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Date : 20060925

Dossier : IMM-667-06

Référence : 2006 CF 1111

ENTRE :

SOUDY BAKARY

Demandeur

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

Défendeur

 

 

 

MOTIFS DE JUGEMENT

 

LE JUGE PINARD

 

[1]          Il s’agit ici d’une demande de contrôle judiciaire d’une décision de la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (la CISR) rendue le 12 janvier 2006, statuant que le demandeur n’est pas un « réfugié au sens de la Convention » ni une « personne à protéger » selon les définitions données aux articles 96 et 97 respectivement de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. (2001), ch. 27.

 

[2]          Soudy Bakary (le demandeur), un citoyen de la République du Tchad, allègue craindre retourner dans son pays parce que sa famille serait dans la mire du pouvoir et aussi en raison de son militantisme.

 

[3]          La CISR a conclu que le demandeur n’était pas crédible et que son témoignage n’était pas digne de foi.

 

[4]          À titre d’objections préliminaires, le défendeur soutient d’abord que l’affidavit déposé par le demandeur n’est pas conforme à l’alinéa 10(2)d) des Règles des Cours fédérales en matière d’immigration et de protection des réfugiés, DORS/93-22, telles que modifiées, lequel se lit comme suit :

10. (2) Le demandeur signifie à chacun des défendeurs qui a déposé et signifié un avis de comparution un dossier composé des pièces suivantes, disposées dans l’ordre suivant sur des pages numérotées consécutivement :

[…]

d) un ou plusieurs affidavits établissant les faits invoqués à l’appui de sa demande,

[…]

et le dépose avec la preuve de la signification.

 

 

   10. (2) The applicant shall serve on every respondent who has filed and served a notice of appearance, a record containing the following, on consecutively numbered pages, and in the following order

 

   […]

 

   (d) one or more supporting affidavits

   verifying the facts relied on by the

   applicant in support of the

   application, and

 

   […]

 

and file it, together with proof of service.

 

 

[5]          Selon le défendeur, les paragraphes 8, 17, 48 et 51 de l’affidavit du demandeur, déposé au soutien de sa demande d’autorisation, consistent en des conclusions et des arguments sur le bien-fondé de la décision de la CISR au lieu de porter sur les faits et, par conséquent, ces affirmations sont inadmissibles. Je suis d’accord avec le défendeur.

 

[6]          Le défendeur soumet ensuite que la pièce « B » de l’affidavit du demandeur doit être ignorée par la Cour puisque ce document n’était pas en preuve devant la CISR. Il s’agit en effet d’un affidavit signé par le frère du demandeur et la date de celui-ci est évidemment postérieure à la décision de la CISR. Or, il est bien établi que toute preuve nouvelle, non déposée devant la CISR ou n’existant pas lors de sa prise de décision, doit être écartée par cette Cour (Asafov c. Ministre de l’Emploi et de l’Immigration, [1994] A.C.F. no 713 (1re inst.) (QL) et Hermas c. Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration, 2005 CF 1649). Il importe en outre de référer à ce qui a été exprimé par la Cour dans 594872 Ontario Inc. c. Canada, [1992] A.C.F. no 253 (1re inst.) (QL) :

     En tout état de cause, je trouve convaincant l'argument de l'avocat de l'intimée. L'affidavit de Sebold qui est produit comme une pièce jointe à l'affidavit de Kimball a la même qualité que celle de toute autre pièce jointe à un affidavit. Il n'a pas la qualité indépendante d'un affidavit signifié dans les présentes procédures auquel le contre-interrogatoire prévu à la Règle 332.1 s'applique. . . .

 

 

 

[7]          De plus, dans l’affaire Zaman c. Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration, [1997] A.C.F. no 646 (1re inst.) (QL), mon collègue le juge Gibson a cité 594872 Ontario Inc. et a ensuite énoncé :

     L'affidavit du requérant n'est pas « purement formel » et il a été souscrit par une personne qui connaît à fond les questions en litige dans la présente affaire. On ne peut donc pas dire que son affidavit a « peu ou pas de poids ». En revanche, le requérant a effectivement protégé contre le contre-interrogatoire les deux personnes qui ont souscrit les affidavits annexés à son affidavit. Dans ces conditions, je ne suis pas disposé à accorder à ces affidavits quelque valeur que ce soit dans la présente affaire. . . .

 

 

 

[8]          À mon avis, en l’espèce, le résultat devrait être le même que dans l’affaire Zaman et l’affidavit de Bello Bakary, produit comme pièce jointe à un affidavit, ne devrait se voir accorder aucun poids.

 

[9]          En ce qui concerne les arguments du demandeur, celui-ci reproche d’abord à la CISR d’avoir omis d’analyser le critère d’appartenance au groupe social que constitue la famille. Selon lui, la CISR, dans son analyse, n’a pas contesté son appartenance à la famille Bakary qui, selon la preuve, a subi la persécution, plusieurs membres de la famille ayant dû se réfugier à l’étranger, plusieurs étant au Canada comme réfugiés reçus.

 

[10]      À mon avis, toutefois, une simple lecture de la décision permet de constater que la CISR a clairement considéré et analysé la revendication du demandeur comme étant basée sur sa prétendue appartenance au groupe social de la famille. De plus, la jurisprudence de cette Cour a établi dans de très nombreuses décisions que la CISR n’est pas liée par le résultat obtenu dans une autre revendication et ce, même lorsqu’il s’agit d’un parent, puisque la détermination du statut de réfugié se fait cas par cas et qu’il est aussi possible que l’autre décision soit erronée (voir, entre autres, Rahmatizadeh c. Ministre de l’Emploi et de l’Immigration, [1994] A.C.F. no 578 (1re inst.) (QL); Museghe c. Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration, 2001 CFPI 1117; Singh c. Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration, 2002 CFPI 1013; Matlija c. Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration, 2003 CFPI 704; Gjergo c. Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration, 2004 CF 303 et Bromberg c. Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration, 2002 CFPI 939). Je suis donc d’avis que la CISR n’a pas omis de considérer le critère d’appartenance au groupe social de la famille.

 

[11]      Pour le reste, le demandeur s’en prend à l’appréciation des faits faite par la CISR. Après révision de la preuve, je suis d’avis que ce tribunal a fourni des motifs clairs et non équivoques concernant le manque de crédibilité de l’histoire du demandeur et le rejet de sa demande d’asile. De façon générale, la décision de la CISR s’appuie sur la preuve présentée, s’en infère raisonnablement et respecte les principes de droit applicables. Aucun des arguments présentés par le demandeur ne démontre que la CISR a commis une erreur manifestement déraisonnable ou a tiré des conclusions de fait erronées, arbitraires ou n’a pas tenu compte des éléments de preuve dont elle disposait. En conséquence, l’intervention de cette Cour n’est pas justifiée.

 

[12]      La demande de contrôle judiciaire est donc rejetée.

 

 

                                                                                                            « Yvon Pinard »           

                                                                                                                    Juge

 

Ottawa (Ontario)

Le 25 septembre 2006

 

 

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        IMM-667-06

 

INTITULÉ :                                       SOUDY BAKARY c. LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Montréal (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 22 août 2006

 

MOTIFS DE JUGEMENT :             Le juge Pinard

 

DATE DES MOTIFS :                      Le 25 septembre 2006

 

 

COMPARUTIONS :

 

Me Lia Cristinariu

 

POUR LE DEMANDEUR

Me Evan Liosis

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Lia Cristinariu

Montréal (Québec)

 

POUR LE DEMANDEUR

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 


 

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