIGNANTS DONT C’EST LA LANGUE MATERNELLE SONT FACILEMENT ACCESSIBLES MAINTENANT EN CHINE À UN COÛT BEAUCOUP MOINS ÉLEVÉ.

 

 

[21]           Dans son affidavit, l’agente s’exprime comme suit : [traduction] « Je n’étais pas convaincue à la lumière de la documentation jointe à la demande qu’il était nécessaire ou logique que le demandeur suive le cours d’anglais pour atteindre les objectifs énoncés dans son plan d’études. » L’agente semble avoir conclu que le cours n’était pas nécessaire pour permettre au demandeur d’atteindre les objectifs qu’il a énoncés, et qu’il lui suffirait de suivre un cours beaucoup moins coûteux en Chine pour répondre à ses besoins.

 

[22]           Le défendeur soutient qu’il est raisonnable de la part des agents des visas de tenir compte de la disponibilité de programmes semblables et moins coûteux ailleurs et invoque à cet égard la décision Tran c. Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration, 2006 CF 1377, où mon collègue le juge Shore a décidé que l’agent des visas n’avait pas commis d’erreur en tenant compte de la disponibilité de programmes semblables, en l’occurrence, des programmes de gestion culinaire, ailleurs à un coût moindre. Dans Yue c. Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration, 2005 CF 289, le juge Phelan a décidé qu’il n’était pas déraisonnable de la part de l’agent des visas d’interroger la demanderesse sur le choix qu’elle avait fait, soit un cours d’anglais coûteux au Canada, alors que des cours d’anglais langue seconde étaient disponibles en Chine.

 

[23]           Je conviens qu’il n’est pas déraisonnable de la part d’un agent des visas de tenir compte de la disponibilité de programmes semblables offerts ailleurs à un coût moindre; cependant, ce fait ne sera pas nécessairement déterminant. S’il l’était, bon nombre, sinon la plupart des demandes de permis d’études pourraient être refusées pour ce motif. De plus, les personnes qui choisissent des programmes d’études peuvent fonder leur choix sur des facteurs autres que le coût du programme. La disponibilité de programmes semblables ailleurs à un coût inférieur est simplement un facteur que l’agent des visas peut prendre en compte au cours de l’évaluation des motifs qui incitent un demandeur à solliciter un permis d’études.

 

C.  La logique de l’investissement

[24]           L’agente a également conclu que le demandeur ne quitterait peut-être pas le Canada avant la fin de la période de séjour autorisée parce que le coût du programme d’anglais offert au UBC Language Institute n’était pas un investissement logique.

 

[25]           Selon le raisonnement de l’agente, il est illogique pour des étudiants étrangers de venir au Canada pour s’inscrire dans un programme d’apprentissage de l’anglais, parce qu’ils peuvent généralement trouver des programmes d’anglais satisfaisants à un coût beaucoup plus bas dans leurs propres pays. Je ne puis souscrire à ce raisonnement. D’abord, il ne tient pas compte du fait évident que l’apprentissage de l’anglais à Vancouver, où l’anglais est la langue plus souvent parlée, permet à l’étudiant de bénéficier d’un environnement par excellence à cette fin. Cet environnement ne peut tout simplement pas être offert en Chine, même s’il y a là-bas des programmes d’anglais dispensés par des locuteurs natifs. En deuxième lieu, il n’appartient pas à l’agent des visas de déterminer la valeur de l’apprentissage de l’anglais pour un demandeur donné. Comme l’a dit le juge Rouleau dans Liu c. Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration, 2001 CFPI 1262 :

[16]     Affirmer que le plan d=études envisagé n=est pas justifié compte tenu de son coût est presque absurde. Il n=appartient pas à l=agente des visas de déterminer combien une personne doit dépenser pour améliorer son sort. Il s=agit d=une observation purement subjective et irrationnelle.

 

 

[26]           Le père du demandeur a souligné dans son affidavit qu’il regrettait de ne pas pouvoir communiquer en anglais lorsqu’il participait à des échanges internationaux dans le cadre de son travail et qu’à ses yeux, la capacité de communiquer en anglais avait une grande valeur. De toute évidence, le père du demandeur est convaincu que la capacité de travailler en anglais est un outil précieux. La décision de l’agente des visas selon laquelle il serait illogique de la part des parents du demandeur d’affecter environ 30 000 $ de leurs économies de 80 000 $ à l’éducation de leur fils est manifestement déraisonnable. De plus, cette conclusion n’est pas pertinente quant à la question que l’agente devait trancher, soit celle de savoir s’il existe des éléments de preuve permettant de dire que le demandeur resterait au Canada après la période de séjour autorisée.

 

D.  Le niveau de vie élevé et les possibilités économiques constituent des stimulants incitant le demandeur à rester au Canada

 

[27]           Dans la même veine, la conclusion de l’agente selon laquelle le demandeur ne quitterait pas le Canada avant la fin de la période de séjour autorisée en raison des possibilités économiques et du niveau de vie élevé ici est manifestement déraisonnable. La famille du demandeur est bien nantie et jouit d’un niveau de vie élevé en Chine. Le demandeur a fait des études et sa famille a des liens importants avec le gouvernement local. Le demandeur ne manque pas d’appuis ou de possibilités en Chine. La Cour a examiné à plusieurs reprises la situation de la famille d’un demandeur pour savoir si celui-ci quittera le Canada avant la fin de la période de séjour autorisée et il appert de ces examens que, lorsque la famille d’un demandeur est bien établie et bien nantie, la probabilité est plus grande que le demandeur quitte le Canada avant la fin de la période de séjour autorisée (voir, par exemple, Guo c. Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration, 2001 CFPI 1353, et Zhang c. Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration, 2003 CF 1393). Cette conclusion repose sur la présomption selon laquelle le demandeur qui jouit d’un niveau de vie élevé dans son pays natal est moins incité à chercher à s’établir au Canada. En l’espèce, l’agente a décidé qu’il y avait un risque que le demandeur cherche à rester au Canada après la période de séjour autorisée, parce qu’il est attiré par le niveau de vie élevé au Canada, mais elle n’a pas tenu compte du niveau de vie dont il bénéficiait en Chine.

 

E.  Les liens avec la Chine

[28]           Le défendeur fait valoir que le décideur n’est pas tenu de mentionner l’ensemble de la preuve examinée et que, par conséquent, l’absence de mention des liens du demandeur avec la Chine ne signifie pas que l’agente n’a pas tenu compte de ce facteur. Selon le défendeur, l’agente a déclaré dans son affidavit qu’elle avait examiné les liens du demandeur avec la Chine et soupesé ce facteur avec d’autres éléments pour tirer sa conclusion; cependant, les notes du STIDI ne comportent aucune indication du fait que l’agente a tenu compte des liens du demandeur avec la Chine pour en arriver à sa décision.

 

[29]           Dans la décision Zhang, précitée, le juge Blais a accueilli une demande de contrôle judiciaire relative à une décision portant rejet d’une demande de permis d’études au motif que l’agent n’avait pas véritablement essayé de déterminer si le demandeur avait des liens étroits avec la Chine. Voici comment il s’est exprimé aux paragraphes 21 et 22 :

[21]     Le demandeur en l'espèce a clairement expliqué pourquoi il retournerait en Chine : son père, qui finance entièrement ses études, s'attend à ce qu'il revienne l'aider dans l'entreprise familiale, grâce à la connaissance des marchés occidentaux qu'il aura acquise au Canada. Le demandeur ne connaît personne au Canada, sauf l'ami de son père. Il n'a pas manifesté l'intérêt de rester au Canada après ses études et il n'a pas non plus montré qu'il avait des raisons d'y rester.

 

[22]     Je conclus, d'après ses notes au STIDI, son affidavit et son contre-interrogatoire, que l'agent des visas n'a pas véritablement essayé de déterminer si le demandeur avait des liens étroits avec la Chine. Le fardeau de la preuve incombe au demandeur en vertu de la Loi. Le demandeur a fait de son mieux pour s'acquitter de ce fardeau, en expliquant pourquoi il retournerait en Chine pour travailler avec son père et en établissant que l'objectif relatif à la poursuite de ce programme d'études était clairement lié à son emploi futur en Chine. J'estime que l'agent n'a pas suffisamment tenu compte du lien manifestement étroit qui existe entre le demandeur et son père.

 

 

[30]           La situation examinée en l’espèce est semblable à celle de l’affaire Zhang. Le demandeur a mentionné dans sa demande ses liens avec la Chine. Il a précisé qu’il avait une petite amie en Chine et que, plus tard, il avait l’intention de promouvoir le basketball dans sa ville natale de Qingdao et de révolutionner le journalisme sportif en Chine. Il a ajouté que ses parents s’attendaient à ce qu’il suive leur exemple et devienne fonctionnaire.

 

[31]           En conclusion, je suis d’avis qu’examinées ensemble, les erreurs suivantes font de la décision de l’agente une décision manifestement déraisonnable, eu égard aux circonstances particulières de la présente affaire :

  1. la conclusion défavorable que l’agente a tirée du fait que le demandeur n’avait pas fourni de lettre d’acceptation conditionnelle dans un programme d’études supérieures à la UBC;
  2. la conclusion de l’agente selon laquelle le plan d’études du demandeur était illogique;
  3. la conclusion de l’agente selon laquelle il y avait un risque que le demandeur prolonge son séjour au Canada en raison des possibilités économiques et du niveau de vie élevé qui existent ici;
  4. l’omission de l’agente de tenir compte des liens du demandeur avec la Chine.

 

 

[32]           Ces erreurs justifient l’intervention de la Cour et, par conséquent, la demande de contrôle judiciaire est accueillie et l’affaire est renvoyée à un agent des visas différent pour qu’il réexamine la question conformément aux présents motifs.

 

 

 

 

« Yvon Pinard »

Juge

 

Ottawa (Ontario)

Le 30 janvier 2007

 

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Alphonse Morissette, LL.L, trad. a.

 

 

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        IMM-3600-06

 

INTITULÉ :                                       REN KUN ZUO c. LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Vancouver (Colombie-Britannique)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               le 18 janvier 2007

 

MOTIFS DU JUGEMENT :                        Monsieur le juge Pinard

 

DATE DES MOTIFS :                      le 30 janvier 2007

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Andrew Wlodyka

Bonnie Teng                                                     POUR LE DEMANDEUR

 

Marjan Double                                                 POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

LOH & COMPANY                                       POUR LE DEMANDEUR

Vancouver (Colombie-Britannique)

 

John H. Sims, c.r.                                             POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

 

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