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Date : 20070103

Dossier : T-262-06

Référence : 2007 CF 2

ENTRE :

GENENCOR INTERNATIONAL INC.

appelante

 

et

 

LE COMMISSAIRE AUX BREVETS

intimé

MOTIFS DE L’ORDONNANCE

LE PROTONOTAIRE MORNEAU

 

[1]               L’unique intimé dans la présente affaire, le Commissaire aux brevets (le commissaire), a présenté, en vertu des articles 3, 8 et 351 des Règles des Cours fédérales (les Règles), une requête pour être autorisé à produire dans le présent appel des éléments de preuve sur une question de fait.

 

[2]               Par modification apportée à cette requête, l’intimé voudrait aussi obtenir une prorogation du délai prévu par le paragraphe 346(2) des Règles pour la signification et le dépôt de son mémoire des faits et du droit. Ce dernier aspect de la requête n’est pas contesté.

 

Les faits

 

[3]               Le 15 avril 2004, Novozymes A/S (Novozymes) a demandé, conformément à l’article 48.1 de la Loi sur les brevets, L.R.C. 1985, ch. P-4, dans son état modifié (la Loi sur les brevets), le réexamen du brevet portant le numéro 2,093,422, délivré à l’appelante, Genencor International, Inc. (Genencor).

 

[4]               L’article 48.1 de la Loi sur les brevets est ainsi libellé :

48.1 (1) Chacun peut demander le réexamen de toute revendication d’un brevet sur dépôt, auprès du commissaire, d’un dossier d’antériorité constitué de brevets, de demandes de brevet accessibles au public et d’imprimés et sur paiement des taxes réglementaires.

(2) La demande énonce la pertinence du dossier et sa correspondance avec les revendications du brevet.

(3) Sur réception de la demande, le commissaire en expédie un double au titulaire du brevet attaqué, sauf si celui-ci est également le demandeur.

 

48.1 (1) Any person may request a re-examination of any claim of a patent by filing with the Commissioner prior art, consisting of patents, applications for patents open to public inspection and printed publications, and by paying a prescribed fee.

(2) A request for re-examination under subsection (1) shall set forth the pertinency of the prior art and the manner of applying the prior art to the claim for which re-examination is requested.

(3) Forthwith after receipt of a request for re-examination under subsection (1), the Commissioner shall send a copy of the request to the patentee of the patent in respect of which the request is made, unless the patentee is the person who made the request.

 

 

[5]               Un conseil de réexamen (le conseil) a alors été dûment constitué par le commissaire.

 

[6]               Le 16 novembre 2005, le conseil a rendu sa décision dans laquelle il concluait que toutes les revendications du brevet se heurtaient à une antériorité, et il a donc annulé toutes ces revendications.

 

[7]               Le 14 février 2006, Genencor a fait appel devant la Cour de la décision du conseil et a désigné le commissaire comme unique intimé.

 

[8]               Le 30 mai 2006, Novozymes a déposé une requête pour être ajoutée comme partie intimée ou comme intervenante. Cette requête a été instruite le 5 juin 2006 et, le 13 juillet 2006, j’ai rendu une décision statuant que Novozymes devait être considérée, en application de l’alinéa 338(1)a) des Règles, comme une partie dans la première instance qui avait dans le présent appel des intérêts opposés à ceux de Genencor. J’ai donc rendu une ordonnance ajoutant Novozymes comme partie intimée dans le présent appel.

 

[9]               Ma décision a cependant été annulée par jugement de la Cour le 24 août 2006. Novozymes a fait appel de ce jugement devant la Cour d’appel fédérale. À aucune époque pertinente le commissaire n’a été retiré en tant que partie intimée.

 

[10]           Dans le rappel des faits accompagnant ma décision du 13 juillet 2006, je faisais observer que, tout au long de la procédure suivie par le conseil, Novozymes avait reçu copie des pièces communiquées par le conseil à Genencor. Cela avait, semble-t-il, incité Novozymes, à deux reprises, à savoir le 14 mars 2005 et le 29 septembre 2005, à envoyer des observations (les observations de Novozymes) au conseil, sans en envoyer copie à Genencor. Dans sa forme actuelle, le dossier ne révèle pas ni ne précise quelle mesure le conseil a prise lorsqu’il a reçu les observations de Novozymes.

 

[11]           Estimant, semble-t-il, qu’en rendant sa décision du 16 novembre 2005 le conseil avait pris en compte les observations de Novozymes, Genencor, après autorisation, a déposé le 8 août 2006 un avis d’appel modifié où elle affirme que le conseil avait négligé de suivre la procédure énoncée aux articles 48.1 à 48.4 de la Loi sur les brevets et avait manqué aux principes de justice naturelle et d’équité procédurale. Genencor affirmait plus exactement ce qui suit :

[traduction]

4.      « L’appelante soutient que, lorsqu’il a rendu sa décision, le conseil de réexamen n’a pas suivi la procédure énoncée aux articles 48.1 à 48.5 de la Loi sur les brevets, plus précisément :

 

a.       Le conseil de réexamen a commis une erreur en acceptant et en considérant les nouvelles pièces et preuves soumises par la requérante Novozymes A/S après qu’elle eut présenté sa demande initiale de réexamen en vertu de l’article 48.1.

 

5.      L’appelante prétend que, lorsque le conseil de réexamen a rendu sa décision après avoir accepté et considéré les observations complémentaires soumises par la requérante Novozymes le 14 mars 2005 et le 29 septembre 2005, il a manqué aux principes de justice naturelle et d’équité procédurale parce qu’il n’a pas informé l’appelante de ces observations.

 

6.      L’appelante soutient que, lorsqu’il a rendu sa décision, le conseil de réexamen a manqué aux principes de justice naturelle et d’équité procédurale parce qu’il ne lui a pas donné l’occasion de répondre aux observations adverses présentées contre elle, comme elle pouvait le faire conformément au paragraphe 48.2(5) de la Loi sur les brevets. »

[12]           Le dossier d’appel supplémentaire de Genencor a été signifié le 25 août 2006, et son mémoire modifié des faits et du droit le 10 octobre 2006. Par lettre datée du 8 novembre 2006, le commissaire a précisé au départ qu’il ne présenterait pas de mémoire des faits et du droit, mais déposerait une requête afin de pouvoir produire dans le présent appel des éléments de preuve sur une question de fait.

 

Analyse

 

[13]           Si je comprends bien la situation actuelle, Genencor dit que le conseil, établi sous l’autorité du commissaire, a accepté et pris en compte les observations de Novozymes pour arriver à sa décision du 16 novembre 2005.

[14]           Comme je l’ai dit précédemment, le dossier que la Cour a devant elle ne dit pas ce que le commissaire a vraiment fait des observations de Novozymes.

[15]           L’extrait suivant de la décision du conseil du 16 novembre 2005 semble indiquer cependant que le conseil n’a pas pris en compte les observations de Novozymes pour arriver à sa décision et que la seule pièce dont il a tenu compte pour ce qui concerne Novozymes fut la demande de réexamen initiale de Novozymes, datée du 15 avril 2004 :

[traduction] Conformément au paragraphe 48.2(2) de la Loi sur les brevets, le conseil de réexamen a étudié plus avant la demande de réexamen des revendications 1 à 21 du brevet portant le numéro 2,093,422, ainsi que les commentaires du breveté figurant dans les réponses datées du 3 décembre 2004 et du 9 août 2005. Le conseil a décidé que la demande soulève encore un nouveau point de fond vis-à-vis de la brevetabilité de ces revendications.

 

(Non souligné dans l’original.)

[16]           Comme je le disais au paragraphe [37] de ma décision datée du 13 juillet 2006, le commissaire n’entendait pas, à juste titre, défendre dans le présent appel le bien-fondé de la décision du conseil.

[17]           Telle est encore sa position, et la preuve qu’il voudrait maintenant produire dans le présent appel, à savoir un affidavit daté du 24 novembre 2006, établi par un certain Murray Wilson, l’actuel président de la Commission d’appel des brevets, au Bureau des brevets (l’affidavit Wilson), ne modifie pas cette situation.

[18]           Je crois comprendre que l’affidavit Wilson apporte ce que l’on pourrait considérer comme une description objective du cadre réglementaire régissant le processus de réexamen, ainsi que du déroulement effectif du processus dans la présente affaire.

[19]           Seul le commissaire, qui en outre se trouve être l’unique intimé désigné par Genencor dans le présent appel, détiendrait les renseignements pertinents propres à informer la Cour de l’opinion avancée maintenant par Genencor selon laquelle le conseil a bel et bien reçu et pris en compte les observations de Novozymes.

[20]           Aux paragraphes 6 à 8 de l’affidavit Wilson, la Cour serait informée de ce qui suit :

[traduction]

6.      Durant le processus de réexamen, toute correspondance qui a été envoyée au breveté a aussi été envoyée à la requérante par courtoisie. La requérante reçoit toujours un double de la correspondance adressée au breveté par le conseil de réexamen, pour lui faire savoir que le processus de réexamen suit son cours. À aucun moment après le début du processus de réexamen une correspondance n’a été adressée directement à la requérante, et la requérante n’a pas non plus été invitée à répondre à quelque correspondance que le conseil de réexamen lui avait envoyée par courtoisie.

 

7.      À diverses étapes du processus de réexamen, la requérante a produit des pièces additionnelles, de sa propre initiative. Le conseil de réexamen n’a jamais confirmé par écrit à la requérante la réception de ces pièces et, de façon générale, comme toutes les observations se rapportant à un dossier de brevet, les pièces en question ont été versées dans le dossier de brevet.

 

8.      Le conseil de réexamen n’a pas pris en compte les pièces additionnelles accompagnant les observations ultérieures de la requérante. Le Bureau n’a aucun droit de regard sur les observations déposées par quiconque, et il reçoit régulièrement des pièces, qui sont versées dans le dossier de brevet sans autre examen. L’article 10 de la Loi sur les brevets prévoit que les documents relatifs à un brevet qui sont déposés au Bureau des brevets doivent pouvoir y être consultés, indépendamment de tout examen ultérieur.

      (Non souligné dans l’original.)

[21]           Il m’apparaît que la preuve contenue dans l’affidavit Wilson intéresse les points nouveaux soulevés par Genencor le 8 août 2006, parce qu’elle renseigne la Cour sur le cadre réglementaire et le déroulement du processus de réexamen suivi dans la présente affaire. À mon avis, cet affidavit n’aborde pas d’une manière inopportune des aspects sur lesquels le commissaire ne devrait pas se pencher.

[22]           Comme l’écrivait la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt Genex c. Canada (Procureur général), 2005 CAF 283, aux paragraphes 66 et 67 :

[66] Que ce soit dans des procédures de contrôle judiciaire ou d’appel, l’organisme fédéral qui a rendu une décision n’est pas habilité à venir défendre la décision qu’il a rendue, encore moins à se justifier. Comme le disait le juge Estey dans l’affaire Northwestern Utilities Ltd. et autre c. Ville d’Edmonton, [1979] 1 R.C.S. 684, à la page 709, où l’organisme avait présenté en appel une argumentation détaillée et approfondie à l’appui de sa décision, « une participation aussi active ne peut que jeter le discrédit sur l’impartialité d’un tribunal administratif lorsque l’affaire lui est renvoyée ou lorsqu’il est saisi d’autres procédures concernant des intérêts et des questions semblables ou impliquant les mêmes parties ». L’organisme a le droit d’être représenté en appel, mais sa plaidoirie en principe doit se limiter à un exposé de sa compétence, de ses procédures et du déroulement de celle-ci.

[67] Même si le CRTC avait dans les procédures le statut d’intimé, notre Cour l’a en tout temps considéré comme une partie intervenante. À l’audience, à la demande de l’appelante, à laquelle le procureur du CRTC accédait, nous sommes convenus, en conséquence, de limiter les interventions du CRTC à un exposé objectif de sa compétence, du cadre réglementaire dans lequel il œuvre, de sa procédure et des faits indiquant la manière dont la procédure s’est déroulée devant lui.

(Non souligné dans l’original.)

[23]           Par ailleurs, de mon point de vue, la situation particulière dont il s’agit ici ne requiert pas l’application proprement dite du critère énoncé par la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt BC Tel c. La Bande indienne de Seabird Island, [2002] CAF 288, au paragraphe 28, où un critère à trois volets est établi pour la production de nouveaux éléments de preuve factuels en application de l’article 351 des Règles :

En général, une cour d’appel peut examiner de nouveaux éléments de preuve factuels s’il n’était pas possible de les découvrir plus tôt en faisant preuve d’une diligence raisonnable, s’ils sont pour ainsi dire déterminants quant à une question dans l’appel et, bien sûr, s’ils sont crédibles.

[24]           Il m’apparaît que ce critère est pertinent lorsqu’une partie qui était présente dans la procédure de première instance souhaite faire valoir de nouveaux éléments de preuve en appel. Ce fondement ne convient nullement à la situation du commissaire, eu égard aux nouvelles allégations soulevées par Genencor en août 2006.

[25]           En dernier lieu, je ne crois pas que Genencor serait lésée par le dépôt tardif de l’affidavit Wilson ou la production par le commissaire d’un mémoire des faits et du droit pouvant aider la Cour lorsqu’elle évaluera si le processus de réexamen exposé dans la Loi sur les brevets s’accorde avec les règles de l’équité procédurale et de la justice naturelle.

[26]           Considérant que l’avocate de Genencor a exprimé, à l’audience, la volonté de procéder sans doute à un contre-interrogatoire de M. Wilson sur son affidavit, j’autoriserai la tenue de ce contre-interrogatoire. Cependant, puisque cette requête n’a été formulée qu’à l’audience et qu’elle était motivée, d’après ce que je comprends, par la présumée imprécision de la première phrase du paragraphe 8 de l’affidavit Wilson, le contre-interrogatoire devra se limiter à cette première phrase.

[27]           Le commissaire n’a pas sollicité l’adjudication de dépens dans la présente requête, et aucuns dépens ne seront accordés.

[28]           Un calendrier des étapes à accomplir par suite de la présente décision sera établi dans l’ordonnance annexée.

« Richard Morneau »

Protonotaire

 

Montréal (Québec)

le 3 janvier 2007

 

 

Traduction certifiée conforme

Lynne Davidson-Fournier, traductrice-conseil

 

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        T-262-06

 

INTITULÉ :                                      GENENCOR INTERNATIONAL INC.

appelante

et

 

LE COMMISSAIRE AUX BREVETS

intimé

 

 

 

REQUÊTE JUGÉE SUR PIÈCES À MONTRÉAL, SANS LA COMPARUTION DES PARTIES

 

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                       LE PROTONOTAIRE MORNEAU

 

 

DATE DES MOTIFS :                     LE 3 JANVIER 2007

 

CONCLUSIONS ÉCRITES :

 

 

Hélène D’Iorio

 

POUR L’APPELANTE

Yolaine Williams

 

POUR L’INTIMÉ

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Gowling Lafleur Henderson LLP

Montréal (Québec)

 

POUR L’APPELANTE

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

Montréal (Québec)

 

POUR L’INTIMÉ

 

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