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     IMM-1083-96

     OTTAWA, LE JEUDI 23 OCTOBRE 1997

     EN PRÉSENCE DU JUGE EN CHEF ADJOINT

ENTRE :

     RAMNARAYAN SINGH, NAVIN SINGH et ANOOP SINGH

     par l"entremise de son tuteur à l"instance, Ramnarayan Singh,

     requérants,

     et

     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L"IMMIGRATION,

     intimé.

     O R D O N N A N C E

     VU la demande de contrôle judiciaire d"une décision rendue le 5 mars 1996, après avoir examiné la documentation déposée, après avoir entendu les avocats pour toutes les parties à Toronto (Ontario), le 27 mai 1997, et pour les motifs d"ordonnance exposés aujourd"hui,

     IL EST PAR LA PRÉSENTE ORDONNÉ que la demande soit rejetée.

     " James A. Jerome "

     __________________________________

     Juge en chef adjoint

Traduction certifiée conforme :      __________________________________

     Jacques Deschênes

     IMM-1083-96

ENTRE :

     RAMNARAYAN SINGH, NAVIN SINGH et ANOOP SINGH

     par l"entremise de son tuteur à l"instance, Ramnarayan Singh,

     requérants,

     et

     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L"IMMIGRATION,

     intimé.

     MOTIFS DE L"ORDONNANCE

LE JUGE EN CHEF ADJOINT JEROME

     Il s"agit d"une demande de contrôle judiciaire d"une décision rendue le 5 mars 1996, déclarant que les requérants ne peuvent être considérés comme " immigrants visés par une mesure de renvoi à exécution différée ", qui m"a été présentée à Toronto (Ontario), le 27 mai 1997. À la clôture de l"argumentation orale, j"ai décidé de surseoir au prononcé de la décision et indiqué que des motifs écrits suivraient.

     Ramnarayan Singh est citoyen du Sri Lanka, de même que son fils, alors que son épouse, Navin, est citoyenne de l"Inde. Les requérants sont venus au Canada en passant par les États-Unis le 12 juin 1991, et ont demandé le statut de réfugié. Le 3 novembre 1992, la Section du statut de réfugié (SSR) a déterminé que Ramnarayan et Anoop Singh n"étaient pas des réfugiés au sens de la Convention. Par une lettre en date du 16 mai 1994, ils ont reçu l"ordre de se présenter aux fins de leur renvoi le 9 juin 1994. Toutefois, cet ordre a été rescindé par suite d"une déclaration du ministre en date du 20 mai. Une autre lettre, en date du 24 mai 1995, leur demandait de se présenter volontairement aux fins de leur renvoi le 22 juin 1995, mais les requérants ont répondu par lettre qu"ils ne se présenteraient pas, parce que cela signifierait leur séparation de Navin Singh et les empêcherait de présenter une demande d"examen à titre d"immigrants visés par une mesure de renvoi à exécution différée (IMRED). Le 15 septembre 1995, les requérants ont reçu une autre lettre leur ordonnant de se présenter aux fins de leur renvoi le 5 octobre 1995. Les requérants ont demandé le contrôle judiciaire de cette décision et un sursis à l"exécution de la mesure de renvoi, qui leur a été accordé le 29 septembre 1995. Le 5 janvier 1996, les parties ont été informées que la demande d"autorisation avait été rejetée en raison de l"omission du requérant de déposer un dossier de demande; il a par conséquent été mis fin au sursis qui avait été accordé en septembre. Le même jour, le requérant a présenté une demande en vertu de la réglementation applicable aux IMRED, demande qui a été rejetée le 5 mars 1996. La demande du statut de réfugié présentée par Navin Singh a été reportée, à la demande de son avocat, jusqu"à ce que la demande de son mari et de son fils puisse être traitée. Le 18 décembre 1995, il a été déterminé qu"elle n"est pas une réfugiée au sens de la Convention.

     La décision du 5 mars 1996 affirmait simplement que les requérants Ramnarayan et Anoop Singh n"étaient pas admissibles à être considérés comme IMRED parce qu"il ne s"était pas écoulé trois ans depuis l"expiration de leur plus récent sursis.

     Le Règlement sur l"immigration de 1978, et modifications, définit de la façon suivante l"admissibilité à être considéré comme IMRED :

     "immigrant visé par une mesure de renvoi à exécution différée" Immigrant qui, à la fois :         
     a) est visé par une mesure de renvoi ou fait l'objet d'un avis d'interdiction de séjour conditionnelle, d'un avis d'interdiction de séjour ou d'une mesure de renvoi conditionnel au sens du paragraphe 2(1) de la Loi dans sa version antérieure au 1er février 1993;         
     b) a présenté le 1er janvier 1989 ou après cette date une revendication du statut de réfugié au sens de la Convention et n'est pas une personne dont la revendication a été jugée irrecevable par la section du statut en application de l'article 46.01 de la Loi ou en application de l'article 46.01 de la Loi dans sa version antérieure au 1er février 1993;         
     c) a fait l'objet d'une décision de la section du statut lui refusant le statut de réfugié au sens de la Convention ou a fait l'objet d'une décision de l'arbitre et d'un membre de la section du statut, dans le cadre de l'audience prévue au paragraphe 44(3) de la Loi dans sa version antérieure au 1er février 1993, portant que sa revendication n'a pas un minimum de fondement;         
     d) est une personne qui, le 7 juillet 1994 ou après cette date :         
         (i) soit a déposé une demande d'autorisation relative à la présentation d'une demande de contrôle judiciaire devant la Section de première instance de la Cour fédérale ou a interjeté appel devant la Cour d'appel fédérale, la Cour suprême du Canada ou une cour provinciale, relativement à une décision ou une ordonnance rendues, à une mesure prise ou à toute question soulevée dans le cadre de la Loi ou de ses textes d'application, si au moins trois ans se sont écoulés depuis le dernier en date des événements suivants :                 
             (A) la prise ou la délivrance de la mesure ou de l'avis visés à l'alinéa a),                         
             (B) la plus récente des décisions visées à l'alinéa c),                         
             (C) la fin de toute suspension judiciaire de l'exécution de la mesure de renvoi visée à l'alinéa a) ou de tout sursis d'exécution de celle-ci prévu par la législation,                         
             (D) l'expiration ou le retrait de tout engagement, de la part du ministre ou du gouvernement du Canada, de ne pas renvoyer l'immigrant du Canada,                         
         (ii) soit n'a déposé aucune demande ni interjeté appel aux termes du sous-alinéa (i), si au moins trois ans se sont écoulés depuis le dernier en date des événements suivants :                 
             (A) la prise ou la délivrance de la mesure ou de l'avis visés à l'alinéa a),                         
             (B) la plus récente des décisions visées à l'alinéa c),                         
             (C) l'expiration ou le retrait de tout engagement, de la part du ministre ou du gouvernement du Canada, de ne pas renvoyer l'immigrant du Canada,                         
             (D) la fin du sursis d'exécution de la mesure de renvoi visée à l'alinéa a) accordé en vertu de l'alinéa 49(1)b) ou de l'article 73 de la Loi,                         
             (E) la fin de la période pendant laquelle la mesure de renvoi visée à l'alinéa a) ne peut être exécutée selon l'article 50 de la Loi;                         
     e) s'il fait l'objet d'une décision visée à l'alinéa c) prise le 7 juillet 1994 ou après cette date, a, pour permettre d'établir qu'il peut être renvoyé dans le pays dont il est citoyen ou ressortissant, dans son pays natal, dans le pays où il avait sa résidence permanente avant de venir au Canada, dans le pays d'où il est arrivé ou dans tout autre pays, fourni des documents dans les 90 jours qui suivent la plus tardive des dates suivantes :         
         (i) le 7 novembre 1994,                 
         (ii) la date de la plus récente des décisions visées à l'alinéa c),                 
         (iii) la date où a pris fin toute suspension judiciaire de l'exécution de la mesure de renvoi visée à l'alinéa a) ou tout sursis d'exécution de celle-ci prévu par la législation,                 
         (iv) la date de l'expiration ou du retrait de tout engagement, de la part du ministre ou du gouvernement du Canada, de ne pas renvoyer l'immigrant du Canada;                 
         (v) la fin du sursis d'exécution de la mesure de renvoi visée à l'alinéa a) accordé en vertu de l'alinéa 49(1)b) ou de l'article 73 de la Loi,                 
         (vi) la fin de la période pendant laquelle la mesure de renvoi visée à l'alinéa a) ne peut être exécutée selon l'article 50 de la Loi;                 
     f) n'a pas entravé ni retardé l'exécution d'une mesure d'exclusion ou d'une mesure d'expulsion dont il fait l'objet, notamment en omettant de se présenter à l'entrevue préalable au renvoi ou de se présenter pour être renvoyé selon les dispositions prises par l'agent d'immigration;         
     g) s'il fait l'objet d'une mesure de renvoi ou d'une mesure de renvoi conditionnel prises le 7 juillet 1994 ou après cette date, s'est conformé à la condition d'informer l'agent d'immigration de tout changement d'adresse, laquelle condition a été fixée en vertu des paragraphes 103(3) ou (3.1) de la Loi;         
     h) n'appartient pas, non plus que les personnes à sa charge au Canada, à l'une des catégories visées aux alinéas 19(1)c) à g) et i) à l) et (2)a) à b) de la Loi;         
     i) n'a pas, non plus que les personnes à sa charge au Canada, été déclaré coupable d'un acte criminel ou d'une infraction visés au sous-alinéa 27(1)a.1)(i) ou aux alinéas 27(1)d) ou (2)d) de la Loi. [Définition abrogée par DORS/97-182.]         

     La disposition pertinente aux fins du présent contrôle judiciaire est l"alinéa d )(i)(C), que les requérants contestent par les moyens suivants. Premièrement, leur admissibilité à un examen en vertu de la réglementation applicable aux IMRED ne devrait pas être retardée alors qu"ils cherchent à s"en prévaloir. Deuxièmement, comme cette disposition restreint l"accès au contrôle judiciaire, elle devrait être radiée comme étant contraire à l"ordre public. Troisièmement, le ministre utilise en l"espèce la réglementation de manière à priver les requérants de leur droit de rester au Canada pendant trois ans à la suite d"une décision défavorable de la SSR. Finalement, le ministre a fait preuve de mauvaise foi dans l"application du principe " dernier arrivé, premier expulsé ".

     Ces arguments supposent que la réglementation relative aux IMRED crée un droit ou avantage de fond. Cependant, dans deux décisions rendues récemment, notre Cour a statué sur cette même question qu"elle a tranchée différemment. Dans la décision Darmantchev v. Canada (Minister of Citizenship and Immigration) , (1995) 32 Imm. L.R. 65, le juge Wetston a déterminé que les particuliers n"ont pas le droit d"être considérés comme IMRED, mais qu"ils doivent être acceptés comme tels à la suite d"un processus de sélection :

         J'estime que, en l'espèce, il n'existe aucune obligation, expresse ou implicite, qui découle de l'économie de la Loi sur l'immigration et de son règlement. L'article 48 de la Loi sur l'immigration exige que la mesure de renvoi soit exécutée dès que les circonstances le permettent. La catégorie réglementaire des IMRED vise, non pas à conférer un droit ou avantage de fond à certains demandeurs du statut de réfugié déboutés, mais à fournir au ministre une méthode améliorée et efficace de résoudre les cas de certains demandeurs du statut de réfugié déboutés qui n'ont pas été renvoyés pendant plusieurs années. En application de l'article 48 de la Loi sur l'immigration, le ministre est légalement tenu d'effectuer des renvois.                 

     Le juge McKay dans la décision Alexander v. Canada (Minister of Citizenship and Immigration), (1996) 115 F.T.R. 218, a rejeté une requête semblable, présentée par des requérants qui avaient trois mois à faire avant de relever de la réglementation relative aux IMRED. Après avoir cité Darmantchev, il a ajouté :

         Les requérantes n'ont pas le droit de demeurer au Canada du simple fait qu'elles sont sur le point de remplir les conditions exigées par le Règlement sur les immigrants visés par une mesure de renvoi à exécution différée. Ce règlement prévoit qu'une personne ne peut être considérée comme un immigrant visé par une mesure de renvoi à exécution différée que si elle satisfait à certains critères et notamment si elle a résidé au Canada pendant une période de trois ans à la suite du rejet de sa revendication du statut de réfugié. Dans le cas qui nous occupe, les requérantes ne satisfont pas à ce critère et on ne saurait donc prétendre qu'elles ont le droit de demeurer au Canada par application de ce règlement ou de tout autre règlement. En outre, ainsi que je l'ai déjà signalé, les requérantes n'ont pas démontré que la procédure suivie en l'espèce était injuste. Bien que les requérantes soutiennent qu'il est injuste de les renvoyer alors qu'elles sont sur le point de remplir les conditions requises pour pouvoir invoquer le Règlement sur les immigrants visés par une mesure de renvoi à exécution différée, je suis lié par les exigences de ce règlement, qui a été pris en conformité avec la Loi édictée par le Parlement. La détermination de la période de résidence au Canada nécessaire pour remplir les conditions prévues pour être considéré comme un immigrant visé par une mesure de renvoi à exécution différée est une question qui relève du législateur et non de notre Cour. Ainsi, étant donné que les requérantes ne satisfont pas, de leur propre aveu, aux exigences prévues par le Règlement sur les immigrants visés par une mesure de renvoi à exécution différée, rien ne justifie l'intervention de la Cour en ce qui concerne la décision de reporter ou d'annuler leur renvoi. [Page 262.]                 

En l"espèce, les requérants n"ont pas satisfait à l"exigence minimale énoncée au sous-alinéa d )(i)(C), étant donné que leur dernier sursis a expiré il y a moins de trois ans. En conséquence, ils n"ont jamais été admissibles à être considérés comme IMRED, comme le dit la décision du 5 mars 1996 qu"ils contestent.

         La demande de contrôle judiciaire est par conséquent rejetée.

OTTAWA,

23 octobre 1997      " James A. Jerome "

     __________________________

     Juge en chef adjoint

Traduction certifiée conforme :      __________________________

     Jacques Deschênes

     COUR FÉDÉRALE DU CANADA

     SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

     AVOCATS ET PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER

No DU GREFFE:                      IMM-1083-96
INTITULÉ DE LA CAUSE:              Ramnarayan Singh et autres
                             c.
                             Le ministre de la Citoyenneté
                             et de l"Immigration
LIEU DE L'AUDIENCE:                  Toronto (Ontario)
DATE DE L'AUDIENCE:                  27 mai 1997
MOTIFS DE L'ORDONNANCE RENDUS PAR:      LE JUGE EN CHEF ADJOINT
DATE:                          23 octobre 1997

ONT COMPARU:

Mme Arlene Tinkler                  pour le requérant
Mme Lori Hendriks                  pour l'intimé

PROCUREURS AU DOSSIER:

Jackman & Associates              pour le requérant

Toronto (Ontario)

M. George Thomson                  pour l'intimé

Sous-procureur général

du Canada

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