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Date : 20061011

Dossier : IMM-13-06

Référence : 2006 CF 1211

Vancouver (Colombie-Britannique), le 11 octobre 2006

EN PRÉSENCE DE MADAME LA JUGE MACTAVISH

 

 

ENTRE :

DONG SHENG GUO

 

demandeur

et

 

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION

 

défendeur

 

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Dong Sheng Guo dit craindre avec raison d’être persécuté en Chine parce qu'il est un adepte du Falun Gong et qu'il est recherché par le Bureau de la sécurité publique chinois. La Section de la protection des réfugiés de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié a rejeté sa demande d'asile au motif qu'il n'était tout simplement pas crédible.

 

[2]               Le demandeur a introduit une demande de contrôle judiciaire de la décision de la Commission au motif que les conclusions que cette dernière a tirées au sujet de sa crédibilité sont manifestement déraisonnables. Le demandeur soulève également une question au sujet de l'ordre des interrogatoires à la lumière du jugement rendu par notre Cour dans l'affaire Thamotharem c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2006] A.C.F. no 8, 2006 CF 16.

 

[3]               Pour les motifs qui suivent, je suis convaincue qu'il y a lieu de faire droit à la demande.

 

I.          Analyse

[4]               La Commission a estimé que le demandeur était demeuré vague et évasif dans son témoignage et qu'il n'avait pas témoigné de façon franche. La Commission a par ailleurs relevé des contradictions entre le témoignage du demandeur et la preuve documentaire et elle a estimé que certains aspects du récit du demandeur étaient invraisemblables.

 

[5]               Conformément à la pratique suivie à ce moment-là par la Commission, le commissaire a d'abord interrogé le demandeur. Malgré le fait que le demandeur était représenté par un avocat, aucune objection n'a été soulevée à l'audience au sujet de cette façon de procéder.

 

[6]               Après avoir lu en entier la transcription des débats, je constate qu'à plusieurs reprises, le commissaire et le demandeur ne se comprenaient pas l'un l'autre et qu'on assistait plus souvent qu'autrement à un dialogue de sourds. Bon nombre des questions posées par le commissaire étaient longues et quelque peu alambiquées, et il est tout à fait évident que le demandeur ne saisissait pas toujours avec exactitude ce que le commissaire voulait savoir.

 

[7]               On en trouve une illustration dans le long échange qui a eu lieu entre le commissaire et le demandeur au sujet du degré de connaissance que le demandeur avait des organisations Falun Gong au Canada. On en trouve un autre exemple dans la série de questions et de réponses portant sur la nature et l'ampleur des rapports du demandeur avec le BSP.

 

[8]               À d'autres moments, les questions posées par le commissaire comportaient plusieurs volets et on ne pouvait savoir avec certitude sur quel aspect portait la réponse du demandeur, ainsi que l'illustre l'échange de propos survenu entre le commissaire et le demandeur au sujet d'une démonstration d'un exercice du Falun Gong faite par le demandeur à l'audience.

 

[9]               Voici, à cet égard, un extrait de l'échange en question. Le commissaire a dit : [traduction] « D'accord. Pouvez-vous m'expliquer pourquoi vous faisiez ces mouvements? Est‑ce que vos mains touchaient une partie quelconque de votre corps? » Le demandeur a répondu par l'affirmative, à la suite de quoi le commissaire lui a posé une question portant sur un sujet entièrement différent. On ne sait pas avec certitude si la réponse positive du demandeur visait la première ou la seconde question posée par le commissaire.

 

[10]           Ce qui est clair, toutefois, c'est que lorsque le commissaire est revenu sur cette question après avoir posé quelques autres questions, le demandeur a essayé de bien faire comprendre qu'il n'avait jamais reconnu avoir touché à son corps. Pourtant, la conclusion du commissaire sur le manque de crédibilité du demandeur repose en partie sur cet échange.

 

[11]           Il est couramment admis que les demandeurs d'asile sont appelés à témoigner dans un environnement peu familier et que, la plupart du temps, ils ne connaissent pas très bien la procédure, peuvent être intimidés par les personnes qui sont en situation d'autorité, peuvent souffrir de problèmes psychologiques et doivent souvent surmonter des obstacles linguistiques et culturels importants lorsqu'ils exposent leur version des faits. En conséquence, que le demandeur d'asile soit interrogé d'abord par son propre conseil ou par le président de l'audience, il est de toute évidence important que les questions qui lui sont posées soient simples et claires.

 

[12]           Ce principe est encore plus vrai lorsque, comme en l'espèce, les communications échangées entre le commissaire et le demandeur d'asile devaient être filtrées par un interprète.

 

[13]           Bien qu'il soit admis qu'il y a lieu de faire preuve de retenue envers les conclusions tirées par les commissaires au sujet de la crédibilité, je suis convaincue, compte tenu des circonstances particulières de la présente affaire, que le commissaire a agi de façon manifestement déraisonnable en fondant sa conclusion que le demandeur était vague et évasif dans son témoignage sur des réponses qui démontraient de façon évidente que le demandeur ne comprenait pas les questions qui lui était posées.

 

II.         Conclusion

[14]           Pour ces motifs, la demande de contrôle judiciaire est accueillie.

 


III.       Certification

[15]           Le demandeur a invité la Cour à certifier certaines questions au sujet de la politique relative à l'ordre inversé des interrogatoires de la Commission. Comme ma décision ne porte pas sur la justesse de la politique sur l'ordre inversé des interrogatoires elle-même, je refuse de certifier les questions proposées.

 

 

JUGEMENT

 

 

LA COUR ORDONNE :

1.         La présente demande de contrôle judiciaire est accueillie et l'affaire est renvoyée à un tribunal différemment constitué de la Commission pour qu'il rende une nouvelle décision;

 

2.         Aucune question grave de portée générale n'est certifiée.

 

 

« Anne Mactavish »

Juge

 

Traduction certifiée conforme

Christiane Bélanger, LL.L.

 

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        IMM-13-06

 

 

INTITULÉ :                                       DONG SHENG GUO c. MCI

 

 

LIEU DE L'AUDIENCE :                 TORONTO (ONTARIO)

 

 

DATE DE L'AUDIENCE :               LE 5 OCTOBRE 2006

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                              LA JUGE MACTAVISH

 

 

DATE DES MOTIFS :                      LE 11 OCTOBRE 2006

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Me Marvin Moses                                                                     POUR LE DEMANDEUR

 

Me Negar Hashemi                                                                   POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Me Marvin Moses                                                                     POUR LE DEMANDEUR

Toronto (Ontario)

 

John H. Sims, c.r.                                                                     POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

 

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