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Date :  20061116

Dossier : IMM-472-06

Référence :  2006 CF 1383

Ottawa (Ontario), le 16 novembre 2006

En présence de Monsieur le juge Shore 

 

ENTRE :

WALTER GARANDE

demandeur

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION

défendeur

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

INTRODUCTION

[1]               Le tribunal a fait allusion au principe posé dans l'arrêt Maldonado c. M.E.I., [1980] 2 C.F. 302 (C.A.), à la page 305, suivant lequel lorsqu'un revendicateur du statut de réfugié affirme la véracité de certaines allégations, ces allégations sont présumées véridiques sauf s'il existe des raisons de douter de leur véracité. Le tribunal n'a cependant pas appliqué le principe dégagé dans l'arrêt Maldonado au demandeur et a écarté son témoignage à plusieurs reprises en répétant qu'il lui apparaissait en grande partie invraisemblable. Qui plus est, le tribunal a substitué à plusieurs reprises sa propre version des faits à celle du demandeur sans invoquer d'éléments de preuve pour justifier ses conclusions.

 

Un tribunal administratif peut tirer des conclusions défavorables au sujet de la vraisemblance de la version des faits relatée par le revendicateur, à condition que les inférences qu'il tire soient raisonnables. Le tribunal administratif ne peut cependant conclure à l'invraisemblance que dans les cas les plus évidents, c'est-à-dire que si les faits articulés débordent le cadre de ce à quoi on peut logiquement s'attendre ou si la preuve documentaire démontre que les événements ne pouvaient pas se produire comme le revendicateur le prétend. Le tribunal doit être prudent lorsqu'il fonde sa décision sur le manque de vraisemblance, car les revendicateurs proviennent de cultures diverses et que des actes qui semblent peu plausibles lorsqu'on les juge en fonction des normes canadiennes peuvent être plausibles lorsqu'on les considère en fonction du milieu dont provient le revendicateur [voir L. Waldman, Immigration Law and Practice (Markham, ON, Butterworths, 1992) à la page 8.22].

 

(Elezi c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2003 CFPI 210, [2003] A.C.F. no 275 (QL), par le juge Douglas Campbell de la Cour fédérale.)

 

[6]        In addition, the Board imposed an excessive burden on the Applicant by expecting him to explain entries made by MDC officials, especially with regard to the location of the signatures appearing on the subscription schedule appearing on the MDC card issued in Dallas. Given the fact that the Board had no evidence before it as to the nature and the format of MDC membership cards, it also wrongly impugned the MDC card issued in Harare, on the basis that the card in question made no mention of when it was issued or when the Applicant obtained it (Adamarasha v. Canada (Minister of Citizenship and Immigration), [2005] F.C.J. No. 1886, 2005 FC 1529). (TRADUCTION pas disponible.)

 

(Mhaka c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 FC 1212, [2006] A.C.F. no 1522 (QL), par le juge Luc Martineau de la Cour fédérale.)

 

NATURE DE LA PROCÉDURE JUDICIAIRE

[2]               Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire à l’encontre d’une décision de la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (Commission) rendue le 12 janvier 2006, concluant que le demandeur n’a pas la qualité de réfugié au sens de la Convention (article 96 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27) (Loi) ou de personnes à protéger (article 97 de la Loi).

 

FAITS

[3]               Le demandeur, M. Walter Garande, allègue les faits suivants :

 

[4]               Monsieur Garande, âgé de 32 ans, est né à Mazowe, une ville située dans la République du Zimbabwe. En 1998, M. Garande devient membre du « Movement for Democratic Change » (MDC). Son rôle consiste principalement à faire la promotion du MDC par la distribution de pamphlets et t-shirts. Il travaille alors sous la direction de M. Morgan Tzvangarai, le président du parti. En 1999, le MDC devient le parti d’opposition officiel. À cette époque, le Zimbabwe African National Union-Patriotic Front (ZANU-PF) est au pouvoir.

 

[5]               En février 2000, M. Garande agi comme un des chefs du parti MDC dans une démonstration organisée par M. Tzvangarai, qui a lieu à Harare, la capitale du Zimbabwe. Lors de cette démonstration,  M. Garande est battu et menacé de mort par des soldats du ZANU-PF. Trois autres membres du MDC sont abattus; l’un des amis proches de M. Garande, M. Learn More Jongwe, est arrêté. Malgré les blessures subies, une hospitalisation ou un traitement médical n’est pas considéré comme nécessaire. À la suite de cet incident, M. Garande rentre chez lui et retrouve sa sœur en sanglot. Cette dernière affirme avoir été violée par des soldats du ZANU-PF.

 

[6]               Malgré ces événements, M. Garande participe, ensuite, aux rencontres du MDC dans les villes de Norton et de Bulawayo.

 

[7]               En octobre 2002, M. Garande quitte le Zimbabwe pour les États-Unis afin de poursuivre des études en journalisme au Texas. Il  envisage retourner au Zimbabwe après la fin de ses études. Au cours de la même année, M. Garande se marie à une citoyenne américaine; son mariage prend fin deux ans plus tard.

 

[8]               Par la suite, M. Garande fait la connaissance du révérend Walter Sithole, une figure renommée du parti politique MDC au Texas. Le révérend Sithole l’initie de nouveau aux activités politiques du MDC incitant ainsi M. Garande à redevenir membre du parti.

 

[9]               Au cours de l’année 2003, M. Garande apprend le décès de son ami M. Learn More Jongwe dans une prison au Zimbabwe. Monsieur More avait été arrêté de nouveau par le ZANU-PF pour ses activités politiques. À ce moment, M. Garande décide de faire une demande d’asile aux États-Unis. Sa demande est rejetée car son visa étudiant est expiré et, par conséquent, il est tenu de retourner au Zimbabwe.

 

[10]            Le 30 août 2005,  M. Garande entre au Canada et revendique le statut de réfugié. Il allègue craindre d’être persécuté par des membres du ZANU-PF en raison de son appartenance au MDC.

 

DEMANDE CONTESTÉE

[11]           La Commission a tenu une audience le 12 janvier 2006. Cette dernière a refusé de faire droit à la revendication de M. Garande, jugeant que sa crainte de persécution en cas de retour dans son pays natal n’est pas crédible.

 

 

 

QUESTION EN LITIGE

[12]           La Commission a-t-elle commise une erreur manifestement déraisonnable en décidant que M. Garande n’est pas crédible?

 

NORME DE CONTRÔLE

[13]           L’évaluation de la crédibilité des témoins et de l’appréciation de la preuve relève de la compétence de la Commission. Ce dernier a une expertise bien établie pour trancher des questions de fait et, plus particulièrement, pour évaluer la crédibilité ainsi que la crainte de persécution d’un demandeur d’asile. (Cepeda-Gutierrez c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1998] A.C.F. no 1425 (QL), au paragraphe 14.)

 

[14]           Dans le cadre d’une demande de contrôle judiciaire portant sur des questions de crédibilité, la norme de contrôle qu’il convient d’appliquer est celle de la décision manifestement déraisonnable. La Cour doit faire preuve d’une grande retenue puisqu’il appartient à la Commission d’apprécier le témoignage des demanderesses et d’évaluer leur crédibilité. Si les conclusions de la Commission sont raisonnables, il n’y a pas lieu d’intervenir. Toutefois, la décision de la Commission doit s’appuyer sur la preuve; elle ne doit pas être prise arbitrairement en se fondant sur des conclusions de faits erronées ou en ignorant des éléments de preuve présentés. (Mugesera c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2005] 2 R.C.S. 100, [2005] A.C.S. no 39 (QL), au paragraphe 38; Aguebor c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1993] A.C.F. no 732 (QL), au paragraphe 4.)

 

 

ANALYSE

[15]           La Cour a examiné les représentations écrites et orales des parties et entendues les observations des procureurs.

 

[16]           M. Garande conteste les conclusions de non-crédibilité de la Commission et prétend que celle-ci a erré, essentiellement sur deux points : (1) la décision de la Commission est fondée sur ses propres opinions et non pas sur les faits relevés du témoignage; (2) la Commission n’a pas apprécié la preuve déposée par le demandeur.

 

[17]           M. Garande a spécifié qu’il n’appartenait à aucune organisation. Ses propos ont été revus pendant son témoignage en salle de Cour où il a spécifié qu’au point d’entrée, il n’a pas bien réfléchi sur la question à cause de la vitesse avec laquelle tout c’est déroulé. Pour M. Garande, le MDC est un Parti Politique ou un mouvement plutôt qu’une organisation.

 

[18]           En effet, M. Garande a déposé la preuve documentaire de son appartenance au Parti Politique MDC tel qu’il appert de son affidavit et à la pièce D.

 

[19]           En refusant d’accepter l’explication de M. Garande, une erreur a été commise concernant une pièce produite à l’audience. La logique inhérente dicterait que, dans les mêmes circonstances, la Commission accorderait un bénéfice du doute au demandeur quant à la plausibilité concernant la crédibilité, étant donné qu’il a produit une preuve documentaire pour prouver sa qualité de membre du MDC. La Commission a manqué à son devoir de compréhension sans avoir eu un élément sur lequel une contradiction aurait pu être démontrée.

[20]           Cela constitue une erreur manifestement déraisonnable car, placé dans la balance des probalités, la carte de membre est une preuve importante qui l’emporte sur l’erreur de vitesse commise par M. Garande et qu’il a corrigée lors de son témoignage sous serment.

 

[21]           Une autre erreur manifestement déraisonnable est survenue lorsqu’il y avait refus d’admettre la participation aux réunions de M. Garande en juin 1999, sans démontrer la raison pour ceci. En effet, le MDC n’a été officiellement crée qu’en septembre 1999.

 

[22]           Dans le contexte du Zimbabwe, le fait d’être soupçonné membre du MDC est déjà grave pour être persécuté. La divulgation de l’agent de protection des réfugiés, Pièce F, où la situation des personnes simplement soupçonnées d’appartenir au MDC est décrite. Une dame du nom de Itaai, dont l’histoire commence au deuxième paragraphe, a connu un calvaire dans son propre pays, simplement car elle a été soupçonnée membre du MDC.

 

[23]           La participation aux réunions et aux marches publiques sont des faits très graves qui entraînent la persécution dans le contexte du Zimbabwe. Une erreur des faits manifestement déraisonnable a été commise en concluant que M. Garande était évasif sur ses activités dans le MDC. Cette conclusion est déconnectée de la preuve générale que l’agent de protection des réfugiés avait fournie à la Commission pour permettre à celle-ci d’apprécier la revendication de M. Garande dans le contexte de son pays.

 

[24]           Le « U.S. Department of State Country Reports » et « The Europa World Year Book 2004 », donnent les détails sur la situation des droits de la personne au Zimbabwe et la persécution des membres du MDC.

 

[25]           Également, dans la preuve non contredite, c’est apparent que les jeunes de ce Parti distribuant les « flyers, t-shirts, posters... » ont été persécutés.

 

[26]           Cette preuve n’a pas été prise en considération si on considère qu’elle corrobore les activités de M. Garande dans son Parti.

 

[27]           La décision de la Cour n’est pas soutenue par la preuve au dossier tant la preuve documentaire générale que la preuve documentaire spécifique fourni par M. Garande ainsi que son témoignage sous serment contrairement à la jurisprudence citée au début de la décision.

 

[28]           En plus, M. Garande a affirmé dans son affidavit, ce qui suit :

o.         On page 4 of his grounds, the member stated that I was not arrested in Harare or interrogated. This wrong finding made the member to conclude that I am not a member of MDC. It is clearly stated in my testimony and in my Personal information form (exhibit « E » from line 8 to line 20. Soldiers questioned me why were we demonstrating. Before I answer they gunned down my friends, tear gassed to us, beat me up, arrested my friend Learn More Jongwe. When I got home I found that my sister was raped and my car was burnt. This evidence was before the Board. These events made me to be very fearful for my life.

 

p.         Although I like my country, when I learned that my friend Learn More Jongwe was rearrested and put in jail and found dead, I was more fearful then ever. I attempted to find out if I could apply for refugee status in the US, I was told that I could not because I had a visa that has expired and that they would deport me.

 

q.         I am married to an American woman but my marriage did not work. I am separated from my American wife and I was living in fear of being deported to Zimbabwe. I could not make it living in fear of being deported to my country where I know that I will be persecuted because of my membership and support to MDC and even killed.

 

r.          I indicated to the Board that I was beaten because of my participation in the demonstration and my membership to MDC. The member is talking about me being one of the ringleaders. I indicated several times that I am an ordinary member of the party. Only that at the demonstration of February 2000, I was one of the ringleaders. This was only for the youth of my constituency to participate in the demonstration. It was not a permanent position. It is clear from my PIF («E»).

 

s.          The board member is making findings, which are not based on the facts and evidence that were before him but rather, he based his findings on his thoughts which are far from the reality that I faced in Zimbabwe.

 

[29]           M. Garande, dans ce cas d’espèce, a démontré que quand il était aux États-Unis, suite à son mariage et son statut qu’il a eu, il se sentait en sécurité. M. Garande, selon ses allégations, n’a pas demandé asile aux États-Unis, sauf lorsqu’il s’est senti menacé d’expulsion vers le Zimbabwe après avoir perdu ce qu’il croyait être sa sécurité, son mariage à une américaine, il s’est confié aux autorités Canadiennes pour obtenir protection comme on lui a dit aux États-Unis qu’il ne pouvait pas demander un statut de réfugié, une fois, hors-statut (visa d’étudiant).

 

[30]           Concernant la page 6 des motifs, où la décision parle du « Claimant’s Profile », le droit est bien résumé mais la conclusion n’est pas soutenue. M. Garande a été frappé, sa sœur violée et sa voiture brûlée à cause de sa participation aux marches et son appartenance au MDC. Cela est dans son témoignage, tant oral qu’écrit dans son formulaire de renseignements personnels (FRP). Ces faits n’ont pas été pris en considération.

 

[31]           En effet, dans l’arrêt Baker c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1999] 2 R.C.S. 817, [1999] A.C.S. no 39 (QL), la Cour Suprême du Canada a adopté une proposition à l’effet que :

L'équité procédurale exige également que les décisions soient rendues par un décideur impartial, sans crainte raisonnable de partialité. Cette obligation s'applique à tous les agents d'immigration qui jouent un rôle significatif dans la prise de décision. Parce qu'elles visent nécessairement des personnes de provenances diverses, issues de cultures, de races et de continents différents, les décisions en matière d'immigration exigent de ceux qui les rendent sensibilité et compréhension. Elles exigent la reconnaissance de la diversité, la compréhension des autres et l'ouverture d'esprit à la différence...

 

[32]           M. Garande peut commettre une erreur non substantielle en écrivant sous pression, selon les explications qu’il a données, concernant la distinction entre une organisation et un Parti Politique. Une erreur mineure est devenue une question de crédibilité majeure au niveau de la logique inhérente du cas.

 

[33]           Pour être réfugié au sens de la Convention, le standard requis est la preuve sur la balance des probabilités, mais pas à plus de 50%. Or, la manière dont la preuve a été appréciée, il est clair qu’il était à la recherche d’une preuve au-delà de tout doute raisonnable. Les circonstances personnelles de M. Garande ont été démontrées pour évaluation selon le contexte de son pays.

 

[34]           Dans l’arrêt Adjei c. Canda (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1989] 2 C.F. 680, [1989] A.C.F. no 67 (QL), le juge Mark R. MacGuigan affirme que :

[98]      Les expressions telles que « [craint] avec raison » et « possibilité raisonnable » signifient d'une part qu'il n'y a pas à y avoir une possibilité supérieure à 50 % (c'est-à-dire une probabilité), et d'autre part, qu'il doit exister davantage qu'une possibilité minime. Nous croyons qu'on pourrait aussi parler de possibilité « raisonnable » ou même de « possibilité sérieuse, par opposition à une simple possibilité.

[35]           Le critère de la possibilité raisonnable de persécution et le fait que M. Garande ne doit pas montrer qu’il était persécuté dans le passé, ou serait persécuté dans l’avenir, a été débattu également dans l’arrêt Salibian c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration) (C.A.F.), [1990] 3 C.F. 250, [1990] A.C.F. no 454 (QL), dans lequel le juge Robert Décary affirme :

A la lumière de la jurisprudence de cette Cour relative à la revendication du statut de réfugié au sens de la Convention, il est permis d'affirmer

 

1) que le requérant n'a pas à prouver qu'il avait été persécuté lui-même dans le passé ou qu'il serait lui-même persécuté à l'avenir,

 

2) que le requérant peut prouver que la crainte qu'il entretenait résultait non pas d'actes répréhensibles commis ou susceptibles d'être commis directement à son égard, mais d'actes répréhensibles commis ou susceptibles d'être commis à l'égard des membres d'un groupe auquel il appartenait,

 

3) [...]

 

4) que la crainte entretenue est celle d'une possibilité raisonnable que le requérant soit persécuté s'il retournait dans son pays d'origine...

 

 

[36]           Ce critère est aussi confirmé par la Cour fédérale d’appel dans l’affaire Li c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CAF 1, [2005] A.C.F. no 1 (QL), aux paragraphes 10 à 12.

 

[37]           Le droit Canadien reconnaît aussi la présomption de véracité aux demandeurs du statut des réfugiés. Parlant de la présomption de véracité et vraisemblance, le juge Campbell dit ce qui suit dans Elezi, ci-dessus :

Le tribunal a fait allusion au principe posé dans l'arrêt Maldonado c. M.E.I., [1980] 2 C.F. 302 (C.A.), à la page 305, suivant lequel lorsqu'un revendicateur du statut de réfugié affirme la véracité de certaines allégations, ces allégations sont présumées véridiques sauf s'il existe des raisons de douter de leur véracité. Le tribunal n'a cependant pas appliqué le principe dégagé dans l'arrêt Maldonado au demandeur et a écarté son témoignage à plusieurs reprises en répétant qu'il lui apparaissait en grande partie invraisemblable. Qui plus est, le tribunal a substitué à plusieurs reprises sa propre version des faits à celle du demandeur sans invoquer d'éléments de preuve pour justifier ses conclusions.

 

Un tribunal administratif peut tirer des conclusions défavorables au sujet de la vraisemblance de la version des faits relatée par le revendicateur, à condition que les inférences qu'il tire soient raisonnables. Le tribunal administratif ne peut cependant conclure à l'invraisemblance que dans les cas les plus évidents, c'est-à-dire que si les faits articulés débordent le cadre de ce à quoi on peut logiquement s'attendre ou si la preuve documentaire démontre que les événements ne pouvaient pas se produire comme le revendicateur le prétend. Le tribunal doit être prudent lorsqu'il fonde sa décision sur le manque de vraisemblance, car les revendicateurs proviennent de cultures diverses et que des actes qui semblent peu plausibles lorsqu'on les juge en fonction des normes canadiennes peuvent être plausibles lorsqu'on les considère en fonction du milieu dont provient le revendicateur [voir L. Waldman, Immigration Law and Practice (Markham, ON, Butterworths, 1992) à la page 8.22].

 

 

[38]           Dans ce cas, un manque de logique inhérente nécessaire pour comprendre la situation de M. Garande a été démontré. L’analyse de la transcription met un éclaircissement à la matière. Ce qui est recherché par la Cour n’est pas nécessairement sa propre logique mais une logique inhérente néanmoins qui pourrait démontrer un raisonnement qui se tient. Un raisonnement qui se tient n’est pas du tout apparent dans cette décision.

 

[39]           La présomption de véracité reconnue par la jurisprudence selon Maldonado c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1980] 2 C.F. 302 (C.A.), n’a pas été suivie.

 

[40]           Cette Cour ne peut pas tenir compte de la décision de la Commission à cause de conclusions erronées basées sur un manque de logique inhérente. La documentation sur les conditions du pays n’a pas été examinée en fonction de la preuve de M. Garande et donc le contexte de sa preuve personnelle a été mis de côté sans considération du contexte particulier dans lequel le pays du ressortissant se retrouve. La seule manière de voir si il y a une logique inhérente à une preuve, se compose de l’analyse de l’histoire personnelle du revendicateur et des conditions du pays particulier pour voir si les deux peuvent s’accorder selon une logique inhérente.

 

[41]           Il n’est pas le rôle de la Cour de réévaluer la preuve ni de se substituer à la Commission. Une révision judiciaire n’est pas un appel et même dans le cas où la décision est retournée à une évaluation par un panel différemment constituée, la Commission est un tribunal indépendant, à qui il revient d’apprécier et de décider de la crédibilité de la preuve présentée. La Commission possède une juridiction comme tribunal spécialisé de première instance et cette Cour ne peut intervenir que si la Commission outrepasse ses fonctions d’une façon arbitraire, malicieuse ou sans logique inhérente, ce qui est le cas en l’espèce. C’est-à-dire, qu’aucune logique inhérente n’apparaît pas dans ce cas.

 

[42]           M. Garande fait la correction suivante quant aux faits présentés par le Défendeur au paragraphe 5 de son mémoire. M. Garande n’a jamais dit qu’il a organisé la démonstration dans la capitale Harare en février 2000. Il a affirmé que c’est le Chef de son parti, Morgan Tsvangirai, qui avait organisé la démonstration et que lui était parmi les têtes d’affiches qui conduisaient la démonstration. À la page 000212 de la transcription, on peut lire ce qui suit :

BY PRESIDING MEMBER (to claimant)

 

-           Who organized the demonstration?

 

BY CLAIMANT

 

-           Our leader, Mr. Morgan Tsvangirai, who is the chairman and president of the opposition party, MDC. He is the one who organized that demonstration.

 

[43]           Au paragraphe 8, M. Garande complète que son plan était de retourner pour continuer la lutte politique avec les autres groupes restés dans son pays. Qu’il a changé de plan après qu’il ait reçu les informations de son ex-conjointe de fait qu’il ne devait pas revenir car, être un membre de MDC, il ne devait même pas essayer de paraître. Aux pages 000256-000257 de la transcription, il complète que lorsqu’il avait des contacts avec les gens dans son pays et qu’il a appris que même son camarade Len Mongone (erreur d’épellation dans la transcription - Learn More Jongwe) était arrêté et trouvé mort en prison, il avait décidé de ne pas retourner au Zimbabwe craignant pour sa vie. (Pages 000251, 000256 et 00257 de la transcription.)

 

[44]           M. Garande a demandé le statut de réfugié et on lui a dit qu’il est déjà resté aux États-Unis au-delà de son visa et il ne peut être éligible pour demander le statut de réfugié. Il n’a pas insisté car il pensait retourner dans son pays pour aller continuer avec la lutte politique. L’affirmation du Défendeur sans jamais demander le statut de réfugié n’est pas correcte, sans expliquer ce qu’il a témoigné. (Pages 000255 et 00056 de la transcription.)

 

[45]           Parlant des invraisemblances, le Défendeur soutient autrement dit que, pour que les militaires inciviques au service d’une dictature, violent la sœur de M. Garande, il fallut d’abord qu’ils arrêtent le demandeur ou qu’il ait des problèmes avant la démonstration ou après la démonstration! Cette inférence n’est supportée par aucun fait puisque la documentation qui contient de l’information générale sur le Zimbabwe démontre que les attaques étaient dirigées contre les supporters de MDC et les membres de leur famille. (Page 00095 de la transcription, US Country Reports on Human Rights Practices.)

 

[46]           Il est manifestement déraisonnable de conclure selon les faits que M. Garande devait être arrêté ou maltraité avant ou après la démonstration pour que le viol de sa sœur soit cru.

 

[47]           L’invraisemblance concernant le fait de ne pas avoir jamais appartenu à une organisation politique n’est pas juste. Il a par contre dit n’avoir jamais appartenu à une organisation. Il a complété sa réponse à cette question en précisant dans son témoignage qu’il appartenait au Parti Politique MDC et il en a fourni la preuve documentaire. L’information donnée à la hâte à la frontière n’était pas la seule pièce devant la Commission comme réponse à cette question. Alors que cette réponse était valable pour les organisations sociales, elle ne l’était pas pour les organisations politiques car M. Garande a affirmé sous serment et dans son FRP, ainsi que sa carte de membre dont l’original était devant la Commission, qu’il appartenait bel et bien au MDC.

 

[48]           Il est manifestement déraisonnable, du point de vue factuel, de ne pas prendre en compte l’ensemble de la preuve, mais s’obstiner à une information dont il est clairement établi qu’aucune précision n’avait été donnée par M. Garande à la frontière quant à son appartenance ou non à une organisation politique.

 

[49]           Le Défendeur allègue que M. Garande était vague, évasif et réticent. Il donne comme exemple le fait que M. Garande ne pouvait pas compter le nombre de fois qu’il a participé aux rencontres de MDC; combien de fois le leader du MDC lui avait donné des « T-Shirt »; combien de « T-Shirts » il avait vendu et qu’il a déclaré qu’il n’avait pas de procédure pour adhérer au MDC et qu’il décrit sa participation de manière vague.

 

[50]           Voici ce que dit M. Garande en 1999 : « I attended several of them. I cannot remember the number ». Cette réponse est claire et non évasive. Il a participé à plusieurs réunions et ne pouvait pas dire combien exactement.

 

[51]           Le parti MDC était encore à ses débuts et qu’il n’y avait pas de procédure formelle et bureaucratique pour devenir membre. Les explications données par M. Garande à l’audience cadrent avec la réalité de son Parti pour ces années là. M. Garande soumet qu’une position déraisonnable a été adopté et que ses réponses n’ont pas été vagues ni réticentes; cela n’est pas reflété par la transcription.

 

CONCLUSION

[52]           À la lumière de ce qui précède, les conclusions de faits tirées par la Commission sont manifestement déraisonnables par le fait qu’ils ne sont pas étayés par la preuve soumise. Par conséquent, l’intervention de cette Cour est justifiée. Pour toutes ces raisons, l’affaire est retournée à la Commission pour redétermination par un panel autrement constitué.


JUGEMENT

 

LA COUR ORDONNE que la demande de contrôle judiciaire soit accueillie et que l’affaire soit retournée à la Commission pour redétermnation par un panel autrement constitué.

 

 

 

« Michel M.J. Shore »

Juge


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        IMM-472-06

 

INTITULÉ :                                       WALTER GARANDE c.

                                                            LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

                                                            ET DE L’IMMIGRATION

 

 

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Ottawa, Ontario

 

DATE DE L’AUDIENCE :               le 6 novembre 2006

 

MOTIFS DU JUGEMENT :            LE JUGE SHORE

 

DATE DES MOTIFS :                      le 16 novembre 2006

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Me François Kasenda Kabemba

 

POUR LE DEMANDEUR

Me Alex Kaufman

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

CABINET FRANCOIS K. LAW OFFICE

Ottawa (Ontario)

 

POUR LE DEMANDEUR

JOHN H. SIMS, c.r.

Sous-procureur général du Canada

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 

 

 

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