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Date : 20060821

Dossier : IMM-4012-05

Référence : 2006 CF 1007

ENTRE :

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

demandeur

et

 

PIOTR MALARSKI

défendeur

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

 

LA JUGE SIMPSON

 

[1]               Le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration (le ministre) a demandé le contrôle judiciaire de la décision du 13 juin 2005 par laquelle la Section d’appel de l’immigration (la SAI) a rejeté l’avis du ministre notifiant la révocation du sursis à l’exécution de la mesure d’expulsion visant le défendeur (la décision). La présente demande porte essentiellement sur un différend entre le ministre et la SAI relativement à la compétence qu’a cette dernière de rendre la décision.


LE CONTEXTE

 

[2]               Le défendeur est un citoyen de la Pologne âgé de 32 ans. Le 26 mars 1990, il est venu au Canada avec son père et est devenu un résident permanent. Au Canada, le demandeur a fréquenté l’école de la 9e à la 12e années. En 1996, le défendeur a commencé à travailler dans le secteur de la construction.

 

[3]               Le 22 novembre 2000, un arbitre de l’immigration a pris une mesure d’expulsion à l’encontre du défendeur parce qu’il avait fait l’objet de diverses condamnations (la mesure d’expulsion). Le défendeur a interjeté appel de la mesure d’expulsion devant la SAI (l’appel) et, le 12 mars 2003, la SAI a accordé au défendeur un sursis de trois ans à l’exécution de la mesure (le sursis). Le sursis, accordé du consentement du ministre, était assorti des conditions suivantes :

·        le défendeur était tenu d’informer le ministère de la Citoyenneté et de l’Immigration (le ministère) de tout changement d’adresse (la première condition);

·        le défendeur ne pouvait commettre d’infractions pénales (la seconde condition). « La présente condition ne s’applique pas aux accusations en instance relativement à un bris de prison ou à une tentative d’évasion en vertu de l’article 144 du Code criminel » (l’exception).             [Souligné dans l’original.]

 

[4]               Les accusations en instance visées par l’exception avaient trait à un incident survenu en 2001. On a assorti la seconde condition de cette exception pour s’assurer qu’une condamnation fondée sur ces accusations ne constituerait pas la violation d’une condition du sursis.

 

[5]               Le 11 août 2004, le défendeur a été déclaré coupable de deux infractions, dont l’une pour tentative d’évasion, infraction visée à l’article 144 du Code criminel du Canada, L.R.C. 1985, ch. C‑46 (la condamnation).

 

[6]               Le 29 mars 2005, le ministre a envoyé une lettre au défendeur, à sa dernière adresse connue, pour l’informer de la révocation de plein droit du sursis en raison de la condamnation (la révocation). On informait également le défendeur que la mesure d’expulsion était de nouveau en vigueur.

 

[7]               Par lettre du ministre datée du 29 mars 2005, la SAI était avisée de la révocation.

 

DÉCISION DE LA SAI

 

[8]               La SAI a traité la révocation comme une demande présentée par le ministre pour que l’appel soit classé et le sursis révoqué. La SAI a examiné la question et rejeté la demande du ministre. Dans sa décision, la SAI rejetait la révocation et signalait que l’exception venait exclure la condamnation comme motif d’annulation du sursis. Selon la SAI, la tentative par le ministre dans les circonstances de révoquer le sursis constituait un abus de procédure.

 

QUESTIONS EN LITIGE

 

[9]               Les questions en litige sont les suivantes :

1.                  La SAI avait-elle compétence pour rejeter la demande du ministre ou, autrement dit, la SAI avait-elle compétence pour apprécier la révocation sur le fond ou encore son bien-fondé?

2.                  La SAI a‑t‑elle commis une erreur en concluant qu’il n’y avait pas eu violation de la seconde condition du fait que l’exception s’appliquait?

 

ANALYSE

 

1re question en litige

 

[10]           Le sursis a été accordé en application de l’ancienne Loi sur l’immigration, L.R.C. 1985, ch. I‑2. En vertu de l’article 197 de la LIPR, l’appelant qui ne respecte pas les conditions d’un sursis dont il fait l’objet au titre de l’ancienne Loi sur l’immigration est assujetti au paragraphe 68(4) de la LIPR. Voici l’article 197 de la LIPR :

 

197. Malgré l’article 192, l’intéressé qui fait l’objet d’un sursis au titre de l’ancienne loi et qui n’a pas respecté les conditions du sursis, est assujetti à la restriction du droit d’appel prévue par l’article 64 de la présente loi, le paragraphe 68(4) lui étant par ailleurs applicable.

 

197. Despite section 192, if an appellant who has been granted a stay under the former Act breaches a condition of the stay, the appellant shall be subject to the provisions of section 64 and subsection 68(4) of this Act.

 

 

[11]           Nulle ne conteste que, n’eût été de l’exception, la condamnation aurait constitué la violation d’une condition du sursis.

 

[12]           Il est dit dans la révocation que le défendeur a violé une condition de son sursis lorsqu’il a été déclaré coupable de tentative d’évasion en application de l’article 144 du Code criminel et que cette violation déclenche l’application de l’article 197 de la LIPR. Cela, à son tour, a assujetti le défendeur au paragraphe 68(4) de la même loi.

 

[13]           Aux termes du paragraphe 68(4) de la LIPR, le sursis de la mesure de renvoi visant un résident permanent pour interdiction de territoire pour grande criminalité ou criminalité est révoqué de plein droit en certaines circonstances :

68(4) Le sursis de la mesure de renvoi pour interdiction de territoire pour grande criminalité ou criminalité est révoqué de plein droit si le résident permanent ou l’étranger est reconnu coupable d’une autre infraction mentionnée au paragraphe 36(1), l’appel étant dès lors classé.

68(4) If the Immigration Appeal Division has stayed a removal order against a permanent resident or a foreign national who was found inadmissible on grounds of serious criminality or criminality, and they are convicted of another offence referred to in subsection 36(1), the stay is cancelled by operation of law and the appeal is terminated.

 

[14]           Une déclaration de culpabilité en application de l’article 144 du Code criminel constitue de la grande criminalité en vertu du paragraphe 36(1) de la LIPR et, par conséquent, le sursis est révoqué de plein droit et l’appel est classé. Le ministre soutient que, cela étant, la SAI n’a plus compétence sur la question.

 

[15]           En vertu de l’article 27 des Règles de la section d’appel de l’immigration, DORS/2002-230, modif. par L.C. 2002, ch. 8, alinéa 182(3)a), le ministre doit, dans le cas où le sursis d’une mesure de renvoi est révoqué par application du paragraphe 68(4) de la LIPR, transmettre un avis écrit à la SAI :

27. (1) Dans le cas où le sursis d’une mesure de renvoi est révoqué par application du paragraphe 68(4) de la Loi, le ministre transmet un avis écrit à la personne en cause et à la Section.

27. (1) If a stay of removal is cancelled under subsection 68(4) of the Act, the Minister must provide the Division and the subject of the appeal with written notice of the cancellation.

 

[16]           Le ministre déclare que l’avis écrit de la révocation qu’il a transmis à la SAI et au défendeur exprime le fait que le sursis est déjà révoqué de plein droit par application du paragraphe 68(4). Le ministre soutient qu’une fois un tel avis transmis, la SAI n’a plus compétence pour examiner l’appel du défendeur ou un sursis connexe.

 

CONCLUSIONS

 

[17]           Pour ce qui est de la première question en litige, je souscris aux arguments du ministre et je conclus que la SAI n’avait pas compétence pour considérer la révocation comme une requête pour nouvel examen et pour rendre sa décision de rejeter la révocation. Par conséquent, la demande sera accueillie et la décision de la SAI annulée.

 

[18]           Pour ce qui est de la deuxième question en litige, quoique la SAI n’ait pas eu compétence pour examiner la question, elle semble en être arrivée à la conclusion correcte. On ne renvoie dans la révocation qu’à la condamnation et, compte tenu de l’exception, la condamnation ne violait pas la seconde condition du sursis. Le paragraphe 68(4) de la LIPR, par conséquent, n’a pas entraîné la révocation du sursis de plein droit parce qu’on n’en aurait pas respecté une condition. La révocation est donc sans effet.

 

[19]           Je ne me prononce pas, toutefois, quant à savoir si la première condition a été violée et si une autre révocation pourrait être justifiée du fait que le défendeur n’a pas informé le ministère de son changement d’adresse.

 

 

« Sandra J. Simpson »

Juge

 

Ottawa (Ontario)

Le 21 août 2006

 

 

Traduction certifiée conforme

Alphonse Morissette, trad. a., LL.L

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        IMM-4012-05

 

 

INTITULÉ :                                       MCI c. PIOTR MALARSKI

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 TORONTO

 

 

DATE DE L’AUDIENCE :               LE 4 AVRIL 2006

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT :            LA JUGE SIMPSON

 

 

DATE DES MOTIFS :                      LE 21 AOÛT 2006

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

 

Bridget O’Leary

Toronto (Ontario)

POUR LE DEMANDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

 

John H. Sims

Sous-procureur général du Canada

POUR LE DEMANDEUR

 

 

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