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Date : 20061220

Dossier : T-694-06

Référence : 2006 CF 1533

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 20 décembre 2006

En présence de madame la juge Tremblay-Lamer

 

 

ENTRE :

PAUL JOSEPH DUMAS

demandeur

et

 

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

défendeur

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

 

[1]               La présente est une demande de contrôle judiciaire conformément au paragraphe 18.1(1) de la Loi sur les Cours fédérales, L.R.C. 1985, ch. F-7, d’une décision rendue par un comité d’appel du Tribunal des anciens combattants (révision et appel) (TACRA). La décision, transmise à M. Paul Dumas (le demandeur) dans une lettre du 15 mars 2006 et après l’audience tenue le 21 février 2006, a rejeté l’appel du demandeur lié à une décision antérieure relative à l’examen de l’admissibilité datée du 6 octobre 2004, et à la demande initiale de pension du demandeur de février 1999.

 

LES FAITS

 

[2]               Le demandeur, M. Dumas, est né en 1940 et a servi dans la Force régulière d’octobre 1957 à novembre 1977. De 1959 à 1960, pour une période d’environ un an, il a travaillé comme assistant dentaire lorsqu’il était en service. Le demandeur a ensuite travaillé dans un entrepôt comme magasinier dentaire jusqu’à sa libération de la Force régulière en novembre 1977. Il a également servi dans la force de réserve de décembre 1977 à juin 1978.

 

[3]               En février 1999, le demandeur a revendiqué son droit à une pension d’invalidité en vertu du paragraphe 21(2) de la Loi sur les pensions, R.S.C. 1985, ch. P-6, annexe 1, dans laquelle il établissait un lien entre son asthme et une pneumonie qu’il avait eue pendant qu’il était en service. Plus précisément, le demandeur soutenait qu’il avait contracté une pneumonie parce qu’il n’a pas porté de masque quand il travaillait comme assistant dentaire en service en 1960, et que cela a mené à son affection pulmonaire actuelle. Cette revendication à trancher a été transmise au ministre des Anciens Combattants (le ministre) le 25 mai 1999.

 

[4]               Une première décision rejetant la revendication du demandeur a été rendue le 22 juin 1999. L’arbitre a conclu que la seule plainte médicale en service documentée du demandeur était un épisode de pneumonie et de bronchite; il n’y avait aucune autre plainte concernant ses poumons. Le diagnostic de maladie pulmonaire obstructive chronique (MPOC) légère du demandeur a été établi en 1999, environ vingt ans après avoir terminé son service. L’arbitre n’a trouvé aucune preuve selon laquelle les facteurs liés au service du demandeur avaient contribué à son état, qui était le plus communément associé à l’usage de la cigarette. Insatisfait de cette décision, le demandeur a demandé un examen de l’admissibilité, lequel a été entendu par le TACRA le 6 octobre 2004.

 

[5]               Dans son examen d’octobre 2004, le TACRA a noté qu’un examen radiographique daté du 5 août 1960 indiquait une pneumonie, bien qu’un examen radiographique du 30 août 1960 indique que la pneumonie avait été réglée et que les poumons semblaient normaux. Un rapport médical de 1962 ne notait aucune anormalité du système respiratoire. Une déclaration de médecin de mai 1999 a diagnostiqué la MPOC et de [traduction] « l’hyperactivité des voies respiratoires modérément forte ». Le demandeur a présenté de nouveaux éléments de preuve sous la forme d’une lettre datée du 23 juin 2004 du Dr William Yang, directeur général du Allergy and Asthma Research Centre à Ottawa, donnant l’avis médical de ce dernier selon lequel l’affection pulmonaire du demandeur [traduction] « pourrait très bien avoir été causée par son exposition non protégée à des irritants de l’air subis au cours de son emploi auprès des Forces armées canadiennes ».

 

[6]               Dans sa décision relative à l’examen de l’admissibilité d’octobre 2004, le TACRA a conclu que le demandeur avait été un fumeur qui fumait un paquet de cigarettes par jour pendant environ 17 ans et qu’il a arrêté en 1971, que l’examen médical à sa libération en 1977 ne mentionne pas de problèmes pulmonaires, qu’un diagnostic de 1999 mentionne seulement une MPOC légère, environ 22 ans après la libération de son service dans la Force régulière, que le demandeur a seulement été employé comme assistant dentaire pendant une année, de 1959 à 1960, et que les renseignements fournis par le Dr Yang n’étaient pas persuasifs puisqu’il

[traduction

 

[…] ne s’agissait pas d’un avis médical adéquat, qu’il n’était pas convaincant ou détaillé, qu’il ne tenait pas non plus compte […] du fait que le demandeur était fumeur. De plus, il n’a pas été appuyé par des données statistiques selon lesquelles une personne travaillant comme assistant dentaire dans le délai prescrit, qui est d’une année, causerait l’état […]

 

[7]               Le demandeur a contesté cette décision en présentant un appel devant un comité d’appel du TACRA (le comité), lequel a été entendu le 21 février 2006. Il a soutenu que les documents de recherche qu’il a fournis appuyant les liens entre le travail de dentisterie et l’asthme professionnel, combiné avec l’avis de Dr Yang, ont donné lieu à une conclusion favorable qu’au moins une partie de sa MPOC est liée à son travail d’assistant dentaire en service.

 

[8]               Le demandeur s’est particulièrement attaqué à la décision relative à l’examen de l’admissibilité au motif que le TACRA a commis une erreur en ne se fondant pas sur les preuves médicales pour appuyer leurs conclusions selon lesquelles l’affection pulmonaire du demandeur est liée à sa consommation de cigarettes plutôt qu’à l’exposition qu’il a subie lorsqu’il était en service. Il soutient que, bien que les lignes directrices médicales du ministère concernant les maladies respiratoires indiquent que la cigarette est une cause de bronchite chronique et d’emphysème pulmonaire, elle n’est pas mentionnée comme une cause de l’asthme. Par conséquent, a-t-il soutenu, la seule preuve à fondement médical devant le comité indiquait que son travail d’assistant dentaire en service pourrait raisonnablement être considéré comme la cause de son état.

 

[9]               La revendication du droit à une pension du demandeur est fondée sur le paragraphe 21(2) de la Loi sur les pensions, qui se lit comme suit :

(2) En ce qui concerne le service militaire accompli dans la milice active non permanente ou dans l’armée de réserve pendant la Seconde Guerre mondiale ou le service militaire en temps de paix :

 

a) des pensions sont, sur demande, accordées aux membres des forces ou à leur égard, conformément aux taux prévus à l’annexe I pour les pensions de base ou supplémentaires, en cas d’invalidité causée par une blessure ou maladie -- ou son aggravation -- consécutive ou rattachée directement au service militaire;

(2) In respect of military service rendered in the non-permanent active militia or in the reserve army during World War II and in respect of military service in peace time,

 

 

(a) where a member of the forces suffers disability resulting from an injury or disease or an aggravation thereof that arose out of or was directly connected with such military service, a pension shall, on application, be awarded to or in respect of the member in accordance with the rates for basic and additional pension set out in Schedule I;

 

[10]           Le Tribunal des anciens combattants (révision et appel) est un tribunal indépendant établi en vertu de l’article 4 de la Loi sur le Tribunal des anciens combattants (révision et appel), L.C., 1995, ch. 18 (la Loi). Les fonctions du TACRA en tant que tribunal d’appel pour les décisions rendues par le ministre en ce qui concerne les pensions et les prestations pour les anciens combattants et d’autres. La Loi sur les pensions et la Loi constituent ensemble la législation principale en vertu de laquelle les pensions d’invalidité, telles que celles demandées par le demandeur, et les bourses liées sont accordées.

 

[11]           Le schéma d’appel des pensions en vertu de la Loi prévoit des recours à deux niveaux d’appels : en vertu de l’article 18, les personnes qui s’estiment lésées par une décision du ministre en vertu de la Loi sur les pensions peuvent demander un examen de la décision devant le TACRA; en vertu de l’article 25, les personnes qui demeurent insatisfaites du résultat de ce premier examen ont d’autres recours devant un comité d’appel du TACRA (le comité). Des audiences complètes sont fournies à l’examen initial et au second palier d’appel, et les appelants ont droit à une représentation légale gratuite. Sauf une exception restreinte, il n’y a pas un autre droit d’appel des décisions rendues par un comité d’appel du Tribunal. Toutefois, il y a un pouvoir de réexamen selon lequel les tribunaux peuvent rouvrir les décisions qu’ils ont rendues en vertu des articles 23, 32 et 111 de la Loi, lorsque les motifs invoqués sont prévus dans ces articles.

 

[12]           Les articles 18, 31 et 38 de la Loi se lisent comme suit :

18. Le Tribunal a compétence exclusive pour réviser toute décision rendue en vertu de la Loi sur les pensions et statuer sur toute question liée à la demande de révision.

 

31. La décision de la majorité des membres du comité d’appel vaut décision du Tribunal; elle est définitive et exécutoire.

 

38. (1) Pour toute demande de révision ou tout appel interjeté devant lui, le Tribunal peut requérir l’avis d’un expert médical indépendant et soumettre le demandeur ou l’appelant à des examens médicaux spécifiques.

18. The Board has full and exclusive jurisdiction to hear, determine and deal with all applications for review that may be made to the Board under the Pension Act, and all matters related to those applications.

 

31. A decision of the majority of members of an appeal panel is a decision of the Board and is final and binding.

 

38. (1) The Board may obtain independent medical advice for the purposes of any proceeding under this Act and may require an applicant or appellant to undergo any medical examination that the Board may direct.

 

[13]           Les articles 3 et 39 de la Loi prévoient les règles générales de preuve et l’interprétation qui s’applique aux demandes de pensions :

3. Les dispositions de la présente loi et de toute autre loi fédérale, ainsi que de leurs règlements, qui établissent la compétence du Tribunal ou lui confèrent des pouvoirs et fonctions doivent s’interpréter de façon large, compte tenu des obligations que le peuple et le gouvernement du Canada reconnaissent avoir à l’égard de ceux qui ont si bien servi leur pays et des personnes à leur charge.

 

39. Le Tribunal applique, à l’égard du demandeur ou de l’appelant, les règles suivantes en matière de preuve :

a) il tire des circonstances et des éléments de preuve qui lui sont présentés les conclusions les plus favorables possible à celui-ci;

b) il accepte tout élément de preuve non contredit que lui présente celui-ci et qui lui semble vraisemblable en l’occurrence;

c) il tranche en sa faveur toute incertitude quant au bien-fondé de la demande.

 

3. The provisions of this Act and of any other Act of Parliament or of any regulations made under this or any other Act of Parliament conferring or imposing jurisdiction, powers, duties or functions on the Board shall be liberally construed and interpreted to the end that the recognized obligation of the people and Government of Canada to those who have served their country so well and to their dependants may be fulfilled.

 

39. In all proceedings under this Act, the Board shall

 

(a) draw from all the circumstances of the case and all the evidence presented to it every reasonable inference in favour of the applicant or appellant;

 

(b) accept any uncontradicted evidence presented to it by the applicant or appellant that it considers to be credible in the circumstances; and

 

(c) resolve in favour of the applicant or appellant any doubt, in the weighing of evidence, as to whether the applicant or appellant has established a case.

 

[14]           Je précise dès le début que les dossiers du demandeur contiennent des éléments de preuve qui n’étaient pas devant le comité.

 

[15]           La jurisprudence a clairement établi que [traduction] « […] la règle générale [est] que le contrôle judiciaire d’une décision doit être fondé sur la documentation qui était présentée au décideur. […] » Smith c. Canada, 2001 CAF 86, [2001] A.C.F. no 450 (QL), au paragraphe 7. Compte tenu de ce qui précède, les deux affidavits, l’avis médical des infirmiers et les rapports médicaux qui ne figurent pas dans le dossier certifié ne seront pas examinés par la Cour.

 

NORME DE CONTRÔLE

 

[16]           La question centrale dans une analyse relative à la norme de contrôle est de déterminer la mesure selon laquelle le législateur a voulu que la décision administrative faisant l’objet du contrôle soit assujettie à un examen judiciaire : Pushpanathan c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1998] 1 RCS 982, au paragraphe 26.

 

[17]           Cette analyse comporte une étude de quatre facteurs : (1) la présence ou l’absence dans la loi d’une clause privative ou d’un droit d’appel; (2) l’expertise du tribunal relative à celle de la cour de révision sur la question en litige; (3) l’objet de la loi et de la disposition particulière; (4) la nature de la question - question de droit, de fait ou mixte de fait et de droit : Barreau du Nouveau-Brunswick c. Ryan, [2003] 1 R.S.C. 247; Dr Q c. College of Physicians and Surgeons of British Columbia, [2003] 1 RCS 226.

 

[18]           La clause privative à l’article 31, de concert avec la compétence exclusive du TACRA d’entendre tous les examens et questions connexes en vertu de l’article 18, suggère que le législateur a voulu qu’une grande retenue soit démontrée en ce qui concerne les décisions du comité du TACRA.

 

[19]           En ce qui concerne l’expertise relative du TACRA, j’adopte les conclusions de mon collègue, le juge Richard Mosley, dans Powell c. Canada (Procureur général), 2005 CF 433, [2005] A.C.F. no 537 (QL), aux paragraphes 14 et 15, que les membres du TACRA

[traduction

 

14 […] reçoit une formation relative aux problèmes médicaux, à la législation qu’ils appliquent et au processus décisionnel administratif après leur nomination. Le TACRA statue sur environ 10 000 demandes par année.

 

15 Les membres du comité acquerront ainsi une connaissance supérieure par rapport à celle de la Cour en ce qui concerne les conclusions de fait qui sont au cœur de sa compétence spécialisée : l’appréciation des renseignements médicaux souvent contradictoires ou non concluants et la détermination quant à savoir si la blessure du demandeur a été causée ou aggravée par le service militaire. Ce niveau de connaissance indiquerait que la norme de contrôle la plus rigoureuse devrait être appliquée à ces décisions.

 

[20]           Concernant l’objet, les articles 3 et 39 fournissent au TACRA une orientation claire des mesures législatives pour accorder effectivement au demandeur le [traduction] « bénéfice du doute » en ce qui concerne la pondération des éléments de preuve crédibles, tirer des conclusions et régler les doutes. À mon avis, cela suggère que la décision du comité ferait l’objet d’une retenue moindre qu’une cour de révision. Dans Powell, précité, le juge Mosley est arrivé à une conclusion semblable au paragraphe 19 :

[traduction

 

Le Parlement, au moyen de ces dispositions, a donné une directive claire au comité pour qu’il accepte les arguments avancés par les demandeurs et les appelants lorsque le comité peut tirer des déductions raisonnables des éléments de preuve ou régler des doutes en leur faveur. Cela suggère qu’une cour de révision devrait faire preuve d’une retenue moindre aux décisions rendues par le comité d’appel.

 

[21]           Le dernier facteur analytique à examiner est la nature de la question à trancher. Les conclusions de fait attireront davantage de retenue que les questions mixtes de fait et de droit. En l’espèce, les questions en litige sont de savoir si l’affection pulmonaire du demandeur a été causée par son année à travailler au service comme assistant dentaire et l’évaluation de la preuve du comité. Il s’agit de décisions fondées sur les faits et, par conséquent, elles supposent un niveau élevé de retenue.

 

[22]           Dans Cramb c. Canada (Procureur général), 2006 CF 638, [2006] A.C.F. no 815 (QL), précité, au paragraphe 15, le juge Michael Kelen a déclaré que la question en litige quant à savoir si [traduction] « l’invalidité d’un demandeur de pension qui a été causée par un service militaire ou qui en découle est susceptible de contrôle selon la norme de la décision manifestement déraisonnable », s’appuyant d’une tenue semblable par la juge Judith Snider dans Currie c. Canada (Procureur général) [2005] A.C.F. no 1871 (C.F.) (QL), au paragraphe 5.

 

[23]           Manifestement déraisonnable est la norme qui s’applique à l’appréciation des éléments de preuves médicales par le comité afin de déterminer si l’invalidité en question a été causée ou aggravée par le service militaire.

 

DISCUSSION

 

[24]           La Loi est claire à l’alinéa 39b) qui précise que le TACRA doit décider si un élément de preuve est crédible. En rendant de telles décisions quant à la crédibilité, la décision du TACRA doit fournir des motifs valables de son refus d’accepter les éléments de preuves médicales comme crédibles. À cet égard, la juge Snider a conclu au paragraphe 23 de Moar c. Canada (Procureur général), 2006 CF 610, [2006] A.C.F. no 766 (QL) :

[traduction

 

Le comité d’appel est tenu de fournir des motifs valables de rejeter un avis médical (Jones c. Canada (Procureur général), 2005 CF 620, [2005] A.C.F. no 767 (QL), au paragraphe 18)

 

[25]           Dans le présent appel, le comité a déclaré que l’avis médical du Dr Yang ne permet pas de conclure qu'il y a un lien entre l’année de service du demandeur comme assistant dentaire et son affection pulmonaire. De plus, la décision relative à l’examen de l’admissibilité, laquelle a été confirmée par le comité, a conclu que l’avis médical n’était pas convaincant puisque les recherches étaient insuffisantes, qu’il manquait de détail et qu’il ne tenait pas compte des antécédents de tabagisme du demandeur. Le comité a également conclu que l’affection pulmonaire du demandeur a été diagnostiquée plus de vingt ans après sa libération du service, qu’il n’y avait pas d’indications de son état au moment de sa libération et que cela laissait supposer qu’il y avait d’autres causes possibles (dix-sept ans de consommation excessive de tabac) qui n’avaient pas été abordées ou reconnues dans l’avis médical fourni par le demandeur. Ces motifs appuient suffisamment le refus du comité en ce qui concerne les éléments de preuves médicales présentés par le demandeur.

 

[26]           Il incombait au demandeur de prouver que son service comme assistant dentaire avait causé, ou aggravé, son affection pulmonaire. Il n’incombait pas au comité d’établir une autre cause pour l’état actuel, comme le tabagisme, afin de refuser l’appel du demandeur. Dans Wood c. Canada (Procureur général) (2001), 199 FTR. 133, [2001] A.C.F. no 52 (QL), précité, le juge Andrew MacKay, au paragraphe 24, a fait des commentaires sur la nécessité qu’un demandeur établisse un lien de causalité entre l’invalidité et le service militaire :

[traduction

 

Les articles 3 et 39 de la Loi, cependant, ne libèrent pas le demandeur du fardeau de prouver que sa lombalgie découle d’un service militaire ou qu’elle y est liée. Le demandeur doit néanmoins établir, selon la prépondérance des probabilités, selon la preuve examinée sous l’angle le plus favorable possible, que son invalidité se rattache au service. [Renvois omis]

 

[27]           Je reconnais que la norme de preuve pour établir un droit à recevoir une pension dans le régime législatif en question est moins élevée que la prépondérance des probabilités. Dans John Doe c. Canada (Procureur général) 2004 CF 451, [2004] A.C.F. no 555 (QL), au paragraphe 36, le juge Pierre Blais a précisé que :

[traduction

 

La norme de preuve pour établir le droit à une pension est beaucoup moins exigeante que la prépondérance des probabilités, suivant les termes de la Loi.

 

[28]           Indépendamment de cette norme plus faible, le demandeur a néanmoins le fardeau de la preuve. Le défaut de s’acquitter de ce fardeau signifie qu’il sera débouté. En l’espèce, le comité n’a trouvé aucun élément de preuve établissant le lien de causalité entre la blessure et l’accomplissement du service militaire, comme l’exige le paragraphe 21(2) de la Loi sur les pensions (McTague c. Canada (Procureur général), [2000] 1 C.F. 647 (1re inst.); Elliot c. Canada (Procureur général), 2002 CFPI 972, [2002] A.C.F. no 1264) (QL). Par conséquent, et conformément à ses obligations en vertu de la Loi sur les pensions, il a rejeté l’appel de la demande.

 

[29]           Le demandeur soutient que le comité a commis une erreur de droit dans son traitement de l’élément de preuve parce qu’il contrevenait à son obligation spéciale d’accorder au demandeur le [traduction] « bénéfice du doute », conformément aux articles 3 et 39 de la Loi.

 

[30]           Dans Martel c. Canada (Procureur général) 2004 CF 1287, [2004] A.C.F. no 1559 (QL), le juge James Russell adopte le raisonnement du juge John Evans dans Metcalfe c. Canada (Procureur général) [1999] A.C.F. no 22 (QL), en concluant que l’effet de l’article 39 est d’accorder aux demandeurs le bénéfice de tout doute raisonnable :

[traduction

 

Bien que les alinéas a), b) et c) de cette disposition [39] ne puissent avoir pour effet d’inverser le fardeau de la preuve en exigeant que le défendeur établisse que la blessure ou l’état pathologique de l’ancien combattant n’est pas attribuable au service militaire, ils vont largement en ce sens; ils prévoient, en effet, qu’il convient de trancher toute incertitude raisonnable en faveur des demandeurs. [Je mets en italiques]

 

[31]           De manière cruciale, en l’espèce, le comité n’avait aucun doute quant aux éléments de preuve fournis par le Dr Yang et contenus dans les preuves documentaires fournies par le demandeur. Il a clairement et sans équivoque conclu que cet élément de preuve n’était pas crédible. Manifestement, en l’absence de doute, il n’y avait aucune obligation du comité conformément aux articles 3 et 39 de la Loi de prendre de telles décisions en faveur du demandeur (Cramb, précité, au paragraphe 29).

 

[32]           Le demandeur soutient finalement que le comité a commis une erreur en ne soumettant pas de rapport médical contredisant le rapport du Dr Yang, laissant entendre que le comité aurait dû demander un autre avis médical en vertu du paragraphe 38(1) de la Loi.

 

[33]           Ce paragraphe précise que le comité pourrait obtenir un avis médical indépendant et peut exiger que le demandeur subisse un examen médical qu’il juge nécessaire dans les circonstances. Je suis d’accord avec le juge Kelen dans Cramb, précité, au paragraphe 31, pour dire que [traduction« [c]e libellé est facultatif, non pas obligatoire ». Le comité n’est pas tenu de demander un avis médical indépendant.

 

[34]           Le comité était convaincu que le demandeur n’avait pas établi le lien de causalité nécessaire entre son année de service en tant qu’assistant médical et l’affection pulmonaire qui a été diagnostiquée presque quarante ans après. Dans ces circonstances, et à la lumière du caractère facultatif du paragraphe 38(1), je ne suis pas d’avis que le Tribunal avait une obligation de demander un avis médical indépendant.

 

[35]           Après examen de la décision du comité et des preuves dont il disposait, je suis convaincue qu’il n’a pas commis d’erreur en confirmant le refus de la demande du demandeur. Les conclusions de fait du comité sont bien fondées sur les preuves devant lui. L’avis médical non concluant fourni par le Dr Yang n’a pas établi le lien de causalité requis entre l’invalidité du demandeur et son service militaire. On ne peut pas dire que la décision du comité est manifestement déraisonnable. La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

 


JUGEMENT

 

La demande de contrôle judiciaire de la décision du comité datée du 21 février 2006 est rejetée sans ordonnance quant aux dépens.

 

 

 

« Danièle Tremblay-Lamer »

Juge

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        T-694-06

 

INTITULÉ :                                       Paul Joseph Dumas

 

                                                            et

 

                                                            Le procureur général

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Ottawa (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 11 décembre 2006

 

MOTIFS DU JUGEMENT :            LA JUGE TREMBLAY-LAMER

 

DATE DES MOTIFS :                      Le 20 décembre 2006

 

 

COMPARUTIONS :

 

Me Paul Joseph Dumas

 

POUR LE DEMANDEUR

Me Elizabeth Kikuchi

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Paul Joseph Dumas

372, rue Munro

Pembroke (Ontario)

K8A 4T3

 

 

 

 

POUR LE DEMANDEUR

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

Ministère de la Justice

Ottawa (Ontario)

K1A 0H8

 

 

 

 

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

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